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Décisions | Chambre civile

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C/14991/2023

ACJC/1599/2024 du 12.12.2024 sur JTPI/4761/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14991/2023 ACJC/1599/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 12 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 avril 2024, représenté par Me Christian LUSCHER, avocat, CMS von Erlach Partners SA, Esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26,

et

L'Hoirie de feu B______, soit :

Madame C______, domiciliée ______ [GE],

Monsieur D______, domicilié ______ [VD],

Monsieur E______, domicilié ______ [VD],

Monsieur F______, domicilié ______ [VD],

Tous intimés, représentés par Me G______, notaire, ______ [FR], représenté par
Me Albert REY-MERMET, avocat, REY-MERMET LEGAL, place du Molard 3,
1204 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4761/2024 du 18 avril 2024, communiqué aux parties pour notification le 6 mai 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, préalablement, déclaré recevable l'action en libération de dette initiée par A______ le 19 juillet 2023 (ch. 1 du dispositif), puis au fond, débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 2), condamné A______ à verser à D______, E______, F______ et C______ pris conjointement, la somme de 98'001 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2022 (ch. 3), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à due concurrence (ch. 4), arrêté les frais judicaires à 6'000 fr., compensés avec l'avance fournie par A______, et laissé ceux-ci à la charge de A______ (ch. 5), condamné A______ à verser à D______, E______, F______ et C______, pris conjointement, 11'975 fr. TTC à titre de dépens et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6 et 7).

En substance, le Tribunal a considéré que le demandeur ne disposait d'aucune créance à l'encontre des défendeurs, de sorte qu'il n'était pas habilité à compenser sa créance inexistante avec la soulte qu'il leur devait dans le cadre de l'attribution d'un legs en sa faveur dans la succession de feu B______, son frère.

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 21 mai 2024, A______ a formé appel contre ce jugement, dont il a conclu à l'annulation et à la constatation qu'il ne devait pas à l'Hoirie intimée la somme de 98'001 fr. au paiement de laquelle il avait été condamné.

En substance, il a fait grief au Tribunal d'avoir inversé les rôles des parties à la procédure en libération de dette et d'avoir violé la répartition du fardeau de la preuve, alors que dans une telle action le fardeau de la preuve incombait au défendeur. Il ne lui appartenait pas de prouver qu'il n'avait pas accepté, dans le cadre de la convention passée entre les parties, de prendre en charge le montant considéré, mais il incombait aux défendeurs de démontrer qu'il avait au contraire accepté de la prendre en charge, ce qu'ils avaient échoué à faire. Par ailleurs, le Tribunal avait violé l'art. 18 CO dans le cadre de l'interprétation faite de la convention des parties et le principe in dubio contra stipulatorem. Enfin, il avait violé l'art. 120 CO en ne reconnaissant pas son droit à la compensation de la créance alléguée.

b. Par mémoire-réponse du 1er juillet 2024, les intimés ont conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

En substance, ils ont relevé que par la convention passée entre les parties "pour solde de tout compte", l'appelant renonçait à se prévaloir d'une quelconque créance résiduelle, de sorte que ses griefs devaient être rejetés. La convention reflétait la volonté des parties. Il n'y avait pas de créance du demandeur. Il n'y avait dès lors pas de compensation possible.

c. Par réplique du 30 août et duplique du 30 septembre 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions antérieures, suite à quoi la cause a été gardée à juger par avis envoyé aux parties le 17 octobre 2024.

C. Ressortent pour le surplus du dossier les faits pertinents suivants :

a. B______, originaire de H______ et I______ (FR), est décédé à J______ [GE] le ______ 2019.

Il était le père de F______, de D______ et de E______, issus d'une première union.

Il avait épousé en seconde noce C______.

Il avait notamment un frère, A______.

b. Par testament public instrumenté le 18 septembre 2019 par K______, notaire à Genève, feu B______, alors domicilié à Monaco, a révoqué toutes dispositions testamentaires antérieures et a soumis sa succession au droit suisse.

