Décisions | Chambre civile
ACJC/1377/2024 du 05.11.2024 sur JTPI/13426/2022 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/26047/2016 ACJC/1377/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 5 NOVEMBRE 2024 |
Entre
1) Monsieur A______, appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 novembre 2022, représenté par sa curatrice, Me B______, avocate, ______ [GE], et représenté par Me C______, avocat,
et
2) D______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Marc BALAVOINE, avocat, Jacquemoud Stanislas, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,
3) Monsieur E______, domicilié ______ (BE), autre intimé, représenté par
Me Michel BERGMANN, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale,
1211 Genève 4.
A. Par jugement JTPI/13426/2022 du 25 novembre 2022, notifié aux parties le 28 novembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur incident de prescription, a rejeté la demande en paiement introduite par A______ contre D______ SA et contre le médecin E______, en ce sens que ses prétentions en dommages-intérêts en lien avec la prise du médicament F______ par sa mère enceinte de lui seraient prescrites, respectivement périmées (chiffres 1 à 5 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 10'000 fr., mis à la charge de A______ et compensés par l'avance fournie par lui à hauteur de 240 fr., dit que le solde était provisoirement laissé à la charge de l'Etat de Genève sous réserve d'une décision contraire de l'assistance judiciaire, ordonné la restitution de 600 fr. à E______ (ch. 6), condamné A______ à verser 10'000 fr. TTC chacun à D______ SA et à E______ (ch. 7 et 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).
B. a. Par acte adressé le 12 janvier 2023 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement.
Il a conclu à l'annulation du jugement entrepris, cela fait, au constat par la Cour que ses prétentions en dommages-intérêts à l'encontre de D______ SA et de E______ ne sont ni périmées, ni prescrites et, ainsi, au renvoi de la cause au Tribunal pour la suite de l'instruction, avec suite de frais judiciaires et dépens.
b. Dans sa réponse du 15 février 2023, E______ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité de la liste de témoins déposée par A______ lors de l'audience de débats d'instruction du 17 janvier 2019 et la requête formulée par A______ d'entendre ces personnes; à l'annulation de l'ordonnance de preuve OTPI/409/20 du 13 mai 2020, en tant qu'elle avait admis l'audition de ces témoins; à ce que la Cour écarte de la procédure les procès-verbaux d'audition correspondant; principalement, à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.
c. Dans sa réponse du 15 février 2023, D______ SA a conclu à l'irrecevabilité et au rejet de l'appel, de même qu'à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elle a produit une pièce nouvelle, soit un arrêt de la Cour civile de G______ [Espagne] du 16 janvier 2023.
d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ a conclu à l'irrecevabilité des allégués formulés par E______ dans sa réponse à appel et s'en est rapporté à justice quant à la recevabilité des pièces et allégués nouveaux de D______ SA.
e. Par avis du 21 juin 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
f. Le 26 février 2024, A______ a spontanément adressé à la Cour un courrier comportant une copie d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH).
g. E______ et D______ SA se sont déterminés sur ce courrier.
h. Le 11 septembre 2024, A______ a, à nouveau, spontanément adressé à la Cour un courrier comportant un jugement du Tribunal judiciaire de H______ [France] rendu le 9 septembre 2024 et un article de I______ [média français] disponible sur Internet et mis en ligne le ______ septembre 2024.
i. E______ et D______ SA se sont déterminés sur ce courrier.
j. Nanti de ces déterminations, A______ n'a pas réagi.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. A______, fils de J______ et K______, est né le ______ août 2001 au Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : le CHUV), à Lausanne (VD).
b. E______ est médecin spécialiste FMH en neurologie. Il a exercé en cette qualité à L______ jusqu'en 2009, époque à laquelle il a remis son cabinet et pris sa retraite.
c. D______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce genevois depuis ______. Elle est notamment active dans la fabrication, le commerce, l'importation ou l'exportation de produits pharmaceutiques.
Elle est titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du M______ qu'elle commercialise en Suisse sous la marque F______ notamment.
Le M______ est une substance antiépileptique considérée par l'Organisation Mondiale de la Santé comme un médicament essentiel.
c.a. N______ a travaillé au service de D______ SA depuis 1999.
Entendu par le Tribunal en qualité de représentant de D______ SA, il a déclaré que le niveau de connaissance en 2001 [des effets du M______ administré pendant la grossesse] était celui du risque de malformations tératogènes du fœtus figurant dans la notice aux médecins (Spina Bifida, déformation faciale, etc.). D______ SA avait demandé l'ajout des risques neurodéveloppementaux dans la notice destinée à SWISSMEDIC aux médecins en 2003, ce qui lui avait été refusé au motif que les preuves étaient insuffisantes. La même demande soumise en 2005 avait été acceptée en juillet 2005.
