Décisions | Chambre civile
ACJC/1425/2024 du 12.11.2024 sur OTPI/61/2024 ( SDF ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/9528/2022 ACJC/1425/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 12 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ (VD), appelante d'une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 janvier 2024 et intimée sur appel joint, représentée par Me David VAUCHER, avocat, WTCL, avenue de Gratta-Paille 2, 1018 Lausanne,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Andres PEREZ, avocat, DROITS EGAUX AVOCATS, avenue Vibert 9, 1227 Carouge.
A. a. Par ordonnance OTPI/61/2024 du 19 janvier 2024, notifiée le 22 du même mois, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure en divorce opposant les parties, a condamné B______ à verser à A______, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 3'750 fr. dès le 1er septembre 2023, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre (ch. 1), a rejeté pour le surplus la requête de mesures provisionnelles formée par A______ (ch. 2), a réservé à la décision finale le sort des frais judiciaires (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
b. Par acte réceptionné par le greffe de la Cour de justice le 30 janvier 2024, A______ a formé appel à l'encontre de ladite ordonnance, concluant, sous suite de frais, à la modification du chiffre 1 de son dispositif en ce sens que B______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 7'125 fr. 50 dès le 1er septembre 2023.
c. Aux termes de son mémoire de réponse du 29 février 2024, B______ a conclu, sous suite de frais, au rejet de l'appel. Il a produit une pièce nouvelle relative aux cotisations troisième pilier qu'il a versées en 2023 (pièce no 4), l'attestation concernant les cotisations acquittées en 2022 ayant déjà été déposée en première instance par A______ (cf. pièce no 141).
d. Par acte expédié au greffe de la Cour le 1er février 2024, B______ a également formé appel à l'encontre de l'ordonnance susmentionnée, concluant, sous suite de frais, à l'annulation du chiffre 1 de son dispositif et au déboutement de A______ de ses conclusions en paiement d'une contribution à son propre entretien, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants, l'ordonnance entreprise devant être confirmée pour le surplus.
Préalablement, il a requis que l'effet suspensif soit accordé à son appel. Par arrêt ACJC/281/2024 du 29 février 2024, la Cour a rejeté cette requête et réservé la décision sur les frais à l'arrêt à rendre au fond.
A l'appui de son acte, B______ a déposé une pièce nouvelle, soit une capture d'écran du profil Linkedin de A______ (pièce no 8).
e. Aux termes de son mémoire de réponse du 29 février 2024, A______ a conclu, sous suite de frais, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.
f. Par plis séparés du 25 mars 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
B. Les éléments de fait pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______, né le ______ 1968 à C______ (Roumanie), et A______, née le ______ 1974 à D______ (Roumanie), tous deux de nationalité française, se sont mariés le ______ 1995 à E______ (Roumanie).
Ils sont les parents de deux enfants, désormais majeurs, soit F______, né le ______ 2000 à E______ (Roumanie), et G______, née le ______ 2012 à H______ (Canada).
F______ a suivi des études à la Haute école I______ du canton de Vaud. Il travaille désormais au sein du cabinet médical de son père. G______ est étudiante en médecine en Roumanie.
Chacune des parties s'acquitte de la moitié des charges de leurs enfants majeurs.
b. Les époux se sont séparés au mois de décembre 2019.
c. Le 18 mai 2022, B______ a déposé, auprès du Tribunal, une demande unilatérale en divorce, concluant notamment à ce qu'il soit constaté que les époux s'engageaient à renoncer l'un à l'égard de l'autre à toute contribution d'entretien pour eux-mêmes.
Il a fait valoir que les époux avaient tous les deux travaillé durant la vie commune et n'avaient jamais entièrement renoncé à leur indépendance économique, de sorte que A______ était apte à pourvoir elle-même à son entretien.
d. A______ a, par mémoire de réponse du 27 mars 2023, conclu à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, une contribution post-divorce d'au moins 8'500 fr. jusqu'à la fin de l'année 2023 puis de 10'000 fr. jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de la retraite.
e. Le 21 août 2023, A______ a formé une requête de mesures provisionnelles, concluant, sous suite de frais, au versement d'une contribution d'entretien post-divorce identique à celle requise au fond, ainsi qu'au paiement d'une provisio ad litem de 10'000 fr.
