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Décisions | Chambre civile

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C/11809/2023

ACJC/329/2025 du 04.03.2025 sur JTPI/7892/2024 ( OS ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11809/2023 ACJC/329/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 MARS 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 juin 2024, représenté par Me B______, avocate,

et

Les mineures C______ et D______, représentées par leur mère, Madame E______, domiciliées ______, intimées représentées par Me F______, avocate.

 


EN FAIT

A. a. E______, née le ______ 1981, et A______, né le ______ 1970, sont les parents non mariés de G______, né le ______ 2004, D______, née le ______ 2006 et C______, née le ______ 2008.

b. A______ est par ailleurs père de H______, née en 1991 d'une précédente relation.

c. E______ et A______ se sont séparés en 2013, E______ ayant quitté le domicile familial avec leurs enfants.

d. Par arrêt de la Cour de justice du 26 juin 2015, la contribution de A______ à l'entretien de ses enfants a été fixée à 260 fr. par mois et par enfant, allocations familiales et d'études non comprises, à partir du 1er février 2015 jusqu'à la majorité de chaque enfant, voire au-delà en cas de formation ou d’études régulières et suivies, mais au maximum jusqu'à 25 ans.

La Cour avait alors retenu que les besoins des enfants, allocations familiales déduites, s'élevaient à 710 fr. pour G______, 410 fr. pour D______ et 510 fr. pour C______, que leur mère assumait la prise en charge effective des enfants en leur fournissant les soins et l'éducation et n'était pas en mesure d'exercer une activité lucrative lui permettant de couvrir son propre minimum vital, qu'il pouvait être exigé de A______ qu'il exerce une activité lucrative pour contribuer à l'entretien de ses enfants mineurs. Elle lui avait en conséquence imputé un revenu hypothétique de 3'253 fr. net par mois, déterminé selon le calculateur individuel de salaires mis à disposition sur le site internet de l'Office fédéral de la statistique pour une activité simple et répétitive dans les services relatifs aux bâtiments et aménagement paysager, à temps complet, considéré qu'il disposait d'un solde de l'ordre de 800 fr. après couverture de ses charges s'élevant à 2'450 fr. et donc fixé à 260 fr. sa contribution à l'entretien de chacun de ses trois enfants.

e. Par ordonnance du 1er mars 2016, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a confié aux parents l'autorité parentale conjointe sur leurs trois enfants et institué une garde partagée à exercer en alternance du lundi à 8h00 à l'école jusqu'au lundi suivant à 8h00 à l'école, ainsi que la moitié des vacances scolaires.

f. A______ s'est marié avec I______ le ______ 2017.

De leur union sont nées J______, née le ______ 2021, et K______, née le ______ 2022.

g. En 2018, E______ est devenue mère de jumeaux, aujourd'hui âgés de 6 ans.

h. Par ordonnance du 13 octobre 2020, le Tribunal de protection a modifié l'attribution de la garde sur les trois enfants prononcée le 1er mars 2016 en confiant la garde du mineur G______ à son père, celle de la mineure D______ à la mère (ch. 2 et 3 du dispositif) et maintenu la garde partagée de la mineure C______ (ch. 4), en réservant à chaque parent un droit de visite sur l'enfant dont il n'avait pas la charge (ch. 7 à 9).

i. En décembre 2022, A______ a été placé en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon suite à une plainte pénale déposée par sa fille ainée H______, qui lui reprochait de l'avoir violée durant plusieurs années alors qu'elle vivait chez lui et E______. Sa détention provisoire a été levée le 12 février 2024, moyennant diverses mesures de substitution, dont notamment l'interdiction de contacter ses filles D______ et C______.

