Décisions | Chambre civile
ACJC/1591/2024 du 10.12.2024 sur JTPI/14366/2023 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/23056/2022 ACJC/1591/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 10 DÉCEMBRE 2024 |
Entre
FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT, sis c/o Association des communes genevoises, boulevard des Promenades 20, 1227 Carouge, appelant d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 décembre 2023, représenté par Me Alain MAUNOIR, avocat, Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12,
et
Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4.
A. Par jugement JTPI/14366/2023 du 5 décembre 2023, reçu le 8 du même mois par le FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur décision incidente par voie de procédure ordinaire, s'est déclaré compétent ratione materiae pour connaître de l'action en rectification du registre foncier formée par A______ et B______ à l'encontre du FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT le 6 mars 2023 (ch. 1), a réservé la suite de la procédure (ch. 2), renvoyé le sort des frais à la décision finale (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte déposé le 23 janvier 2024 au greffe de la Chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la Cour), le FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour constate l'incompétence ratione materiae du Tribunal pour connaître de l'action formée par A______ et B______ et la déclare irrecevable, sous suite de frais et dépens.
b. Dans leur réponse du 8 avril 2024, A______ et B______ ont conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.
c. Les 29 mai et 3 juillet 2024, les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
d. La cause a été gardée à juger le 23 août 2024, ce dont les parties ont été avisées le même jour.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Le FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT (ci-après : le FIE) est une fondation de droit public, dotée de la personnalité juridique et instituée par l'art. 3B de la loi générale sur les zones de développement (LGZD; RS/GE L 1 35). Il est notamment chargé du suivi des décisions de taxe d'équipement (art. 3B al. 4 LGZD) et de leur recouvrement (art. 19 RGZD).
La taxe d'équipement est destinée à contribuer aux coûts de réalisation, de modification ou d'adaptation des voies de communication publiques. Elle est due par le propriétaire du terrain sur lequel doit être érigé le projet qui fait l'objet d'une autorisation définitive de construire (art. 3A al. 1 et 2 LGZD). Le paiement de cette taxe est garanti par une hypothèque légale (art. 8 LGZD et 22 al. 1 RGZD).
b. En décembre 2005, une autorisation de construire DD 1______ a été délivrée pour la construction de cinq immeubles sur la parcelle n° 2______ de la commune de C______ [GE], sise à l'avenue 3______ nos. ______. Dans cette autorisation de construire, D______ SA était désignée comme requérante, "MM. E______, F______ & G______, Architectes pour H______" comme mandataires, et "I______ et J______ et K______" comme propriétaires.
c. Le 3 juillet 2006, le Département du territoire a adressé une facture de 470'840 fr. à D______ SA, "p.a Messieurs E______, F______ & G______, architectes pour H______". Ladite facture avait pour objet la taxe d'équipement public relative à l'autorisation de construire précitée.
d. Un montant de 156'947 fr. a été versé à l'Etat de Genève le 1er novembre 2006 par "D______ SA, MESSIEURS E______, F______, G______".
e. Le 1er janvier 2008, le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le DALE) a adressé une facture de 313'893 fr. à D______ SA, "p.a E______, F______ & SUCCESSEURS, ARCHITECTES". Il y était indiqué qu'elle annulait et remplaçait le solde de la facture du 3 juillet 2006 susmentionnée.
Cette facture n'a fait l'objet d'aucun recours.
A______ et B______ (ci-après: les époux A______/B______) allèguent que cette facture n'a pas été reçue par D______ SA, ce qui est contesté par le FIE.
f. Par contrat de vente à terme du 10 mai 2021, conclu avec G______ en qualité de cédant, les époux A______/B______ se sont portés acquéreurs, en copropriété pour moitié chacun, de la part PPE n° 4______-5______, plan 6______ de la Commune de C______, correspondant à un appartement n° 7.01 situé au 5ème étage de l'immeuble sis avenue 3______ no. ______, [code postal] Genève.
Les époux A______/B______ sont devenus propriétaires de cette part PPE le 21 juin 2021.
g. Par réquisition d'inscription au Registre foncier genevois du 5 juillet 2021, le FIE a sollicité l'inscription d'une hypothèque légale de droit public (art. 8 LGZD et 22 RGZD), pour un montant de 313'893 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 4 août 2006, se rapportant à la taxe d'équipement pour le "dossier DD 1______". Selon les indications figurant dans la réquisition, l'hypothèque devait être inscrite sur l'immeuble n° 4______-5______, plan 6______ de la Commune de C______, propriété de G______. La facture du DALE du 1er janvier 2008 était annexée à la réquisition comme pièce justificative.
