Décisions | Chambre civile
ACJC/1517/2024 du 21.11.2024 sur JTPI/5914/2019 ( OO ) , MODIFIE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/11822/2014 ACJC/1517/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 août 2022, représentée par Me Jacques ROULET, avocat, Roulet Avocats, rond-Point de Plainpalais 2, 1205 Genève,
et
B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Mes Michel BERGMANN et Clio HERRMANN, avocats, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4.
Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 15 mai 2024
A. a. A______ a été victime, le 14 mai 2011 alors qu’elle était âgée de 47 ans, d’un accident vasculaire cérébral (AVC) sous la forme d’une occlusion du tronc basilaire. Elle a été admise au Service des Urgences des B______ (ci-après : B______) à 13h37 le 14 mai 2011 en raison notamment d’un malaise et de vomissements. Elle a été installée en salle d’attente, faute de place ailleurs. Par la suite, elle a été vue à quatre reprises par le personnel soignant, puis, à 19h30, par un premier médecin, après que sa famille avait alerté le personnel d’une dégradation de son état. Le chef de clinique des urgences a suspecté une crise d’hyperventilation liée à des troubles anxieux. A______ a été installée en zone de soins à 1h35. Lors de son transfert, les infirmières ont notamment relevé qu’elle ne parlait plus. Le médecin interne de nuit l’a immédiatement examinée, rejoint par son supérieur, et a demandé un CT-scan cérébral et une consultation auprès de la neurologue de garde. Celle-ci a examiné A______ à 4h00 et a notamment préconisé un CT-scan cérébral. Celui-ci, réalisé à 5h00, a mis en évidence un possible infarctus récent cérébelleux droit par occlusion du tronc basilaire. Une IRM cérébrale effectuée à 8h00 a confirmé un AVC, sous la forme d’une occlusion du tronc basilaire. Le même jour, la patiente a subi une thrombectomie du tronc basilaire. Après plusieurs séjours en soins intensifs, en neurologie, puis en rééducation, A______ a pu regagner son domicile le 28 novembre 2011. Elle garde d’importantes séquelles de son AVC.
b. Par acte du 13 juin 2014, A______ a saisi le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) d’une demande en paiement à l’encontre des B______ pour un montant initial de 2'041'249 fr., réduit par la suite à 1'610'754 fr., puis à 1'026'027 fr., avec suite d’intérêts.
En substance, A______ reprochait aux B______ une violation des règles de l’art et du devoir de diligence dans sa prise en charge, en particulier en raison des délais d’attente qu’elle avait subis.
Les B______ ont conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, contestant toute responsabilité, ainsi que le lien de causalité entre une éventuelle violation des règles de l’art et l’état de santé actuel de l’intéressée.
Le Tribunal a diligenté une expertise et entendu plusieurs médecins.
c. Par jugement du 24 avril 2019, le Tribunal a débouté A______ de toutes ses conclusions, mis les frais judiciaires, arrêtés à 49'000 fr., à sa charge en les laissant provisoirement à la charge de l’Etat, dès lors qu’elle plaidait au bénéfice de l’assistance judiciaire et l’a condamnée à payer aux B______ la somme de 40'000 fr. à titre de dépens.
d. Par arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020, la Cour de justice (ci-après : la Cour), a annulé ce jugement, admis la responsabilité des B______, renvoyé la cause au Tribunal pour décision sur la question du dommage et réservé le sort des frais judiciaires et des dépens de première instance.
La Cour a fixé les frais judiciaires d’appel à 20'000 fr., les a mis à la charge des B______ et à condamné ces derniers à verser 20'000 fr. à A______ à titre de dépens.
e. A réception de l’arrêt de renvoi, le Tribunal a repris la procédure et a ordonné une nouvelle expertise.
f. Par jugement JTPI/9604/2022 du 18 août 2022, le Tribunal a condamné les B______ à payer à A______ les sommes de : 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2011, 2'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2013, 92'568 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017 et 46'437 fr.
