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Décisions | Chambre civile

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C/617/2025

ACJC/60/2025 du 16.01.2025 ( IUS ) , REJETE

Normes : CPC.265
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/617/2025 ACJC/60/2025

ORDONNANCE DE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 16 JANVIER 2025

Entre

1)   A______ SA, sise ______ [GE], représentée par Me Raphaël QUINODOZ, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3;

2)      B______ SARL, sise ______ [GE], c/o C______ Sàrl, représentée par
Me Adrian DAN, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève;

3)      D______ SA, sise ______ [VD], représentée par Me Adrian DAN, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève

Tous trois requérantes sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles;

et

E______ SA, sise ______ [GE], représentée par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4, citée.

 


Attendu, EN FAIT, que, par acte déposé à la Cour de Justice le 15 janvier 2025, A______ SA, D______ SA et B______ SARL, agissant conjointement et solidairement, ont formé à l'encontre de E______ SA une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles;

Que, sur mesures superprovisionnelles, les requérantes ont conclu à ce que la Cour, statuant sans audition des parties, fasse interdiction à leur partie adverse et à tous autres intervenants, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de poursuivre tous travaux sur la parcelle n° 1______ de la Commune de F______ [GE] et dise que, faute d'exécution, elle sera condamnée à une amende de 1'000 fr. par jour, avec suite de frais et dépens;

Que les requérantes ont pris les mêmes conclusions sur mesures provisionnelles, concluant en outre à ce que la Cour réserve leur droit à réclamer des dommages intérêts et leur impartisse un délai pour ouvrir action au fond;

Qu'elles font valoir que, suite au prononcé de la faillite de G______ SARL, en date du 22 juin 2023, une créance en 376'000 fr. à l'encontre de la citée a été portée à l'inventaire, ce montant étant dû en échange de la propriété des autorisations de démolir et de construire n° M 2______ et DD 3______;

Que, par décision de l'Office des faillites du 17 décembre 2024, elles avaient été autorisées à poursuivre, en lieu et place de la masse en faillite, la réalisation de cette créance, contestée par la citée;

Qu'elles allèguent que G______ SARL, qui avait obtenu les autorisations précitées, les avait cédées à la citée, mais que cette cession était devenue caduque par la suite;

Que la citée avait néanmoins commencé les travaux concernés par ces autorisations, ce qui constituait une violation de l'art. 5 LCD, le travail de G______ SARL étant utilisé sans droit; les droits d'auteur de cette dernière étaient également violés car elle n'avait pas autorisé la citée à utiliser ses plans, ce qui contrevenait aux dispositions de la LDA;

Que ces agissements risquaient de leur causer un dommage difficile à réparer car la citée "encaissait indûment de l'argent au fur et à mesure du déroulement du chantier" ce qui leur faisait courir le risque "de ne pas pouvoir récupérer le montant dû par" celle-ci et "de ne pas pouvoir obtenir réparation pour leur créance propre à l'égard de la faillie";

Considérant, EN DROIT, que la Cour de céans est compétente à raison de la matière (art. 5 al. 1 lit. a et d et al. 2 CPC; art. 120 al. 1 lit. a LOJ) et, vraisemblablement, de la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 lit. d CPC) pour connaître des conclusions formulées à titre superprovisionnel par les requérantes;

Que sa compétence à raison du lieu peut à ce stade être retenue, en application de l'art. 36 CPC;

Que le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Que l'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite;

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre les parties (art. 265 al. 1 CPC);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, Commentaire romand, N 3 ss ad art. 261 CPC);

Qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement; en principe, un préjudice financier n'est pas difficilement réparable (JdT 2016 III 188; JdT 2013 III 131); selon la pratique, cela peut toutefois être le cas lorsque le demandeur ne peut pas aisément recouvrer son éventuelle créance à l'issue du procès principal, notamment si la solvabilité de l'intimé apparaît douteuse (Sprecher, Basler Kommentar ZPO, n. 28b et 34 ad art. 261 CPC; Huber, Kommentar ZPO, n. 20 ad art. 261 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, Procédure civile I, n° 1780);

Que la mesure ordonnée doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge de l'interdire si elle est imminente ou de la faire cesser si elle dure encore (art. 9 al. 1 let. a et b LCD);

Que, selon l'art. 62 al. 1 LDA, la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit d’auteur ou d’un droit voisin peut faire de même;

Qu'en l'espèce, les requérantes ne rendent pas vraisemblable qu'il existe une urgence particulière justifiant le prononcé des mesures qu'elles requièrent avant audition de la partie citée;

Qu'en effet, elles allèguent qu'à défaut du prononcé immédiat des mesures requises, elles risqueraient de ne pas pouvoir récupérer le montant dû par la citée en échange du droit d'utiliser les autorisations litigieuses;

Que ce risque n'est pas rendu vraisemblable puisqu'aucun élément de la procédure ne permet de retenir que la citée serait insolvable et ne serait pas en mesure de restituer ultérieurement les montants qu'elle aurait par hypothèse indûment perçus jusqu'au prononcé de la décision de mesures provisionnelles;

Que l'on ne voit au demeurant pas en quoi les perspectives de recouvrement de la créance alléguée par les requérantes seraient améliorées par l'arrêt du chantier;

Qu'à cela s'ajoute que, à supposer que la cession soit inexistante comme elles l'allèguent, les requérantes n'expliquent pas pourquoi la faillie aurait néanmoins une créance en paiement à ce titre à l'égard de la citée;

Que, de plus, les interdictions requises ont une portée très large et qu'une injonction de cesser totalement le chantier litigieux, qui comporte plusieurs logements, risquerait de causer à la citée un dommage important;

Que le principe de proportionnalité commande dès lors le rejet de la requête de mesures superprovisionnelles;

Que la suite de la procédure sera réservée;

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :


Rejette la requête de mesures superprovisionnelles déposée par A______ SA, D______ SA et B______ SARL le 15 janvier 2025 à l'encontre de E______ SA.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).