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Décisions | Chambre civile

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C/13461/2022

ACJC/363/2025 du 11.03.2025 sur JTPI/6907/2024 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.134.al2; CC.286.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13461/2022 ACJC/363/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 MARS 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 juin 2024, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

et

Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Pascal JUNOD, avocat, rue de la Rôtisserie 6, case postale 3763, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 4 juin 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ des fins de sa demande en modification du jugement de divorce (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr. et mis ceux-ci à la charge du précité, et dit qu'ils seront provisoirement supportés par l'Etat, le précité étant au bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 5 juillet 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais, à son annulation ainsi qu'à l'annulation des ch. 8 et 9 du dispositif du jugement JTPI/8757/2016 rendu le 30 juin 2016 par le Tribunal, à ce que l'entretien convenable du mineur D______, né le ______ 2016 soit fixé et à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution en faveur de son fils dès le 1er juillet 2022.

b. C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par la Cour le 12 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a.a A______, né le ______ 1970 à E______ (Algérie), de nationalité algérienne, et C______, née le ______ 1978 à Genève, originaire de F______ (BE) ont contracté mariage le ______ 2004 à Genève.

a.b De leur union sont issus les enfants :

-     G______, née le ______ 2003 à Genève, majeure;

-     H______, née le ______ 2004 à Genève, majeure;

-     D______, né le ______ 2006 à Genève, mineur.

a.c C______ est également mère de quatre autres enfants, issus d'autres unions.

b. Par jugement JTPI/8661/2009 du 17 septembre 2009, le Tribunal a dissout par le divorce le mariage de A______ et C______, et attribué l'autorité parentale et la garde sur les enfants à la mère.

Il a condamné A______ à verser en mains de C______, à titre de contribution à l'entretien de leurs trois enfants, par mois et d'avance, et par enfant, allocations familiales non comprises, le montant de 240 fr. au-delà de cinq ans, jusqu'à la majorité.

c. Par jugement JTPI/590/2011 du 19 janvier 2011, le Tribunal, sur demande de modification déposée par A______, a supprimé les contributions dues à l'entretien de ses enfants, la situation de A______ s’étant modifiée puisqu’il était au chômage et qu’il ne bénéficiait plus des ressources suffisantes pour faire face aux contributions d'entretien prévues initialement, et confirmé le jugement JTPI/8661/2009 pour le surplus.

d. Par jugement JTPI/8757/2016 du 30 juin 2016, le Tribunal a modifié le jugement de divorce, prononçant, notamment, l'attribution de l'autorité parentale conjointe sur les enfants et condamnant A______ au versement de contributions d'entretien en faveur de ses trois enfants à hauteur de 470 fr. par enfant et par mois, allocations familiales non comprises, jusqu’à leur majorité, voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies mais au plus tard jusqu’à l’âge de 25 ans.

Dans le cadre de l'instruction de ladite procédure, A______ a déclaré percevoir un revenu mensuel net de 2'500 fr. comme chauffeur taxi en travaillant, par manque de clientèle, durant les soirées uniquement. Le Tribunal de première instance a toutefois retenu qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. pouvait lui être imputé, conformément à la jurisprudence en matière de rémunération des chauffeurs de taxi, dans la mesure où il était en mesure d'augmenter son activité.

Dans son jugement, le Tribunal a constaté que C______ n'exerçait plus d'activité lucrative depuis le mariage et qu'elle était au bénéfice d'une rente de l'Hospice général.

Les charges de l'enfant D______ ont été arrêtées à 470 fr., après déduction des allocations familiales, soit au même niveau que celles de ses deux sœurs aînées.

e. Par acte reçu au greffe du Tribunal le 5 mai 2020, A______ a déposé une action en modification du jugement de divorce aux fins de demander la réduction des contributions d'entretien en faveur de ses trois enfants – alors tous mineurs – telles qu'ordonnées par jugement du 30 juin 2016. Il a allégué une forte diminution de ses revenus professionnels, notamment en raison de la nouvelle concurrence des chauffeurs I______ [service de taxis privés géré en ligne] et de la pandémie de COVID-19.