Elle a fait valoir que ses indemnités de chômage ne lui permettaient pas de couvrir ses charges, qu'elle n'était pas parvenue à retrouver un emploi malgré ses recherches diligentes et que sa situation n'était plus tenable, d'autant plus que son droit aux indemnités de chômage allait prochainement prendre fin.
Afin de prouver ses recherches d'emploi, A______ a produit deux accusés de réception de postulation, trois refus de candidatures ainsi que la liste de recherches d'emploi destinée à l'assurance-chômage pour la période d'octobre 2022 à février 2023 et de septembre à octobre 2023.
f. B______ a conclu, sous suite de frais, au rejet de la requête de mesures provisionnelles formée par A______.
g. Une audience du Tribunal a eu lieu le 20 novembre 2023, lors de laquelle les parties, après avoir été entendues, ont persisté dans leurs conclusions respectives.
A______ a déclaré que, durant la vie commune, B______ s'occupait des aspects financiers tandis qu'elle assumait les tâches ménagères et celles liées aux enfants.
La cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles à l'issue de cette audience.
C. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :
a. A______ est titulaire d'une licence en philosophie de l'Université de E______, obtenue en 1997, d'un master en sciences de gestion de l'Ecole des hautes études J______ de H______, obtenu en 2008, et d'un doctorat en sciences de gestion de l'Université de K______ [France], obtenu en 2017.
Durant le mariage, elle a occupé les postes suivants :
- de septembre 1997 à août 1998 : Coordinatrice adjointe en ressources humaines à 100% en Roumanie;
- de février 1999 à mars 2000 : Représentante de vente à 100% en Roumanie;
- de septembre 2005 à août 2006 : Assistante de recherche à 40% à l'Université de H______;
- de septembre 2006 à août 2007 : Assistante de recherche à 100% à l'Université de H______;
- de décembre 2008 à décembre 2014 : Fondatrice et gérante à 100% de deux entreprises actives notamment dans le recrutement et placement de ______ à travers la France, ainsi que la logistique et l'accompagnement administratif de ______ en France;
- d'octobre 2015 à août 2016 : Enseignante à 100% auprès de l'Université de K______;
- de septembre 2016 à août 2018 : Enseignante à 30% auprès de l'Université L______ [à M______ (France)];
- d'octobre 2019 à septembre 2022 : Assistante académique à 80% auprès de la Haute école I______ du canton de Vaud.
Ce dernier emploi de A______ a pris fin, sur décision de son employeur, le 30 septembre 2022. Il lui procurait un revenu mensuel net de 5'324 fr. 40 versé 13 fois l'an, avant déduction de l'impôt à la source de 796 fr. 45, ce qui représentait un revenu mensuel net moyen de 5'768 fr. 10.
A______ a ensuite bénéficié d'indemnités journalières de chômage d'un montant de 3'720 fr. nets par mois en moyenne, impôt à la source, frais de repas et frais de déplacement déduits (3'826 fr. 10 en janvier 2023 + 3'511 fr. 80 en février 2023 + 3'925 fr. 20 en mars 2023 + 3'468 fr. 20 en avril 2023 + 3'925 fr. 20 en mai 2023 + 3'662 fr. 10 en juin 2023 + 3'624 fr. 70 en juillet 2023 + 3'925 fr. 20 en août 2023 + 3'624 fr. 70 en septembre 2023 : 9 mois). Son droit au chômage devait prendre fin au mois de mai 2024. Au mois de février 2024, elle était toujours sans emploi. Il est ignoré si elle a, depuis lors, retrouvé une activité lucrative.
A______ a participé à un programme d'emploi temporaire fédéral financé par l'assurance-chômage afin d'améliorer son employabilité. Dans ce cadre, elle a, du 18 avril au 17 octobre 2023, occupé un emploi de responsable de recherche pour la plateforme N______ après de l'Institut O______ [à Genève], durant lequel elle a effectué plusieurs formations.
Elle a exposé avoir dû mettre sa carrière de côté durant le mariage afin de s'occuper du ménage et des enfants. A son âge, il lui semblait impossible de retrouver un emploi convenable, en particulier dans le domaine académique qu'elle avait négligé tout au long de la vie commune pour se consacrer à sa famille en ne faisant pas de publications qui lui permettraient d'être engagée dans ce genre de fonction.
B______ conteste que son épouse ait dû mettre sa carrière de côté pour s'occuper du ménage et des enfants.