Le FIE allègue qu'il ignorait que G______ avait vendu la part PPE
n° 4______-5______ aux époux A______/B______; le précité en était toujours propriétaire selon un extrait officiel du Registre foncier du 29 juin 2021.
h. Le 25 mai 2022, le Registre foncier a informé les époux A______/B______ de l'inscription, le 5 juillet 2021, d'une hypothèque légale de droit public en faveur du FIE sur leur part PPE, à hauteur de 313'893 fr.
i. Par courrier du 13 juin 2022, les époux A______/B______ ont demandé au FIE de radier cette hypothèque qui était pour eux "inexplicable". Ils ont notamment relevé que les extraits du Registre foncier annexés au contrat de vente du 10 mai 2021 ne mentionnaient aucune hypothèque légale de droit public.
j. Dans sa réponse du 23 juin 2022, FIE a refusé de faire radier l'hypothèque légale litigieuse. Il a exposé que l'immeuble sis avenue 3______ no. ______ avait fait l'objet d'une autorisation de construire DD 1______, qui avait engendré la notification d'une taxe d'équipement en juillet 2006, devenue exécutoire et définitive, n'ayant fait l'objet d'aucun recours. G______ faisait partie des débiteurs de cette taxe. L'inscription de l'hypothèque légale avait été requise pour garantir le recouvrement du solde de la taxe qui restait impayé.
D. a. Par demande déposée le 21 novembre 2022 en vue conciliation, déclarée non conciliée le 16 janvier 2023, puis introduite devant le Tribunal le 6 mars 2023, les époux A______/B______ ont formé une action en rectification du registre foncier.
Ils ont conclu, principalement, à ce que le Tribunal constate la nullité de l'hypothèque légale, numéro d'identification ID.2021/7______, PJ n° 8______/2021, de 313'893 fr. avec intérêts de 5% dès le 4 août 2006, inscrite le 5 juillet 2021 en faveur du FIE sur l'immeuble n° 4______-5______ de la Commune C______, et charge le Conservateur du Registre foncier genevois de procéder à la radiation de cette hypothèque légale, sous suite de frais et dépens.
Subsidiairement, ils ont conclu à ce que le Tribunal réduise le montant garanti par l'hypothèque légale, "afin que ce dernier corresponde à la valeur de la fraction du gage répartie proportionnellement suite à la division de la parcelle n° 2______ de la Commune de C______ ainsi qu'à la mise en PPE des cinq immeubles visés par l'autorisation de construire DD 9______ [recte : DD 1______]", et ordonne la modification subséquente de l'inscription au Registre foncier concernant le montant garanti par ladite hypothèque légale, sous suite de frais et dépens.
Les époux A______/B______ ont tout d'abord fait valoir que la créance garantie par l'hypothèque légale était prescrite depuis le 12 juin 2016, dans la mesure où dix ans s'étaient écoulés depuis l'ouverture du chantier relatif à l'autorisation de construire DD 1______. L'hypothèque légale était ainsi caduque et la réquisition d'inscription aurait dû être rejetée par le Registre foncier.
En tout état, cette hypothèque légale – qui était occulte – ne leur était pas opposable, dès lors qu'ils étaient protégés par les art. 836 al. 2 CC et 44 al. 3 Tit. fin. CC en tant que tiers acquéreurs de bonne foi. L'hypothèque légale devait donc être radiée du Registre foncier pour ce motif également.
Enfin, l'inscription de l'hypothèque légale violait le principe de la légalité. Le gage relatif à l'appartement des époux A______/B______ s'élevait au maximum à 7'972 fr. vu la valeur de leur part PPE, de sorte que ce bien ne pouvait être grevé d'une hypothèque de 313'893 fr. représentant la totalité de la garantie. L'hypothèque légale litigieuse devait également être radiée pour ce dernier motif.
b. Par réponse du 30 juin 2023, le FIE a conclu, principalement, à ce que le Tribunal constate son incompétence à raison de la matière, déclare irrecevable l'action en rectification du registre foncier introduite par les époux A______/B______ et refuse d'entrer en matière sur ladite action, sous suite de frais et dépens.
