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Décisions | Chambre civile

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C/19222/2020

ACJC/860/2025 du 24.06.2025 sur JTPI/14980/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.33.al2; CO.373; CO.364
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19222/2020 ACJC/860/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 24 JUIN 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 décembre 2023, représenté par Me Alain LEVY, avocat, rue de la Fontaine 7, Case postale 3372,
1211 Genève 3.

et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Marc-Ariel ZACHARIA, avocat, Lemania Law Avocats, rue de Hesse 16, 1204 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14980/2023 rendu le 15 décembre 2023, le Tribunal de première instance a condamné A______ à payer 508'947 fr. 15 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2019 à B______ SA (chiffre 1 du dispositif), prononcé à concurrence de ce montant la mainlevée de l'opposition au commandement de payer poursuite n° 1______ (ch. 2), mis les frais judiciaires, arrêtés à 34'700 fr. et compensés avec les avances fournies par les parties, à la charge de A______ (ch. 3), condamné ce dernier à verser 32'700 fr. à B______ SA au titre du remboursement des frais judiciaires (ch. 3) et 25'935 fr. au titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 1er février 2024, A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 19 décembre 2024, concluant à son annulation et au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais.

b. Dans sa réponse du 22 avril 2024, B______ SA a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais.

c. A______ a répliqué, persistant dans les conclusions de son appel.

d. B______ SA ayant renoncé à dupliquer, la cause a été gardée à juger le 17 juillet 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En 2018, A______ a décidé de faire construire une villa sur le terrain dont il est propriétaire au chemin 2______ à C______ (Genève).

Dans le cadre de ce projet, il a fait appel au cabinet d'architectes D______, dirigé par E______, et à F______, ingénieur de formation, pour le conseiller.

b. B______ SA, dont le siège est à G______ (Genève), est une société d'entreprise générale du bâtiment active dans l'exécution de travaux publics, de peinture et gypserie, de génie civil et de constructions de toute nature.

c. Le 26 février 2018, sur la base d'une offre de B______ SA datée du 13 juillet 2017, A______, représenté par le bureau d'architectes D______, chargé de la direction des travaux, et B______ SA ont conclu un contrat d'entreprise portant sur la construction d'une maison individuelle, piscines, garage et couvert (ci-après : le contrat de base).

Le contrat avait pour objet l'adjudication à B______ SA des travaux de démolition, défrichage (60'000 fr. HT), abattage d'arbres (12'000 fr. HT), terrassement, travaux spéciaux (487'336 fr. HT) et maçonnerie, béton armé (887'637 fr. 20 HT).

La fin des travaux était prévue le 20 décembre 2018, avec une réception des travaux au printemps 2019 (art. 4).

Les parties ont notamment prévu les clauses suivantes dans leur contrat :

-          "Le montant de 1'450'000 fr. est un prix forfaitaire, soit une rémunération fixe et non révisable de toutes les prestations promises par l'entrepreneur. Les éventuelles modifications contractuelles demeurent réservées (art. 2 du contrat).

-          "Aucun travail en régie ne sera accepté, les modifications, petits travaux complémentaires ou les remises en état après détérioration devront faire l'objet de devis complémentaires, établis sur la base des prix unitaires rendu-posé, prix horaires, rabais et conditions selon ledit contrat, qui devront être acceptés par le maître de l'ouvrage préalablement à leur exécution" (art. 7.4 du contrat);

-          "Si des travaux non prévus au contrat doivent être effectués, ils font l'objet d'un devis établi sur la base des prix unitaires rendu-posé, rabais et conditions selon ledit contrat. Les devis complémentaires doivent être envoyés aux mandataires concernés. L'exécution n'intervient qu'après acceptation écrite du devis par le maître de l'ouvrage ou son représentant" (art. 7.7 du contrat).

Les parties ont par ailleurs intégré la norme SIA 118 (2013) à leur contrat (art. 1 du contrat).

d. Conformément au contrat, D______ (ci-après aussi : le bureau d'architectes), a assuré la surveillance et la direction des travaux sur le chantier.