A______ vit dans un appartement de 3.5 pièces (2.5 pièces vaudois) à P______ (VD), pris en location au nom du fils des époux, F______, et pour lequel B______ est garant. Le loyer de cet appartement s'élève à 1'160 fr. par mois, charges comprises. Jusqu'au mois de septembre 2022, A______ partageait cet appartement avec son fils F______; B______ assumait la moitié du loyer. De novembre 2022 à septembre 2023, B______ s'est acquitté de l'entier du loyer. Au mois d'octobre 2023, le loyer n'a pas été payé.
Les charges mensuelles de A______ se composent, postes non contestés en appel, du montant mensuel de base de 1'200 fr., de son loyer de 1'160 fr., de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 345 fr. 55 et de ses frais de transport de 400 fr.
Sa charge fiscale a été estimée à 570 fr. par mois par le Tribunal.
b. B______ est psychiatre. Il exerce son activité de manière indépendante sous l'enseigne Q______ à R______ [GE]. Ses revenus mensuels nets se sont élevés en moyenne à 20'000 fr. entre 2020 et 2022 (16'529 fr. en 2020 + 24'445 fr. en 2021 et 19'226 fr. en 2022 : 3 ans).
Il est admis que ses charges mensuelles se composent, outre de sa charge fiscale dont le montant est contesté, du montant mensuel de base de 1'200 fr., de son loyer de 1'970 fr., de sa prime d'assurance-maladie obligatoire et complémentaire de 528 fr., de sa prime d'assurance-ménage de 12 fr. 90, de ses frais de véhicule de 317 fr. et de ses frais de télécommunication de 144 fr. 50.
B______ est titulaire d'une assurance troisième pilier, dont la prime mensuelle s'élève à 2'000 fr. Il a ainsi versé, de 2020 à 2022, un montant de 24'000 fr. par an à ce titre. En 2023, ses versements se sont élevés à 6'000 fr. Le 5 février 2024, il s'est acquitté des cotisations impayées de 2023.
B______ a assumé une charge fiscale de 2'938 fr. par mois en 2020 et de 6'379 fr. en 2021. Dans sa demande en divorce, il a allégué une charge fiscale mensuelle de 4'205 fr.
c. Au mois de février 2013, les époux ont constitué la société civile immobilière SCI S______ en vue de faire fructifier leur patrimoine au moyen de l'achat et de la mise en location de biens immobiliers. Par l'intermédiaire de cette société, ils ont acquis trois appartements à M______ (France), loués par des tiers. L'achat de ces trois biens a été intégralement financé au moyen de prêts.
La gestion de la société immobilière est assumée, depuis sa constitution, par A______. B______ allègue qu'il a été convenu qu'il contribue, en contrepartie, au remboursement des prêts contractés à hauteur de 1'100 fr. par mois. A______ expose que B______ lui a imposé cette manière de procéder, qu'elle lui a demandé à plusieurs reprises, sans succès, d'augmenter le montant de sa contribution à 1'600 fr. par mois, la somme versée étant insuffisante, et qu'elle a ainsi régulièrement dû assumer elle-même certains frais relatifs aux immeubles détenus par la SCI S______.
Selon un tableau présenté par A______ et non contesté par B______, celui-ci a versé en faveur de la SCI S______ une somme mensuelle moyenne de 1'238 euros, entre 2020 et 2022, alors que les dépenses nécessaires au fonctionnement de la société se sont élevées en moyenne durant cette période à 1'639 euros par mois. A______ a ainsi participé, entre 2020 et 2022, aux frais de la SCI S______ à hauteur d'un montant moyen de 401 euros par mois.
Depuis le 22 novembre 2022, B______ a cessé de contribuer aux frais de la SCI S______.
d. Les époux sont copropriétaires d'un appartement à M______ acquis en décembre 2010, qui constituait le domicile conjugal. Pour procéder à cette acquisition, ils ont contracté un prêt hypothécaire, soldé en 2017, dont les mensualités étaient acquittées au moyen du compte commun, sur lequel était versé le salaire de B______. L'appartement est inoccupé.
1. 1.1 Les appels formés par les époux sont recevables pour avoir été interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de 10 jours (248 let. d et 314 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) qui statue sur la contribution à l'entretien de l'épouse, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 et 308 al. 2 CPC).
Sont également recevables les écritures responsives des parties (art. 312 al. 1 et 314 al. 1 CPC).
A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimé.
