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Décisions | Chambre civile

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C/14824/2012

ACJC/268/2025 du 18.02.2025 sur JTPI/5388/2024 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14824/2012 ACJC/268/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 18 FEVRIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Liban, contre un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 avril 2024, représenté par Me Jean-Cédric MICHEL, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

et

B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Christian LUSCHER, avocat, CMS von Erlach Partners SA, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875,
1211 Genève 26.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5388/2024 du 30 avril 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, sur le fond, débouté [la banque] B______ de toutes ses conclusions dirigées contre A______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 40'350 fr., les a compensés avec les avances effectuées, les a mis à la charge de B______, ordonné la restitution à chaque partie du solde de ses avances, condamné B______ à payer 40'000 fr. à A______ au titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a arrêté les dépens à 40'000 fr. sans aucune motivation.

B. a. Par acte déposé le 3 juin 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé recours contre ce jugement, qu'il a reçu le 3 mai 2024. Il a conclu à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif en tant qu'il a fixé les dépens à 40'000 fr. et, cela fait, à ce que B______ soit condamnée à lui payer 583'924 fr. à titre de dépens, sous suite de frais et dépens de la procédure de recours.

Le montant réclamé correspondait à l'application du tarif à une valeur litigieuse de 84'072'266 fr. 66, majoré de 10% compte tenu de l'ampleur de la procédure, ainsi que de 3% correspondant aux débours et 8,1% de TVA.

b. B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens de la procédure de recours.

Elle a notamment fait valoir que les dépens fixés par le Tribunal étaient justifiés dès lors que le travail de recherche nécessaire avait déjà été effectué dans la procédure de séquestre qui portait sur les mêmes faits et soulevait les mêmes questions juridiques.

c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions.

Il a formulé des "faits complémentaires" soit des éléments de la procédure qui s'est déroulée devant le Tribunal. Au fond, il a indiqué que la procédure de séquestre et la présente procédure divergeaient en ce sens que des questions nouvelles – compétence et droit applicable – s'étaient posées dans la seconde et que le pouvoir d'examen du juge n'était pas identique dans les deux procédures, ce qui modifiait le travail de l'avocat. Il a également effectué une comparaison de la situation avec d'autres décisions de justice.

d. Dans sa duplique, la banque a persisté dans ses conclusions.

Elle a notamment fait valoir que les faits nouveaux articulés par A______ constituaient des faits nouveaux irrecevables et que les jurisprudences citées à titre de comparaison par A______ n'étaient pas pertinentes.

e. Dans son écriture spontanée du 21 novembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions, relevant qu'il n'avait fait que compléter les allégations de fait de la banque s'agissant de la procédure de séquestre et que cela ne constituait pas des faits nouveaux puisqu'ils faisaient déjà partie du dossier.

f. Par avis du greffe de la Cour du 10 décembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 22 avril 2006, A______ et son frère, tous deux autorisés à représenter individuellement la société C______ Ltd, ont ouvert un compte au nom de cette société auprès de B______ (anciennement D______; ci-après : la banque). Ils ont été désignés comme les ayants droits économiques de ce compte.

b. Le 25 septembre 2007, la banque a mis à disposition de C______ Ltd une facilité de crédit de EUR 35'000'000. Ce crédit a été augmenté à plusieurs reprises, pour atteindre en dernier lieu EUR 143'000'000.

C______ Ltd a acquis des actions de la banque D______ au moyen de ce crédit.

c. Par courrier du 21 juillet 2008, A______ s'est plaint auprès de la banque de la mauvaise évolution de la valeur de ses titres.

d. Des discussions ont eu lieu s'agissant de la restructuration du crédit de C______ Ltd.

e. Le 22 octobre 2008, la banque et C______ Ltd ont signé un contrat portant sur l'annulation et le remplacement du contrat de crédit par une facilité de crédit de EUR 87'000'000. L'art. 7 de ce projet prévoyait les sûretés à fournir à la banque, dont un cautionnement solidaire et personnel de A______ de EUR 25'000'000 et une lettre d'intention signée par celui-ci.