Les personnes directement en charge du chantier au sein de D______ étaient H______ et I______.

e. Lorsque B______ SA a débuté les travaux, elle a constaté qu'il manquait des éléments pour les canalisations sous-radier et le drainage et en a informé D______. Elle lui a soumis les devis n° 1 du 15 février 2018, sur la base duquel le bureau d'architecte a établi l'avenant 2 du 12 juillet 2018 portant sur les travaux de canalisations sous-radier et exutoires pour un montant de 166'055 fr. 35 TTC, et devis n° 2 du 15 février 2018, d'un montant de 4'281 fr. 05 TTC relatif aux travaux complémentaires de drainage.

f. En outre, en cours de chantier, D______ a demandé à B______ SA de procéder aux travaux suivants :

- rehaussement du local technique de la piscine (devis n° 3 du 23 mars 2018 d'un montant de 5'895 fr. 95 TTC);

- création d'un monte-charge (devis n° 3B du 23 mars 2018, ayant donné lieu à l'avenant 1 établi par le bureau d'architectes le 12 juillet 2018, d'un montant de 51'140 fr. TTC);

- sciage du mur M31 au sous-sol (devis n° 4 du 4 juin 2018 d'un montant de 3'600 fr. 55 TTC);

- création d'un saut de loup (devis n° 5 du 7 juin 2018 d'un montant de 30'054 fr. 45 TTC);

- adaptation des armatures autour de la trémie, des réservations, des caissons de ventilation (devis n° 6 du 18 juin 2018 d'un montant de 6'877 fr. 15 TTC);

- modification des armatures des murs au rez-de-chaussée (devis n° 7 du 26 juillet 2018 d'un montant de 8'584 fr. 75 TTC);

- échafaudages, barrières de protection et platelage (devis n° 8 du 26 juillet 2018 d'un montant de 18'597 fr. 25 TTC);

- création d'une réservation dans mur M2 au 1er étage (devis n° 9 du 5 septembre 2018 d'un montant de 1'692 fr. 55 TTC);

- modification, d'adaptation, de goujonnage, de coupes d'armatures dans murs M3, M14, M9 et M5 et 1er étage et façonnage sur place des aciers d'armatures pour escalier (devis n° 10 du 12 septembre 2018 d'un montant de 6'826 fr. 55 TTC);

- coupe d'armatures selon ordre ingénieurs civils pour murs M10, M6 au 1er étage suite à modification de l'altimétrie des arasées au 1er étage (devis n° 11 du 21 septembre 2018 d'un montant de 5'653 fr. 60 TTC);

- modification et renforcement des armatures des murs M9 et M10 au 1er étage (devis n° 12 du 25 septembre 2018 d'un montant de 3'365 fr. 20 TTC);

- surprofondeur du bac de rétention de la rivière basse (devis n° 13 du 16 octobre 2018 d'un montant de 21'371 fr. 70 TTC);

- travaux complémentaires sur la piscine extérieure (devis n° 14 du 17 octobre 2018 d'un montant de 22'830 fr. 95 TTC);

- travaux de traçage de l'escalier appartement du rez au 1er étage suite modification du plan ingénieur civil + adaptation ferraillage; travaux de coupes des attentes pour contrecœurs supprimés étage 1 axe A; protections autour du garde-corps et du monte-charge; ajout armature pour renforcement dans mur piscine (devis n° 15 du 17 octobre 2018 d'un montant de 7'255 fr. TTC);

- modifications murs sous-sol et installation de chantier sur terrasse (devis n° 17 du 14 novembre 2018 d'un montant de 19'774 fr. TTC);

- ferraillage des murets de la piscine (devis n° 18 du 21 novembre 2018 d'un montant de 2'736 fr. 85 TTC);

- fourniture et mise en œuvre des sacs EP (devis n° 19 du 29 novembre 2018 d'un montant de 3'910 fr. TTC).

- création d'un mur scellé (devis n° 20 du 8 février 2019, ayant donné lieu à l'avenant 3 établi par le bureau d'architectes le 12 mars 2019, d'un montant de 7'964 fr 60 TTC);

- mise à disposition d'une grue et d'un grutier (avenant 4 établi par le bureau d'architectes le 21 mars 2019, d'un montant de 1'077 fr. TTC).