La procédure pénale dirigée contre A______ est en cours.

j. Depuis l'incarcération de A______ en décembre 2022, la mineure C______ vit de manière permanente auprès de sa mère E______, avec sa sœur D______.

k. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 16 octobre 2023 après échec de la tentative de conciliation requise le 5 juin 2023, les mineures C______ et D______, représentées par leur mère E______, ont introduit une action alimentaire avec fixation des droits parentaux à l'encontre de A______. Elles ont conclu à l'annulation des chiffres 4, 7, 8 et 9 de l'ordonnance rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 13 octobre 2020, à l'attribution de la garde exclusive de C______ à sa mère, à la réserve d'un droit de visite en faveur du père, à la fixation des frais effectifs des mineurs D______ et C______ à 628 fr. par mois pour chacune d'elles, à la condamnation de A______ de verser une contribution, par mois et d'avance à compter de son incarcération, allocations familiales non comprises et à compter de 650 fr. jusqu'à l'âge de 18 ans révolus puis de 700 fr. en cas d'études sérieuses et régulières pour l'entretien de sa fille D______, et de 700 fr. jusqu'à l'âge de 16 ans révolus puis que 750 fr. jusqu'à sa majorité voire au-delà en cas d'études sérieuses et régulières pour l'entretien de C______.

l. A______ a conclu au rejet de la demande.

m. Par ordonnance rendue sur mesures provisionnelles le 28 novembre 2023, le Tribunal a attribué la garde exclusive sur la mineure C______ à la mère et dit que les allocations familiales pour cette dernière seraient versées en mains de sa mère.

n. La situation financière des parties se présente comme suit :

n.a E______ expose être soutenue par l'Hospice général depuis le mois d'août 2023.

Elle vit avec ses filles D______ et C______ et ses jumeaux dans un appartement de cinq pièces au L______ [GE], dont le loyer est de 1'287 fr., charges comprises.

Ses charges s'élèvent à 2'775 fr. 40, comprenant le montant de base OP (1'350 fr.), le loyer à raison de 60% (772 fr. 20), la cotisation d'assurance-maladie (583 fr. 20) et les frais de transports publics (70 fr.).

n.b Devenue majeure le ______ 2024, D______ effectue des études au Collège de Genève. Des allocations familiales en 415 fr. sont versées en sa faveur.

Ses charges mensuelles se montent à 904 fr. 10, comprenant le montant de base OP (600 fr.), la participation au loyer (128 fr. 70), la cotisation d'assurance-maladie (140 fr. 40) et les frais de transports publics (35 fr.).

n.c Née en ______ 2008, C______ est âgée de 17 ans. Des allocations familiales en 515 fr. sont versées en sa faveur.

Ses charges mensuelles sont de 904 fr. 10, comprenant le montant de base OP (600 fr.), la participation au loyer (128 fr. 70), la cotisation d'assurance-maladie (121 fr. 30) et les frais de transports publics (35 fr.).

n.d Né en 1970, A______, détenu à titre provisoire au sein de l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon jusqu'en février 2024, est depuis lors assisté par l'Hospice général.

Il a indiqué être à la recherche d'un emploi et avoir postulé à plusieurs endroits. Il allègue souffrir de diabète et de douleurs chroniques à la hanche, ainsi que de troubles psychologiques liés à son incarcération. Il ressort de l'attestation établie le 10 juillet 2024 par son médecin traitant que A______ est suivi pour un diabète non-insulino-dépendant avec bon contrôle de ses glycémies, qu'il souffre d'une douleur chronique à la hanche gauche liée à une bursite efficacement traitée, et qu'il prend une médication antidépressive à petite dose en raison des troubles psychologiques provoquées par son incarcération. Selon le rapport médical établi le 11 juillet 2024 par les Hôpitaux Universitaires de Genève, consultation ambulatoire initiale de chirurgie, A______ présente des douleurs d'allure musculaire en lien avec une probable bursite et tendinopathie, la radiographie montant seulement des signes coxarthrose débutante n'expliquant pas ces douleurs, de sorte qu'une physiothérapie douce de stretching lui était proposée.

Son épouse, I______, bénéficie également de prestations de l'Hospice général. A______ allègue qu'elle est également à la recherche d'un emploi.

Le Tribunal a retenu que ses charges mensuelles étaient de 1'672 fr., comprenant le montant de base OP (850 fr.), le loyer à raison de 50% (508 fr.), la cotisation d'assurance-maladie, subside déduit (244 fr.) et les frais de transports publics (70 fr.). Il n'a pas retenu les frais de télécommunication invoqués, au motif qu'ils étaient déjà compris dans le montant de base OP selon les Normes d'insaisissabilité pour l'année 2024.