Subsidiairement, il a conclu à ce que le Tribunal constate la validité de l'hypothèque légale inscrite en sa faveur et déboute les époux A______/B______ de toutes leurs conclusions, sous suite de frais et dépens.
FIE a fait valoir que la contestation relative à l'inscription de l'hypothèque légale relevait du droit public cantonal, de sorte que la compétence pour traiter de cette affaire revenait au Tribunal administratif de première instance ou à la Chambre administrative de la Cour de justice, et non pas aux juridictions civiles.
c. Par ordonnance du 6 juillet 2023, le Tribunal a, notamment, limité la procédure à la question de sa compétence à raison de la matière et invité les époux A______/B______ à se déterminer à ce sujet.
d. Dans leurs déterminations du 28 août 2023, les époux A______/B______, tout en admettant que l'hypothèque litigieuse était une hypothèque légale de droit public fondée sur la LGZD, ont fait valoir qu'une telle qualification ne suffisait pas à fonder la compétence d'une autorité administrative pour trancher une action fondée exclusivement sur l'art. 975 al. 1 CC. La procédure qu'ils avaient engagée visait, en effet, à mettre en œuvre les actions correctives prévues par le Code civil et, en particulier, l'art. 975 CC. Il ne s'agissait donc pas d'une procédure administrative, ni d'une contestation ayant un objet de droit public. L'enjeu du litige était de vérifier la validité d'une inscription au regard des règles civiles régissant le registre foncier.
Par ailleurs, le dépôt d'un recours auprès du Tribunal administratif de première instance ou de la Chambre administrative de la Cour de justice supposait l'existence d'une décision sujette à recours, laquelle n'existait pas en l'espèce.
e. Dans ses déterminations du 5 septembre 2023, le FIE a persisté dans ses conclusions en constatation de l'incompétence du Tribunal à raison de la matière. Il a notamment relevé que les époux A______/B______ ne contestaient pas que l'hypothèque litigieuse avait été inscrite à la suite d'une réquisition fondée sur le droit public cantonal. Or, un litige relatif à l'interprétation du droit public cantonal devait être examiné par les juridictions administratives instituées par la loi.
f. Le Tribunal a gardé la cause à juger - sur la question de sa compétence ratione materiae - à l'issue d'un délai de 15 jours suivant la transmission par le greffe des dernières déterminations des parties.
E. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que l'action formée par les époux A______/B______ portait sur une inscription déjà effectuée au Registre foncier genevois, de sorte que la voie judiciaire de l'action en rectification du registre foncier (art. 975 CC) était ouverte, même si le juge civil était lié par les décisions administratives relatives à la créance de droit public et au droit de gage. La contestation des époux A______/B______ en lien avec l'inscription de l'hypothèque légale sur leur part PPE relevait bien de la compétence des juridictions civiles.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions incidentes de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 CPC).
L'action en rectification du registre foncier fondée sur l'art. 975 CC est une action civile réelle de nature patrimoniale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_413/2009 consid. 1.1 non publié aux ATF 136 III 269). La valeur litigieuse est fonction du droit réel dont il est demandé la radiation (Bohnet, CPra Actions civiles Vol. I, 2019, §59 n. 18 et la référence doctrinale citée).
En l'espèce, en tant qu'il admet la compétence du Tribunal pour connaître du litige, le jugement entrepris constitue une décision incidente de première instance. L'hypothèque légale – dont la radiation de l'inscription au registre foncier est requise par les intimés – garantit une créance de plus de 300'000 fr., de sorte que la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr.
La voie de l'appel est donc ouverte.
1.2 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
1.3 Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être motivé. Pour satisfaire à cette obligation de motivation, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que l'appelant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Il ne lui suffit cependant pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité cantonale n'entre pas en matière (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1, arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5).