f. Le même jour, soit le 22 octobre 2008, la banque a préparé et adressé à A______ un courrier à signer par celui-ci ("lettre d'intention"), aux termes duquel il confirmait que, dans le cadre de la mise à disposition d'une limite de crédit de EUR 87'000'000 en faveur de C______ Ltd, il maintiendrait sa participation, directe ou indirecte, dans cette société, durant toute la validité du contrat de crédit et aussi longtemps que celle-ci maintiendrait des positions débitrices sur ses comptes. Il s'engageait par ailleurs à répondre aux appels de marge de la banque pour permettre de reconstituer la valeur initiale du portefeuille des actions de EUR 62'000'000, mises en nantissement dans le cadre du contrat de crédit du 22 octobre 2008, si cette valeur n'atteignait plus ledit montant à l'échéance du contrat de crédit en octobre 2011.

A______ n'a pas signé ce courrier.

g. En revanche, il a signé le 24 octobre 2008 un acte par lequel il s'est porté caution solidaire envers la banque, indépendamment de tous autres cautionnements existants ou futurs, pour le remboursement de toutes créances, résultant du crédit accordé par la banque en date du 15 août 2008 à C______ Ltd, que la banque possédait ou posséderait, du chef des contrats déjà conclus avec la banque, ou qui viendraient à l'être ultérieurement dans le cadre des relations d'affaires déjà existantes, jusqu'à concurrence de EUR 25'000'000.

h. Le 12 octobre 2011, la banque a rappelé à A______ l'échéance du prêt au 22 octobre 2011, l'informant que, dans l'hypothèse où C______ Ltd ferait défaut à son obligation de restituer le capital emprunté et/ou les intérêts encourus, elle se réservait le droit de faire valoir ses prétentions en garantie à son encontre, notamment sur la base des engagements pris à titre personnel, soit la lettre d'intention du 22 octobre 2008 et l'acte de cautionnement du 24 octobre 2008.

i. Par courrier du 25 octobre 2011, la banque a sommé C______ Ltd de lui payer le montant de EUR 86'602'981 le 27 octobre 2011 au plus tard. 

j. C______ Ltd ne s'étant pas exécutée, la banque a procédé à la vente de la majeure partie des actifs nantis en faveur du crédit du 22 octobre 2008, ramenant ainsi la créance à EUR 68'949'284.

k. Fin 2011, une procédure a opposé C______ Ltd, qui reprochait à la banque d'avoir manqué à ses obligations de conseil et réclamait des dommages-intérêts à hauteur de EUR 177'499'520 à B______, qui demandait à la société le remboursement de EUR 68'613'618 plus intérêts à 5% l'an dès le 25 octobre 2011 au titre de solde du prêt (C/1______/2011).

l. Parallèlement, le 11 novembre 2011, B______ a obtenu le séquestre des biens de A______ (C/2______/2011) à concurrence de 84'994'014 fr. 60 (EUR 68'949'284 au taux de change de 1.2327 au 10 novembre 2011) avec intérêts à 5% dès le 25 octobre 2011.

Dans le cadre de cette procédure, la banque a fait valoir que sa créance contre A______ se fondait sur la théorie de la transparence, sur la lettre d'intention non signée du 22 octobre 2008 et sur l'acte de cautionnement du 24 octobre 2008 (mémoire complémentaire de B______ du 25 mai 2020, allégué 260; admis par A______ dans son mémoire de réponse du 11 janvier 2021, p. 23).

A______ a formé opposition contre l'ordonnance de séquestre.

Par ordonnance OSQ/19/2012 du 16 mai 2012, le Tribunal a notamment déclaré recevable l'opposition formée par A______ et a révoqué l'ordonnance de séquestre.