A______ fait valoir des frais de télécommunication à hauteur de 222 fr. 40 par mois. Sa facture y relative du mois de juillet 2024 fait état d'abonnements à concurrence de ce montant.

Il se prévaut en outre des charges mensuelles de ses enfants J______ et K______ à hauteur de respectivement 1'583 fr. 10 et 1'483 fr, 10, comprenant pour chacune d'elles 400 fr. de montant de base OP, 154 fr. 40 de participation au loyer (15 %), 1'202 fr. 50 de frais de crèche, de 37 fr. 20, respectivement 27 fr. 20 de cotisations d'assurance-maladie, subside déduit, de frais médicaux non pris en charge de 100 fr. pour J______, sous déduction des allocations familiales de 311 fr. pour chacune d'entre elles.

o. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 14 mai 2024.

B. Par jugement JTPI/7892/2024 rendu le 20 juin 2024, le Tribunal de première instance a notamment modifié les chiffres 4, 7, 8 et 9 du dispositif de l'ordonnance DTAE/6274/2020 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 13 octobre 2020 et attribué la garde exclusive de C______ à E______ et renoncé à régler les relations personnelles entre les mineures D______ et C______ et leur père (chiffre premier du dispositif), modifié le dispositif de l'arrêt ACJC/774/2015 de la Cour de justice du 26 juin 2015 en condamnant le père à verser en mains de la mère une contribution de 500 fr., d'avance, par mois et par enfant, allocations familiales non comprises, à l'entretien des mineures à partir du 1er septembre 2024 et jusqu'à leur majorité, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières (ch. 2), et réparti par moitié entre les parties les frais judiciaires, qu'il a arrêtés à 2'000 fr. en condamnant le père à verser 1'000 fr. à l'Etat de Genève et en dispensant provisoirement les mineures, plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, du versement de leur part (ch. 5).

Le Tribunal a considéré que la situation des parties avait changé de manière notable en raison de la naissance des deux filles de l'appelant en 2021 et 2022, de son concubinage avec sa nouvelle compagne, de l'entrée en vigueur de la législation genevoise instaurant un salaire minimal en novembre 2020 et du changement du système de garde de l'enfant C______.

Après avoir déterminé les besoins des parties en fonction du minimum vital du droit des poursuites, le Tribunal a retenu que les charges mensuelles des deux enfants, allocations familiales déduites, s'élevaient à 500 fr. pour chacune d'entre elles, et qu'il appartenait en principe à l'appelant d'assumer l'entretien financier de ses filles puisque leur mère, assistée par l'Hospice général, en assurait la prise en charge effective au quotidien. Le premier juge a retenu que l'appelant n'avait pas démontré souffrir de diabète ou de douleurs aux hanches, qu'il était en conséquence en mesure de travailler à plein temps et lui a en conséquence imputé un revenu hypothétique net de 3'800 fr., déterminé sur la base du salaire minimum à Genève, de 4'426 fr. brut, sous déduction de 14% de charges sociales à compter du 1er septembre 2024. L'appelant disposant ainsi d'un solde de plus de 2'000 fr. par mois après couverture de ses charges s'élevant à 1'672 fr., il était en mesure de contribuer à l'entretien de D______ et C______ à raison de 500 fr. par mois, ce qui lui permettait de disposer de montants équivalents pour l'entretien de ses deux autres enfants J______ et K______.

C. a. Par acte expédié le 26 août 2024, A______ appelle de ce jugement, qu'il a reçu le 24 juin 2024. Il conclut à l'annulation des chiffres 2 et 5 de son dispositif et, cela fait, demande à la Cour de supprimer son obligation de contribuer à l'entretien de ses enfants D______ et C______, subsidiairement de réduire à 200 fr. sa contribution à l'entretien de C______ à compter du 1er juillet 2025 et de supprimer sa contribution à l'entretien de D______ et, plus subsidiairement encore, de fixer sa contribution à l'entretien de C______ à 500 fr. par mois à compter du 1er juillet 2025 et de supprimer sa contribution à l'entretien de D______. Il conclut en outre, en tout état, à ce qu'il soit constaté qu'il agissait au bénéfice de l'assistance judiciaire et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

b. La mineure D______ et C______, qui, devenue majeure au cours de la procédure devant la Chambre civile, a ratifié les conclusions prises en son nom par sa mère, ont conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du 9 décembre 2024.