Par jugement JTPI/2698/2021 du 26 février 2021, le Tribunal a constaté qu'à compter du mois de mai 2020, les contributions d'entretien étaient réglées directement par l'Hospice général. Il a également retenu que la diminution de revenus alléguée par A______ s'expliquait principalement par son choix de réduire son temps d'activité aux fins d'obtenir l'aide de l'Hospice général, de sorte que le bénéfice desdites prestations ne pouvait constituer un fait nouveau justifiant la modification des contributions d'entretien en faveur de ses enfants, sauf à protéger un comportement assimilable à un abus de droit.

f. Par courrier reçu le 28 juin 2022 par le Tribunal, A______ a demandé la "révision" des contributions d'entretien en faveur de ses enfants, telles qu'ordonnées et fixées par jugement JTPI/8757/2016 du 30 juin 2016.

g. Par correspondance du 14 juillet 2022, le Tribunal de première instance a informé A______ que la demande de modification des contributions d'entretien de H______ et G______, en tant qu'enfants majeures, serait soumise à une procédure distincte de la demande en modification du jugement de divorce concernant l'entretien de l'enfant mineur D______.

i. Lors de l'audience de conciliation du 1er février 2023, A______ a déclaré, en substance, ne plus parvenir à s'acquitter de la contribution d'entretien fixée pour l'entretien de l'enfant D______.

A l'issue de celle-ci, un délai lui a été imparti pour déposer une demande en modification de jugement de divorce conforme aux prescriptions formelles
du CPC.

j. Le 27 mars 2023, A______ a déposé une demande en modification du jugement de divorce motivée tendant à la suppression de la contribution à l'entretien de l'enfant D______ à compter du 1er juillet 2022.

A l'appui de sa demande, il a soutenu que, malgré la reprise de son activité indépendante de chauffeur de taxi dès le 1er juillet 2022, il ne parvenait pas à dégager le salaire mensuel de 4'500 fr. retenu dans le jugement JTPI/8757/2016 rendu six ans plus tôt.

A______ a allégué qu'il avait bénéficié de l'aide sociale depuis avril 2020 et que son droit aux prestations financières de l'Hospice général – né et prolongé dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 – avait pris fin au mois de juin 2022, de sorte que ses revenus seraient désormais uniquement constitués des gains de son activité de chauffeur indépendant ne lui permettant pas de couvrir ses propres charges incompressibles. De plus, D______ résidait en réalité chez ses grands-parents maternels, qui assumaient son entretien financier.

k. Dans sa réponse du 7 juillet 2023, C______ a conclu au rejet de la demande formée par A______ et à la confirmation du jugement JTPI/8757/2016 du 30 juin 2016.

Elle a contesté toute dégradation de la situation financière de A______ et réfuté un changement de circonstances justifiant la modification et respectivement la diminution des contributions d'entretien articulées dans le jugement précité.

l. La situation personnelle financière des parties est la suivante :

l.a A______ est célibataire et a déclaré vivre seul.

En 2009, il gagnait un salaire mensuel net de 3'834 fr. 75 comme chauffeur de limousines pour une société de location de véhicules et d'exploitation de services d'autos-taxis.

En 2016, après une période de chômage, il a travaillé comme chauffeur de taxi. Il avait alors allégué percevoir un salaire mensuel de 2'500 fr. et présenté une situation personnelle déficitaire, ses charges s'élevant à 3'027 fr. Le Tribunal avait cependant considéré qu'il ne travaillait pas autant qu'il le pourrait et qu'il pouvait être exigé de lui qu'il augmente son activité lucrative, de sorte qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. avait été imputé à A______.

Depuis 2018, A______ a fait l'objet de nombreuses poursuites et en février 2023, il faisait l'objet de 61 actes de défaut de biens pour un total de près de 128'000 fr.