Le Tribunal a par ailleurs arrêté les frais judiciaires à 67'600 fr. (comprenant un émolument de jugement de 50'000 fr.), les a partiellement compensés avec les avances fournies par les parties (sic) et les a mis à la charge des B______, condamnant ces derniers à rembourser 200 fr. à A______ et à verser 65'900 fr. à l’Etat de Genève; les B______ ont en outre été condamnés à verser à A______ 35'000 fr. à titre de dépens.
g. Par acte du 21 septembre 2022, les B______ ont formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation, A______ devant être déboutée de toutes ses conclusions et les frais judiciaires de première instance arrêtés à 57'600 fr. et mis à la charge de cette dernière.
A______ a conclu au déboutement des B______ de toutes leurs conclusions d’appel.
Les parties ont répliqué et dupliqué.
h. A______ a également formé appel contre le jugement du 18 août 2022 et a conclu à ce que les B______ soient condamnés à lui verser une somme totale de 871'636 fr. 25.
Les B______ ont conclu au rejet de l’appel de A______.
Les parties ont répliqué et dupliqué.
i. Par arrêt ACJC/817/2023 du 8 juin 2023, la Cour a annulé divers chiffres du dispositif du jugement JTPI/9604/2022 du 18 août 2022 et statuant à nouveau, a condamné les B______ à verser à A______ les montants suivants : 5'233 fr. 55 avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017, 7'421 fr. 75, 116'980 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017, 147'687 fr., 46'354 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017, 22'799 fr. et 30'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2011. S’agissant des frais de première instance, la Cour en a confirmé la quotité et a par ailleurs arrêté les frais judiciaires des deux appels à 30'000 fr., les a mis à la charge des B______ et a dit qu’ils étaient partiellement compensés avec l’avance fournie en 9'000 fr. par ces derniers. Les B______ ont été condamnés à verser 21'000 fr. à l’Etat de Genève à titre de solde des frais judiciaires et 20'000 fr. à A______ à titre de dépens pour les deux appels.
S’agissant de la situation personnelle de A______, la Cour a relevé qu’avant son AVC elle travaillait en qualité de polisseuse à 80% chez C______ SA. Son salaire annuel net, bonus compris, s’était élevé à 67’377 fr. en 2010, à 68'343 fr. en 2011 et à 60'995 fr. en 2012. Son contrat de travail avait pris fin le 12 mai 2013 et son salaire avait été versé jusqu’au 31 mai 2013. Un droit à une rente invalidité complète lui avait été reconnu par décision du 2 juillet 2013, à compter du 1er mai 2012; elle avait perçu à ce titre 2'013 fr. par mois jusqu’au 31 décembre 2012, puis 2'031 fr. à compter du 1er janvier 2013. Elle avait en outre été mise au bénéfice d’une rente pour impotent dégressive, passée de 1'856 fr. par mois à 468 fr. par mois dès le 1er mai 2013. Enfin, par décision du 19 juillet 2013, la caisse de retraite du personnel de C______ SA lui avait octroyé une rente mensuelle de 2'423 fr. dès le 1er juin 2013. Au moment de son AVC, A______ vivait avec son époux et leur fille cadette, née en 1994; le couple s’était séparé à la fin de l’année 2014.
j. Les B______ ont formé recours auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020 et contre l’arrêt ACJC/817/2023 du 8 juin 2023. Ils ont conclu à leur réforme en ce sens que A______ devait être déboutée de toutes ses conclusions et condamnée en tous les frais et dépens.
k. Par arrêt 4A_401/2023 du 15 mai 2024, le Tribunal fédéral a admis le recours, réformé les arrêts attaqués et débouté A______ de toutes ses conclusions. La demande d’assistance judiciaire de cette dernière a été rejetée et les frais judiciaires de la procédure fédérale, en 7'000 fr., mis à sa charge, de même qu’une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale. La cause a enfin été renvoyée à la Chambre civile de la Cour pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a relevé, s’agissant de la fixation des frais de justice de première instance, critiqués par les B______, que la réduction des conclusions de A______ avait été prise en compte et que le montant arrêté (émolument de jugement de 50'000 fr.) entrait dans le cadre du barème prévu par l’art. 17 RTFMC. L’appréciation de la Cour cantonale, qui avait confirmé les frais judiciaires de première instance d’un montant de 67'000 fr., n’était pas arbitraire.