En l'espèce, comme le relèvent les intimés, la première partie de l'appel consiste en un exposé par l'appelant de sa propre version des faits quasiment identique à celle figurant dans sa réponse du 30 juin 2023. S'il eût effectivement été opportun - afin de permettre une meilleure lisibilité et compréhension de son mémoire - que l'appelant limite son analyse aux éventuels faits contestés, une lecture attentive de l'appel permet néanmoins de comprendre qu'il soulève uniquement des griefs liés à la violation du droit, lesquels sont, par ailleurs, suffisamment motivés. En conséquence, il convient d'admettre, sous peine de formalisme excessif, que l'appel répond aux exigences de motivation prévues par la loi.
Interjeté dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), l'appel est ainsi recevable.
1.4 Les parties doivent formuler leurs griefs de façon complète dans le délai d'appel, respectivement dans la réponse à l'appel; un éventuel second échange d'écritures ou l'exercice d'un droit de réplique ne peut servir à compléter une critique insuffisante ou à formuler de nouveaux griefs (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_417/2022 du 25 avril 2023 consid. 3.1; 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1; 4A_412/2021 du 21 avril 2022 consid. 3).
En l'espèce, les intimés soutiennent à tort que l'appelant aurait formulé de nouveaux griefs irrecevables à l'encontre du jugement querellé dans sa réplique. L'appelant se contente, en effet, de répondre aux arguments juridiques des intimés, ce qui est admissible au regard de la jurisprudence. La réplique est donc recevable.
1.5 La maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.
2. L'appelant reproche au Tribunal de s'être déclaré compétent ratione materiae pour connaître de l'action en rectification du registre foncier déposée par les intimés.
2.1.1 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (art. 59 al. 1 CPC). Parmi celles-ci figure notamment la compétence matérielle du tribunal saisi (art. 59 al. 2 let. b CPC).
Sauf disposition contraire de la loi, le droit cantonal détermine la compétence matérielle des tribunaux (art. 4 al. 1 CPC). A Genève, les tribunaux civils traitent des litiges de droit privé (art. 86 LOJ; RS/GE E 2 05) et les autorités et les tribunaux administratifs des litiges de droit public et de droit administratif (art. 116 LOJ).
C'est d'après l'objet du litige qu'il y a lieu de déterminer si l'on se trouve en présence d'un litige relevant du droit civil ou du droit public. Cet objet est déterminé par les conclusions de la demande et par les faits invoqués à l'appui de celle-ci
(ATF 142 III 210 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_101/2021 du 28 mai 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée; Hohl, Procédure civile, Tome I, 2016, n. 56 et 61, p. 22 et 23).
2.1.2 A teneur de l'art. 975 al. 1 CC, celui dont les droits réels ont été lésés par une inscription faite ou par des inscriptions modifiées ou radiées sans cause légitime, peut en exiger la radiation ou la modification.
Les actions en modification du registre foncier visent à modifier une écriture portée au registre foncier afin d'assurer son exactitude (Bohnet, op. cit., §59 n. 1 et les références citées) et de mettre le registre en harmonie avec la réalité (juridique ou factuelle). L'action de l'art. 975 CC n'a pas pour objet la naissance ou l'extinction d'un droit, mais la confirmation de l'existence ou de l'inexistence de celui-ci (Mooser, CR CC II, 2016, n. 2 ad art. 975 CC). Il s'agit d'une action civile réelle de nature patrimoniale et déclaratoire (art. 88 CPC) (Bohnet, op. cit., §59 n. 14 et les références citées).
Aux termes de l'art. 975 al. 1 CC, l'action est possible si une inscription a été faite "sans cause légitime". Selon l'art. 974 al. 2 CC, l'inscription est faite indûment lorsqu'elle a été opérée sans droit ou en vertu d'un acte juridique non obligatoire. C'est le cas lorsque les conditions matérielles de l'opération font défaut, c'est-à-dire si le titre d'acquisition et/ou la réquisition d'inscription ne sont pas valables (par ex. l'acte juridique sur lequel l'inscription se fonde est nul; celui qui requiert l'inscription n'avait pas le pouvoir de disposer) (arrêt du Tribunal fédéral 5a_413/2009 du 2 février 2009 consid. 4.1, non publié aux ATF 136 III 269; Mooser, op. cit., n. 19 et 20 ad art. 975 CC).