Il a procédé à des legs, notamment en faveur de son frère, A______, auquel il a légué un "appartement n° 2______ (sic), immeuble L______, situé au M______ à N______ [VS]", ainsi que tous les biens mobiliers qu'il contient, charge pour lui de reprendre, pour son compte exclusif, l'intégralité de la dette hypothécaire [le] grevant.

Il a ensuite institué son épouse, C______, en tant qu'héritière et a réduit ses trois enfants à leur réserve.

c. Feu B______ avait contracté un prêt hypothécaire n° 3______ auprès de la banque O______, garanti par deux cédules hypothécaires grevant le bien immobilier objet du legs en faveur de son frère. Au moment de son décès, il était à jour dans le paiement des échéances hypothécaires.

d. Le 18 décembre 2019, Me G______, notaire à Fribourg, a procédé à l'ouverture du testament public du défunt sous la présidence du Juge de paix de l'arrondissement de P______ (FR).

Le 20 janvier 2020, ce notaire a été nommé en qualité de représentant de la communauté héréditaire.

Par courrier du 31 août 2020 adressé à A______, le notaire G______, se référant à l'ouverture du testament et au legs le concernant, a indiqué que la délivrance de ce dernier ne pourrait intervenir qu'après établissement des valeurs patrimoniales de feu B______ et pour autant que ledit legs ne lèse pas les réserves.

e. L'ouverture de la succession a donné lieu à un litige entre les légataires et les héritiers qui a conduit C______, à agir en réduction, en restitution et en partage le 16 avril 2021 et les héritiers réservataires en annulation de testament, subsidiairement en réduction le 19 avril 2021.

f. Par courrier recommandé adressé au notaire G______ le 20 janvier 2022, [la banque] O______ a dénoncé le prêt hypothécaire n° 3______ grevant le bien immobilier de N______ et réclamé le paiement du montant de 1'055'352 fr. 30 d'ici au 15 février 2022.

La banque regrettait que malgré ses demandes des 6 août 2020, 23 février, 3 août et 29 septembre 2021, la communauté héréditaire n'avait pas régularisé la situation du compte, en particulier le retard d'amortissement de 47'250 fr.

Elle réclamait dès lors le paiement du capital restant dû (955'000 fr.), des intérêts encourus au 15 février 2022 (1'851 fr. 30), d'une indemnité de résiliation anticipée (97'001 fr.) et de frais pour formalités administratives (1'000 fr.), étant précisé que le paiement des intérêts hypothécaires était à jour au 31 décembre 2021.

Elle a simultanément dénoncé au remboursement intégral les cédules hypothécaires au porteur PJ 2013/4______ (575'000 fr.) et PJ 2010/5______ (500'000 fr.) grevant, respectivement en 1er et 2ème rang, "le feuillet n° 6______, correspondant au lot PPE n° 7______, sis sur la parcelle n° 8______ de la commune de Q______, secteur R______ [VS]".

g. Le 26 janvier 2022, le notaire G______ a transmis le courrier de la banque aux héritiers et aux légataires, en soulignant que faute de liquidité à disposition de la succession, les versements dus au titre de ce prêt n'avaient pas et ne pouvaient pas être honorés.

Au vu du litige et des négociations en cours sur la préservation des réserves légales et de la délivrance des legs, il leur a demandé de se déterminer quant à la suite à donner à cette dénonciation du prêt.

Par courrier du 2 février 2022 au notaire, le conseil de A______ a exposé considérer que les héritiers avaient détérioré la valeur du legs devant lui être délivré.

En ne régularisant pas la situation du prêt hypothécaire, malgré les relances, ils avaient causé un préjudice de 97'000 fr., dont ils répondaient intégralement et qui devait être réparé au moment du transfert dudit legs.