A compter du mois d'avril 2020, A______ a bénéficié de prestations d'aide financière de l'Hospice général en tant que personne exerçant une activité lucrative indépendante. Il n'a toutefois pas présenté de décompte de l'Hospice général permettant de rendre compte des prestations perçues et de la période concernée.

Il ressort de ses déclarations fiscales 2021 que A______ n'a jamais cessé son activité indépendante durant cette période. En 2021, il a déclaré un bénéfice net de 1'265 fr. et avoir perçu 46'469 fr. d'aide sociale de l'Hospice général.

Selon les pièces comptables établies à titre intermédiaire au 15 novembre 2022, les revenus mensuels nets de A______, en 2022, peuvent être arrêtés à tout le moins à 2'198 fr. 90 (9'895 fr. ÷ 4.5 mois). Le compte d'exploitation annuel 2023 de son activité indique un résultat, avant le paiement des charges sociales, de 28'259 fr. 30. Après déduction des cotisations 2023 (1'050 fr. 65), le bénéfice net de son exercice annuel est de 27'208 fr. 65, soit des revenus nets mensualisés de 2'267 fr. 40 (27'208 fr. 65 ÷ 12 mois).

Pour l'année 2022, alors qu'il allègue avoir "repris son activité indépendante de chauffeur de taxi à 100% dès le 1er juillet 2022", A______ a déclaré à l'Administration fiscale un bénéfice net de 29'442 fr., dont à déduire 1'059 fr. de cotisations sociales, soit un résultat équivalent à celui présenté dans son bilan comptable 2023, année durant laquelle il déclare avoir travaillé à temps plein. Il ressort de l'avis de taxation y afférent qu'il a perçu 15'395 fr. de prestations d'aide sociale de l'Hospice général.

A______ paye mensuellement la somme de 1'320 fr. à titre de loyer et charges de son appartement. Ses primes d'assurance-maladie s'élèvent à 631 fr. 30, dont doivent être déduits les subsides, à hauteur de 300 fr. Ses frais de santé s'élevaient en 2022 à 33 fr. 90 en moyenne par mois (406 fr. 60 ÷ 12).

l.b C______ a une formation d'esthéticienne et a travaillé, avant d'avoir ses enfants, comme secrétaire médicale. Elle bénéficie actuellement des prestations de l'Hospice général, qui couvrent l'intégralité de ses charges.

Le loyer du logement qu'elle occupe, charges comprises, s'élève à 1'768 fr. Les décomptes de l'Hospice général qu'elle présente confirment que le nombre de personnes "aidées" dans le foyer de sa mère est de huit, soit C______ et ses sept enfants, parmi lesquels figure D______, qui est ainsi réputé vivre avec sa mère. Ses primes d'assurance-maladie, subside déduit, s'élèvent à 217 fr.

Parmi les prestations de base versées par l'Hospice général, C______ perçoit mensuellement 300 fr. pour chacun de ses enfants majeurs H______ et G______, ainsi que 200 fr. pour l'enfant D______ au titre de suppléments d'intégration, ce en application des art. 25 LIASI et 7 RIASI.

l.c Le montant des allocations familiales pour l'enfant D______ s'élève à 411 fr.

La prime d'assurance-maladie de l'enfant D______, subside déduit, s'élève à 10 fr. 90 par mois. Ses frais de transport se montent à 45 fr.

m. La cause a été gardée à juger par le Tribunal au terme de l'audience de plaidoiries du 27 mars 2024.

n. Dans son jugement du 4 juin 2024, le Tribunal a relevé que le bien-fondé de l'assertion de A______ selon laquelle il ne parvenait pas à atteindre le niveau de rémunération lui permettant d'acquitter les contributions fixées pour l'entretien de ses enfants était discutable, dans la mesure où la demande de suppression des contributions d'entretien avait été déposée en juin 2022, soit avant-même que A______ ait effectivement repris son activité d'indépendant. Celui-ci avait ainsi escompté d'avance sur son incapacité financière à subvenir aux besoins de ses enfants au moment-même de recommencer à travailler.

