Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/3735/2025

ACJC/260/2025 du 20.02.2025 ( IUS ) , REJETE

Normes : CPC.265; LPM.13
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3735/2025 ACJC/260/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 20 FÉVRIER 2025

 

Entre

A______, sise ______, requérante, représentée par Me Alexandre MUSCIONICO, avocat, BORY & ASSOCIES AVOCATS, Cour Saint-Pierre 7, 1204 Genève,

et

ASSOCIATION B______, sise ______, citée, représentée par Me Andreas DEKANY, avocat, SWDS Avocats, Rue du Conseil-Général 4, case postale 412, 1211 Genève 4.


EN FAIT

A. a.a A______ est une entreprise individuelle inscrite au Registre du commerce de Genève dont le but est la publicité sous toutes ses formes, la régie de journaux, la gestion et l'exploitation de sites Internet, ainsi que la vente d'espaces publicitaires sur Internet.

a.b L'ASSOCIATION B______ (ci-après la B______) est une association de droit suisse constituée le 29 septembre 2009.

b. La B______ a publié dès 2010 le magazine C______.

c. Par contrat du 31 février 2011, elle en a confié la conception, la rédaction et l'impression à A______.

A______ explique que, dans ce contexte, elle a "créé" la marque "C______", laquelle a été enregistrée en 2014 auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) au nom de la B______ sans qu'elle en soit informée (marque suisse n° 1______).

d. Le 4 mai 2015, A______ a proposé à [l'entreprise] B______ la reprise du magazine C______ par une "échange d'une valeur de 50'000 fr.", payable au moyen de pages publicitaires réservées à la B______ dans le magazine. Le magazine deviendrait sa propriété exclusive et la marque enregistrée devrait lui être transférée.

Selon A______, ce transfert aurait été accepté par la B______ lors de son assemblée générale du 17 juin 2015.

e. Le 28 avril 2017, A______ a indiqué à la B______ que les dernières pages réservées à la B______ seraient publiées dans le numéro 23 de C______ et que, comme convenu, la marque enregistrée auprès de l'IPI devrait lui être transférée.

f. Les 27 août, 19 octobre et 3 décembre 2021, A______ a sollicité de la B______ le transfert en sa faveur de la marque C______.

g. Le 21 décembre 2022, A______ a déposé auprès de l'IPI une demande de radiation de la marque C______ pour défaut d'usage.

Cette demande a été rejetée par décision de l'IPI du 19 décembre 2023, laquelle a été portée devant le Tribunal administratif fédéral devant lequel la procédure est pendante.

h. Le 6 février 2025, la B______ a adressé un courriel aux "entrepreneurs, commerçants et amis de la B______" dans lequel elle informe les intéressés qu'ils ne devaient plus répondre aux sollicitations de A______ concernant le magazine C______, laquelle avait été "condamnée" à ne plus utiliser la marque par décision de l'IPI du 19 décembre 2023. Il est également mentionné qu'elle avait tenté de s'approprier le C______ et que la tentative de rachat de 2015 n'avait pas abouti. Il avait donc été décidé de relancer le magazine avec une nouvelle équipe.

i. La B______ a effectué une publication sur Facebook portant le titre "Attention au démarchage de A______ qui ne sont plus chargés du C______".

La B______ disposerait par ailleurs d'un nouveau site internet pour le C______.

j. Les 6 et 9 février 2025 notamment, des commerçants, clients de A______, se sont adressés à elle pour lui demander des éclaircissements à la suite du courriel reçu le 6 février 2025 et se sont interrogés sur le sort des contrats en cours.

k. Le 7 février 2025, A______ a formellement enjoint la B______ de cesser toute forme de communication ou de démarchage au nom de C______ et de s'abstenir de toute forme d'intervention permettant de croire que la B______ est propriétaire du magazine ou titulaire de la marque.

La B______ n'a pas donné suite à cette mise en demeure.

l. Le 17 février 2025, A______ a formé devant la Cour de justice une "requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles (art. 261 ss CPC et 55ss LPM)".

Elle a conclu, tant sur mesures superprovisionnelles que provisionnelles, à ce que la Cour fasse interdiction à la B______ de faire usage de la dénomination "C______" sous quelque forme et d'une quelconque manière dans les affaires, d'apposer la marque "C______" sur tout support écrit, revue, magazine imprimé ou digital et de contacter tout client ou partenaire commercial au nom de la marque ou du magazine "C______", le tout sous la menace de l'amende prévue par l'art. 292 CP. Elle a invoqué à l'appui de sa requête les art. 3 LPM ainsi que 3 al. 1 let. a et b et 4 LCD.