EN DROIT

1. Interjeté selon les forme et délai prescrits contre une décision finale statuant notamment sur la contribution due à l'entretien d'enfants mineurs, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions formulées à ce titre en première instance, supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable (art. 92, 130, 142 al. 3, 143 al. 1 et 145 al. 1 let. b, 308 al. 1 let. a et al. 2, 311 al. 1 CPC).

2. Le litige, qui porte sur l'entretien d'enfants mineurs, est soumis aux maximes inquisitoire illimitée et d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC).

3. Les pièces nouvelles produites par les parties devant la Cour sont recevables, puisque le litige porte sur l'entretien d'enfants mineurs et que la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

4. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir augmenté sa contribution à l'entretien de ses filles D______ et C______, faisant valoir que leur situation n'avait pas changé de manière notable, que la réglementation de garde de sa fille D______ ne s'était pas modifiée et que sa propre situation financière s'était péjorée en raison de ses problèmes de santé et de la naissance de ses deux filles en 2021 et 2022.

4.1.1 L'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 CC).

La contribution d'entretien due à l'enfant doit correspondre aux besoins de celui-ci, ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

L'obligation d’entretien des père et mère dure jusqu’à la majorité de l’enfant; si, à sa majorité, l’enfant n’a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l’exiger d’eux, subvenir à son entretien jusqu’à ce qu’il ait acquis une telle formation, pour autant qu’elle soit achevée dans les délais normaux (art. 277 al. 1 et 2 CC).

L'obligation d'entretien envers un enfant mineur prime les autres obligations d'entretien du droit de la famille (art. 276a al. 1 CC).

4.1.2 Le juge peut ordonner que la contribution d'entretien soit augmentée ou réduite dès que des changements déterminés interviennent dans les besoins de l'enfant, les ressources des pères et mère ou le cout de la vie (art. 286 al. 1er CC). Si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant (art. 286 al. 2 CC).

Une modification ou une suppression de la contribution d'entretien suppose que des faits nouveaux importants et durables soient survenus dans la situation du débirentier ou du parent gardien, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_523/2021 du 29 mars 2022 consid. 3.1; 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1).

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; 138 III 289 consid. 11.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_400/2018 consid. 3; 5A_788/201 consid. 5.1). Les changements notables sont notamment une maladie de longue durée ou une invalidité, la perte d'un emploi du débirentier ou du parent gardien, un changement important de la situation économique du débiteur ou une modification de la situation familiale, telle que la naissance d'autres enfants (Arrêts du Tribunal fédéral 5A_700/2019 du 3 février 2021 consid. 2.1; 5A_35/2018 du 31 mai 2018 consid. 3.1; PERRIN, CR CC I, 2ème éd., 2023, n. 10 ad art. 286 CC).

La survenance d'un fait nouveau - important et durable - n'entraîne toutefois pas automatiquement une modification de la contribution d'entretien. Ce n'est que si la charge d'entretien devient déséquilibrée entre les deux parents, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent, en particulier si cette charge devient excessivement lourde pour le parent débirentier qui aurait une condition modeste, qu'une modification de la contribution peut entrer en considération. Le juge ne peut donc pas se limiter à constater une modification dans la situation d'un des parents pour admettre la demande; il doit procéder à une pesée des intérêts respectifs de l'enfant et de chacun des parents pour juger de la nécessité de modifier la contribution d'entretien dans le cas concret
(ATF 137 III 604 consid. 4.1.1, 134 III 337 consid. 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_400/2018 consid. 3; 5A_788/2017 consid. 5.1; 5D_183/2017 du 13 juin 2018 consid. 4.1; 5A_35/2018 du 31 mai 2018 consid. 3.1; 5A_760/2016 du 5 septembre 2017 consid. 5.1). 