Au sujet des notices destinées aux patients datées de 1996 et 2001 respectivement, N______ a relevé que l'usage de l'époque était de privilégier la relation patients/médecins, plutôt que de mentionner tous les risques connus et de laisser le patient faire son choix lui-même. La notice/patient de 2006 était probablement une adaptation de la notice/médecin de 2005. La poursuite des discussions avec SWISSMEDIC avait conduit à ce que figurent les troubles cognitifs dans la notice/patient de 2013. A cette époque, il devait y avoir d'autres médicaments qui ne présentaient pas ou présentaient moins de risques durant la grossesse. En 2015, selon le souvenir du représentant de D______ SA, une mention concernant les femmes enceintes avait été ajoutée sur les emballages en Suisse. La précision quant au taux du risque de malformation du fœtus (30 à 40%) était intervenue en 2017/2018.
c.b. O______, neurobiologiste français à la retraite entendu par le Tribunal en qualité de témoin, a travaillé sur l'embryologie, soit plus précisément sur les molécules qui doivent se mettre en place au cours du développement embryonnaire. Sur le principe, il a relevé que si des molécules pouvaient avoir un effet inhibiteur chez l'adulte, elles pouvaient avoir l'effet inverse (excitatrices) chez le fœtus, ce qui était connu depuis 1992.
Selon ses déclarations, le M______ s'était avéré être un anti-convulsivant en 1963 et son mode d'action principal avait été découvert en 1967. A la lecture d'un article de la Dre P______ faisant un lien entre la prise de F______ durant la grossesse et la Spina Bifida, il avait compris dès 1982 que le M______ avait des conséquences sur le système nerveux. Cela consistait en une atteinte neurologique survenant à un moment crucial de la formation du système nerveux et se manifestait par une malformation anatomique. La formation de la moelle épinière et du cerveau procédait de la même étape (tube neural). Lorsque le bas du tube neural était atteint, cela donnait lieu à une Spina Bifida et à des atteintes à l'autre extrémité compromettant la formation du cerveau. En 1997, il avait été démontré, dans une publication scientifique américaine, que des rates gestantes à qui on avait administré du M______ avaient donné naissance à des ratons aux traits autistiques.
En 2016, le témoin avait éprouvé un choc à la lecture du rapport de l'Agence de sécurité des médicaments ANSM qui faisait état du suivi des grossesses sous M______ entre 2007 et 2014. Il y avait 14'000 grossesses concernées : il ne comprenait pas pourquoi le milieu médical n'avait pas pris en compte les connaissances du milieu scientifique. Il s'était alors davantage renseigné, avait pris contact avec [l'association d'aide aux victimes] Q______, et prononcé une conférence dans ce cadre; J______ et K______ avaient assisté à cette conférence et lui avaient posé des questions. Il avait rencontré A______ en août 2017, en marge d'une réunion européenne organisée par R______ (Association suisse du syndrome [provoqué par la F______]).
c.c. S______, entendu par le Tribunal en qualité de témoin, a travaillé durant 30 ans à SWISSMEDIC, institut qu'il a quitté au ______ 2018. Il a été ______ de la division sécurité des médicaments (pharmacovigilance et récolte des déclarations des effets indésirables) jusqu'en 2013, puis a occupé le poste de ______ dans le cadre duquel il a été impliqué dans les mesures et les évaluations des problèmes en relation avec le M______.
Il y avait eu des déclarations concernant l'anomalie du tube neural, et pas de déclarations s'agissant des problèmes de développement du système psychomoteur. En 2000-2001, il y avait eu des informations concernant les troubles neurodéveloppementaux, mais le témoin n'en avait pas eu personnellement connaissance alors, ne s'en étant rendu compte que postérieurement. Une analyse des cas avait eu lieu en 2017, révélant environ 600 rapports d'effets indésirables. A cette occasion, le témoin s'était rendu compte qu'aux environs de l'an 2000, il y avait eu une déclaration concernant deux enfants avec des problèmes psychomoteurs. A cette époque, il y avait déjà une alerte dans les textes d'information aux professionnels s'agissant des malformations et anomalies du tube neural (trouble tératogène et non troubles neurocomportementaux) rendant légitime de déconseiller l'utilisation de cette molécule durant la grossesse.