Cette procédure s'est achevée par un arrêt de la Cour du 13 décembre 2013 qui, statuant sur renvoi du Tribunal fédéral, a rejeté le recours formé par la banque contre l'ordonnance OSQ/19/2012 du 16 mai 2012.

m. Par demande, d'environ nonante pages, déposée le 13 juillet 2012 devant le Tribunal, B______ a actionné A______, qui était alors domicilié à Paris, en paiement de la somme de EUR 68'613'618 plus intérêts à 5% l'an dès le 25 octobre 2011 (indiquant une valeur litigieuse de 84'072'266 fr. 66 en première page), sous suite de frais judicaires et dépens. Subsidiairement, elle a conclu au versement par A______ de EUR 24'990'848.54 et EUR 25'000'000 avec intérêts, en lien avec des engagements de la société C______ Ltd, dont A______ était l'un des actionnaires et ayant droit économique, envers la première nommée. La demande était accompagnée d'environ 150 pièces, dont des documents tirés des procédures contre C______ Ltd et de la procédure de séquestre.

B______ a invoqué la responsabilité de A______ en se fondant sur le principe de la transparence, A______ devant répondre envers elle au même titre que C______ Ltd., qu'il contrôlait entièrement, sur son engagement personnel matérialisé dans le document daté du 22 octobre 2008 et en vertu du cautionnement solidaire du 24 octobre 2008.

n. Par ordonnance du 14 octobre 2013, confirmée par arrêt de la Cour ACJC/322/2014 du 14 mars 2014, le Tribunal a fait droit à la requête de A______ visant à suspendre la cause C/14824/2012 jusqu'à droit connu dans la procédure C/1______/2011.

o. La cause C/1______/2011 s'est achevée par un arrêt 4A_593/2015 rendu par le Tribunal fédéral le 13 décembre 2016.

A l'issue de cette procédure, C______ Ltd a été déboutée de toutes ses conclusions contre la banque et a été condamnée à rembourser à cette dernière la somme de EUR 67'993'917 avec intérêts à 5% dès le 28 octobre 2011 au titre du remboursement du solde du prêt contracté auprès d'elle.

p. La présente cause a repris le 9 mai 2019 et une audience de débats d'instruction s'est tenue le 25 juin 2019.

q. La banque a été autorisée à déposer un mémoire complémentaire, ce qu'elle a fait le 25 mai 2020. Ce mémoire, d'une vingtaine de pages, a été accompagné de vingt pièces complémentaires.

r. Dans sa réponse, d'une cinquantaine de pages, du 11 janvier 2021, A______ a conclu, à titre préalable, à ce que la procédure soit limitée à la question de la compétence du Tribunal à raison du lieu s'agissant de la prétention invoquée sur la base de la lettre signée du 22 octobre 2008 produite avec le mémoire complémentaire du 25 mai 2020. A titre principal, il a conclu à ce que la prétention invoquée sur la base de la lettre signée du 22 octobre 2008 soit déclarée irrecevable et à ce que B______ soit déboutée de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

s. Après que la banque se soit exprimée sur cette question, le Tribunal a rejeté la requête en limitation de la procédure et a fixé des délais pour la suite de la procédure.

t. Lors de l'audience de débats d'instruction du 29 avril 2021, la banque a déposé des déterminations écrites sur les allégués de la réponse et les parties ont déposé des pièces nouvelles.

u. Le Tribunal a rendu des ordonnances de preuves, admettant l'audition de certains témoins et fixant des délais aux parties pour produire des pièces.

v. Quatre témoins ont été entendus lors des audiences des 14 décembre 2021, 22 mars 2022 et 31 mai 2022.

w. Le 17 novembre 2022, A______ a fait valoir des faits et moyens de preuve nouveaux, que le Tribunal a déclaré recevables, fixant à la banque un délai pour s'exprimer sur ces faits.

x. Entre temps, une audience de débats principaux s'est tenue le 24 janvier 2023.

y. Les parties ayant renoncé à d'autres actes d'instruction, le Tribunal leur a fixé un délai au 6 mars 2023 pour indiquer le temps de leurs plaidoiries finales orales, ce qu'elles ont fait.

z. Le 1er juin 2023, A______ a déposé des avis de droit, portant sur le droit libanais et le droit français.

aa. Lors de l'audience du 6 juin 2023, les parties ont plaidé sur la recevabilité des avis de droit et sur le fond.