Il résultait en outre des considérations de la procédure quant à la situation financière et personnelle de A______ que les circonstances étaient assimilables à celles sur lesquelles s'était fondé le Tribunal pour fixer le montant des contributions contestées dans le cadre de la présente cause. A______ n'établissait pas un fait nouveau susceptible de constituer un élément notable et durable qui n'aurait pas été prévu dans le jugement de (modification du jugement de) divorce. Il échouait à démontrer un motif constituant une entrave objective à atteindre les revenus arrêtés par la jurisprudence constante comme pouvant être raisonnablement attendus de lui, conformément au jugement du Tribunal de première instance dont il requérait la révision. De plus, A______ ne prétendait pas avoir envisagé de travailler comme salarié et/ou dans un autre secteur, accessible aux personnes sans formation, ou respectivement avoir recherché activement à travailler comme salarié dans son secteur professionnel et s'assurer à tout le moins un revenu fixe minimum.

Enfin, même en tenant compte de l'exigence salariale la plus basse prévue par la jurisprudence s'agissant des revenus d'un chauffeur de taxi travaillant normalement et sérieusement, dont il n'y avait pas lieu de s'écarter, soit une rémunération mensuelle moyenne nette de 3'500 fr. par mois, A______ disposerait d'un solde disponible mensuel de 614 fr. 80 (3'500 fr. – 2'885 fr. 20), suffisant pour couvrir la contribution fixée à 470 fr. par mois pour l'entretien de l'enfant mineur D______.

Dès lors, en définitive, A______ ne démontrait pas une modification significative et durable des circonstances justifiant de modifier le jugement de divorce, respectivement de supprimer la contribution mensuelle de due à l'entretien de son fils D______ en vertu du jugement de modification du
30 juin 2016 (JTPI/8757/2016).

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 3 et 311
al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur la contribution d'entretien d'une enfant mineure, soit une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 311 al. 1 CPC; ATF
142 III 413 consid. 2.2.4).

1.3 La maxime inquisitoire illimitée et la maxime d'office régissent les questions relatives aux enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2, 277 et 296 CPC), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_757/2013 du 14 juillet 2014 consid. 2.1).

La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles
(ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_616/2021 du
7 novembre 2022 consid. 8.3).

2. L'appelant fait grief au Tribunal de lui avoir imputé un revenu hypothétique et, sur cette base, de l'avoir débouté de ses conclusions en suppression de la pension alimentaire fixée par le jugement de divorce.

2.1
2.1.1
En matière de contribution due pour l'entretien d'un enfant, l'art. 286
al. 2 CC, applicable par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant. Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente.

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; 138 III 289
consid. 11.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1).

Le caractère notable de la modification se détermine concrètement, en fonction de chaque cas particulier. Des comparaisons en pourcentages des revenus peuvent représenter un indice utile, mais ne dispensent pas le juge d'une analyse concrète du cas d'espèce. Ainsi, la modification d'un revenu de 10 à 15% peut se révéler suffisante lorsque la capacité économique des parties est restreinte, tandis qu'une modification de revenu de 15 à 20% est nécessaire lorsque la situation économique des parties est bonne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2011 du
13 septembre 2011 consid. 6.1; 5C.197/2003 du 30 avril 2004 consid. 3, spéc. 3.3; Pichonnaz, Commentaire romand CC I, 2010, n. 33 ad art. 129 CC).

La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020
consid. 6.1). Afin d'établir si on est en présence d'une situation qui s'est modifiée de manière durable et importante une comparaison doit être effectuée entre les constatations de fait et le pronostic effectués dans le jugement de divorce, d'une part, et les circonstances existant à la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, d'autre part. Un état de fait futur incertain et hypothétique ne constitue pas une cause de modification. Des éléments concrets relatifs à une modification prochaine des circonstances peuvent par contre être pris en considération, afin d'éviter autant que possible une nouvelle procédure ultérieure en modification (ATF 120 II 285 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 7; 5A_487/2010 du 3 mars 2011
consid. 2.1.1, 2.2 et 2.3).