Certains de ces devis été calculés sur une base horaire (devis n° 6, 7, 9, 10, 11, 12, 15 et 18), d'autres font mention à la fois des prix en bloc et des prix en fonction de certaines unités (devis n° 1, 3, 3B, 4, 8, 13, 14, 17 et 19). Le devis n° 5 indique des prix en bloc uniquement et les devis n° 2 et 20 des prix unitaires seulement.

g. Tous ces devis ont été adressés par B______ SA au bureau d'architectes D______.

Entendu comme témoin le 12 février 2022, E______ a indiqué qu'en général, l'entrepreneur proposait un devis sur la base duquel était établi un avenant, qui était soumis à l'entrepreneur pour validation puis au maître de l'ouvrage pour signature. Parfois, l'urgence les obligeait à accepter certains devis. Ces derniers étaient parfois établis après l'exécution des travaux.

h. Le 13 novembre 2018, D______ a adressé à B______ SA un document intitulé "B______ SA comparatif devis", qui contenait la liste des travaux supplémentaires avec le prix des devis y relatifs établis jusqu'à cette date, et faisait notamment mention de ce que les métrés relatifs aux travaux de canalisations sous-radier et exutoires (devis n° 1) et aux travaux supplémentaires de drainage (devis n° 2) avaient été vérifiés par l'architecte.

Entendu par le Tribunal le 10 mai 2022 en qualité de témoin, I______ a déclaré avoir rédigé ce document et confirmé les informations qu'il contenait. Il estimait que le tableau qui y figurait ne présentait aucune ambiguïté, les termes "OK" qui y étaient apportés signifiant que l'architecte avait procédé à la vérification. Le métrage des canalisations avait été effectué sur la base des plans car les canalisations étaient déjà enterrées.

i. Les travaux ont régulièrement fait l'objet de réunions de chantier, lors desquelles les représentants du maître de l'ouvrage, de l'entrepreneur et des différentes entreprises actives sur le chantier étaient présents. Il ressort des procès-verbaux de chantier rédigés par D______ que A______ et F______ n'ont pas participé à ces réunions, qu'une copie du procès-verbal était remise aux personnes présentes ou concernées et que ce dernier était considéré comme lu et approuvé faute de remarques de la part des destinataires dans les sept jours à compter de sa réception.

j. Entre mars 2018 et février 2019, B______ SA a régulièrement envoyé des points de situation financière et des factures à D______, en fonction de l'avancée des travaux, à savoir :

- la situation n° 1 du 27 mars 2018, d'un montant de 393'657 fr. 20 TTC portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire;

- la situation n° 2 du 21 juin 2018, d'un montant de 417'420 fr. 60 TTC portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire et sur le devis n° 1 relatif aux travaux de canalisations sous-radier, compte tenu d'un acompte de 353'141 fr. 50 HT payé sur la situation n° 1;

- la facture n° 2180717 du 16 juillet 2018 d'un montant de 646 fr. 20 relative à la mise à disposition d'une grue et d'un grutier;

- la situation n° 3 du 21 août 2018, d'un montant de 377'741 fr. 45 TTC, portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire et sur le devis n° 1 relatif aux travaux de canalisations sous-radier, compte tenu d'un acompte de 387'577 fr. 15 HT payé sur la situation n° 2;

- la facture n° 2180914 du 12 octobre 2018 d'un montant de 430 fr. 80 TTC relative à la mise à disposition d'une grue et d'un grutier, qui a fait, avec la facture du 16 juillet 2018 ci-avant, l'objet de l'avenant n° 4;

- la situation n° 4 du 1er novembre 2018, d'un montant de 277'542 fr. 35 TTC portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire et sur les travaux relatifs aux avenants 1 (monte-charge) et 2 (canalisations sous-radier), compte tenu d'un acompte de 350'728 fr. 25 HT payé sur la situation n° 3;

- la situation n° 5 du 5 février 2019, d'un montant de 274'688 fr. 35 TTC portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire, sur les travaux relatifs à l'avenant 1 (monte-charge) et sur les devis n° 1 à 19, compte tenu d'un acompte de 148'560 fr. 80 HT payé sur la situation n° 4.