B______ a renoncé à faire valoir des prétentions issues de l'acte de cautionnement du 24 octobre 2008. Elle a persisté dans ses autres conclusions.

A______ a conclu à ce que la prétention invoquée sur la base de la lettre signée du 22 octobre 2008 soit déclarée irrecevable et à ce que B______ soit déboutée de toutes ses conclusions.

ab. Par ordonnance du 10 juillet 2023, le Tribunal a admis à la procédure les avis de droit produits le 1er juin 2023 par A______ et a imparti à B______ un délai pour produire des avis de droit de réplique, ce qu'elle a fait dans le délai imparti.

ac. Par ordonnance du 19 octobre 2023, le Tribunal, après avoir transmis les avis de droit à la partie adverse, a déclaré les débats principaux clos et a imparti aux parties un délai au 10 novembre 2023 pour lui indiquer si elles sollicitaient des plaidoiries finales écrites ou orales.

ad. Les parties ont souhaité des plaidoiries finales orales.

ae. Le 19 décembre 2023, B______ a déposé une requête de nova, comprenant des allégués nouveaux n. 303 à 312 et deux pièces nouvelles.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de cette requête.

af. Par ordonnance du 9 février 2024, le Tribunal a dit que la décision au sujet de la recevabilité des allégués de fait et moyens de preuve nouveaux produits par la partie demanderesse le 19 décembre 2023 serait traitée dans le jugement au fond, et que A______ indiquerait, lors de l'audience de plaidoiries finales orales, fixée au 13 février 2024, sa position au sujet des allégués n. 303 à 312.

ag. Lors de l'audience du 13 février 2024, A______ s'est déterminé au sujet de ces allégués nouveaux.

Les parties ont persisté dans les conclusions sur le fond, telles qu'indiquées à l'audience du 6 juin 2023. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, le présent recours demeure régi par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2. 2.1 La décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC cum art. 319 let. b ch. 1 CPC).

2.2 Interjeté dans le délai de trente jours (art. 311 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

Selon la jurisprudence, le droit de réplique déduit des art. 6 CEDH (RS 0.101) et 29 al. 2 Cst. n’a pas vocation à permettre à la partie recourante de présenter des arguments nouveaux ou des griefs qui auraient déjà pu figurer dans l’acte de recours. La partie recourante ne saurait, par ce biais, compléter les motifs de son recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_573/2022 du 13 mars 2023 consid. 2 et les arrêts cités).

2.3 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

3. Dans le cadre du recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

C'est à tort que l'intimée fait valoir que les "faits complémentaires" formulés par la recourante dans sa réplique du 4 octobre 2024 sont irrecevables dès lors qu'ils ne font que décrire la procédure qui s'est déroulée devant le premier juge. Il ne s'agit donc pas de faits nouveaux.

4. Le recourant reproche au Tribunal de lui avoir accordé des dépens inférieurs à ceux prévus par le tarif genevois, et ce sans aucune motivation, violant ainsi son droit d'être entendu.

4.1.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a, en revanche, pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. Il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF
129 I 232 consid. 3.2, in JdT 2004 I 588; arrêt du Tribunal fédéral 5A_598/2012 du 4 décembre 2012 consid. 3.1).

La motivation relative à la fixation des frais judiciaires et dépens n'est parfois pas nécessaire ou peut demeurer extrêmement sommaire si le juge reste dans les limites d'un tarif fixant des minima et des maxima et que sa décision à cet égard se comprend d'elle-même compte tenu du sort réservé aux prétentions des parties (Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 4 ad art. 104 CPC et les références citées).

Une réparation du droit d'être entendu peut se justifier lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2).

4.1.2 En l'espèce, le recourant reproche, à juste titre, au Tribunal de ne pas avoir explicité le montant de 40'000 fr. arrêté à titre de dépens, alors que cette somme déroge, comme on le verra ci-après, aux tarifs usuels, compte tenu de la valeur litieuse de la procédure.

