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Décisions | Chambre civile

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C/1597/2025

ACJC/240/2025 du 18.02.2025 ( IUS ) , REJETE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1597/2025 ACJC/240/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 18 FEVRIER 2025

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], requérante suivant requête de mesures superprovisonnelles et provisionnelles, représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, Case postale, 1211 Genève 4,

et

1) B______ SA, sise ______ [GE], représentée par Me Olivia de WECK, avocate, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6, citée

2) Monsieur C______, domicilié ______ [GE], autre cité.


Attendu, EN FAIT, que, par acte expédié à la Cour de justice le 23 janvier 2025, A______ SA (ci-après : A______) a formé une requête de mesures provisionnelles à l'encontre de B______ SA (ci-après : B______) et C______, par laquelle elle a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à B______, à C______, ainsi qu'à tout autre employé, organe et représentant de fait ou de droit de B______, d'effectuer toute démarche de quelque nature que ce soit tendant à entraver, de quelque manière que ce soit, le processus de transfert de dossiers de clients à A______, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, et à ce que A______ soit dispensée de fournir des sûretés;

Qu'elle a sollicité qu'un délai de 60 jours soit fixé à A______ pour ouvrir action au fond, le tout sous suite de frais et dépens, comprenant une indemnité équitable en faveur de A______, à charge de B______ et de C______;

Qu'un délai a été fixé au 14 février 2025 à A______ pour effectuer une avance de frais concernant cette requête;

Que le 14 février 2025, A______ a formé une requête de mesures superprovisionnelles à l'encontre de B______ et C______, par laquelle elle a pris les mêmes conclusions que sur mesures provisionnelles;

Qu'une avance de frais complémentaire a été requise;

Qu'à l'appui de sa requête de mesures superprovisionnelles, A______ fait valoir que B______ adopte un comportement déloyal au sens de l'art. 2 LCD en refusant catégoriquement tout changement de trustee en faveur de A______, en violation des souhaits exprimés par les clients;

Que dans sa requête de mesures provisionnelles, elle fait notamment valoir, en se fondant sur un courriel du 9 janvier 2025 de C______, administrateur délégué de B______, que cette dernière refuse le transfert d'un client en faveur de A______ depuis le 9 janvier 2025, le chiffre d'affaires afférant à ce client étant estimé à 72'300 fr.;

Qu'elle allègue que B______ avait déjà refusé, début 2024, le changement de trustee en faveur de A______, malgré le transfert dûment requis par le client;

Qu'elle fonde le prononcé de mesures superprovisionnelles sur des faits complémentaires nouveaux récents;

Que A______ allègue à cette fin que le Settlor d'un trust, décédé en 2016, avait confié la gestion de ce trust à B______, laquelle collabore avec plusieurs agents dans différentes juridictions, notamment D______/1______ LTD en Nouvelle Zélande, dont l'ayant-droit économique est la société E______ LTD, dont l'ayant-droit économique est F______;

Que, par courrier du 6 décembre 2024, qu'elle produit de manière caviardée, la bénéficiaire de ce trust a résilié le mandat confié à B______ et sollicité que celle-ci se mette en contact avec A______ pour formaliser le retrait de B______ et assurer la transition de sa structure; qu'elle a demandé à cette fin que B______ transmette à A______ l'intégralité du dossier;

Que A______ allègue également, en se fondant sur un échange de courriels partiellement caviardés qu'elle produit, que G______, agent de A______ en Nouvelle Zélande, a directement contacté F______ pour l'informer de la décision de la cliente de résilier son mandat avec B______ et a demandé aux sociétés gérées par D______/1______ LTD de mettre en œuvre cette décision en transférant la gestion et en nommant une autre société en remplacement de D______/2______ LTD (Trust Distribution Advisor du trust et Nominee Director de la société) et D______/3______ LTD (Protector et Advisor du trust);

Qu'en l'absence de réponse, G______ a adressé un premier rappel à F______ le 30 décembre 2024, puis un second le 15 janvier 2025;

Que A______ allègue que, par courriel du 16 janvier 2025, versé à la procédure, F______ a répondu à G______ qu'un contact avait été directement pris avec la bénéficiaire du trust;

Que A______ allègue avoir ensuite pris contact avec la personne de confiance de la bénéficiaire dudit trust (afin de vérifier si B______ avait effectivement pris contact avec celle-ci), laquelle lui a précisé avoir reçu un message de H______, administratrice de B______, le 15 janvier 2025, lui indiquant que la cliente était contente de leurs services et n'avait plus de raison de vouloir changer, précisant qu'un tel changement prendrait des mois et qu'elle ne pouvait pas transférer à "un trustee sur lequel plane des doutes d'un point de vue légal" et qu'elle devrait "en choisir un autre", refusant ainsi d'effectuer le transfert;