1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles prises dans le cadre d'une action en divorce étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), elle peut toutefois se limiter à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3).
1.3 Dans la mesure où seule est litigieuse la quotité de la contribution à l'entretien de l'épouse, la présente procédure est soumise aux maximes inquisitoire simple (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).
1.4 Les griefs des parties donnent le programme de l'examen de l'autorité d'appel; la décision attaquée ne doit en principe être examinée que sur les points objets d'un grief motivé (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal 5A_673/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4).
2. 2.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et des moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2013, n. 26 ad art. 317 CPC).
Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).
S'agissant des pseudo nova, soit les faits et moyens de preuve survenus avant la fin des débats principaux de première instance, respectivement avant que la cause ait été gardée à juger, leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1). Il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait ou le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).
Des pseudo nova sont excusables lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter ou lorsqu'un thème est abordé pour la première fois en appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3).
Les faits et moyens de preuve nouveaux présentés tardivement doivent être déclarés irrecevables (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 3 ad art. 317 CPC).
2.2 En l'espèce, l'intimé a produit deux pièces nouvelles.
La première pièce (pièce no 8), qui consiste en une capture d'écran du profil Linkedin de l'appelante, se rapporte à des faits qui existaient déjà lorsque le premier juge a gardé la cause à juger le 20 novembre 2023. Si l'appelant allègue n'avoir eu connaissance de certains des faits concernés que lors de la rédaction de son appel, il n'expose cependant pas pour quel motif il aurait été empêché de consulter ledit profil en première instance. Cette pièce, de même que les allégués de fait y relatifs, seront en conséquence déclarés irrecevables, faute pour l'appelant d'avoir démontré avoir fait preuve de la diligence requise. En tout état, son contenu n'apparaît pas décisif pour l'issue du litige
La seconde pièce (pièce no 4), en tant qu'elle atteste de versements au troisième pilier opérés entre janvier et novembre 2023, porte également sur des faits antérieurs à la date à laquelle la cause a été gardée à juger. Elle sera toutefois admise, ainsi que les faits qui s'y rapportent, dans la mesure où elle tend à répondre à un argument que l'appelante a fait valoir en appel pour la première fois.
3. Les parties critiquent le montant de la contribution à l'entretien de l'appelante fixée par le premier juge.
3.1 Dans le cadre d'une procédure de divorce (art. 274 ss CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires. Les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogie (art. 276 al. 1 CPC).
Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe, sur requête, la contribution pécuniaire à verser par un époux à l'autre.
3.2 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsque l'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien (ATF 145 III 169 consid. 3.6; 140 III 337 consid. 4.2.1). Le train de vie mené durant la vie commune constitue le point de départ pour déterminer l'entretien convenable de chacun des époux, auquel ceux-ci ont droit en présence de moyens financiers suffisants. Quand il n'est pas possible de conserver ce standard, les conjoints ont droit à un train de vie semblable (ATF 147 III 293 consid. 4.4; 140 III 337 consid. 4.2.1).
Lorsque l'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, chacun des époux doit néanmoins s'efforcer d'assurer l'entretien convenable par la prise ou la reprise d'une activité rémunérée, pour autant qu'il en ait la possibilité effective (principe de l'autonomie financière). Ce principe, qui n'est directement énoncé qu'en cas de divorce, est le seul qui soit applicable, dans certains cas et par analogie, à l'entretien entre époux. Tel n'est pas le cas en revanche de la limite dans le temps du droit à une prestation d'entretien nécessaire à assurer un entretien convenable; ainsi, tant que le lien matrimonial subsiste - et en particulier pendant les mesures protectrices de l'union conjugale - c'est le principe de l'égalité de traitement de l'art. 163 CC qui s'applique, principe selon lequel les deux époux ont un droit égal au maintien du train de vie commun, dans le cadre des moyens à disposition et ce, indépendamment de tout critère tel que l'impact décisif du mariage sur la vie et la durée de celui-ci; le droit à l'entretien n'est limité que par une capacité contributive propre, réelle ou hypothétique (ATF 148 III 358 consid. 5; 147 III 301 consid. 6.2; 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2; 128 III 65 consid. 1 et 4).