Cela étant, comme cela a été admis tant par le recourant que par l'intimée, la Cour dispose d'un pouvoir de cognition complet sur la question litigieuse, qui relève du droit, de sorte qu'un éventuel défaut de motivation pourrait être guéri dans le cadre du présent arrêt.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'annuler la décision querellée pour ce motif.

5. Le recourant conteste la quotité des dépens qui lui a été allouée par le premier juge. Il considère qu'il y a lieu de lui accorder le montant de 583'924 fr.

5.1.1 Les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC), sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Les dépens comprennent notamment les débours nécessaires et le défraiement d'un représentant professionnel (art. 95 al. 3 CPC). Ils sont fixés selon le tarif cantonal. Les parties peuvent produire une note de frais (art. 105 al. 2 CPC qui renvoie à l'art. 96 CPC).

5.1.2 Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé à Genève, dans les limites figurant dans le règlement fixant le tarif des frais en matière civile (ci-après : RTFMC), d’après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 LaCC; art. 84 RTFMC).

Au-delà d'une valeur litigieuse de 10'000'000 fr., les dépens sont de 106'400 fr. plus 0,5% de la valeur litigieuse dépassant 10'000'000 fr. (art. 85 RTFMC). Le juge peut s'écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte de l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 al. 2 RTFMC).

L'art. 25 LaCC spécifie que les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci.

L'art. 26 al. 1 LaCC dispose quant à lui que la juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée. Les prestations de l'avocat ne sont toutefois pas soumises à la TVA lorsque le domicile du client se trouve à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A/323_2021 du 5 juillet 2023 consid. 10.2; 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

Selon l'art. 23 al. 1 LaCC (E 1 05), lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus.

La valeur litigieuse est un élément à prendre en considération dans la fixation du défraiement de l'avocat, car elle influe sur la responsabilité de celui-ci. Elle ne saurait toutefois reléguer à l'arrière-plan le facteur de l'activité déployée par l'homme de loi, dont la rétribution doit rester dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie (ATF 93 I 116 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_171/2014 du 14 juillet 2014 consid. 2.3.2 et les arrêts cités)

5.1.3 La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 première phrase CPC). Elle correspond au montant effectivement réclamé par celui qui prend les conclusions, principales ou reconventionnelles (ATF 107 III 139 consid. 1), indépendamment du fait qu'elles puissent ou non être parallèlement admises (arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2015 du 6 août 2015 consid. 3).

Les intérêts et les frais de la procédure en cours ou d'une éventuelle publication de la décision et, le cas échéant, la valeur résultant des conclusions subsidiaires ne sont pas pris en compte (art. 91 al. 1 deuxième phrase CPC).

5.2.1 En l'espèce, le recourant n'a pas déposé de note de frais, comme la loi l'autorisait à le faire. Il n'a pas non plus indiqué le nombre d'heures que son conseil a effectivement effectué pour le travail lié à la procédure. Les dépens doivent donc être fixés sur la base des tarifs cantonaux.

5.2.2 C'est à tort que le recourant fait valoir qu'il doit être tenu compte des intérêts courus sur le capital pour déterminer la valeur litigieuse. Le montant réclamé par l'intimée à titre principal était de EUR 68'613'618, ce qui représente, au taux de change du 13 juillet 2012, soit au jour du dépôt de la demande (EUR 1 = 1 fr. 2009, cf. https://fxtop.com/fr/historique-taux-change.php), un montant de 82'398'094 fr. Le recourant n'a pas indiqué quelle était sa référence permettant d'arriver à une somme de 84'072'266 fr.

En application de l'art. 85 RTFMC, les dépens devraient ainsi être fixés à 468'390 fr. (106'400 fr. de forfait + 0,5% de 72'398'094 fr., soit 361'990 fr.), le tarif ne prévoyant pas de limite supérieure (hors débours et TVA).