k. Par email du 8 mars 2019, F______, agissant pour le compte de A______, a informé B______ SA que le maître d'ouvrage n'était pas en mesure de régler les factures relatives aux travaux supplémentaires, car les devis et/ou avenants n'avaient pas été acceptés par écrit avant les travaux et il n'était plus possible, pour certains d'entre eux d'en vérifier les quantités. Certains travaux avaient par ailleurs été effectués en régie, aucun contre-métré n'avait été fait et certaines prestations avaient été facturées comme complémentaires, alors qu'elles étaient incluses dans le contrat forfaitaire de base.

l. B______ SA lui a répondu le 14 mars 2019 que tous les travaux complémentaires demandés avaient fait l'objet de devis, établis dès connaissance des éléments et plans y relatifs, et ce, pour leur quasi-totalité, avant exécution desdits travaux. Elle a ajouté que les travaux relatifs à ces devis avaient été commandés et réalisés sur place dans le cadre du suivi et sous le contrôle et la direction des mandataires architectes et ingénieurs.

m. Le 19 mars 2019, B______ SA a adressé à A______ sa facture finale n° 2190501 d'un montant de 1'844'435 fr. 47 TTC, portant sur les quatre postes de travaux compris dans le contrat forfaitaire et sur les devis n° 1 à 20.

Ce document présente le récapitulatif final des trois factures, soit la facture finale n° 2190501 précitée ainsi que les deux factures n° 2180717 et 2180914 des 16 juillet et 12 octobre 2018 concernant la mise à disposition d'une grue et d'un grutier. Compte tenu des acomptes versés pour un montant de 1'240'007 fr. 70 HT, le montant restant dû s'élevait à 510'024 fr. 15 TTC.

n. Le 20 mars 2019, D______ et B______ SA ont signé un procès-verbal de réception de l'ouvrage, l'ouvrage étant considéré comme reçu, n'étant affecté que de défauts mineurs dont la liste a été dressée.

o. Le 2 avril 2019, B______ SA a transmis à F______ et à D______ les principaux documents de suivi de chantier, des rapports hebdomadaires et des devis.

p. Par courrier recommandé du 14 mai 2019, B______ SA a mis en demeure le maître de l'ouvrage de régler le montant de 508'947 fr. 15 d'ici au 31 mai 2019, les factures n° 2180717 et 2180914 des 16 juillet et 12 octobre 2018 ayant entretemps été réglées.

q. Le 20 mai 2019, l'architecte E______ a indiqué à B______ SA qu'aucun paiement ne pouvait être validé au motif que des éléments et prestations avaient été facturés en plus-value, alors qu'ils étaient prévus dans le contrat de base et que d'autres étaient comptés à double, ou fournis partiellement ou pas du tout. Il a joint à son courrier un "décompte final selon métré", daté du 20 mai 2019, selon lequel un montant de 407'957 HT serait réclamé par B______ SA de manière injustifiée.

r. Le 3 juin 2020, B______ SA a fait notifier un commandement de payer poursuite n° 1______ à A______ pour un montant de 508'947 fr. 15 avec intérêt à 5% dès le 19 avril 2019, auquel A______ a fait opposition le même jour.

s. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 14 décembre 2020, B______ SA a assigné A______ en paiement de la somme de 508'947 fr. 15 plus intérêts à 5% dès le 19 avril 2019 et a requis le prononcé de la mainlevée de l'opposition au commandement de payer poursuite n° 1______.

t. Dans sa réponse du 12 février 2021, A______ a conclu au déboutement de B______ SA.

u. Le Tribunal a entendu les parties et procédé à l'audition de témoins.

Lors de l'audience du 14 février 2023, A______ a déclaré qu'il avait demandé à F______ de résoudre les problèmes liés aux montants des devis supplémentaires qui étaient plus importants que prévus, qu'il avait été informé de l'évolution des coûts supplémentaires au contrat de base mais que, selon lui, aucun coût ne pouvait être engagé sans sa signature.

v. Dans le cadre de leurs plaidoiries finales écrites, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a ensuite été gardée à juger le 18 octobre 2023.

w. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que certains travaux dont B______ SA réclamait le paiement du prix n'étaient pas compris dans le contrat de base, ni couverts par le prix forfaitaire convenu. Le projet avait subi plusieurs modifications, qui avaient entraîné des travaux complémentaires. Pendant toute la durée du chantier, B______ SA n'avait entretenu des contacts qu'avec le cabinet d'architectes D______, qui avait surveillé et dirigé les travaux et qui, d'après le contrat d'entreprise, représentait le maître de l'ouvrage. Ce dernier avait, par son comportement, créé l'apparence d'un pouvoir de représentation de l'architecte, auquel l'entreprise pouvait se fier de bonne foi, aucune clause restreignant les pouvoirs de l'architecte au sens de l'art. 33 de la norme SIA 118 n'ayant par ailleurs été prévue dans le contrat d'entreprise. L'architecte avait commandé les travaux supplémentaires et ceux-ci avaient été réalisés par l'entreprise avec son accord. Le maître de l'ouvrage avait confirmé avoir été informé de l'évolution des coûts supplémentaires. Les devis relatifs aux travaux supplémentaires avaient tous été adressés à l'architecte, qui les avait acceptés. Les travaux avaient été exécutés et acceptés par l'architecte représentant le maître de l'ouvrage; ils avaient régulièrement fait l'objet de procès-verbaux de chantier rédigés par l'architecte chargé de la direction des travaux, ainsi que de rapports hebdomadaires établis par l'entreprise. Cette dernière avait en outre régulièrement adressé ses factures à l'architecte en fonction de l'avancée des travaux. Les travaux complémentaires étaient commandés et ordonnés par l'architecte, souvent dans l'urgence, de sorte qu'ils donnaient parfois lieu à des devis dont les travaux avaient été immédiatement mis à exécution, sans qu'un avenant n'ait été établi. Les contestations du maître d'ouvrage relatives aux quantités, aux métrés et à l'exécution n'étaient pas fondées dès lors qu'il s'agissait de travaux devisés, exécutés par l'entrepreneur et acceptés par la direction des travaux, au vu notamment du document "B______ SA comparatif devis" du 13 novembre 2018 établi par le cabinet d'architectes, des témoignages recueillis et du procès-verbal de réception de l'ouvrage du 20 mars 2019. Il convenait ainsi de faire droit aux prétentions de l'entrepreneur en paiement du prix des travaux réclamé à hauteur de 508'947 fr. 15 et de prononcer la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer dans la poursuite qu'elle a engagée contre le maître d'ouvrage.

EN DROIT

1.             Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 nCPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f nCPC.

2. Déposé dans la forme et les délais prescrits, l'appel, dirigé contre une décision finale portant sur un litige dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c, art. 308 al. 1 let. a et al. 2, 308 et 311 CPC).

3. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

4. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il devait verser le prix des travaux supplémentaires qui n'ont pas été prévus dans le contrat de base.

4.1.1 L'obligation principale du maître de l'ouvrage est de payer le prix de l'ouvrage (art. 372 al. 1 CO).

Lorsque le prix a été fixé à forfait, le maître est tenu de payer le prix intégral, même si l'ouvrage a exigé moins de travail que ce qui avait été prévu (art. 373 al. 1 et 3 CO).

Le forfait vaut pour autant que l'ouvrage finalement exigé par le maître corresponde à celui projeté lors de la conclusion du contrat, sans modifications qualitatives ou quantitatives; des modifications de commande donnent droit à une augmentation du prix en cas de prestations supplémentaires de l'entrepreneur (arrêt 4A_156/2018 précité consid. 4.2.3; arrêts 4A_76/2019 du 15 juillet 2020 consid. 4.1; 4C_289/1997 du 27 avril 1998 consid. 3b).

Si l'entrepreneur prétend à une rémunération supplémentaire, il doit prouver avoir fourni une prestation non incluse dans les travaux faisant l'objet du contrat d'entreprise, et partant non couverte par le prix forfaitaire fixé pour ceux-ci (cf. entre autres arrêts 4A_465/2017 du 2 mai 2018 consid. 2; 4C_86/2005 du 2 juin 2005 consid. 3; 4C_23/2004 du 14 décembre 2004 consid. 4.1 i.f.; PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 6e éd. 2019, n. 786 et 906). Ceci dit, c'est l'interprétation du contrat qui permet de déterminer quelles prestations avaient été initialement convenues. Comme le souligne finement la doctrine, certaines imprécisions peuvent profiter à l'entrepreneur, dans la mesure où le descriptif des travaux émane du maître (GAUCH, op. cit., n. 906).