En 2003, SWISSMEDIC avait refusé l'intégration d'un texte rédigé par D______ SA en lien avec les troubles neurocomportementaux, car ce texte était peu compréhensible. A la demande de SWISSMEDIC, D______ SA avait raccourci son texte qui a été publié en 2004 avec des précautions élargies, étant précisé que D______ SA n'avait pas insisté pour que cette déclaration soit faite. SWISSMEDIC n'avait pas demandé à D______ SA d'avertir les prescripteurs; l'information pouvait être recherchée dans le compendium. Pour le témoin, au sein de SWISSMEDIC on pensait qu'une modification de la notice d'information du produit n'engendrerait pas un changement important de la pratique. Selon l'expérience du témoin, on disait déjà en 1988 qu'il fallait éviter le M______ durant la grossesse en considération des risques tératogènes pour le fœtus.
L'envoi d'une lettre d'avertissement aux médecins-prescripteurs en lien avec les problèmes neurocomportementaux était intervenu en 2015. Cet envoi avait notamment été motivé par une étude publiée en 2012 qui avait constaté que 40% des enfants dont les mères avaient pris du M______ durant la grossesse avaient des problèmes neurocomportementaux (cognitif, autisme, QI notamment).
Pour ce qui est de la procédure de modification des notices d'informations des produits, le témoin a déclaré qu'il appartient en premier lieu aux laboratoires de suivre l'évolution des connaissances scientifiques et de requérir, si nécessaire, une approbation de modification de notice à SWISSMEDIC. En outre, une lettre aux médecins-prescripteurs n'était pas systématique. Plus la modification était importante, plus l'envoi d'une telle lettre était justifié.
Pour le témoin, en ce qui concerne la F______, tout le monde avait réagi tard.
d. Le 20 juillet 1997, K______ a été victime d'un accident de la circulation.
d.a. Elle a été suivie par le Dr T______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, qui l'a adressée au Dr E______ en raison de très importants troubles de l'équilibre qui rendaient la marche et la rééducation difficiles.
d.b. La première consultation avec E______ a eu lieu le 16 décembre 1997, le suivi s'étant déroulé jusqu'au 18 février 2002 à raison d'une consultation tous les cinq mois environ, dit suivi repris ensuite par le Dr U______.
E______ était désireux, sous l'angle thérapeutique, de prescrire un antiépileptique, et plus précisément de la F______. Il s'en est finalement abstenu lors de la consultation du 15 mai 1998, vu le désir d'enfant de sa patiente et le risque tératogène du M______.
d.c. Le ______ février 1999, K______ a été admise en urgence au CHUV où de la F______ lui a été prescrite et administrée.
Elle a accouché de son premier enfant le surlendemain.
E______ a ultérieurement approuvé le traitement, qu'il a maintenu durant toute l'année 2000 à hauteur de 1000 mg par jour.
d.d. Lors de son audition en qualité de témoin par le Tribunal, K______ a déclaré ne pas se souvenir avoir reçu une mise en garde en lien avec la prise d'un antiépileptique de manière générale. Ni E______, ni sa gynécologue n'avaient attiré son attention sur la dangerosité de la prise de certains médicaments. Elle avait fait part à E______ de son souhait d'avoir plusieurs enfants (ce que ce dernier conteste). Elle a déclaré, comme J______, également étendu comme témoin, que seul un risque de Spina Bifida avait été porté à leur attention. Dans leurs esprits, il s'agissait d'un risque de malformation congénitale pour l'enfant à naître pouvant être réduit par la prise d'acide folique, ce que K______ avait d'ailleurs fait.
d.e. Le 19 février 2001, E______ a reçu K______ en consultation. Elle attendait alors son deuxième enfant (soit A______) et en était à onze semaines de grossesse.
Le médecin avait été surpris par cette nouvelle car il n'en avait jamais discuté avec sa patiente auparavant. Cette dernière lui a signifié vouloir garder l'enfant. E______ a donc prévu une grossesse surveillée avec planification des échographies.
Le traitement antiépileptique a été maintenu durant toute la grossesse.
d.f. Le 18 mai 2001, alors qu'elle était alitée depuis sa dernière hospitalisation, K______ a été admise aux urgences du CHUV en raison de crises épileptiques. Elle a été traitée par augmentation de la dose journalière de F______ à 1500 mg, traitement approuvé par E______, lequel n'excluait pas si nécessaire une augmentation jusqu'à 2000 mg/jour.
d.g. Du 22 au 26 juin 2001, une nouvelle hospitalisation de K______ a été nécessaire pour "fatigue maternelle et surcharge psychologique".
d.h. Le 30 juillet 2001, K______ a été prise en charge par le CHUV pour : "surveillance de fin de grossesse avec crises épileptiques répétitives ayant indiqué plusieurs conciliums de neurologie et EEG soulignant la présence d'un foyer épileptogène cortical antérieur".
e.a. L'accouchement a finalement dû être déclenché en raison de crises d'épilepsie.