4.1.3 Si l'enfant est sous la garde exclusive de l'un des parents, vit dans le ménage de ce dernier et ne voit l'autre parent que dans le cadre de l'exercice du droit aux relations personnelles, le parent gardien apporte sa contribution à l'entretien de l'enfant en nature, soit en s'occupant de l'enfant et en l'élevant. Eu égard au principe de l'équivalence des prestations en argent et en nature, le versement d'une contribution d'entretien incombe, dans un tel cas, en principe entièrement à l'autre parent (ATF 114 II 26 consid. 5b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_848/2019 du 2 décembre 2020 consid. 7.1 et les références; 5A_727/2018 du 22 août 2019 consid. 4.3.2.1).

4.1.4 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille (ATF 147 III 265, SJ 2021 I 3016; 147 III 293147 III 301). Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites puis, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie. L'éventuel excédent est ensuite réparti en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l'enfant (ATF 147 III 265 consid. 7.1).

Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2024, RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, à savoir, pour l'enfant, les primes d'assurance-maladie obligatoire, les frais de formation, les frais médicaux non pris en charge par une assurance, une part des frais de logement du parent gardien et les frais de garde par des tiers
(ATF 147 III 265 consid. 7.2). Dans la mesure où les ressources financières le permettent, l'entretien convenable doit être élargi au minimum vital du droit de la famille (ATF 147 III 265 consid. 7.2). Les allocations familiales doivent être retranchées du coût de l'enfant (arrêt du Tribunal 5A_743/2017 du 22 mai 2019 consid. 5.2.3).

L'entretien de l'enfant majeur doit céder le pas non seulement au minimum vital du droit des poursuites, mais également au minimum vital du droit de la famille des autres ayants droit, car ces derniers disposent d'une prétention à la préservation de leur minimum vital du droit de la famille en présence de moyens suffisants (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

4.1.5 Le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1). S'agissant de l'obligation d'entretien d'un enfant mineur, les exigences à l'égard des père et mère sont plus élevées, en particulier lorsque la situation financière est modeste, en sorte que les parents doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela a une influence sur leur capacité à subvenir aux besoins de l'enfant
(ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_254/2019 du 18 juillet 2019 consid. 3.1; 5A_946/2018 du 6 mars 2019 consid. 3.1).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Il doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées et du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 précité consid. 5.2.1). La prise, la reprise ou l'extension d'une activité lucrative ne doit en principe être admise que pour le futur, étant précisé que l'on accorde généralement à la partie à qui on veut imputer un revenu hypothétique un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_694/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.5.2; 5A_549/2017 du 11 septembre 2017 consid. 4).

4.2.1 En l'espèce, le Tribunal a considéré que la situation des parties avait changé de manière notable en raison de la naissance des deux filles de l'appelant en 2021 et 2022, de son concubinage avec sa nouvelle compagne, de l'entrée en vigueur de la législation genevoise instaurant un salaire minimal en novembre 2020 et du changement du système de garde de l'enfant C______.

Aucun changement dans la prise en charge des enfants ne justifie toutefois d'adapter la contribution de l'appelant à l'entretien de ses filles. Dans son arrêt rendu le 26 juin 2015, la Cour avait en effet fixé la contribution de l'appelant à l'entretien de chacune de ses filles D______ et C______ à 260 fr. par mois, en retenant que la mère exerçait la garde exclusive sur les trois enfants du couple et n'était pas en mesure d'exercer une activité professionnelle lui permettant de couvrir son minimum vital et qu'il pouvait être exigé du père, qui était en mesure de travailler à plein temps et de réaliser un revenu net de 3'253 fr., qu'il fournisse les efforts nécessaires pour contribuer financièrement à leur entretien.

La répartition entre les parents de la garde de leurs trois enfants a certes été modifiée en octobre 2020 lorsque le Tribunal de protection a confié la garde du fils aîné au père, celle de D______ à la mère et instauré une garde partagée sur la cadette C______. La contribution de l'appelant à l'entretien de ses enfants n'avait alors pas été adaptée à la modification du système de garde sur les enfants. Il en va de même de l'incarcération de l'appelant de janvier 2023 à février 2024, qui n'a conduit à aucune modification de sa contribution à l'entretien de ses enfants.

Depuis l'incarcération de l'appelant en décembre 2022, la garde de C______ est à nouveau exclusivement exercée par sa mère et lui a été attribuée dans le cadre de la présente procédure, sur mesures provisionnelles en novembre 2023 puis sur le fond dans le jugement querellé. La garde sur D______ n'a pas subi de modification, puisqu'elle a été exclusivement exercée par sa mère depuis le prononcé de l'arrêt du 26 juin 2015 jusqu'à la majorité de l'enfant en octobre 2024.