2.1.2 Il a été admis par la Cour, dès 1998 et constamment depuis lors, qu'un chauffeur de taxi travaillant normalement et sérieusement disposait de revenus nets d'au moins 3'500 fr. par mois, la moyenne se situant autour de 4'000 fr., montant qui doit être actualisé à 4'500 fr. en raison de l'augmentation des tarifs de taxis depuis lors. Depuis l'arrivée de I______ à Genève, les centrales de taxis n'ont rendu vraisemblables ni une perte d'abonnés ni une diminution des appels ou du chiffre d'affaires (ACJC/730/2024 du 5 juin 2024, consid. 3.1.3; ACJC/1124/2022 du 30 août 2022, consid. 2.1.2; ACJC/969/2022 du 15 juillet 2022, consid. 5.1.2; ACJC/1188/2018 du 31 août 2018 consid. 4.1.3; ACJC/313/2018 du 13 mars 2018 consid. 6.2.1).

Selon les chiffres émanant du Secrétariat d'Etat à l'économie, le salaire mensuel brut pour un homme actif dans le transport dans la région lémanique s'élève entre 3'890 fr. et 4'850 fr, le salaire médian étant de 4'490 fr. (activité de transport terrestre, 40 heures de travail par semaine, sans formation professionnelle complète, sans fonction de cadre, sans année de services; https://entsendung.admin.ch/Lohnrechner/lohnberechnung).

A teneur des statistiques officielles du canton de Genève, le salaire mensuel brut standardisé et médian réalisé en 2022 se montait à 6'683 fr. pour un homme actif dans le transport de personnes (OCSTAT; tableau T 03.04.1.01-2022).

2.1.3 L'imputation d'un revenu hypothétique entraîne l'examen successif de deux conditions. Le juge doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger de la personne concernée qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Il doit ensuite établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 147 III 308 consid. 4;
143 III 233 précité consid. 3.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_257/2023 précité consid. 7.2 et les références).

2.1.4 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

2.2 En l'espèce, le Tribunal avait retenu dans son jugement JTPI/8757/2016 du
30 juin 2016 dont la modification est demandée qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. pouvait être imputé à l'appelant. Ce dernier soutient qu'il a repris en juillet 2022 son activité de chauffeur de taxi, laquelle ne lui permettrait cependant pas de réaliser un tel revenu.

Il convient dès lors de se demander si les circonstances se sont modifiées depuis 2016.

Tout d'abord, il ressort du jugement dont la modification a été demandé que l'appelant avait allégué percevoir des revenus de 2'500 fr. et supporter des charges de 3'027 fr., alors qu'il soutient percevoir désormais des revenus de 2'267 fr. pour des charges de 2'885 fr., ce qui ne représente pas une modification notable des circonstances.

Cela étant, la contribution d'entretien a été fixée sur la base d'un revenu hypothétique, de sorte qu'il convient de se demander si les circonstances se sont modifiées de telle sorte qu'un tel revenu ne pourrait plus être imputé à l'appelant.

Il ressort des pièces produites par l'appelant qu'il n'a effectivement pas perçu un tel revenu. Aucun élément ne permet cependant de retenir que les considérations selon lesquelles un chauffeur de taxi serait en mesure d'obtenir les revenus sur lesquels le Tribunal s'était fondé en 2016 pour fixer les contributions d'entretien se seraient modifiées.