Ce à quoi, le notaire G______ a répondu le 14 février 2022 en observant notamment que les procédures en cours et le manque de liquidités n'avaient pas permis de dresser l'inventaire successoral, en particulier d'établir la liste exhaustive des actifs et passifs, de régler l'intégralité des dettes successorales, partant de calculer les réserves, et sous réserve de l'absence de lésion des réserves, de procéder à la délivrance du legs, que le testament prévoyait que le legs de l'appartement impliquait pour chaque légataire de reprendre l'intégralité de la dette hypothécaire le grevant, et que A______ avait souhaité conserver par devers-lui les clés qu'il [détenait] de l'appartement de N______ et qu'aucun procès-verbal de constat des biens mobiliers qu'il [contenait] ne lui avait été communiqué (…).

Le notaire a dès lors invité les héritiers et les légataires à discuter d'une solution permettant la délivrance du legs tout en préservant les réserves héréditaires.

h. Les héritiers et les légataires, dont A______, sont finalement parvenus à un accord formalisé par une convention du 3 juin 2022, dont la teneur est en substance la suivante :

En préambule, la convention stipule que "Désireuses de s'entendre sur les modalités d'attribution des legs dans le respect des réserves héréditaires et plus généralement du droit suisse applicable à la succession de feu B______, tout en se conformant dans la mesure du possible et de manière pratique avec les volontés déclarées ou présumées du défunt, les Parties sont convenues des ajustements reflétés dans les présentes pour le traitement des Legs et le paiement d'une soulte", et que "la présente convention [permet] ainsi de reconstituer les réserves héréditaires conformément au droit suisse et, par la même occasion, de mettre un terme à tout différend pouvant opposer les légataires ou l'un ou l'autre d'entre eux d'une part aux héritiers ou à l'un ou l'autre d'entre eux d'autre part".

Pour le surplus, la convention, dans son corps, prévoit notamment l'attribution et l'envoi en possession à A______ de "l'appartement de N______ (immeuble nos 6______ et 9______ de la Commune de Q______), y compris la dette hypothécaire, ainsi que tous les biens mobiliers s'y trouvant au jour du décès de B______", en contrepartie de la promesse de signer une reconnaissance de dette par laquelle il s'engage à verser aux héritiers (sur un compte bancaire au nom du notaire G______), dans les 10 jours ouvrables suivant l'inscription au Registre foncier du transfert de la propriété de l'appartement de N______, une soulte de 240'000 fr.

La convention stipule en outre que A______ acquiert "l'appartement de N______, dont il [confirme] avoir possédé les clés depuis le décès du défunt, en l'état, tout recours contre les héritiers notamment en raison de possibles ou prétendus défauts étant exclu et s'engage à assumer l'intégralité des frais, charges, émoluments, taxes, impôts et autres possibles coûts en lien avec l'attribution de l'appartement de N______, notamment les frais de notaires, les émoluments du registre foncier et les droits de mutation inhérents au transfert".

La convention contient par ailleurs une disposition intitulée "Quittance finale", selon laquelle : "Moyennant bonne et fidèle exécution de leurs engagements réciproques au titre des présentes, les héritiers d'une part et les légataires de l'autre se donnent mutuellement quittance pour solde de tout compte et de toutes prétentions en lien avec la succession de feu B______, comprenant notamment les Procédures, l'Opposition et l'Action en annulation".

La convention est soumise au droit suisse, le for fixé à Genève.

i. Dans un document intitulé "reconnaissance de dette" et signé le même jour que la convention (3 juin 2022), A______ a déclaré reconnaître expressément et inconditionnellement devoir la somme de 240'000 fr. à l'Hoirie composée de l'épouse et des trois enfants du défunt.

Cette somme devait être payée dans un délai de 10 jours ouvrables suivant le jour où la propriété de l'appartement lui avait été transférée, l'inscription au registre du commerce faisant foi.