Il s'avère ainsi qu'en ce qui concerne la répartition entre les parents de la garde de leurs enfants, la situation actuelle n'a, en comparaison de celle prévalant en 2015 lorsque la contribution d'entretien a été fixée, pas subi de modification majeure, puisque la mère l'exerce de manière exclusive sur C______ et sur D______ jusqu'à la majorité de celle-ci.

En revanche, la situation financière de l'appelant a effectivement changé puisqu'il a eu deux enfants en 2021 et 2022 et qu'il vit en concubinage avec sa nouvelle compagne. Il se prévaut par ailleurs de problèmes de santé qui l'empêcheraient d'exercer une activité lucrative. Il se justifie en conséquence d'examiner à nouveau sa capacité contributive pour déterminer si sa contribution à l'entretien de ses filles D______ et C______ doit être adaptée en conséquence.

4.2.2.1 L'appelant reproche au premier juge d'avoir considéré qu'il était en mesure d'exercer une activité lucrative à plein temps et de lui avoir imputé un revenu hypothétique à hauteur de 3'800 fr.

Il a produit, devant la Cour, un certificat établi par son médecin traitant le 10 juillet 2024 ainsi qu'un rapport médical des HUG du 11 juillet 2024, dont il ressort qu'il souffre de diabète, qu'il se plaint de douleurs à la hanche et qu'il suit un léger traitement antidépresseur. Ces attestations n'établissent toutefois pas que son état de santé l'empêche d'exercer une activité lucrative. A défaut d'éléments permettant de retenir le contraire, l'appelant est en mesure de travailler à plein temps et l'on peut attendre de lui qu'il fournisse cet effort pour qu'il subvienne à l'entretien de ses enfants.

Aucune modification conséquente n'est ainsi survenue dans l'aptitude de l'appelant à exercer une activité lucrative, que la Cour avait déjà retenue dans son arrêt du 26 juin 2015.

C'est dès lors à tort que le Tribunal a procédé à une réévaluation du revenu hypothétique de l'appelant, qui sera maintenu à hauteur 3'253 fr. par mois comme l'avait retenu la Cour dans sa précédente décision, étant ici relevé que la seule entrée en vigueur de la réglementation genevoise instaurant un salaire minimal ne justifie pas de revoir la contribution d'entretien précédemment fixée.

4.2.2.2 Dans la mesure où l'appelant a eu deux filles en 2021 et 2022 et où il fait ménage commun avec sa nouvelle compagne, il y a lieu d'actualiser ses charges incompressibles déterminant son minimum vital.

Le Tribunal a, à raison et sans avoir été remis en cause par les parties, déterminé le minimum vital de celles-ci selon le droit des poursuites au regard de leur situation financière. Il a, s'agissant de l'appelant, retenu que ses charges se montaient à 1'672 fr., comprenant le montant de base OP (850 fr.), le loyer à raison de 50% (508 fr.), la cotisation d'assurance-maladie, subside déduit (244 fr.) et les frais de transports publics (70 fr.).

C'est à juste titre que le premier juge n'a pas pris en considération les frais de télécommunication allégués à hauteur de 222 fr. par mois, dans la mesure où les moyens financiers modestes des parties ne permettent pas d'élargir leur entretien au-delà du au minimum vital du droit des poursuites.

Les charges incompressibles de l'appelant seront en conséquence retenues à hauteur de 1'672 fr.

4.2.2.3 L'appelant bénéficie ainsi d'un disponible de 1'580 fr. après couverture de ses charges incompressibles pour faire face à ses obligations alimentaires à l'égard de ses enfants.

4.2.2.4 Il est admis que l'entretien de la mineure C______ se monte à 885 fr., comprenant le montant de base OP (600 fr.), la participation au loyer (128 fr. 70), la cotisation d'assurance-maladie (121 fr. 30) et les frais de transports publics (35 fr.). Ses charges s'élèvent ainsi, après déduction des allocations familiales de 515 fr., à 370 fr. par mois.