4.1.2 Les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige pas sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme; s'il s'agit de la forme écrite, sans indication plus précise, il y a lieu d'observer les dispositions relatives à cette forme lorsqu'elle est exigée par la loi (art. 16 al. 1 et 2 CO).

Les parties restent libres de lever ultérieurement la réserve de forme convenue, ce qui peut se faire au moyen d'un accord informel, et même tacite. Tel est le cas lorsqu'elles exécutent et acceptent sans réserve les prestations contractuelles (cf. par ex. arrêts 4A_416/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.3; 4C_474/1996 du 18 février 1997 consid. 2; ATF 125 III 263 consid. 4c; 105 II 75 consid. 1 p. 78; SCHWENZER / FOUNTOULAKIS, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. (2020), n° 10 ad art. 16 CO).

Certains contrats peuvent prévoir une clause d'approbation préalable, destinée à éviter des litiges ultérieurs sur la rémunération complémentaire, obligeant l'entrepreneur à faire approuver par le maître de l'ouvrage la rémunération qu'il entend obtenir pour une modification de commande avant de commencer à exécuter celle-ci, faute de quoi il ne pourra émettre aucune prétention supplémentaire. Les parties peuvent y déroger, notamment lorsque le maître a renoncé expressément ou tacitement à invoquer cette clause pour une modification déterminée. Il y a renonciation tacite notamment lorsque le maître demande à l'entrepreneur de commencer à exécuter la modification de commande avant son approbation ou lorsqu'il apprend que l'exécution de la modification a débuté et qu'il s'abstient d'exiger un accord sur la rémunération y relative (arrêt du Tribunal fédéral 4A_465/2017 du 2 mai 2018 consid. 2; GAUCH, Der Werkvertrag, 6ème éd. (2019), n. 789 ss).

4.1.3 Lorsqu'un représentant agit au nom d'autrui, les droits et obligations dérivant de l'acte accompli passent directement au représenté si le représentant disposait des pouvoirs suffisants à cet effet en vertu du droit public, de la loi ou de la volonté du représenté (art. 33 al. 2 CO) ou, à défaut de pouvoir, si le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO), ou encore si le tiers de bonne foi pouvait se fier aux pouvoirs qui lui avaient été communiqués même tacitement (art. 33 al. 3, 34 al. 3 et 37 CO; ATF 131 III 511 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A:487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2.2).

Il appartient à la partie qui invoque une restriction des pouvoirs du représentant de la prouver (arrêts du Tribunal fédéral 4A_76/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5.1.2; 4A_376/2011 du 14 mars 2012 consid. 4.2.3).

4.2.1 En l'espèce, l'appelant ne remet pas en cause l'exécution des travaux prévus dans le contrat de base et dont le prix a été fixé de manière forfaitaire. Dans la mesure où il ne s'est pas acquitté de l'intégralité du prix forfaitairement convenu et vu qu'il n'expose aucun motif le libérant de son obligation de verser le prix de l'ouvrage, il reste devoir le solde dû sur les travaux initiaux faisant l'objet du contrat de base du 26 février 2018.

4.2.2 S'agissant des travaux supplémentaires excédant le cadre de l'ouvrage prévu dans le contrat de base, l'appelant ne conteste pas qu'ils aient été exécutés par l'intimée. Il reproche en revanche au premier juge d'avoir considéré qu'il était tenu d'en verser le prix.

4.2.3 L'appelant ne remet pas en cause le fait que le bureau d'architectes le représentait valablement pour commander les travaux supplémentaires - à juste titre, dès lors que ce bureau d'architectes a été désigné comme son représentant dans le contrat de base, chargé de la direction des travaux et expressément autorisé à accepter les devis pour les travaux non prévus (art. 7.7 du contrat de base). Il soutient en revanche que ce bureau d'architectes chargé de la direction des travaux, expressément autorisé à accepter les devis pour les travaux non prévus, n'était pas habilité à en accepter les prix.