3.3 Si, durant le mariage, les époux étaient convenus d'une indépendance totale, chacun d'eux subvenant à ses propres besoins et vivant en tous points de manière autonome par rapport à l'autre, l'octroi d'une contribution d'entretien ne se justifie en principe pas, vu l'absence de train de vie commun. Dans ce cas, la séparation ne crée pas non plus une situation nouvelle justifiant de modifier la convention passée durant le mariage. Tel est notamment le cas lorsque les époux n'ont jamais ou seulement très brièvement vécu ensemble, qu'ils n'ont pas constitué de communauté de vie, sous quelque forme que ce soit, et qu'aucun d'eux n'a contribué, en espèces ou en nature, à l'entretien de l'autre (ATF 137 III 385 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1 et les réf. citées).
3.4 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, dite en deux étapes, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 = SJ 2021 I 316, 147 III 293 et 147 III 301). Selon cette méthode, il convient de déterminer les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis répartir l'éventuel excédent (ATF 147 III 265 consid. 7).
Les besoins sont établis en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie: les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaire, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants (ATF
147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1).
Une dette peut être prise en considération dans le calcul du minimum vital du droit de la famille pour autant que des paiements pour l'amortir aient été effectués régulièrement avant la fin de la vie commune et qu'elle ait été contractée pour le bénéfice de la famille, décidée en commun ou que les époux en sont débiteurs solidaires (ATF 127 III 289 consid. 2a/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_979/2021 du 2 août 2022 consid. 4.2.1).
Lorsqu'il reste des ressources après la couverture du minimum vital du droit de la famille, l'excédent doit en principe être réparti par moitié entre les conjoints (ATF 147 III 265 consid. 7.3).
Il appartient au débirentier de rendre vraisemblable que, durant la vie commune, le train de vie du crédirentier était inférieur à celui qui résulte d'un partage par moitié de l'excédent (cf. ATF 147 III 293 consid. 4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_476/2023 du 28 février 2024 consid. 3.2.2).
3.5 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 147 III 249 consid. 3.4.4; 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).
Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d'abord, il doit déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé, en précisant le type d'activité professionnelle que cette personne peut raisonnablement devoir accomplir. Il s'agit d'une question de droit. Ensuite, il doit établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2022 du 31 janvier 2023 consid. 3.1.2).
Le fait qu'un débirentier sans emploi n'ait pas vu ses indemnités suspendues, à titre de sanction, par une assurance sociale (chômage, assistance sociale) ne dispense pas le juge civil d'examiner si l'on peut lui imputer un revenu hypothétique. En effet, le juge civil n'est pas lié par l'instruction menée par les autorités administratives. (ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 du 6 mars 2020 consid. 3.1).
Lorsqu'un revenu hypothétique est imputé au débirentier ou au crédirentier, sa charge fiscale doit être estimée en fonction dudit revenu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.3.4 et les arrêts cités).
3.6 Seules les charges effectives, à savoir celles qui sont réellement acquittées, doivent en principe être prises en compte pour le calcul de la contribution d'entretien (ATF 121 III 20 consid. 3a et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 6.2.3), à l'exclusion de dépenses hypothétiques dont on ne sait si elles existeront finalement - et à concurrence de quel montant - ni si elles seront en définitive assumées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_689/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).
La charge fiscale prise en considération doit correspondre à celle de l'année de taxation en cours, et à celle future prévisible compte tenu des modifications induites par la séparation et des contributions payées ou versées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_889/2018 du 15 mai 2019 consid. 3.2.1).
3.7 La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).
3.8 En l'espèce, le premier juge a, pour fixer la contribution due par l'intimé à l'entretien de l'appelante, appliqué la méthode du minimum vital élargi en répartissant l'excédent à raison d'une moitié entre chacun des époux.
L'intimé reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de ce que depuis la séparation, intervenue au mois de décembre 2019, chacune des parties pourvoit à ses propres besoins et est financièrement indépendante. Il soutient que l'appelante a toujours aspiré à une indépendance financière, y compris durant le mariage. Les parties n'étaient en effet pas convenues d'une répartition traditionnelle des tâches durant la vie commune, dès lors que l'appelante contribuait également financièrement à l'entretien de la famille.
Le fait que l'appelante a, postérieurement à la séparation et jusqu'au mois de mars 2023, renoncé à réclamer une aide financière à l'intimé ne saurait avoir de conséquence sur son droit à une contribution d'entretien, ce d'autant que sa situation financière s'est péjorée à compter du mois d'octobre 2022 puisqu'elle a perdu son emploi. En effet, tant que dure le mariage, le principe de la solidarité s'applique. Chaque époux a ainsi le droit, sous réserve des moyens à disposition, au maintien du train de vie commun s'il ne parvient pas à l'assumer par ses propres moyens.