Cette reconnaissance de dette se réfère de surcroit à la convention du même jour.

j. Suite à cela, les héritiers ont retiré les actions judiciaires qu'ils avaient diligentées.

La réquisition d'inscription en faveur de A______ au registre foncier de S______ (VS) a été effectuée le 23 juin 2022. Ledit registre a adressé au notaire G______ une décision le 23 août 2022 fixant les frais d'inscription à 5'761 fr. 50.

k. Par courrier du 17 août 2022 adressé au notaire G______, [la banque] O______ a déclaré prendre note de ce que A______ était légataire du bien immobilier de N______ et a indiqué lui transmettre par courrier séparé les cédules hypothécaires grevant cet immeuble afin de procéder aux mises à jour nécessaires auprès du registre foncier.

La banque a pris soin de préciser que malgré le changement de propriétaire, elle n'entendait pas renoncer à ses droits contre la succession en lien avec le prêt hypothécaire n° 3______, une poursuite en réalisation de gage immobilier devant prochainement être diligentée.

O______ a adressé une copie de ce courrier à A______ le jour même.

l. Le 2 septembre 2022, les héritiers ont requis de A______ qu'il leur verse 240'000 fr. dans un délai de 10 jours ouvrables et ceci en mains du notaire G______.

m. Par mail du 6 septembre 2022, A______, relancé plusieurs fois par la banque, a interpellé les héritiers quant au montant que ceux-ci devaient à O______ (128'288 fr. 20 de frais, indemnités de résiliation anticipée et intérêts du ______ 2019 [date de décès] au 31 août 2022), ainsi qu'à la copropriété le M______ (32'603 fr. 95), soit un total de 160'892 fr. 15.

Il proposait que les héritiers règlent les montants dus auprès des créanciers concernés, ou alors de déduire ces montants de la soulte en 240'000 fr. impliquant qu'il leur verserait la somme de 79'107 fr. 85.

Le lendemain, les héritiers ont répondu à A______ qu'il leur était redevable de 240'000 fr. Ils se référaient aux termes de la convention du 3 juin 2022.

n. Le 20 septembre 2022, les héritiers ont sommé A______ de leur verser 240'000 fr. d'ici au 30 septembre 2022.

o. Le 29 septembre 2022, ce dernier a informé les héritiers avoir finalement réglé les frais de copropriété, le capital dû ainsi que les intérêts du prêt hypothécaire relatifs à l'appartement. Il a cependant persisté à contester devoir assumer l'indemnité de résiliation anticipée en 97'001 fr. et les frais administratifs en 1'000 fr.

Considérant que la somme de 98'001 fr. était à la charge des héritiers, A______ les a informés compenser ce montant avec la soulte en 240'000 fr. qu'il s'était engagé à payer et a indiqué qu'il leur réglerait un solde de 141'999 fr.

Le 3 octobre 2022, A______ a versé 121'888 fr.50, indemnité de résiliation comprise, à [la banque] O______ et 141'999 fr. en mains du notaire G______.

p. L'Hoirie de feu B______, représentée par le notaire G______, a dès lors requis la poursuite de A______.

Un commandement de payer, poursuite n° 1______, lui a été notifié le 17 octobre 2022 à concurrence de 98'001 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2022.

Par jugement JTPI/7417/2023 du 23 juin 2023, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée à ce commandement de payer.

q. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2023, A______ a assigné la succession de feu B______, soit C______, F______, D______ et E______ en libération de dette à hauteur de 98'001 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2022.

Les défendeurs ont conclu à ce que le Tribunal condamne A______ à s'acquitter en mains de la succession de feu B______ de la somme de 98'001 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2022.