Une césarienne a été pratiquée en urgence pour cause "d'échec de provocation, souffrance fœtale et non dilatation". A______ est né (______ août 2001) à 35 semaines et 4 jours de grossesse.
Il a été pris en charge par la division néonatologie du CHUV où il a séjourné jusqu'au 14 septembre 2001, et a subi de multiples examens.
Les diagnostics suivants ont alors été posés : "œdème pulmonaire, canal artériel persistant, communication interauriculaire, reflux gastro-œsophagien, hyperbilirubinémie (sans incompatibilité), suspicion d'infection néonatale (hémoculture négative), […] [et] déficit de l'audition d'origine indéterminée".
e.b. La possibilité que l'enfant ait été affecté par d'autres médicaments absorbés par sa mère en raison de son traitement épileptique a été envisagée et les constatations suivantes effectuées : "pas de signe dysmorphique, […] pas de cardiopathie malformative, [US abdominal et croissance du périmètre crânien normaux]".
e.c. A______ a été présenté aux neurologues du CHUV en raison de "mouvements spontanés exagérés au moment de l'endormissement et d'une tendance à l'hyperexcitabilité, avec un status neurologique par ailleurs normal". Ces derniers ont pensé à un probable sevrage au V______, médicament absorbé par la mère en fin de grossesse.
e.d. Il a également été question d'annoncer son cas à l'AI sous le chiffre 313 (malformations congénitales du cœur et des vaisseaux) de l'ancienne ordonnance fédérale concernant les infirmités congéniales du 9 décembre 1985 en vigueur au 1er janvier 2001.
f. L'enfant a ensuite été suivi par la Dre W______, pédiatre.
g. Durant sa première année de vie, plusieurs hospitalisations en raison de bronchites spastiques ou encore de bronchiolites ont eu lieu.
h. L'enfant a consulté des spécialistes pour des problèmes d'audition (novembre 2001), puis pour des otites moyennes aigües récidivantes (août 2003), ces dernières ayant nécessité une chirurgie (adénoïdectomie et paracentèse) qui a eu lieu le 11 septembre 2003. Le contrôle effectué le 27 octobre 2003 indiquait que l'évolution post-opératoire était favorable et que l'otite sécrétoire avait disparu, excluait définitivement une éventuelle surdité et ne prescrivait aucune investigation ni traitement.
Ainsi, dans son rapport du 29 août 2003, l'otorhinolaryngologue a expressément évoqué la possibilité d'un syndrome fœtal au M______.
i. En mars 2002, l'enfant a été adressé en consultation cardiologique en raison d'une tachychnée persistante qui n'avait pas d'origine cardiaque ni de répercussion cardiaque.
j. Sur le plan orthopédique, il a fait l'objet d'un suivi dès avril 2002. Une surveillance a été suggérée en raison d'une morphologie évoquant une mauvaise couverture de la tête fémorale. Compte tenu de la péjoration de sa situation moteur, un suivi plus attentif du problème orthopédique a été demandé en février 2003. La radiographie des hanches effectuée alors a été qualifiée d'absolument normale lors du bilan orthopédique du 9 septembre 2003, alors que A______ venait d'acquérir la marche. L'évaluation du 13 juillet 2004 a conclu à un status orthopédique dans la limite de la norme. Quant aux radiographies de la colonne réalisées le 4 octobre 2013, elles ont fait état d'une bascule du bassin, d'un Spina Bifida occulta S1 ainsi que d'une scoliose (qualifiée de discrète) et n'ont pas révélé de malformation vertébrale. L'orthopédiste a prescrit une physiothérapie posturale ainsi que des exercices de tonification musculaire, étant souligné que l'enfant n'avait émis aucune plainte lors de la consultation.