Dans un arrêt du 21 juin 2012, le Tribunal fédéral, amené à statuer dans le cadre d'une action en rectification du registre foncier, a retenu que le caractère indu d'une radiation – en l'occurrence la radiation d'une servitude personnelle fondée sur une décision administrative entrée en force – pouvait résulter de la non-validité de son fondement juridique, c'est-à-dire d'un acte juridique ou d'une décision d'une autorité. En soi, ce fondement juridique n'avait pas à être contesté par une voie de droit particulière. La question de savoir s'il était juridiquement valable devait plutôt être examinée à titre préjudiciel, dans le cadre du procès en rectification du registre foncier. L'existence d'une décision administrative entrée en force n'excluait pas systématiquement la compétence à raison de la matière des tribunaux civils. Ceux-ci étaient habilités, dans le cadre d'une procédure civile portant sur une rectification du registre foncier, à statuer sur des questions préjudicielles de droit public, pour autant que, dans le cas concret, les instances administratives compétentes ne se soient pas déjà prononcées. Les tribunaux civils étaient, en revanche, liés par la décision de l'autorité compétente une fois que celle-ci avait été rendue et était définitive, à moins qu'elle ne soit absolument nulle. Les tribunaux civils étaient autorisés et mêmes tenus dans une procédure pendante – en l'occurrence une procédure en rectification du registre foncier – de statuer sur la question préjudicielle de droit public qui se posait et, le cas échéant, d'examiner la question de la nullité absolue des décisions administratives entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 5A_195/2012 du 21 juin 2012 consid. 4.1 et 4.2.2, publié in Droit de la construction 2012, n. 427 p. 249, et traduit par Pichonnaz, La jurisprudence récente en droit privé, in Journées suisses du droit de la construction, 2015, n. 154 p. 355-356; cf. ég. BOHNET, op. cit., §59 n. 32; ACJC/712/2013 du 7 juin 2013 consid. 4.1.3 et les arrêts cités).
Les contestations relatives à l'inscription éventuelle d'une hypothèque légale en garantie des créances de droit public relèvent ainsi exclusivement du juge civil ou des autorités de surveillance du registre foncier. Ces autorités peuvent se prononcer sur la légitimation du requérant quant au droit de disposer et quant au titre d'acquisition, sur la régularité formelle de la réquisition, ainsi que sur la possibilité ou non d'inscrire l'hypothèque légale. Elles sont liées, en revanche, sur le plan matériel par les décisions administratives relatives à la créance de droit public et au droit de gage (Abbet, L'hypothèque légale en garantie des créances de droit public, in RDAF 2009 II p. 405 ss, p. 416).
2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'hypothèque légale litigieuse, qui vise à garantir le paiement d'une taxe d'équipement, est une hypothèque légale de droit public fondée sur la LGZD.
Cela étant, l'appelant soutient à tort que pour ce motif, le Tribunal ne serait pas autorisé à statuer sur l'action en rectification du registre foncier formée par les intimés.
En effet, contrairement à ce qui résulte des états de fait des jurisprudences citées par l'appelant, l'objet de la présente procédure n'est pas la contestation d'une décision administrative, mais celle de l'inscription au registre foncier d'une hypothèque légale de droit public qui, selon les intimés, aurait été effectuée indûment.
Or, si la question de la validité du fondement juridique de l'inscription litigieuse relève du droit public, il ressort des principes rappelés plus haut
(cf. consid. 2.1.2) que celle-ci doit être examinée, à titre préjudiciel, par le juge civil
dans le cadre d'une action en rectification du registre foncier.
Le Tribunal devra ainsi statuer sur les questions préjudicielles de droit public qui se posent et, en particulier, déterminer s'il existe une décision administrative entrée en force portant sur l'hypothèque légale litigieuse – ce que l'appelant soutient mais que les intimés contestent – et, cas échéant, examiner si cette décision est frappée d'un motif de nullité absolue.
En conséquence, c'est à raison que le Tribunal a admis sa compétence à raison de la matière pour trancher de l'action formée par les intimés.
Le jugement attaqué sera donc confirmé.
3. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'000 fr. (art. 36 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de frais versée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève
(art. 111 al. 1 CPC).
L'appelant sera, en outre, condamné à verser aux intimés, solidairement entre eux, 2'500 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 85, 87 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 23 janvier 2024 par le FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT contre le jugement JTPI/14366/2023 rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23056/2022.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge du FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne le FONDS INTERCOMMUNAL D'EQUIPEMENT à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, 2'500 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.