Qu'à l'appui de cet allégué, A______ produit un échange de courriels partiellement caviardés et offre de prouver cet allégué par déclaration des parties;

Que A______ indique encore s'être entretenue avec la bénéficiaire du trust le 5 février 2025, cette dernière lui ayant confirmé sa volonté concernant le transfert en faveur de A______ et lui ayant précisé qu'aucune personne de B______ ne l'avait contactée;

Qu'à l'appui de cet allégué, elle produit un "historique d'appels" caviardé et offre de prouver cet allégué par déclaration des parties;

Considérant, EN DROIT, que la Cour de céans est compétente à raison de la matière (art. 5 al. 1 lit. a et d et al. 2 CPC; art. 120 al. 1 lit. a LOJ) et de la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 lit. d CPC) pour connaître des conclusions formulées à titre superprovisionnel par la requérante;

Que le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Que l'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite;

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre les parties (art. 265 al. 1 CPC);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss; spéc. 6961, BOHNET, Commentaire romand, N 3 ss ad art. 261 CPC);

Qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement; en principe, un préjudice financier n'est pas difficilement réparable (JdT 2016 III 188; JdT 2013 III 131); selon la pratique, cela peut toutefois être le cas lorsque le demandeur ne peut pas aisément recouvrer son éventuelle créance à l'issue du procès principal, notamment si la solvabilité de l'intimé apparaît douteuse (SPRECHER, Basler Kommentar ZPO, n. 28b et 34 ad art. 261 CPC; HUBER, Kommentar ZPO, n. 20 ad art. 261 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que le juge doit procéder à la pesés des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (HOHL, Procédure civile I, n° 1780);

Que la mesure ordonnée doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge de l'interdire si elle est imminente ou de la faire cesser si elle est dure encore (art. 9 al. 1 let. a et b LCD);

Qu'en l'espèce, la requérante ne rend pas vraisemblable qu'il existe une urgence particulière justifiant le prononcé des mesures qu'elle requiert avant audition des parties citées;

Qu'elle évoque elle-même que les parties sont en désaccord sur la volonté de transfert de la bénéficiaire du trust et offre l'audition de celles-ci, dans le cadre de sa requête de mesures superprovisionnelles, à titre de preuve, pour justifier que cette volonté est toujours actuelle, ce qui justifie, d'ores et déjà, de ne pas ordonner de mesures avant d'avoir entendu les parties à ce sujet;

Qu'elle ne précise par ailleurs pas quel risque ou quel préjudice difficilement réparable elle subirait en cas de rejet de sa requête de mesures superprovisionnelles, qui justifierait de ne pas devoir attendre la détermination de sa partie adverse;

Que le fait que B______ évoque l'existence de procédures judiciaires entre les parties n'est, à cet égard, pas suffisante, de même que, selon son appréciation, le fait qu'elle retienne "illicitement en otage" les dossiers des clients, refusant de les lui transmettre, contre la volonté de ceux-ci;

Que de plus, l'interdiction requise, bien qu'elle se fonde sur un cas particulier, soit le cas de la bénéficiaire du trust évoqué, a une portée très large, puisque l'interdiction vise à empêcher les cités d'entraver le processus de transfert de dossiers à la requérante, et non pas seulement le transfert du dossier du cas qui a justifié le dépôt de la requête de mesures superprovisionnelles;

Que le principe de proportionnalité commande dès lors le rejet de la requête de mesures superprovisionnelles;

Qu'un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance sera imparti aux cités pour répondre à la requête de mesures provisionnelles (art. 265 al. 2 CPC);

Qu'il sera statué sur les frais judiciaires relatifs à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Rejette la requête de mesures superprovisionnelles formée par A______ SA à l'encontre de B______ SA et C______ le 14 février 2025.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'ordonnance rendue sur mesures provisionnelles.

Statuant préparatoirement sur mesures provisionnelles :

Transmet la requête de mesures provisionnelles du 23 janvier 2025 et le chargé de pièces l'accompagnant, ainsi que la requête du 14 février 2025 et le chargé de pièces l'accompagnant à B______ SA et C______.

Impartit à B______ SA et C______ un délai de dix jours dès notification de la présente ordonnance pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles formée par A______ SA.

Réserve la suite de la procédure.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).