Dans un rapport du 20 février 2003, le médecin spécialisé en orthopédie a expressément envisagé la possibilité d'un syndrome fœtal au M______.
k. Le reflux gastro-œsophagien dont A______ a souffert depuis sa naissance a été qualifié de sévère et a nécessité une intervention chirurgicale par laparoscopie (montage de Toupet) le 5 novembre 2002 qui s'est déroulée sans complication et a permis la disparition dudit reflux. L'enfant a ensuite évolué favorablement s'agissant de cette pathologie, notamment au niveau respiratoire. Une tendance aux bronchites spastiques à répétition persistait encore en février 2004 sans origine allergique.
l. En septembre 2003, une hernie inguinale ainsi qu'un phimosis serré lui ont été diagnostiqués et une chirurgie prescrite pour les deux aspects, l'intervention ayant eu lieu le 11 septembre 2003 en même temps que la chirurgie ORL.
m. En janvier 2004, A______ a été hospitalisé en raison d'une fracture du fémur gauche qui l'a empêché de marcher durant plusieurs semaines.
n. Durant les six premières années de sa vie, il a également été suivi par l'Unité de développement du CHUV. Un retard de développement de deux mois a été observé le 30 avril 2002, lequel pouvait alors s'expliquer par les nombreuses infections dont il avait été victime. A onze mois, ce retard a été confirmé dans les sphères de la locomotion et du langage. En février 2004, il a été constaté qu'il avait fait beaucoup de progrès sur le plan cognitif (quotient au test Terman Merrill dans la norme). Il était toutefois nécessaire de stimuler l'acquisition du langage et d'effectuer un bilan logopédique. Un an plus tard, son développement cognitif a été qualifié comme étant dans la norme (limite inférieure). Sur le plan du langage, une possible dysphasie développementale a été évoquée confirmant la nécessité d'une prise en charge logopédique. En juillet 2007, le retard global de développement a été qualifié de léger et plus marqué sur le plan verbal. Il touchait également les acquisitions. K______ et J______ ont déclaré au Tribunal que, pour eux, ce retard global était lié à la prématurité.
o. A______ a parallèlement fait l'objet d'un suivi neurologique, dont il ressort ce qui suit :
o.a. Du 3 au 12 octobre 2001, il a été hospitalisé pour observation en raison d'un "malaise avec pâleur". Ce séjour n'ayant pas permis d'objectiver un épisode de malaise, les neurologues consultés dans ce contexte n'ont pas proposé d'autre investigation.
o.b. Le 21 novembre 2001, suspectant une épilepsie, la Dre W______ a adressé l'enfant à la consultation de neuropédiatrie du CHUV en raison "d'un épisode de tremblements de tout le corps avec déviation du regard vers le haut, regard divergent et perte de contact pendant 30'' survenu le 23 octobre 2001 et de l'épilepsie dont souffrait sa mère.
o.c. C'est dans ce contexte que le Dr X______, neuropédiatre (alors au CHUV), a reçu A______ à sa consultation pour la première fois le 22 novembre 2001, puis à plusieurs reprises dans le but de trouver la cause du problème neurologique. Ce médecin connaissait le syndrome fœtal au M______ depuis la fin des années 1990.
o.d. Lorsqu'il a revu l'enfant le 7 février 2002 à son cabinet, le Dr X______ a relevé un retard de développement (hypotonie) relativement important dont l'origine était à ce stade incertaine, même si peut-être en lien avec des épisodes paroxystiques non identifiés. Il a préconisé de poursuivre le traitement par une physiothérapie hebdomadaire adaptée.
o.e. En concertation avec le Dr X______, la Dre W______ a prescrit un "EEG veille/sommeil" en mentionnant notamment dans la rubrique diagnostic : "épilepsie traitée chez la mère, Status post sevrage au V______". Cet examen a été réalisé le 21 mars 2002 et n'a pas révélé d'élément épileptique.
o.f. La consultation du 22 juillet 2002 a fait l'objet d'un rapport à la pédiatre; sous la rubrique "impressions", le Dr X______ s'exprime en ces termes : "Le retard global de développement de A______ se confirme. Nous avons été frappé ce jour par de discrets signes dysmorphiques du visage décrits ci-dessus. Rappelons que la maman avait dû prendre de la F______ durant toute la grossesse et il pourrait bien s'agir d'un syndrome fœtal au M______. Nous n'avons pas parlé de cette possibilité aux parents, en leur expliquant que pour l'instant, les trouvailles étaient non spécifiques mais que d'autres examens seraient nécessaires. […], Au vu des discrets signes dysmorphiques, nous adressons l'enfant en Génétique Médicale, mais attendons le résultat de l'IRM pour en parler aux parents. Ceux-ci semblent tout à fait prêts à aller de l'avant dans les investigations bien qu'ils semblent naturellement très inquiets".
o.g. Le 20 août 2002, les médecins de l'Unité de développement du CHUV ont constaté que A______ présentait un retard de développement global, surtout marqué dans les sphères de la locomotion et du langage. Pour ce qui est de l'origine de ce retard, ces derniers ont évoqué la possibilité du syndrome fœtal au M______, mais ont spécifié, dans un courrier du 27 août 2002 adressé à la Dre W______, ne pas en avoir parlé aux parents, un IRM devant être encore réalisé.
