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Décisions | Chambre civile

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C/18324/2022

ACJC/605/2025 du 08.05.2025 sur OTPI/760/2024 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.273; CC.274; CC.28b
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18324/2022 ACJC/605/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 décembre 2024, représenté par Me Imed ABDELLI, avocat, rue du Mont-Blanc 9, 1201 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge.

 


EN FAIT

A.                     a. B______, née le ______ 1976 à C______ (Tunisie) et A______, né le ______ 1962 à D______ (Tunisie), tous deux originaires de Genève, ont contracté mariage à E______ (Tunisie) le ______ 2004.

Le couple a donné naissance à six enfants : F______, né le ______ 2004, G______, né le ______ 2007 (tous deux désormais majeurs), H______, né le ______ 2008, I______, née le ______ 2010, J______, née le ______ 2013 et K______, née le ______ 2015.

b.

b.a Le 26 mars 2020, A______ a été placé en détention provisoire. Il a été mis en prévention pour injure, lésions corporelles simples et violation du devoir d’assistance ou d’éducation en raison de faits commis au préjudice de son épouse et de ses enfants. Mis en liberté le 7 mai 2020 au bénéfice de mesures de substitution, il a été réincarcéré le même jour au motif qu’il avait violé lesdites mesures en s’étant rendu à proximité du domicile familial, ce qu'il avait interdiction de faire. Il a été remis en liberté durant le mois de janvier 2021, jusqu’au 9 mars 2022, date à laquelle il a, à nouveau, été incarcéré, jusqu’au 20 octobre 2022.

b.b Par jugement du 20 octobre 2022, le Tribunal correctionnel a déclaré A______ coupable de tentatives de lésions corporelles graves, lésions corporelles simples aggravées, voies de faits, contrainte et violation de son devoir d’assistance ou d’éducation et l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 534 jours de détention avant jugement ; la peine a été prononcée sans sursis à raison de 15 mois, A______ ayant été mis, pour le surplus, au bénéfice du sursis avec délai d’épreuve de 4 ans. Il a été ordonné à l’intéressé de se soumettre à un suivi psychologique (notamment gestion de la colère) pendant la durée du délai d’épreuve ; sa libération immédiate a été ordonnée. A______ a en revanche été acquitté des infractions à caractère sexuel à l’encontre de son épouse qui lui étaient reprochées.

En substance, le Tribunal correctionnel a notamment retenu qu’à tout le moins entre octobre 2012 et octobre 2019, en Suisse et en Tunisie, A______ avait régulièrement frappé son épouse, en lui assénant des gifles, des coups de pieds et de poings sur différentes parties du corps, parfois même avec des objets tels qu’une casserole, une raquette de tennis, un marteau et des barreaux de lit. Il lui avait notamment causé un important hématome à un œil, ainsi qu’une déchirure rétinienne ayant nécessité une intervention chirurgicale urgente et de nombreux points de suture au moyen d’un laser ; plusieurs hématomes au niveau du cuir chevelu, une plaie et une contracture basi-cervicale ; une blessure à la tête accompagnée de saignements. Le Tribunal correctionnel a également retenu que le 18 juillet 2019 en Tunisie, A______ avait violemment poussé son épouse dans les escaliers extérieurs de la maison, ce qui avait entraîné une chute, une perte de connaissance de plusieurs minutes, des blessures à la tête et une fracture de l’omoplate droite. A______ avait également régulièrement frappé ses enfants (coups de poings, de pieds, gifles) et leur avait lancé des objets, ce qui avait provoqué des douleurs, parfois des hématomes, des blessures et des saignements. Le Tribunal correctionnel a également retenu que A______ avait contraint son fils F______ à rédiger et à signer divers courriers. Dans le cadre de la fixation de la peine, le Tribunal correctionnel a relevé que la collaboration de A______, initialement mauvaise, s’était ensuite améliorée, puisqu’il avait admis la totalité des faits lors de l’audience de jugement, tout en continuant de les minimiser ; il avait accepté de divorcer et avait formulé des regrets et des excuses, qui semblaient sincères.