4.2.2.5 En ce qui concerne D______, le Tribunal a retenu, sans être remis en cause par les parties, que ses charges incompressibles s'élèvent à 904 fr. 10, comprenant le montant de base OP (600 fr.), la participation au loyer (128 fr. 70), la cotisation d'assurance-maladie (140 fr. 40) et les frais de transports publics (35 fr.).

L'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il reproche au premier juge d'avoir retenu des allocations familiales à hauteur de 415 fr. au lieu de 515 fr. pour D______, puisque ce dernier montant n'est alloué qu'au troisième enfant (art. 4 let. b de la loi sur les allocations familiales RS/GE).

Ses charges représentent ainsi 489 fr. par mois.

4.2.2.6 La mère des intimées, qui bénéficie de l'aide sociale, assume la garde exclusive de D______ depuis la séparation des parties en 2013. Elle s'est occupée de la mineure C______ de manière exclusive jusqu'à ce que la garde partage soit instaurée par le Tribunal de protection en mars 2016, et assume à nouveau la prise en charge exclusive de C______ depuis l'incarcération de l'appelant en décembre 2022.

C'est, dans ces circonstances, à raison que le premier juge a considéré qu'il revenait à l'appelant d'assurer l'entretien de ses filles sur le plan financier puisque leur mère assume leur prise en charge au quotidien.

4.2.2.7 L'appelant se prévaut par ailleurs de ses obligations alimentaires à l'égard de ses enfants J______ et K______, nées en 2021 et 2022 de sa relation avec sa nouvelle compagne. Il fait valoir des charges de 1'583 fr. et 1'483 fr., allocations familiales déduites, comprenant pour chacune des filles, outre le montant de base OP, la participation au loyer, la cotisation d'assurance-maladie, subside déduit, des frais de crèche de 1'202 fr. 50 par mois. Il ne sera pas tenu compte des frais de crèche, qui n'apparaissent pas indispensable dans la mesure où leur mère bénéficie également de l'aide sociale n'exerce donc pas d'activité professionnelle, de sorte que l'entretien de J______ et de K______ n'excède pas les sommes de 380 fr. et 280 fr.

Bénéficiant d'un disponible de 1'580 fr., l'appelant est ainsi en mesure de faire face à ses obligations alimentaires à l'égard de ses enfants mineurs C______, J______ et K______ à raison de 370 fr., 380 fr. et 280 fr., soit 1'030 fr. au total, tout en subvenant aux charges incompressibles de sa fille D______, devenue majeure en ______ 2024 et poursuivant ses études au Collège de Genève, à hauteur de 490 fr. par mois. Il apparaît ainsi équitable que l'appelant contribue à l'entretien de chacun de ses enfants de manière à couvrir leur minimum vital respectif. Sa contribution à l'entretien de ses filles D______ et C______ fixée par arrêt du 26 juin 2015 sera en conséquence modifiée et arrêtée à hauteur de 490 fr. pour D______ et 370 fr. pour C______.

Dans la mesure où le revenu hypothétique avait déjà été imputé à l'appelant en 2015, il ne se justifie pas de lui octroyer un délai supplémentaire, de sorte que l'augmentation de sa contribution d'entretien interviendra avec l'entrée en force du présent arrêt.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 500 fr. (art. 17 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié entre elles, vu la nature familiale du litige (art. 95 al. 1 et 2, 105 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC). Les parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 et 123 al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens d'appel (art. 95 al. 3, 105 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 26 août 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7892/2024 rendu le 20 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11809/2023.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Modifie le dispositif de l'arrêt ACJC/774/2015 rendu le 26 juin 2015 par la Cour de justice dans la cause C/1______/2013 de la manière suivante :

Condamne A______ à verser en mains de E______, à titre de contribution à l'entretien de D______, allocations familiales non comprises, d'avance et par mois, 490 fr. jusqu'à sa majorité et au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Condamne A______ à verser en mains de E______, à titre de contribution à l'entretien de C______, allocations familiales non comprises, d'avance et par mois, 370 fr. jusqu'à sa majorité et au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr. et les met à la charge des parties à raison de la moitié chacune.

Dit que ces frais sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Dit qu'il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.