Aucune restriction des pouvoirs de représentation en ce sens n'a toutefois été prévue dans le contrat de base, ni n'a, par la suite, été communiquée à l'intimée, de sorte qu'en application tant de l'art. 33 de la norme SIA 118 intégrée au contrat, selon lequel le maître de l'ouvrage est lié par tous les actes des personnes qu'il a désignées pour assumer la direction des travaux, qui le représentent dans ses rapports avec l'entrepreneur, à moins que les pouvoirs de représentation n'aient été expressément limités dans le contrat, que des art. 32 ss CO régissant la représentation, l'appelant est lié par tous les actes effectués en son nom par le bureau d'architectes D______, qu'il a chargé de direction des travaux.

C'est en conséquence à raison que le Tribunal a considéré que l'appelant était valablement représenté par le bureau d'architecture chargé de la direction des travaux.

4.2.4 L'appelant soutient par ailleurs qu'il n'a pas à payer le prix des travaux supplémentaires qui n'ont pas fait l'objet d'une acceptation écrite de sa part.

Il est vrai que les parties avaient, dans leur contrat de base (art. 7.7), prévu que les devis relatifs aux travaux supplémentaires devaient faire l'objet d'une acceptation écrite du maître de l'ouvrage.

L'appelant a toutefois tacitement renoncé à cette exigence, comme l'a à juste titre retenu le premier juge, puisqu'il a reconnu avoir été informé de l'évolution des coûts liés aux travaux supplémentaires sans avoir exigé de signer les devis ou émis une quelconque réserve quant à l'exigence d'acceptation écrite de sa part. Il n'a contesté aucun des devis soumis entre février et novembre 2018, ni le montant de l'avenant 2 relatif aux canalisations sous-radier, ni d'ailleurs les récapitulatifs figurant dans les cinq points de situation financière. Ce n'est que le 8 mars 2019, après l'achèvement des travaux et plus de trois mois après l'établissement du dernier devis litigieux du 29 novembre 2018 (devis n° 19) que l'appelant, représenté par F______ qu'il a chargé de résoudre les problèmes liés au montant des devis des travaux supplémentaires, qu'il jugeait trop important, qu'il s'est prévalu de ce que les travaux supplémentaires n'avaient pas fait l'objet d'une acceptation écrite de sa part avant leur exécution. Informé des devis, avenants et prix relatifs aux travaux supplémentaires et ayant laissé l'exécution des travaux aller de l'avant sans émettre aucune réserve quant à l'exigence d'une acceptation écrite, l'appelant doit en effet être considéré comme ayant renoncé à cette exigence de forme.

4.2.5 L'appelant ne saurait se prévaloir de l'impossibilité de vérifier les métrés s'agissant des travaux supplémentaires concernant les canalisations sous-radier faisant l'objet de l'avenant 2 du 12 juillet 2018, soumis par le bureau d'architectes à l'intimée sur la base du devis n° 1 du 15 février 2018, puisque le bureau d'architectes chargé de la direction des travaux a établi cet avenant sur la base du devis proposé par l'intimée sans remettre en cause les métrés retenus dans ledit devis. Il ressort par ailleurs du document "B______ SA comparatif devis" établi par la direction des travaux le 13 novembre 2018 et des déclarations du témoin I______, employé de D______, que les métrés avaient été vérifiés, le métrage ayant toutefois été effectué sur la base des plans dès lors que les canalisations étaient recouvertes. Lorsque l'architecte chargé de la direction des travaux a validé les métrés théoriques, il n'a pas fait état d'une différence importante entre ce qu'il avait constaté sur le terrain lors des réunions de chantier et les métrés indiqués sur le devis n° 1.

4.2.6 Pour ces mêmes motifs, il n'y a pas lieu de libérer l'appelant de son obligation de payer le prix de l'ouvrage au motif que certains devis auraient été établis sur la base de "bons de régie" ou de prix en bloc en violation du contrat de base, puisque les travaux supplémentaires concernés ont fait l'objet de devis acceptés par le bureau d'architectes chargé de la direction des travaux.

4.2.7 L'appelant fait en outre valoir que l'intimée n'aurait pas présenté de décompte final au sens des articles 153ss de la norme SIA 118, soit un décompte arrêtant le montant de la rémunération fixé selon les prix unitaires, globaux ou forfaitaires convenus (montant du décompte final) et indiquant, lorsque le maître a versé des acomptes, le solde correspondant, ainsi qu'une récapitulation de toutes les factures présentées (y compris le décompte final) et de tous les montants reçus du maître jusqu'au jour du décompte final ou qui lui sont encore dus (art. 153 al. 1 et 3 norme SIA 118).