Il ne ressort par ailleurs pas du dossier que, durant la vie commune, les parties seraient convenues d'une indépendance totale sur le plan financier. En effet, les parties ont vécu ensemble pendant 21 ans et ont eu deux enfants communs. Durant ces années, l'appelante n'a pas exercé d'activité lucrative entre septembre 1998 et janvier 1999, entre avril 2000 et août 2005, correspondant à la période à laquelle les deux enfants des parties sont nés, entre septembre 2007 et novembre 2008, entre janvier et septembre 2015 et entre septembre 2018 et septembre 2019 et a travaillé à un très faible pourcentage de septembre 2005 à août 2006 (40%) et de septembre 2016 à août 2018 (30 %). L'intimé a ainsi nécessairement contribué à son entretien durant ces périodes. Les revenus réalisés par l'appelante durant les périodes restantes devaient au demeurant être inférieurs à ceux de l'intimé au vu de leurs parcours professionnels respectifs, de sorte que l'intimé a vraisemblablement assumé l'entretien financier de la famille dans une mesure supérieure à l'appelante lors de ces périodes. Il ne saurait en conséquence être retenu que le mariage vécu et convenu par les parties n'impliquait pas une communauté financière.
Enfin, l'intimé n'apporte aucun élément de nature à rendre vraisemblable qu'un partage par moitié de l'excédent entre les époux aurait pour conséquence de faire bénéficier l'appelante d'un niveau de vie supérieur à celui qui était le sien durant la vie commune.
La méthode de calcul appliquée par le premier juge pour fixer la contribution à l'entretien de l'appelante sera en conséquence confirmée.
Reste à examiner les griefs soulevés par les parties relativement à l'établissement de leur situation financière.
3.8.1 Le premier juge a arrêté les revenus mensuels nets de l'appelante au montant de ses indemnités de chômage, fixées à 4'200 fr. par mois, y compris pour la période postérieure au mois de mai 2024 lors duquel le droit au chômage de l'intéressée devait prendre fin.
Comme le relève à juste titre l'appelante, le montant retenu par le premier juge à titre d'indemnités de chômage inclut des versements pour des frais de déplacement et de repas. Or, s'agissant vraisemblablement de frais effectivement encourus par l'appelante, l'assurance-chômage ne procédant pas au remboursement de dépenses non effectives, ils ne sauraient être comptabilisés en tant que revenus. Les indemnités de chômage de l'appelante seront ainsi fixées à 3'720 fr. par mois, impôt à la source déduit.
L'appelante ne conteste pas la prise en compte de cette source de revenu pour la période postérieure à la fin de son droit au chômage, admettant ainsi implicitement qu'un revenu hypothétique correspondant au montant de ses indemnités de chômage lui soit imputé pour cette période. L'intimé, pour sa part, fait valoir qu'un revenu hypothétique de 7'210 fr. nets par mois aurait dû être imputé à l'appelante, correspondant au salaire qu'elle réalisait dans le cadre de son précédent emploi appliqué à un taux de 100%.
Il convient en conséquence d'examiner s'il y a lieu, en vertu du principe de l'autonomie financière, d'imputer à l'appelante un revenu hypothétique supérieur au montant perçu à titre d'indemnités de chômage.
Il est acquis qu'il peut raisonnablement être exigé de l'appelante qu'elle occupe un emploi à plein temps dans son domaine de compétence au regard des postulations qu'elle a effectuées. Seule est litigieuse la question de savoir si elle a la possibilité effective d'exercer une telle activité.
Les formations suivies par l'appelante ainsi que son parcours professionnel lui offrent des opportunités d'emploi dans de nombreux domaines, soit dans le milieu académique (enseignement, assistanat, recherche, etc.), dans les organisations internationales ou non gouvernementales (gestion de projet, de programme, etc.) ainsi que dans le secteur privé (consultance en gestion, gestion de projet, analyse, encadrement administratif, etc.). Or, il résulte des pièces versées au dossier que l'appelante n'a effectué en moyenne que six postulations par mois, essentiellement auprès d'organisations internationales ou non gouvernementales ainsi que dans le milieu académique, n'ayant que rarement déposé des offres d'emploi dans le domaine privé. Elle n'a en outre produit que trois refus de candidature et deux accusés de réception d'offre d'emploi et n'a fourni aucune copie des dossiers de motivation envoyés, de sorte que le sérieux et la qualité des recherches effectuées ne peuvent être déterminés. Il ne peut ainsi être tenu pour vraisemblable que l'appelante n'aurait pas la possibilité effective de trouver un emploi dans son domaine de compétence. Le simple fait de percevoir des indemnités de chômage sans suspension n'est pas suffisant, les exigences en termes de recherches d'emploi étant plus strictes en droit civil qu'en droit administratif.