Le Tribunal a vraisemblablement tenu compte de manière erronée d'une valeur litigieuse inférieure, tant pour le calcul des frais judiciaires, arrêtés à 40'350 fr. alors que l'art. 17 RTFMC aurait voulu qu'ils soient supérieurs à 100'000 fr., que pour les dépens, fixés à 40'000 fr. sans aucune justification.

5.2.3 Le recourant fait valoir que le montant résultant de l'application du tarif devrait être majoré de 10% compte tenu de l'ampleur de la procédure, alors que l'intimée plaide que celui-ci doit être réduit dès lors que l'application des tarifs conduit à un résultat excessif au vu de l'activité déployée par l'avocat du recourant.

C'est à juste titre que l'intimée fait valoir qu'un calcul strictement fondé sur la valeur ligueuse conduit à un résultat visiblement excessif. En effet, la somme de 468'390 fr. à titre de dépens résultant de l'application du tarif représente environ 780 heures de travail, en tenant compte d'un tarif horaire élevé de 600 fr. de l'heure, compte tenu de l'importance des enjeux. La procédure a, certes, impliqué pour le conseil du recourant de prendre connaissance des écritures de l'intimée, soit une centaine de pages au total accompagnées d'environ 150 pièces, de rédiger une réponse d'environ cinquante pages, de tenir plusieurs audiences, qui devaient être préparées, dont des auditions de témoins, de rédiger des courriers, de faire établir des avis de droit, de présenter des déterminations sur des nouveaux aspects du dossier et de plaider oralement la cause devant le Tribunal. Si le conseil du recourant avait déjà pu travailler sur les principaux arguments de l'intimée dans le cadre de la procédure de séquestre, ce qui lui a fait gagner en efficacité, c'est à juste titre que le recourant fait valoir que de nouvelles questions ont été développées dans le cadre de la présente procédure. En outre, il n'y a pas lieu de juger du bien-fondé du travail effectué par le conseil du recourant, la nécessité des avis de droit étant remise en cause par l'intimée, dès lors qu'il est aisé de considérer, à posteriori, qu'un travail a été inutile compte tenu de l'issue du litige. Il n'y a ainsi pas lieu de réduire les dépens dus au recourant de ce point de vue. Enfin, il n'y a pas lieu d'effectuer une comparaison entre la présente procédure et d'autres cas de fixation des dépens, dont on ignore tout du déroulement des procédures, le recourant n'ayant développé cet argument que de manière tardive au stade de sa réplique (cf. supra 2.2). Compte tenu des éléments qui précèdent, le temps de travail du conseil du recourant peut être estimé à environ 500 heures d'activité, indépendamment de la durée de la procédure, dont on rappellera qu'elle a été initialement suspendue plus de cinq ans et que le conseil du recourant n'a donc pas effectué de travail durant cette période. Le recourant n'a pas allégué le temps qu'il a effectivement travaillé sur la présente procédure, donc que celui-ci serait supérieur à 500 heures. En appliquant un tarif de 600 fr. de l'heure, un montant de l'ordre 300'000 fr. semble adéquatement rémunérer le travail du conseil du recourant.

5.2.4 Par conséquent, les dépens de la procédure de première instance seront arrêtés à 300'000 fr., débours compris, mais hors TVA, compte tenu du domicile du recourant à l'étranger.

Il sera dès lors statué dans le sens qui précède (art. 327 al. 3 let. b CPC).

6. Vu les circonstances du cas d'espèce, la Cour renoncera à la perception de frais judiciaires de recours, lesquels seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer au recourant la somme de 800 fr. versée à titre d'avance de frais.

Aucune des parties n'obtenant gain de cause, le recourant n'obtenant que le 51% de ses conclusions, chaque partie supportera ses propres dépens (art. 106 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/5388/2024 rendu le 30 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14824/2012.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement en tant qu'il statue sur les dépens et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à payer 300'000 fr. à A______ au titre de dépens.

Confirme le jugement pour le surplus.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ la somme de 800 fr.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.