Invoquant par ailleurs une violation de l'art. 155 de la norme SIA 118, selon lequel le solde dû à l'entrepreneur sur la base du décompte final est échu à partir de la communication par la direction de travaux du résultat de sa vérification et doit être payé dans les trente jours, l'appelant soutient qu'il n'aurait pas pu procéder à la vérification de celui-ci et ne pouvait donc être tenu à verser un intérêt moratoire.

Son argumentation ne saurait être suivie, dans la mesure où l'intimée a fourni le 19 mars 2019 une facture finale détaillée, incluant la liste des travaux complémentaires reprenant les prix des devis qui avaient été successivement transmis à la direction des travaux, les acomptes déjà réglés par l'appelant et le solde correspondant, complétée par la transmission, le 2 avril 2019, de l'ensemble des justificatifs, devis et rapports hebdomadaires. L'appelant disposait ainsi des éléments nécessaires pour procéder aux vérifications nécessaires, ce qu'il n'a toutefois pas fait dans le délai d'un moi prévu par l'art. 154 al. 2 de la norme SIA 118. L'intimée a ainsi respecté ces dispositions le mettant en demeure, par courrier du 14 mai 2019, de régler le montant de 508'947 fr. 15 d'ici au 31 mai 2019.

C'est, partant, à juste titre que le premier juge a retenu que les intérêts moratoires courent dès le 1er juin 2019 en application des art. 102 ss CO et 190 de la norme SIA 118.

5. L'appelant reproche enfin à l'intimée d'avoir violé ses obligations précontractuelles en ayant omis de lui signaler l'absence des travaux de canalisation sous-radier avant la signature du contrat de base.

5.1 L'art. 364 al. 1 CO institue un devoir général de diligence et de fidélité de l'entrepreneur. Ces obligations sont inhérentes au rapport de confiance qui doit exister en maître et entrepreneur; on en déduit des devoir de renseignement et de conseil qui reposent sur l'idée que l'entrepreneur, en sa qualité de spécialiste, doit conseiller le maître et lui signaler toute circonstances importante pour l'exécution de l'ouvrage (ATF 129 III 604 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4_273/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.3.1). En particulier, l'art. 365 al. 3 CO impose à l'entrepreneur d'aviser sans délai le maître de toute circonstance de nature à compromettre l'exécution régulière ou ponctuelle de l'ouvrage. Il s'agit d'une application des règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC). Il n'y a pas de devoir d'informer sur les circonstances que le maître connaît ou est censé connaître (ATF 92 II 328, consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2017 précité, consid. 3.3.1).

5.2 En l'espèce, l'appelant était représenté et accompagné dès le départ du projet de construction par un architecte spécialiste qui a lui-même réalisé les plans et qui ne pouvait ignorer l'absence d'éléments relatifs aux canalisations sous-radier dans le contrat de base. Dans ces circonstances, il n'existait pas de devoir d'information de l'entrepreneur à ce sujet, préalablement à la conclusion du contrat.

L'appelant ne remet, en tout état, pas en cause la bonne exécution de l'ouvrage ou la ponctualité de la livraison des travaux y relatifs. Enfin, une éventuelle violation des obligations précontractuelles de l'intimée, à supposer qu'elle soit démontrée, n'aurait en tout état pas pour effet de libérer l'appelant de son obligation de payer le prix des travaux dont il a, par la suite, confié l'exécution à l'intimée.

Ce grief n'est pas fondé.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

6. L'appelant, qui succombe, sera condamné au versement des frais judiciaires, fixés à 15'000 fr. et compensés avec l'avance qu'il a versée, qui demeure, à due concurrence, acquise à l'Etat de Genève, les Services financiers du Pouvoir judiciaire étant invités à lui restituer le solde de 12'000 fr. (art. 95, 105, 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 17 et 35 RTFMC).

Il sera en outre condamné à verser 15'000 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus (art. 84 et ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/14980/2023 rendu le 15 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19222/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 15'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée par celui-ci, qui reste à due concurrence acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 12'000 fr. à A______.

Condamne A______ à verser 15'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.