Elle a soutenu qu'elle était propriétaire du magazine et de la marque "C______" depuis 2015. La marque était inscrite au nom de la B______ car celle-ci n'avait pas exécuté ses obligations contractuelles, mais l'effet de l'accord entre les parties s'était produit indépendamment de la finalisation de documents administratifs. Elle faisait ainsi l'objet d'une atteinte à ses droits, laquelle nuisait à sa crédibilité vis à vis de ses partenaires commerciaux et aurait nécessairement des conséquences économiques très importantes, qu'elle a chiffrées à plus de 50'000 fr. Elle ne pouvait attendre la convocation d'une audience car le dommage risquait d'être trop important pour qu'il puisse être réparé. Ses clients auraient tous été contactés d'ici là.

EN DROIT

1. La Cour de céans est compétente à raison du lieu (art. 36 CPC), de la matière (art. 5 al. 1 lit. a et d et al. 2 CPC; art. 120 al. 1 lit. a LOJ) et de la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 lit. d CPC) pour connaître des conclusions formulées à titre superprovisionnel par la requérante.

2. La requérante soutient que les agissements de la citée violent leur accord tendant à la cession du C______ et de la marque qui y est associée. Il devait être fait interdiction à la citée de poursuivre ses agissements qui lui causaient un dommage résultant de sa perte de crédibilité auprès de ses partenaires commerciaux, sous peine pour elle de subir un préjudice irréparable.

2.1
2.1.1
Le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).

L'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite.

En cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre les parties (art. 265 al. 1 CPC).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n 3 ss ad art. 261 CPC).

Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement; en principe, un préjudice financier n'est pas difficilement réparable (JdT 2016 III 188; JdT 2013 III 131). Une violation des droits de propriété intellectuelle ou de droit absolus, tels les droits de la personnalité, est susceptible de constituer un dommage difficilement réparable (Sprecher, Basler Kommentar, Zivilprozessordnung, 4ème éd., 2024, n. 34 ad art. 261 CPC).

Le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, Procédure civile I, n° 1780). La mesure ordonnée doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

2.1.2 L'art. 13 al. 1 LPM dispose que le droit à la marque confère au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d’en disposer.

Selon l'art. 3 LCD, agit de façon déloyale celui qui, notamment dénigre autrui, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes (let. a) ou donne des indications inexactes ou fallacieuses sur lui-même, son entreprise, sa raison de commerce, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations, ses prix, ses stocks, ses méthodes de vente ou ses affaires ou qui, par de telles allégations, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents (let. b).

Celui qui subit une atteinte de son droit à la marque ou qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge d'interdire cette atteinte si elle est imminente ou de la faire cesser si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. a et b LPM; art. 9 al. 1 let. a et b LCD).

2.2 En l'espèce, en l'état, à teneur des pièces produites, la requérante n'est pas inscrite comme titulaire de la marque dont elle se prévaut, laquelle est enregistrée au nom de la citée. Il ne peut donc être retenu, à ce stade, que cette dernière ne serait pas autorisée à en faire usage ou que les informations communiquées par elle à cet égard seraient inexactes.

Au surplus, la requérante invoque à l'appui de sa requête le risque de perte de crédibilité envers ses partenaires commerciaux. Il apparaît toutefois que la citée a d'ores et déjà adressé un courriel aux clients de la requérante et que certains se sont interrogés sur le contenu dudit courriel. Aucun élément permet de retenir que d'autres clients pourraient encore être contactés dans un avenir immédiat. Il n'apparaît dès lors pas que la cause présente une urgence particulière nécessitant le prononcé de mesures superprovisionnelles avant audition de la citée afin d'éviter que la clientèle de la requérante ne soit contactée par l'intimée.

En définitive, il ressort de ce qui précède que les conditions pour le prononcé des mesures superprovisionnelles requises ne sont pas remplies.

Cela étant, un délai de dix jours dès la notification du présent arrêt sera imparti à la citée pour répondre à la requête (art. 265 al. 2 CPC)

3. Le sort des frais sera renvoyé à la décision sur mesures provisionnelles (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Rejette la requête formée le 17 février 2025 par A______ dans la cause C/3735/2025.

Impartit à l'ASSOCIATION B______ un délai de dix jours dès notification du présent arrêt pour répondre par écrit à la requête.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur mesures provisionnelles.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au
Tribunal fédéral (ATF
137 III 417 consid. 1.3).