Lors de l'audience du 31 octobre 2023 du Tribunal, les défendeurs ont renoncé à toute mesure probatoire à l'exception de l'audition du demandeur, laquelle a eu lieu à l'audience du 13 février 2024, suite à quoi les parties ont opté pour des plaidoiries orales, à l'issue desquelles le Tribunal a gardé la cause à juger et prononcé le jugement attaqué.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

Dans le cas présent, la créance litigieuse qui fait l'objet de la poursuite dont l'annulation est requise dans l'action en libération de dette s'élève à près de 100'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La procédure est soumise à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et au principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

2. L'appelant se plaint de ce que le premier juge aurait renversé le fardeau de la preuve en lui demandant de prouver ce qui devait l'être par sa partie adverse. Il remet par ailleurs en cause l'interprétation qu'a faite le Tribunal de la convention passée entre les parties et notamment de sa clause dite de "quittance finale". Enfin, il conteste le fait qu'il ait été retenu qu'il ne pouvait pas compenser, conséquence du raisonnement précédent aboutissant au fait qu'il n'avait pas de créance, son alléguée créance avec celle des parties adverses à son encontre. Il ne soulève pas d'autres griefs.

Les trois griefs rappelés ci-dessus sont les facettes d'une même et unique question relative à l'appréciation des preuves produites et aux conséquences qui découlent de cette appréciation.

2.1.1 Selon l'art. 83 al.2 LP, le débiteur peut, dans les 20 jours à compter de la mainlevée, intenter au for de la poursuite une action en libération de dette.

Il s'agit d'une action en constatation négative de droit matériel qui s'instruit en procédure ordinaire et a pour conséquence d'inverser le rôle des parties (SCHMIDT, CR-LP, no 10-11 ad art. 83). Le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve ne sont pas renversés : c'est au poursuivant, défendeur dans l'action en libération de dette, de faire la preuve de l'existence et de l'exigibilité de la créance (GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5e éd., 2012, no 810-811 ad art. 83 LP).

2.1.2 Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soi pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2). Constituent des indices en ce sens, non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 consid.6.2). Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_643/2020 consid. 4.2.1; 4A_498/2018 consid. 5.1.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (interprétation objective), à savoir rechercher leur volonté objective en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (arrêt du TF 4A_508/2016 cité consid. 6.2). D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2). La détermination de la volonté objective des parties selon le principe de la confiance est une question de droit. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; ATF 133 III 61 consid. 2.2.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que l'appelant disposait d'une créance contre l'Hoirie relative à l'indemnité due à la banque pour résiliation anticipée du contrat de prêt hypothécaire, montant qu'il n'avait pas à supporter selon les règles applicables à la délivrance du legs. Ce point ne fait plus l'objet du litige en appel. Le Tribunal a retenu cependant ensuite, qu'au moment de la signature de la convention passée par les parties, et au vu de la disposition de "quittance finale" qu'elle contient, l'appelant ne disposait plus d'une créance à l'égard des intimés dans la mesure où il y avait, au plus tard à ce moment-là, renoncé dans le cadre de l'accord global conclu.

2.2.1 Dans le cadre de l'interprétation de la clause de "quittance finale" contenue dans la convention du 3 juin 2022 entre les parties, il s'agit tout d'abord, conformément aux principes rappelés ci-dessus, de rechercher la commune et réelle intention des parties, puis si celle-ci ne ressort pas des preuves apportées, d'interpréter la clause litigieuse selon le principe de la confiance.

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, la convention des parties rappelle tout d'abord le contexte. Elle fait expressément référence, dans son préambule, au testament du défunt du 18 septembre 2019, au legs de l'immeuble à l'appelant avec la charge de reprendre l'intégralité de la dette hypothécaire y afférente, mais aussi à d'autres legs, aux actions successorales pendantes entre les parties (héritiers et légataires), à la volonté des mêmes parties de s'entendre sur les modalités d'attribution des legs dans le respect des réserves héréditaires, ainsi qu'à leur volonté de reconstituer les réserves héréditaires et de mettre un terme à tout différend pouvant les opposer.

L'appelant se plaint d'un renversement du fardeau de la preuve et fait grand cas du courrier de son conseil du 2 février 2022 dans lequel il rappelait considérer le montant de 97'000 fr. (sic) comme un préjudice pour lui dont l'Hoirie lui était redevable.