L'appelant a déposé sa demande de modification du jugement de divorce avant même qu'il reprenne son activité de chauffeur de taxi, de sorte qu'il est difficile de savoir comment il pouvait affirmer qu'il ne serait pas en mesure de percevoir le montant de 4'500 fr. imputé à titre de revenu hypothétique en exerçant cette activité. L'appelant soutient qu'il ne serait en mesure de percevoir des revenus que de 2'267 fr., voire 2'850 fr. seulement en se fondant sur une enquête dont les résultats ont été publiés dans le magazine L'Illustré. Ce dernier montant correspond toutefois au salaire d'un chauffeur de taxi zurichois, et non genevois et les bases sur lesquelles ce revenu a été fixé ne sont pas connues. L'article de magazine cité ne constitue donc pas une base suffisante pour retenir que la situation des chauffeurs de taxi s'est modifiée depuis 2016 et que la jurisprudence de la Cour selon laquelle un chauffeur de taxi est en mesure de percevoir à Genève des revenus de 4'500 fr. serait dépassée. Il ressort par ailleurs des statistiques qu'un chauffeur de taxi est en mesure de gagner par mois un salaire brut compris entre 4'490 fr. (salaire médian) selon le Secrétariat d'État à l'Economie et 6'683 fr. selon les statistiques officielles genevoises.

L’appelant n’a pas allégué souffrir de problèmes de santé l’empêchant de travailler et ses considérations toutes générales sur l’arrivée de I______ ou le changement des habitudes des clients ne permet pas de retenir que les conditions sur le marché du transport de personnes se seraient dégradées depuis 2016.

Il doit dès lors être considéré qu'au moment du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, les circonstances ne s'étaient pas modifiées de manière notable, de telle sorte qu'un revenu hypothétique de 4'500 fr. ne pourrait pas être imputé à l'appelant.

Il doit par ailleurs être relevé qu'il appartenait à l'appelant de rechercher un autre emploi si celui qu'il exerce à titre indépendant n'est pas susceptible de lui procurer des revenus supérieurs à ceux allégués, correspondant à ceux fixés par le Tribunal. L'appelant, qui ne conteste pas être capable de travailler à plein temps, soutient ne pas être en mesure de trouver un emploi plus rémunérateur compte tenu de son âge et de son absence de formation professionnelle. Il n'a toutefois pas démontré qu'il aurait cherché, en vain, un travail plus rémunérateur et que les éléments invoqués constitueraient un obstacle pour en trouver un.

Enfin, le canton de Genève connaît un salaire minimum qui peut être évalué à environ 3'600 fr. nets par mois pour une activité à plein temps. Ainsi, même en tenant compte de ce salaire minimum, que l'appelant pourrait obtenir dans un secteur ne nécessitant pas de formation particulière, comme le nettoyage par exemple, l'appelant serait en mesure de percevoir des revenus plus importants qui, compte tenu des charges qu'il allègue, lui permettrait de s'acquitter de la contribution d'entretien de 470 fr.

En définitive, il résulte de ce qui précède, que le Tribunal a retenu à juste titre que la situation de l'appelant n'avait pas notablement changé depuis que le jugement dont la modification est sollicitée a été rendu. C'est également à bon droit que le Tribunal a considéré que même si le montant de 4'500 fr. ne pouvait être réalisé par l'appelant, il serait en mesure d'obtenir des revenus lui permettant de s'acquitter de la contribution d'entretien de 470 fr.

L'appel n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. L'appelant, qui succombe, supportera les frais judiciaires de la procédure d'appel (art. 95 al. 1 let. 1 et al. 2, 104 al. 1 et 106 al. 1 CPC), qui seront fixés à 1'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC [RS/GE E 1 05.10]). L'appelant plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part des frais sera provisoirement laissée à la charge de l'État de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 122 et 123 CPC; art. 19 RAJ).

Il versera par ailleurs des dépens à l'intimée à hauteur de 1'000 fr. (art. 95 al. 1
let. b et al. 3, 96, 104 al. 1, 106 al. 1 et 111 al. 2 CPC; 20 et 23 LaCC; 85 et
90 RTFMC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/6907/2024 rendu le 4 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13461/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______.

Laisse provisoirement la part de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'assistance judiciaire.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à C______ au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.