A______ n’a pas appelé de ce jugement, bien que considérant que sa longue détention et sa condamnation n’avaient « pas été conformes au vrai déroulement des faits ».

c.

c.a Le 14 avril 2020, B______ a formé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale.

c.b Par jugement JTPI/6812/2020 du 3 juin 2020, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a autorisé les époux A______ à vivre séparés, attribué à l’épouse la jouissance exclusive du domicile conjugal, fait interdiction à l’époux de s’approcher à moins de 300 mètres de B______ et des enfants (chiffre 3 du dispositif), ainsi que du domicile conjugal (ch. 4) et de prendre contact avec eux de quelque manière que ce soit, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. La garde des mineurs a été attribuée à la mère, le droit de visite du père suspendu et une curatelle d’assistance éducative instaurée. A______ a été dispensé de contribuer à l’entretien des enfants.

d.

d.a Le 23 septembre 2022, B______ a formé une demande unilatérale en divorce, en mentionnant sur sa page de garde l’art. 114 CC. Elle a notamment conclu à l'attribution en sa faveur de la garde des enfants, à ce qu'il soit fait interdiction à A______ d'approcher à moins de 300 mètres d'elle-même ainsi que du domicile conjugal et de prendre contact avec elle par toutes voies de communication, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP; elle a en outre conclu au maintien de la suspension du droit de visite entre A______ et les enfants.

d.b A______ s'est opposé au prononcé du divorce, soutenant que les conditions de l'art. 114 CC n'étaient pas remplies.

d.c Par jugement JTPI/5404/2024 du 2 mai 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure ordinaire sur la recevabilité de la demande, a déclaré recevable la demande en divorce déposée par B______ à l’encontre de A______, renvoyé le sort des frais à la décision finale et réservé la suite de la procédure de divorce au fond.

d.d A______ a formé appel de ce jugement auprès de la Cour de justice (ci-après: la Cour), concluant à son annulation et cela fait à ce que la demande en divorce déposée par B______ soit déclarée irrecevable.

d.e Par arrêt ACJC/1566/2024 du 29 novembre 2024, la Cour a constaté qu'au début de la litispendance A______ et B______ avaient vécu séparés pendant deux ans au moins, de sorte que l'action en divorce devait être admise. La cause a été renvoyée au Tribunal pour instruction.

B. a. Le 6 mai 2024, A______ a formé devant le Tribunal une requête de mesures provisionnelles, concluant à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 3 juin 2020 lui faisant interdiction de s'approcher à moins de 300 mètres de B______ et des enfants, et à être autorisé à reprendre de manière immédiate son droit de visite sur ses enfants mineurs à raison d'une journée par semaine et ce jusqu'à accord lui permettant la reprise d'un droit de visite usuel sur eux; il a enfin conclu à ce que toute mesure nécessaire et utile permettant de fixer un plan contraignant de l'élargissement du droit de visite, aboutissant à la reprise régulière de son droit de visite, soit ordonnée.

A l'appui de sa requête, il a allégué que l'appartement dans lequel il vivait désormais (soit l'ancien domicile conjugal qu'il avait récupéré après le déménagement dans un autre logement situé à proximité de B______ et des enfants) était très proche des lieux fréquentés par ses filles I______ et K______; quant à ses fils H______ et G______, ils venaient spontanément lui rendre visite à son domicile. Le maintien du chiffre 3 du dispositif du jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale rendait la situation difficile à gérer pour lui. Il a également soutenu que B______ n'était pas opposée à la levée de l'interdiction d'approcher qui lui avait été faite et que les enfants souhaitaient avoir des contacts avec lui.

b. B______ a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce que le chiffre 3 du dispositif du jugement du 3 juin 2020 soit modifié en ce sens que l'interdiction d'approcher des mineures I______, J______ et K______ devait être ramenée à une distance de moins de 100 mètres au lieu de 300 mètres, afin d'adapter le périmètre au vu de la distance entre les écoles fréquentées par les mineures et le domicile de A______; en ce qui la concernait, l'interdiction d'approcher à moins de 300 mètres devait être maintenue; ladite interdiction pouvait être levée s'agissant des mineurs G______ et H______ et une reprise des liens médiatisée entre le père et les enfants I______, J______ et K______, de manière séparée à raison d'une séance d'une heure chaque trois semaines par enfant en milieu thérapeutique, devait être autorisée.

c. Par ordonnance du 13 juin 2024, le Tribunal a informé les parties de ce que la cause serait gardée à juger sous 10 jours sur mesures provisionnelles.