B. Un délai a été imparti aux deux parties pour se prononcer sur ce point.
a. Les B______ ont conclu, statuant sur les frais et dépens dans la procédure sur le principe de la responsabilité, suite au recours contre l’arrêt rendu par la Cour de justice le 28 février 2020 et à l’arrêt du Tribunal fédéral du 15 mai 2024, à ce que A______ soit condamnée en tous les frais judiciaires de première instance et d’appel, à ce qu’elle soit condamnée à leur verser le montant de 40'000 fr. à titre de dépens de première instance, ainsi que le montant de 20'000 fr. à titre de dépens des appels.
Les B______ ont également conclu, statuant sur les frais et dépens dans la procédure sur le montant du dommage, suite au recours contre l’arrêt rendu par la Cour de justice le 8 juin 2023 et à l’arrêt du Tribunal fédéral du 15 mai 2024, à ce que A______ soit condamnée en tous les frais judiciaires de première instance et d’appel, à ce qu’elle soit condamnée à leur verser le montant de 35'000 fr. à titre de dépens de première instance, ainsi que le montant de 20'000 fr. à titre de dépens des appels.
Subsidiairement, les B______ ont conclu, statuant sur les frais et dépens sur renvoi de l’arrêt du Tribunal fédéral du 15 mai 2024, à la condamnation de A______ en tous les frais judiciaires de première instance et d’appel et à sa condamnation en tous les dépens de première instance et d’appel, y compris une indemnité valant participation à leurs honoraires d’avocat.
En substance, les B______ ont considéré que A______ ayant intégralement succombé, les frais devaient être mis à sa charge. Les conditions d’application de l’art. 107 al. 1 let. f CPC faisaient par ailleurs défaut, la seule disparité économique entre les parties ne suffisant pas et il n’existait pas en l’espèce de circonstances particulières justifiant de faire application de cette disposition. En particulier, A______ n’avait pas agi dans l’intérêt d’autres parties, mais avait uniquement poursuivi son propre intérêt à être indemnisée. Les B______ ont également fait valoir le fait que A______ bénéficiant de l’assistance judiciaire, les frais ne seraient en définitive pas mis à sa charge, mais laissés à la charge de l’Etat, lequel ne se trouvait pas dans une situation d’inégalité économique par rapport à eux.
Pour le surplus, ils ont soutenu que les frais judiciaires ne devaient pas se calculer sur le montant initial des conclusions, supérieur à 2'000'000 fr., mais sur celui des conclusions réduites à un peu plus de 1'000'000 fr. Par conséquent, les frais judiciaires de première instance ne s’élevaient pas à 67'500 fr. (dont 50'000 fr. d’émolument de jugement), mais à 57'600 fr. (dont 40'000 fr. d’émolument de jugement).
S’agissant des dépens, les B______ ont revendiqué l’octroi des sommes de 40'000 fr. (montant qu’ils avaient obtenu en première instance dans le cadre du jugement du 24 avril 2019, lequel était fondé et qui n’aurait pas dû être annulé), ainsi que de 20'000 fr. (montant alloué par la Cour à A______ dans son arrêt du 28 février 2020); à ces montants devaient s’ajouter 35'000 fr. octroyés par le Tribunal à A______ par jugement du 18 août 2022 et 20'000 fr. alloués par la Cour dans son arrêt du 8 juin 2023.
b. A______ a conclu à ce qu’il soit fait application de l’art. 107 al. 1 let. b et f CPC. Elle s’est prévalue du fait qu’elle avait intenté l’action contre les B______ de bonne foi et a invoqué la disparité des forces financières en présence. En raison des séquelles résultant de l’accident vasculaire cérébral dont elle avait été victime, elle ne pouvait plus travailler et dépendait des prestations sociales qui lui étaient allouées, qui ne couvraient que ses besoins vitaux. Elle avait d’ailleurs été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire et était dans l’incapacité de s’acquitter des frais judiciaires et des dépens.
c. Les B______ ont répliqué, considérant que l’art. 107 al. 1 let. b CPC ne pouvait trouver application en l’espèce.
d. Par avis du greffe de la Cour du 14 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 L'arrêt du Tribunal fédéral 15 mai 2024 a pour effet de ramener la procédure, sur la seule question des frais et dépens, au stade où elle se trouvait immédiatement avant que la Cour ne se prononce le 8 juin 2023.