o.h. L'IRM a été effectuée le 23 septembre 2002 et n'a pas révélé d'anomalie. En adressant les résultats à la Dre W______ le 2 octobre 2002, le Dr X______ a précisé que le résultat de cet examen "n'[excluait] bien sûr pas le syndrome fœtal au M______".
o.i. La Dre W______ a confirmé, lors de son audition par le Tribunal, que la suspicion d'un syndrome fœtal au M______ était bien présente dans les échanges qu'elle entretenait avec ses confrères. Elle n'avait toutefois pas parlé des conséquences possibles de la F______ sur le fœtus aux époux J______/K______. Il n'existait pas de critères précis permettant de poser facilement ce diagnostic. Elle n'en avait pas parlé directement avec la mère; l'éventualité d'un lien entre la prise de F______ et l'état de santé de A______ avait été évoquée lors de la lecture des rapports médicaux et était "sous-entendue". Elle avait abordé concrètement le sujet avec les parents lors d'un rendez-vous en 2015 ou 2016. Pour elle, il était clair qu'il y avait toujours l'hypothèse du syndrome de M______, tous les rapports l'évoquaient. Ainsi, en 2003, les parents en étaient conscients, même si elle n'avait pas directement discuté avec eux.
o.j. Le 27 mars 2003, le Dr X______ a revu A______ en consultation. Ses parents ont souligné ses progrès tout en s'inquiétant de son comportement déclarant qu'il se "tapait la tête par terre ou contre le mur à la moindre frustration et se [tapait] la tête avec les mains ou les objets même sans contrariété".
Le neuropédiatre a constaté, selon ses notes prises lors de la consultation, que l'enfant "présentait toujours un retard de développement, surtout marqué dans les sphères locomotion, personnel-social et langage, même s'il [avait] fait des progrès réguliers". Bien qu'il n'ait pas encore clairement identifié l'origine du retard de développement, le neuropédiatre a mentionné aux parents la possibilité d'un syndrome fœtal au M______, ce diagnostic étant alors compatible avec les constats qu'il avait effectués. Il n'a toutefois pas exclu, au vu des progrès réalisés depuis l'opération, que le reflux gastro-œsophagien et ses conséquences puissent aussi expliquer ce retard.
o.k. Le Dr X______ a déclaré au Tribunal qu'informer les parents de la cause, même éventuelle, des maux de leur enfant est important, notamment lorsqu'il est suspecté, comme en l'espèce, qu'un traitement médicamenteux de la mère pourrait en être la source, ceci pour éviter tous risques de récidive s'ils souhaitent un autre enfant. Ce qu'il avait fait avec les parents J______/K______. Il n'avait ensuite pas abordé à nouveau la cause, les consultations suivantes ayant eu pour but de faire le point sur l'évolution, soulager au mieux la famille et établir la prise en charge adéquate pour améliorer la situation. Il a rappelé les difficultés propres à l'annonce d'un diagnostic médical ("on peut parler parfois à des parents une heure et quand on leur demande ce que le médecin leur a dit, ils répondent "on ne nous a rien dit""). Annoncer à une mère que le médicament qu'elle prenait pour son trouble était la cause du trouble développé chez son enfant est pénible. Dans le cas de A______, il avait discuté avec les parents du syndrome au M______. Cela avait été formulé et verbalisé avant 2016; le témoin n'était pas étonné que les parents n'aient effectivement compris que plusieurs années plus tard. Il se souvenait d'une famille très inquiète, d'une mère très angoissée et émotionnellement très fragile; pour elle "c'était inaudible". Le père était désemparé et soutenait sa femme.
p. La Dre W______ a adressé A______ et ses parents en consultation génétique le 11 février 2004 en raison de tous les problèmes de santé rencontrés par l'enfant, notamment de son retard de développement prédominant au niveau du langage, du possible syndrome fœtal au M______, ainsi qu'en prévision d'une éventuelle troisième grossesse.