C. Les autres faits pertinents suivants résultent également de la procédure soumise à la Cour.

a. Le 26 janvier 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a rendu une ordonnance provisionnelle par laquelle il a notamment accordé à A______ un droit de visite sur les enfants G______ et H______ devant s'exercer à raison d'une demi-journée par semaine, autorisé une reprise de liens médiatisée entre A______ et les mineures I______, J______ et K______, de manière séparée à raison d'une séance d'une heure chaque trois semaines par enfant en milieu thérapeutique, fait interdiction à A______ d'entretenir des liens téléphoniques avec ses filles I______, J______ et K______ et lui a fait interdiction d'accompagner ses fils lors d'une activité s'il était prévu que I______, J______ et/ou K______ soient présentes.

b. Le 23 mars 2023, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) a rendu un rapport d'évaluation sociale.

Ce service préconisait le maintien de l'autorité parentale conjointe et considérait qu'il était conforme à l'intérêt des enfants de prendre acte de l'ordonnance rendue par le Tribunal de protection le 26 janvier 2023; il convenait en outre de maintenir la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de A______ s'agissant des lieux scolaires et médicaux des enfants, ainsi qu'à l'égard de B______ et du domicile de la famille; la curatelle d'assistance éducative, ainsi que celle concernant l'organisation et la surveillance des relations personnelles devait être maintenue.

c. Par décision rendue le 1er novembre 2023 sur mesures superprovisionnelles à la requête du Service de protection des mineurs (SPMI), le Tribunal de protection a notamment suspendu le droit de visite de A______ sur ses filles I______, J______ et K______, lequel s'exerçait au sein [du centre de consultations familiales] L______. Le SPMI avait en effet manifesté de fortes inquiétudes en relation avec les agissements de A______, lequel ne respectait pas les interdictions figurant dans l'ordonnance du Tribunal de protection du 26 janvier 2023. Il interpellait régulièrement I______, J______ et K______, que ce soit dans la rue ou lorsqu'elles se rendaient au Jardin O______ pendant leur temps libre. Par ailleurs, K______ et I______ refusaient de se rendre à la consultation de L______; elles se sentaient harcelées par leur père, qui les interpellait chaque semaine dans la rue et critiquait leur mère.

d. Le 3 mai 2024, les parties ont été entendues par le Ministère public, une nouvelle procédure préliminaire ayant été ouverte à l'encontre de A______, auquel il était reproché d'avoir omis de se conformer à l'interdiction de contacter B______ et les mineures I______, J______ et K______, ainsi que de les approcher à moins de 300 mètres et à l'interdiction d'approcher du logement familial, interdictions prononcées le 3 juin 2020 par le Tribunal de première instance, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP. En substance, il était fait grief à A______ d'avoir adressé un courrier et des courriels à B______, de l'avoir suivie dans la rue en hurlant, de s'être caché derrière des buissons alors qu'elle accompagnait sa fille K______ au Jardin O______, d'avoir fait en sorte de croiser l'enfant, d'avoir suivi à plusieurs reprises I______ alors qu'elle se rendait chez l'orthodontiste, d'avoir été présent devant le domicile familial alors que son fils H______ rentrait, d'avoir rabaissé et dénigré B______ auprès des enfants, notamment en remettant en cause sa moralité, de sorte à mettre en danger le développement psychique de ses filles I______, J______ et K______.

Lors de cette même audience, deux témoins ont été entendus, soit M______ et N______, toutes deux psychologues, lesquelles suivaient les mineures I______ pour la première et J______ pour la seconde. I______ avait parlé de sa situation familiale et de la violence à l'égard des enfants et de la mère. Son père pouvait "débarquer" à tout moment, ce qui était difficile pour elle. Elle était ambivalente sur la question de savoir si elle voulait le voir ou pas; si son père lui demandait de faire quelque chose, elle le faisait. S'agissant de J______, sa position n'était pas claire par rapport à son père. Elle était impactée par la situation dans son développement. Elle peinait à se concentrer, était vite distraite; elle n'était pas sereine dans ses relations avec les adultes et les enfants. J______ avait parlé de toutes les rencontres inopinées avec son père. D'un côté elle était contente de le voir et de l'autre elle avait peur car ces rencontres ne respectaient pas le cadre légal tel qu'elle l'avait compris.