La Cour ne se trouve par conséquent pas saisie d'une nouvelle procédure, mais reprend la précédente, qui n'est pas close, faute de décision finale sur les frais et dépens des deux instances cantonales.
1.2 Afin de respecter la désignation des parties telle que figurant dans l’arrêt de la Cour du 8 juin 2023, A______ sera désignée comme l’appelante et les B______ en tant qu’intimés.
2. 2.1.1 Les frais (frais judiciaires et dépens) sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC).
Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment si une partie a intenté le procès de bonne foi (art. 107 al. 1 let. b CPC) ou lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).
S’agissant de l’art. 107 al. 1 let. b CPC, le Message donne l’exemple du revirement de jurisprudence. On peut cependant imaginer aussi une application de l’art. 107 al. 1 let. b si le procès finalement perdu a été causé par une attitude critiquable ou prêtant à confusion du défendeur, créant une apparence justifiant d’une certaine manière le procès infondé dirigé contre lui, par exemple lorsque c’est le comportement d’une partie qui a incité l’autre à agir (Tappy, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 15 ad art. 107 CPC).
S’agissant de l’art. 107 al. 1 let. f CPC, le Message donne, comme exemple, l’inégalité économique des parties, notamment dans des procès entre la victime d’un dommage et une assurance ou entre un petit actionnaire et une grande société (Tappy, op. cit. n. 27 ad art. 107 CPC).
Le Message relatif à l’art. 107 al. 1 let. f CPC mentionne, au titre de circonstance particulière, l’inégalité économique des parties. Toutefois, en règle générale, l’inégalité économique, prise isolément, ne justifie pas que l’on s’écarte de la répartition ordinaire des frais, car elle existe presque toujours. Un cas typique d’application est l’action en annulation des décisions de l’assemblée générale de la SA, qui doit être accessible aussi aux petits actionnaires et qui peut être menée dans l’intérêt d’un grand nombre d’autres actionnaires, et qui avant l’entrée en vigueur du CPC, était spécialement réglée par l’art. 706a al. 3 CO. Si toutefois, seule la partie succombante a un intérêt à l’annulation (en l’espèce : action en annulation d’une décision d’une association, requise par une association membre) et eu égard au principe selon lequel l’art. 107 al. 1 let. f CPC doit être appliqué restrictivement, le tribunal ne fait pas un usage disproportionné de son pouvoir d’appréciation en n’appliquant pas cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 5A_482/2014 du 14 janvier 2015 c. 6).
2.1.2 L’assistance judiciaire comprend : l’exonération d’avances et de sûretés; l’exonération des frais judiciaires (art. 118 al. 1 let. a et b CPC). Elle ne dispense pas du versement des dépens à la partie adverse (art. 118 al. 3 CPC).
Une partie est tenue de rembourser l’assistance judiciaire dès qu’elle est en mesure de le faire (art. 123 al. 1 CPC). La créance du canton se prescrit par dix ans à compter de la fin du procès (art. 123 al. 2 CPC).
2.2.1 Les frais judiciaires, en 49'000 fr., fixés par le Tribunal dans son jugement JTPI/5914/2019 du 24 avril 2019 ne sauraient être pris en considération, ce jugement ayant été annulé par arrêt de la Cour du 28 février 2020, le sort des frais et dépens de première instance ayant été réservé.
Le Tribunal a par conséquent statué à nouveau sur les frais judiciaires dans son jugement JTPI/9604/2022 du 18 août 2022, les fixant à 67'600 fr. Les intimés ne sont pas fondés à remettre en cause ce montant, dans la mesure où, dans son arrêt du 15 mai 2024, le Tribunal fédéral a considéré que l’appréciation de la Cour cantonale, qui avait confirmé les frais judiciaires de première instance, n’était pas arbitraire. La Cour ne saurait par conséquent revenir sur ce point, définitivement tranché par le Tribunal fédéral.