Les analyses effectuées le 6 avril 2004 n'ont pas permis de retenir une cause génétique à son état de santé.
q. Lors de la consultation du 4 novembre 2004, le Dr X______ a relevé les énormes progrès effectués depuis la dernière consultation, tout en observant qu'un retard dans l'expression du langage persistait. S'il s'est déclaré favorable à un bilan logopédique, un traitement de physiothérapie régulier ne semblait plus indiqué et il n'envisageait plus de contrôle d'office à sa consultation.
r. Le 3 novembre 2005, il a revu l'enfant sur demande de K______ en raison de l'absence de progrès quant à l'acquisition de la propreté et de l'intolérance à la frustration qu'il montrait dans le cadre familial. Après avoir constaté les progrès remarquables de son patient, notamment dans le domaine du langage, et vu l'absence d'explication neurologique quant à la question de la propreté, le Dr X______ a suggéré une guidance parentale auprès d'un pédopsychiatre pour la gestion de ces deux problématiques.
s. Dès 2002, la prise en charge de A______ en lien avec son retard de développement a pris la forme d'un suivi, une fois par semaine, par le Service Educatif Itinérant, dans un objectif de stimulation globale, ainsi que par un physiothérapeute.
t. Dès le 25 août 2005, un suivi logopédique a été mis en place. Le bilan effectué le 29 juin 2006 relève que l'enfant présentait "des difficultés langagières spécifiques touchant aussi bien les composantes phonologiques que structurelles du langage". L'enfant avait encore des difficultés de parole et de langage importantes en novembre 2007 nécessitant la poursuite du suivi.
u. Bien que scolarisé en classe officielle depuis la 1ère enfantine, A______ a présenté de nombreuses difficultés et s'est trouvé en échec en 5ème primaire (2012/2013). En février 2011, il a été adressé à Y______, psychiatre-psychothérapeute pour enfants et adolescents, laquelle a préconisé une thérapie, entamée en juin 2011, ainsi qu'un suivi familial.
v. K______ et J______ allèguent avoir appris au printemps 2016 que les troubles de la santé dont souffrait leur fils étaient dus à son exposition in utero à la F______. Ils se sont rapprochés de l'association française Q______ et ont effectué des recherches sur le syndrome fœtal au M______, aux termes desquelles ils ont compris que ces risques, notamment de trouble du développement étaient connus en 2000 et qu'ils n'en auraient pas été informés.
Les témoins Z______ et AA______ ont déclaré que leur amie, K______, avait envisagé l'éventualité d'un lien de cause à effet entre la prise du médicament et l'état de santé de l'enfant en 2016 suite au visionnage d'un documentaire sur les méfaits de la F______ pour les femmes enceintes.
Le Dr X______ a déclaré au Tribunal qu'il n'était pas étonné que les époux J______/K______ aient effectivement réalisé le lien entre les maux de leur fils et la prise de F______ plusieurs années après qu'il avait évoqué cette éventualité en consultation. Il était objectivement possible de poser le diagnostic du syndrome fœtal au M______ après les résultats génétiques en 2004, ce qu'il avait fait.
w. Les 27 septembre, 20 octobre et 25 octobre 2016, les parents de A______ ont interpellé D______ SA, le CHUV et E______ respectivement, en leur reprochant leur défaut d'information quant aux conséquences de la F______ sur l'enfant à naître. Considérant que leur fils était atteint du syndrome fœtal au M______, ils ont demandé à chacun des précités de reconnaître leur pleine et entière responsabilité dans son état de santé actuel ainsi que de s'engager à réparer l'entier du dommage subi par lui et eux.
D______ SA, le CHUV et E______ ont nié une quelconque responsabilité.
x. Les 21 octobre, 1er novembre et 4 novembre 2016, K______ et J______ ont adressé à l'Office des poursuites genevois trois réquisitions de poursuite, au nom et pour le compte de leur fils, dirigées contre D______ SA, le CHUV et E______, portant chacune sur une créance de 3'500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2008 pour tous les dommages subis par leur enfant suite à l'administration de F______.
y. Par requête du 23 décembre 2016, A______, représenté par ses parents, a agi en conciliation contre D______ SA, l'ETAT DE VAUD et E______. Il a conclu à leur condamnation conjointe et solidaire au paiement de 3'500'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2008.
L'autorisation de procéder lui a été délivrée le 18 juillet 2017.
z. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2017, A______, représenté par ses parents, a assigné les précités en paiement de 3'264'305 fr. à titre de perte de gains (2'155'905 fr.), de préjudice ménager (808'400 fr.) et de réparation morale (300'000 fr.), avec intérêts moratoires à 5% l'an à compter du 1er janvier 2008 (date moyenne).
Il a reproché à D______ SA, l'Etat de Vaud et E______ de ne pas avoir informé ses parents de l'étendue des risques liés à la prise de F______ par sa mère pendant sa grossesse et de lui en avoir prescrit alors que ses parents souhaitaient un deuxième enfant, puis l'attendaient.
Il a allégué être atteint dans sa santé pour souffrir de très graves et de multiples problèmes de santé évoluant au fil des ans.