D. Par ordonnance OTPI/760/2024 du 3 décembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a modifié le chiffre 3 du dispositif du jugement JPTI/6812/2020 du 3 juin 2020 de la manière suivante: "3. Fait interdiction à A______ de s'approcher à moins de 300 mètres de B______ ainsi que des enfants I______, J______ et K______" (chiffre 1 du dispositif), autorisé une reprise des liens médiatisée entre A______ et ses enfants I______, J______ et K______, de manière séparée, à raison d'une séance d'une heure chaque trois semaines par enfant en milieu thérapeutique auprès de L______ (ch. 2), réservé la décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 3), n'a pas alloué de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions sur mesures provisionnelles (ch. 5).

Le Tribunal a relevé que plusieurs décisions avaient déjà été rendues par lui-même ainsi que par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant s'agissant des relations personnelles entre A______ et ses enfants. Ainsi, le droit de visite de A______ sur ses filles avait été suspendu par décision superprovisionnelle du Tribunal de protection du 1er novembre 2023, jusqu'à ce que le père respecte les décisions rendues par ordonnance du 26 janvier 2023, tout particulièrement les points 3 et 4 de son dispositif. Depuis lors, la situation ne semblait pas s'être améliorée. Il ressortait en particulier du procès-verbal de l'audience du 6 mars 2024 devant le Ministère public que A______ n'avait pas respecté l'interdiction d'approcher B______ et les enfants et que la relation entre le père et ses filles demeurait difficile. B______ était toutefois favorable à une reprise des visites, de manière médiatisée et conformément à la fois à la décision du Tribunal de protection du 26 janvier 2023 et aux recommandations du SEASP du 23 mars 2023. Le Tribunal a par conséquent considéré que le droit de visite médiatisé entre A______ et ses filles pouvait être remis en place. Par ailleurs, compte tenu des visites effectives entre le père et ses fils G______ et H______, les interdictions d'approcher les concernant pouvaient être levées, ce à quoi la mère consentait. Il n'était en revanche pas dans l'intérêt des enfants I______, J______ et K______ d'élargir le droit de visite, ni de lever les interdictions d'approcher et de contact les concernant.

E. a. Le 16 décembre 2024, A______ a formé appel contre cette ordonnance, reçue le 6 décembre 2024, concluant à son annulation et cela fait, à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 3 juin 2020 lui faisant interdiction de s'approcher à moins de 300 mètres de B______ ainsi que des enfants F______, G______, H______, I______, J______ et K______; l'appelant a également conclu à être autorisé à reprendre de manière immédiate son droit de visite sur ses enfants mineurs à raison d'une journée par semaine et ce jusqu'à accord lui permettant la reprise d'un droit de visite usuel; il a en outre conclu à ce que toute mesure nécessaire et utile permettant de fixer un plan contraignant de l'élargissement du droit de visite, aboutissant à la reprise régulière de son droit de visite sur ses enfants, soit ordonnée, avec suite de frais à la charge de sa partie adverse.

Il a produit des pièces nouvelles (pièces 2 à 5).

Il a fait grief au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte et incomplète des faits de la cause en favorisant la version de l'intimée au détriment de la sienne. Il a persisté à soutenir que l'intimée avait été contrainte de solliciter le divorce, car elle craignait que les enfants ne soient placés; elle ne pouvait se passer de sa présence et des services qu'il lui rendait, tout en portant des accusations infondées à son encontre. Il avait sollicité de longue date la reprise des relations personnelles avec ses enfants, mais le Tribunal avait tardé à statuer, de sorte qu'il ne pouvait accepter, après cette longue attente, de "revenir à la case départ" et de se contenter d'un droit de visite aussi limité que celui fixé par l'ordonnance litigieuse. L'intimée elle-même n'était pas opposée à ce qu'il bénéficie d'un droit de visite plus large, à condition que la justice le fixe. Il a également soutenu que tous les membres de la famille vivaient désormais dans le même quartier, de sorte qu'ils fréquentaient les mêmes lieux pour leurs courses notamment et que ses filles passaient plusieurs fois par jour sous ses fenêtres pour se rendre à l'école ou à leurs activités. Dès lors, l'interdiction de s'approcher d'elles à moins de 300 mètres était "une pure aberration factuelle et juridique" qui profitait à l'intimée, laquelle multipliait les provocations quotidiennes pour ensuite déposer des plaintes pénales à son encontre. Il souffrait de devoir se cacher de ses enfants chaque fois qu'il les croisait dans les commerces du quartier ou lorsqu'il se trouvait à l'arrêt d'un transport public. Il vivait cette interdiction, objectivement impossible à mettre en œuvre, comme un "mépris manifeste de sa personne et de ses droits". L'interdiction d'approcher, disproportionnée à la situation actuelle, devait être levée et son droit de visite sur ses filles élargi, ce d'autant plus que celles-ci le souhaitaient.

b. Dans sa réponse à l'appel, B______ a conclu au déboutement de l'appelant de toutes ses conclusions et au maintien de l'ordonnance attaquée.