Aux frais judiciaires de première instance, en 67'600 fr., s’ajoutent ceux de seconde instance, en 20'000 fr. (résultant de l’arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020) et en 30'000 fr. (résultant de l’arrêt ACJC/817/2023 du 8 juin 2023), pour un total de 117'600 fr.
La mise à la charge de l’appelante de l’intégralité de ces frais judiciaires aboutirait à un résultat inéquitable et ce pour plusieurs raisons.
L’appelante, qui souffre de graves séquelles à la suite de l’AVC dont elle a été victime en 2011, pouvait s’estimer fondée à agir à l’encontre des B______ en raison du long temps qui s’était écoulé entre son arrivée au Service des Urgences, sa prise en charge par des médecins et la mise en œuvre des examens ayant permis d’aboutir au diagnostic d’AVC. Même si, in fine, aucune responsabilité des intimés n’a été admise, il n’en demeure pas moins que l’appelante pouvait, de bonne foi, considérer que sa prise en charge n’avait pas été optimale, ce qui justifiait le dépôt d’une demande en paiement. Faire supporter, en cas d’échec d’une telle procédure introduite de bonne foi, l’intégralité des frais judiciaires au patient débouté, aurait en réalité pour conséquence de l’empêcher de faire valoir ses droits, en raison du risque de devoir supporter des frais judiciaires nécessairement élevés.
Faire supporter l’intégralité des frais à l’appelante serait également inéquitable en raison de l’inégalité économique entre elle et les intimés, établissement médical de droit public disposant de moyens financiers importants. L’appelante, avant l’AVC survenu en 2011, était employée par une entreprise horlogère et percevait un salaire pouvant être qualifié de moyen. Il ne ressort pas de la procédure qu’elle disposait d’éléments de fortune. En raison des séquelles résultant de son AVC, elle est désormais incapable de travailler et perçoit des rentes invalidité qui, hors allocation pour impotent, s’élèvent au total à environ 4'500 fr. par mois. Sa situation économique, comparée à celle des intimés, est par conséquent très inégale, au point qu’elle a été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire tant en première qu’en seconde instance cantonales. Les intimés ne sauraient par ailleurs être suivis lorsqu’ils invoquent le bénéfice de l’assistance judiciaire pour justifier que tous les frais soient mis à la charge de l’appelante, au motif qu’elle n’aurait pas besoin de les supporter. En effet, conformément à l’art. 123 al. 1 CPC, le bénéficiaire de l’assistance judiciaire est en principe tenu au remboursement de celle-ci.
Au vu de ce qui précède, il se justifie de mettre les frais judiciaires des deux instances cantonales à la charge des parties, à raison de la moitié (soit 58'800 fr.) chacune.
Les frais judiciaires seront partiellement compensés avec les avances versées par les intimés (soit 1'500 fr. en première instance et 9'000 fr. en seconde instance), qui demeurent acquises à l’Etat de Genève. Les intimés seront par conséquent condamnés à payer à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 48'300 fr. à titre de solde de leur part de frais judiciaires. Contrairement à ce qu’a retenu par erreur le Tribunal dans son jugement du 18 août 2022, l’appelante ne s’est pas acquittée d’une avance de frais de 200 fr.
La part de frais judiciaires incombant à l’appelante sera provisoirement supportée par l’Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l’assistance judiciaire.
Pour les raisons ci-dessus exposées, chaque partie supportera ses propres dépens des deux instances cantonales.
3. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens pour la procédure consécutive au renvoi de la cause par le Tribunal fédéral.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral sur les frais des instances cantonales :
Arrête les frais judiciaires de la procédure cantonale à 117'600 fr.
Met les frais judiciaires, pour moitié (58'800 fr.), à la charge des B______ et les compense partiellement avec les avances de frais versées par ces derniers, qui restent acquises à l’Etat de Genève.
Condamne en conséquence les B______ à verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 48'300 fr. à titre de solde de frais judiciaires.
Met les frais judiciaires, pour moitié (58'800 fr.), à la charge de A______ et dit que ceux-ci sont provisoirement assumés par l’Etat de Genève.
Dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.
Dit qu’il n’est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens pour la procédure consécutive à l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 15 mai 2024.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.