S'agissant de mesures provisoires prononcées dans l'attente de l'issue de la procédure de divorce en cours et au vu de la situation financière confortable de l'intimé, le revenu hypothétique imputable à l'appelante sera arrêté à 5'768 fr. par mois, soit au revenu qu'elle réalisait dans le cadre de l'emploi à 80% qu'elle occupait lors de la séparation. Il ne peut en effet être affirmé, compte tenu de son absence prolongée du marché du travail et de son âge (50 ans), qu'elle sera en mesure de trouver un emploi aussi rémunérateur que le précédent. A cet égard, il sera précisé que si l'appelante a effectivement, en 2023, travaillé plusieurs mois auprès de l'Institut O______, il ne s'agissait pas d'une activité lucrative rémunérée mais d'un programme d'emploi financé par l'assurance-chômage.
Les revenus mensuels nets de l'appelante seront ainsi arrêtés à 3'720 fr. puis à 5'768 fr. dès le mois de juin 2024.
Il n'est pas contesté que les charges mensuelles de l'appelante se composent du montant mensuel de base de 1'200 fr., de son loyer de 1'160 fr., de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 345 fr. 55 et de ses frais de transport de 400 fr.
Le premier juge a estimé que les frais relatifs à la SCI S______ constituaient une charge relevant du minimum vital élargi, ayant admis ce poste dans le budget de l'intimé, ce qui n'apparaît pas critiquable s'agissant d'une dette contractée d'un commun accord durant la vie commune. Les parties ne le contestent d'ailleurs pas. Il convient ainsi, comme le relève à juste titre l'appelante, de tenir compte de sa participation aux frais de ladite société. Celle-ci sera arrêtée à 400 fr. par mois, soit au montant ressortant du tableau établi par l'appelante, dont le contenu n'a pas été contesté par l'intimé, l'intéressée ne rendant pas vraisemblable s'être acquittée d'un montant supérieur à ce titre.
Aucune charge fiscale ne sera comptabilisée pour la période antérieure au 1er juin 2024, dès lors que le montant retenu à titre d'indemnités de chômage inclut la déduction appliquée pour l'impôt à la source. A compter du 1er juin 2024, une réévaluation de ce poste s'impose compte tenu du revenu hypothétique imputé à l'appelante. La charge fiscale de l'appelante sera ainsi estimée pour cette période à 2'500 fr. par mois au moyen de la calculette disponible sur le site internet de l'Administration fiscale vaudoise, les personnes imposées à la source au bénéfice de contributions d'entretien étant soumise à une taxation ordinaire (cf. art. 89 LIFD et 137 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux). Cette estimation tient compte du revenu hypothétique imputé, des contributions fixées et des déductions usuelles.
Les charges mensuelles de l'appelante seront ainsi arrêtées à 3'505 fr. puis à 6'005 fr. dès le 1er juin 2024.
3.8.2 Le premier juge a fixé les revenus mensuels nets moyens réalisés par l'intimé à 20'000 fr. Ce montant n'étant pas remis en cause par les parties, il n'y a pas lieu de s'en écarter.
Il n'est pas contesté que les charges mensuelles de l'intimé se composent du montant mensuel de base de 1'200 fr., de son loyer de 1'970 fr., de sa prime d'assurance-maladie obligatoire et complémentaire de 528 fr., de sa prime d'assurance-ménage de 12 fr. 90, de ses frais de véhicule de 317 fr. et de ses frais de télécommunication de 144 fr. 50.
Le premier juge a en outre retenu un montant de 2'000 fr. à titre de cotisations au troisième pilier. Compte tenu de la qualité d'indépendant de l'intimé, de telles cotisations doivent être considérées comme une dépense relevant du minimum vital élargi, de sorte que leur comptabilisation est admissible sur le principe. L'appelante étant salariée et ne bénéficiant pas d'assurance troisième pilier, la prise en compte de ce poste n'est, contrairement à ce qu'elle soutient, pas de nature à générer une inégalité de traitement entre les époux.