Elle a indiqué avoir dit, de manière constante, qu'elle se rangerait à l'avis des professionnels et autorités de protection entourant les enfants s'agissant du droit de visite de leur père. Les mesures d'éloignement relatives à ses trois filles étaient utiles afin de les protéger des intrusions de leur père dans leur quotidien, qui les déstabilisaient à chaque fois. Le problème ne résidait pas dans le fait que les mineures croisaient leur père fortuitement, mais que ce dernier les interpellait, les prenait à bord de sa voiture ou se rendait volontairement à proximité, voire au sein des établissements scolaires, médicaux ou thérapeutiques qu'elles fréquentaient.

L'intimée a produit une pièce nouvelles (pièce 100).

c. L'appelant a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. B______ a dupliqué, persistant dans les siennes.

e. Chaque partie a encore adressé à la Cour une nouvelle écriture.

f. Par avis du greffe de la Cour du 24 mars 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance entreprise ayant été communiquée aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de 10 jours (art. 314 al. 1 aCPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles dans une affaire qui porte sur la question des relations personnelles avec des enfants mineurs (art. 308 al. 1 let. b CPC).

1.3 La cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne des mineurs (296 al. 1 et 3 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.2.2), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs invoqués (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les références citées).

1.5 Lorsqu'elle doit examiner les faits d'office, comme en l'espèce (cf. supra 1.3), l'instance d'appel admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations (art. 317 al. 1bis et 407f CPC), de sorte que les pièces nouvelles produites par les parties sont recevables.

2. L'appelant conteste le maintien de la mesure d'éloignement à l'égard de l'intimée et de leurs trois filles mineures, ainsi que le droit de visite que lui a réservé le Tribunal sur ces dernières.

2.1.1 Dans les procédures de divorce, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires. Les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogies (art. 276 al. 1 CPC). Les mesures ordonnées par le tribunal des mesures protectrices de l'union conjugale sont maintenues. Le tribunal du divorce est compétent pour prononcer leur modification ou leur révocation (art. 276 al. 2 CPC).

A la requête d'un époux, le juge ordonne les modifications commandées par les faits nouveaux et lève les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n'existent plus (art. 179 al. 1 CC).

2.1.2 Selon l'art. 28b al. 1 CC, en cas de violence, de menaces ou de harcèlement, le demandeur peut requérir le juge d'interdire à l'auteur de l'atteinte, en particulier: de l'approcher ou d'accéder à un périmètre déterminé autour de son logement (ch. 1).

2.1.3 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir des relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Le droit aux relations personnelles - qui est considéré comme un droit de la personnalité de l'enfant et qui doit servir en premier lieu son intérêt - vise à sauvegarder le lien existant entre parents et enfants (ATF 131 III 209 consid. 5; 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3b; Hegnauer, Droit suisse de la filiation, 1998, n° 19.20, p. 116). Il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 130 III 585 consid. 2.2; 227 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c).

L'importance et le mode d'exercice des relations personnelles doivent être appropriés à la situation, autrement dit tenir équitablement compte des circonstances particulières du cas. Le bien de l'enfant est le facteur d'appréciation le plus important (ATF 127 III 295 consid. 4a) et les éventuels intérêts des parents sont à cet égard d'importance secondaire (ATF
130 III 585 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_188/2012 du 15 mai 2012 consid. 6.1). On tiendra compte notamment de l'âge de l'enfant, de son état de santé, de ses loisirs, etc. La disponibilité du parent (horaires de travail et autres obligations), son lieu de vie, sa personnalité et la relation qu'il entretient avec l'enfant sont autant de critères pertinents (Leuba, Commentaire romand CC I, 2010, n° 14 ad art. 273 CC).