Or, il découle des pièces produites que, postérieurement audit courrier, les parties ont entamé des discussions en vue de parvenir à un accord global visant à, comme déjà dit, reconstituer les réserves des héritiers atteintes par le testament du défunt, mettre un terme aux procédures pendantes entres les héritiers et les légataires et enfin de pouvoir délivrer les legs, dont celui de l'appelant, manière à solder l'ensemble des litiges et d'être à même de liquider la succession.

Le résultat de ces négociations, étant précisé qu'il ressort des pièces au dossier que toutes les parties étaient assistées d'avocats, est la convention passée entre elles. Il n'y avait rien d'autre à prouver que ce résultat.

Or, les termes utilisés dans la convention sont clairs, en particulier ceux contenus dans le chapitre intitulé "quittance finale", comme est clair le contexte dans lequel ils s'inscrivent tel que rappelé plus haut. On relève à ce stade, par ailleurs, qu'en exécution des modalités de la convention, l'appelant, qui ne prétend pas y avoir été contraint, a signé une reconnaissance de dette du même jour qui y fait référence explicitement, pour un montant de 240'000 fr., sans réserve ni condition, soit le montant de la soulte à sa charge tel qu'il ressort de l'accord.

Quels qu'en soient les motifs, que l'on comprend d'ailleurs aisément en tant qu'il se voyait délivrer son legs, l'appelant a bien renoncé, suite à la négociation globale menée et ayant abouti à l'accord formalisé dans la convention, à la créance qu'il estimait avoir/avait à l'égard de l'Hoirie, par la signature de celle-ci, moyennant quittance finale et reconnaissance de dette du montant de 240'000 fr..

La réelle et commune intention des parties était, par la signature de la convention passée, comme son préambule le rappelle et ses dispositions le prescrivent, de mettre un terme aux procédures entre elles, de reconstituer les réserves, ce qui impliquait de fixer le montant définitif, sans réserve ni condition, de la soulte et de délivrer les legs.

2.2.2 Même à retenir que la commune intention des parties ne puisse être établie sur la base des seules pièces produites au contenu pourtant clair, l'interprétation objective de la convention conduit, sur la base du complexe de faits précédent sa conclusion et de la reconnaissance de dette signée le même jour en exécution de celle-ci, à retenir d'une part, que la convention des parties mettait un terme à tout litige pendant entre elles en relation avec la succession du défunt, mais d'autre part arrêtait le montant définitif permettant de reconstituer les réserves, pour solde de tout compte, et la délivrance des legs, et dès lors, la renonciation dans ce cadre par l'appelant à toute éventuelle créance qu'il aurait pu faire valoir précédemment.

Il en découle que c'est de mauvaise foi que l'appelant prétend revenir sur l'accord des parties soldant leurs différends et ayant permis la délivrance de son legs.

C'est donc à juste titre que le Tribunal est arrivé à la conclusion que l'appelant ne disposait pas d'une créance qui lui permettait de s'opposer à ses obligations à l'égard des héritiers.

Il découle de cela qu'à défaut d'une créance, le grief relatif à une éventuelle compensation de celle-ci tombe à faux.

Le jugement doit dès lors être confirmé en totalité.

3. Les frais de la procédure d'appel seront mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al.1 CPC). Ils seront arrêtés à 5'400 fr. (art. 13, 17, 35 RTFMC) et compensés en totalité avec l'avance de frais perçue qui reste acquise à l'Etat.

Des dépens à hauteur de 3'500 fr. seront mis à charge de l'appelant en faveur des intimés, conjointement et solidairement (art. 84, 85 RTFMC; 23 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 mai 2024 par A______ contre le jugement JTPI/4761/2024 rendu le 18 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14991/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie par celui-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à D______, C______, F______ et E______, pris conjointement et solidairement, 3'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.