L'intimé a établi avoir versé des cotisations au troisième pilier de 2'000 fr. par mois entre les années 2000 à 2022. Si les versements opérés ont été inférieurs durant l'année 2023, il apparaît que cela est dû à un retard dans les paiements et non à une modification du contrat d'assurance. L'intimé a par ailleurs soldé l'arriéré dû au mois de février 2024, de sorte que le caractère effectif de cette charge est rendu vraisemblable. L'intégration dans le budget de l'intimé d'un montant de 2'000 fr. à titre de cotisations au troisième pilier sera ainsi confirmée.
Le premier juge a également pris en compte un montant de 1'100 fr. à titre de participation de l'intimé aux frais relatifs à la SCI S______. L'appelante relève toutefois à juste titre que celui-ci ne s'acquitte plus de cette participation depuis le mois de novembre 2022. Ce poste de charge sera en conséquence écarté, faute de constituer une dépense effective.
Enfin, le premier juge a arrêté la charge fiscale de l'intimé à 4'700 fr. par mois, soit à la moyenne des impôts dont celui-ci s'est acquitté en 2020 et 2021. Or, comme le plaide à bon droit l'appelante, ce poste aurait, conformément à la jurisprudence susmentionnée, dû faire l'objet d'un nouveau calcul compte tenu des contributions d'entretien fixées.
En tenant compte des revenus de l'intimé, des contributions fixées et des déductions usuelles, sa charge fiscale peut, au moyen de la calculette disponible sur le site internet de l'Administration fiscale genevoise, être estimée à 3'500 fr. par mois
Les charges mensuelles de l'intimé seront en conséquence arrêtées à 9'672 fr.
Le coût d'entretien des enfants majeurs n'ayant pas été pris en compte par le premier juge sans que cela ne soit remis en cause par les parties, il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.
3.9 Au vu de ce qui précède, le budget de l'appelante présente un solde disponible de 215 fr. par mois (3'720 fr. de revenus - 3'505 fr. de charges), respectivement un déficit de 237 fr. par mois dès le 1er juin 2024 (5'768 fr. de revenus - 6'005 fr. de charges). L'intimé, pour sa part, bénéficie d'un solde disponible de 10'328 fr. par mois (20'000 fr. de revenus – 9'672 fr. de charges).
L'intimé sera en conséquence condamné en équité à s'acquitter en faveur de l'appelante d'une contribution d'entretien de 5'000 fr. par mois. Cette contribution sera due dès le 1er septembre 2023, dies a quo retenu par le premier juge et non critiqué - à tout le moins de manière motivée - par les parties.
Le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera annulé et modifié dans ce sens.
4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
En l'espèce le Tribunal a renvoyé sa décision sur les frais judiciaires à la décision finale en application de l'art. 104 al. 3 CPC et n'a pas alloué de dépens.
Les modifications apportées à l'ordonnance attaquée ne justifient pas de revoir ces points, que les parties n'ont pas remis en cause.
4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel, qui comprennent l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 3'200 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de frais de 1'200 fr. opérée par l'intimé, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Compte tenu de l'issue ainsi que de la nature familiale du litige, ces frais seront mis à la charge des parties pour moitié chacune (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). L'intimé sera en conséquence condamné à verser 400 fr. à titre de frais judiciaires aux Services financiers du Pouvoir judiciaire. L'appelante plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part de frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 123 al. 1 CPC).
Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let c. CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/61/2024 rendue le 19 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9528/2022-5 ainsi que l'appel interjeté par B______ contre le même chiffre dudit dispositif.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau sur ce point :
Condamne B______ à verser à A______, par mois et d'avance, à titre de contribution d'entretien, la somme de 5'000 fr. dès le 1er septembre 2023, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre.
Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de la procédure d'appel à 3'200 fr., les met à la charge de A______ et de B______ à parts égales entre eux et dit qu'ils sont compensés à hauteur de 1'200 fr. avec l'avance de frais fournie par B______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ à verser la somme de 400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de frais judiciaires d'appel.
Dit que les frais judiciaires de 1'600 fr. mis à la charge de A______ sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.
La présidente : Nathalie RAPP |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.