Une limitation du droit de visite n'est justifiée que s'il y a lieu d'admettre au regard des circonstances que l'octroi d'un droit de visite usuel compromet le bien de l'enfant (ATF 131 III 209 consid. 5 et les références citées). Elle peut notamment consister en l'interdiction de quitter la Suisse avec l'enfant, ou au dépôt du passeport en vue de prévenir le risque d'enlèvement (Leuba, op. cit., n. 23 ad art. 274 CC; Stettler, Droit de la filiation, 2014, n. 793).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation du droit de visite (ATF 127 III 295 consid. 4; 122 III 404, in JdT 1998 I 46 consid. 3d).

La modification de la réglementation du droit de visite n'est pas soumise à des exigences particulièrement strictes. Il suffit que le pronostic du juge du divorce sur les effets des relations personnelles entre le parent auquel la garde n'a pas été confiée et l'enfant se révèle erroné et que le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l'enfant (ATF 111 II 405 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_756/2013 du 9 janvier 2014 consid. 5.1.1).

2.2.1 En l'espèce et avant le prononcé de l'ordonnance attaquée, la situation entre les parties et leurs enfants avait été régie par plusieurs décisions successives de nature provisionnelle ou superprovisionnelle, à savoir:

- le jugement du 3 juin 2020 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, lequel avait fait interdiction à l'appelant de s'approcher à moins de 300 mètres de l'intimée et des enfants et de prendre contact avec eux de quelque manière que ce soit (chiffre 3 du dispositif); le Tribunal avait également attribué la garde des mineurs à la mère et suspendu le droit de visite du père;

- l'ordonnance du Tribunal de protection du 26 janvier 2023, par laquelle un droit de visite d'une demi-journée par semaine sur les enfants G______ et H______ avait été accordé à l'appelant; le Tribunal de protection avait également autorisé une reprise des liens médiatisée entre l'appelant et les mineures I______, J______ et K______, de manière séparée à raison d'une séance d'une heure chaque trois semaines par enfant, en milieu thérapeutique; il avait par ailleurs été fait interdiction à l'appelant d'entretenir des liens téléphoniques avec ses filles;

- l'ordonnance du Tribunal de protection du 1er novembre 2023, par laquelle le droit de visite de l'appelant sur ses filles I______, J______ et K______ a été suspendu.

Depuis le prononcé de ces décisions, la situation a évolué, puisque les enfants F______ et G______ sont devenus majeurs; quant au mineur H______, âgé de bientôt 17 ans, il résulte de la procédure qu'il entretient des relations régulières avec l'appelant, organisées d'accord entre eux. C'est dès lors à juste titre que le Tribunal, sur mesures provisionnelles, a implicitement levé la mesure d'éloignement relative aux enfants F______, G______ et H______ et a renoncé à fixer un droit de visite sur ce dernier. Ces points n'étant pas contestés, il n'y sera pas revenu plus avant, seule l'interdiction d'approcher de l'intimée et des filles des parties, ainsi que le droit de visite sur celles-ci faisant l'objet de la procédure d'appel.


 

2.2.2 En ce qui concerne l'interdiction d'approcher, il sera rappelé que l'appelant a été définitivement condamné par le Tribunal correctionnel à une peine privative de liberté de 30 mois avec sursis partiel et délai d'épreuve de 4 ans, pour tentatives de lésions corporelles graves, lésions corporelles simples aggravées, voies de faits, contrainte et violation du devoir d'assistance ou d'éducation. Le Tribunal correctionnel a notamment retenu que l'appelant avait, pendant plusieurs années, asséné à l'intimée des gifles ainsi que des coups, parfois avec des objets et qu'il l'avait poussée dans un escalier, ce qui lui avait occasionné différentes blessures, dont, pour les plus sérieuses, une déchirure rétinienne ayant nécessité une intervention chirurgicale et une fracture à une omoplate. Le Tribunal correctionnel a également retenu que l'appelant avait régulièrement frappé ses enfants et leur avait lancé des objets, provoquant des douleurs, parfois des hématomes, des blessures et des saignements. L'appelant n'a eu de cesse, depuis le début de la procédure, de minimiser son implication dans la situation familiale actuelle, considérant, en dépit de la lourde condamnation dont il a fait l'objet, avoir été un bon père, impliqué et soucieux du bien-être de ses enfants et rejetant pour le surplus la responsabilité des conflits conjugaux sur l'intimée, qu'il semble tenir pour fautive des coups qu'il lui a infligés. Le contenu de son mémoire d'appel permet de constater que l'appelant ne mesure pas l'impact que son comportement maltraitant a pu avoir sur l'intimée d'une part, dont il n'accepte pas la décision de divorcer et sur ses enfants et plus particulièrement ses filles d'autre part, considérant, sans tenir compte de leur ressenti mais exclusivement du sien propre, qu'il devrait être autorisé à les voir selon son bon vouloir, sans aucune restriction. Or, il paraît essentiel, dans l'intérêt de l'intimée et des filles des parties, qu'elles puissent se reconstruire et évoluer hors de la sphère d'influence de l'appelant, dont la personnalité violente et autoritaire a impacté négativement tous les membres de la famille. L'appelant ayant démontré son refus de demeurer à l'écart de l'intimée et de ses filles, attitude qui a notamment conduit à la suspension de son droit de visite sur ces dernières (cf. décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 1er novembre 2023 par le Tribunal de protection), la mesure d'éloignement dont il se plaint garde tout son sens.

Les explications fournies par l'appelant concernant la prétendue impossibilité de se conformer à ladite mesure d'éloignement en raison du fait qu'il vit dans le même quartier que l'intimée et ses filles sont sans fondement. L'appelant fait en effet mine de ne pas comprendre le contenu de la mesure contestée et le comportement qui est attendu de lui. S'il est évident qu'une rencontre purement fortuite, dans un commerce ou sur le trottoir, ne saurait lui être reprochée, il lui est en revanche fait interdiction de s'approcher volontairement de l'intimée et de ses filles dans le but d'interagir avec elles. L'interdiction d'approcher l'empêche ainsi notamment de les interpeller lorsqu'il les croise, de les faire monter dans sa voiture et de les attendre à l'entrée ou à la sortie de l'école ou de leurs autres activités. Un tel comportement est aisé à adopter, même si tous les intéressés vivent et ont leurs activités dans le même quartier.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera confirmé.

2.2.3 En l'état, les relations personnelles entre l'appelant et ses trois filles sont suspendues sur la base de la décision du 1er novembre 2023 rendue par le Tribunal de protection sur mesures superprovisionnelles. Auparavant et pendant une brève période, lesdites relations s'étaient exercées, conformément à la décision rendue par le même Tribunal de protection le 26 janvier 2023, de manière médiatisée à raison d'une séance d'une heure chaque trois semaines par enfant, en milieu thérapeutique. Avant cela, les relations personnelles père-filles avaient été suspendues par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 3 juin 2020. Dès lors et depuis plusieurs années, l'appelant n'exerce plus un droit de visite régulier sur ses trois filles, lesquelles ont de surcroît vécu des événements traumatisants en lien avec son comportement violent ayant conduit à son incarcération et à sa lourde condamnation. Il résulte du rapport du SPMI ayant donné lieu à la décision du Tribunal de protection du 1er novembre 2023 que les mineures I______, J______ et K______ se sentaient harcelées par leur père, lequel les interpellait dans la rue et critiquait leur mère; elles refusaient de ce fait de se rendre à la consultation de L______. Il ressort également des déclarations des psychologues de I______ et J______ devant le Ministère public que les deux mineures étaient ambivalentes par rapport à leur père, indiquant combien le fait qu'il puisse "débarquer" à tout moment, en dehors du cadre qui lui avait été fixé, pouvait les perturber et impacter leur bon développement. Compte tenu de cet état de fait, induit par le comportement inadéquat adopté par l'appelant, le seul écoulement du temps, qu'il invoque, ne saurait justifier le rétablissement d'un droit de visite libre sur ses trois filles. Il est au contraire essentiel que les relations personnelles père-filles puissent se dérouler dans un premier temps dans un cadre prévisible et rassurant, lequel devra impérativement être respecté par l'appelant, qui pourra peut-être, avec l'aide des thérapeutes de L______, évoluer dans sa compréhension de sa responsabilité dans la situation familiale et modifier son comportement et ce dans l'intérêt de ses enfants.

Au vu de ce qui précède, l'ordonnance attaquée sera intégralement confirmée.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 26 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et dont l'appel était dénué de chances de succès. Ils seront provisoirement assumés par l'Etat de Genève, l'appelant ayant été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Une copie du présent arrêt sera transmise au Service de l'assistance juridique.

L'appelant sera condamné à verser la somme de 1'000 fr. à l'intimée à titre de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre l'ordonnance OTPI/760/2024 rendue le 3 décembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18324/2022.

Au fond :

Confirme l'ordonnance attaquée.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement assumés par l'Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.