Il a fait état de problèmes néonataux, ajoutant avoir régulièrement souffert durant sa petite enfance de problèmes de santé, d'un retard de développement diagnostiqué avant un an, de la confirmation d'un retard de développement psychomoteur et du langage dès mars 2002, de troubles envahissants du développement avec des traits autistiques, de signes dysmorphiques, d'une scoliose, d'une Spina Bifida occulta et d'un pectus excavatum.
aa. Le 11 décembre 2017, D______ SA a requis du Tribunal que la procédure soit limitée à la question de la prescription, requête qui a reçu l'adhésion de l'ETAT DE VAUD et de E______, tandis que A______ s'y est opposé.
bb. D______ SA et l'ETAT DE VAUD ont chacun conclu au rejet de la demande avec suite de frais et dépens. E______ a conclu à ce que le Tribunal lui donne acte de ce qu'il avait valablement soulevé l'exception de prescription et constate que les délais de prescription tant contractuels qu'extracontractuels relatifs à toute action en responsabilité dirigée à son encontre étaient échus, le tout avec suite de frais et dépens.
cc. Dans sa réplique, A______ a allégué souffrir de malformations osseuses et squelettiques découvertes tardivement pour être relevées dans le rapport du 9 novembre 2017 établi par AB______, physiothérapeute, telles que par exemple une scoliose à convexité lombaire, une antéroversion du bassin marquée, un dysmorphisme du plexus solaire, une inégalité des MI'S (membres inférieurs), un platisme du pied droit (voûte plantaire complètement écrasée par rapport au pied gauche), une cypho-scoliose sévère sur les 3 segments du rachis, une dyskinésie scapulaire, une bosse dorsale gauche lors de la flexion du tronc, une hyperlordose cervicale et lombaire, une hypercyphose très accentuée ou encore un raccourcissement sévère de la chaîne cinétique postérieure.
dd. Le 7 mars 2019, l'ETAT DE VAUD a excipé de l'incompétence à raison du lieu du Tribunal.
Par jugement JTPI/16414/2019 du 20 novembre 2019, le Tribunal a déclaré la demande irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre l'ETAT DE VAUD.
ee. Par décision du 16 juin 2020, la Justice de paix du District de AD______ [VD] a institué une curatelle de représentation au sens de l'article 394 al. 1 CC en faveur de A______ et a nommé B______, ès qualité, sans limitation de l'exercice des droits civils du précité.
ff. Lors de l'audience du Tribunal du 12 novembre 2020, la curatrice de A______, rappelant que celui-ci était devenu majeur, a informé le Tribunal de sa nomination, aux fins de le représenter.
gg. Lors de l'audience du Tribunal du 5 mai 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. La cause a été gardée à juger sur la question de la prescription à l'issue de l'audience.
D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a examiné successivement les différents fondements de la responsabilité applicables en l'occurrence. Il est parvenu à la conclusion qu'un délai de prescription ou de péremption de dix ans était prévu par la loi, qu'il avait commencé à courir avec la naissance de l'enfant et était donc arrivé à échéance avant que celui-ci n'entame des démarches pour faire valoir ses droits. Ni un délai plus long de droit pénal, ni la jurisprudence européenne tendant à prolonger les délais pour agir dans certains cas particuliers ne trouvaient application. Ainsi, l'action de A______ était prescrite, respectivement, périmée.
1. La recevabilité de l'appel est contestée par l'intimée, qui lui reproche l'insuffisance de ses conclusions.
1.1 En l'occurrence, l'appel a été interjeté, dans une affaire patrimoniale, contre une décision finale rendue dans une cause dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de plus de 10'000 fr. (art. 308 al. 1 et 2 CPC) et dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1, 142 al. 3 et 145 al. 1 let. c CPC).
1.2 Selon l'art. 318 CPC, l'instance d'appel peut confirmer la décision attaquée (al. 1 let. a), statuer à nouveau (al. 1 let. b) ou renvoyer la cause à la première instance si un élément essentiel de la demande n'a pas été examiné ou si l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (al. 1 let. c ch. 1 et 2).
L'appel a un effet réformatoire, ce qui signifie que l'instance d'appel a le pouvoir de statuer elle-même sur le fond, en rendant une décision qui se substitue au jugement attaqué (art. 318 al. 1 let. b CPC). Il s'ensuit que la partie appelante ne saurait se limiter, sous peine d'irrecevabilité, à conclure à l'annulation de la décision entreprise, mais doit prendre des conclusions au fond, libellées de telle manière que l'instance d'appel statuant à nouveau puisse les incorporer sans modification au dispositif de sa décision (ATF 137 III 617 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 3.2 n. p. in ATF
146 III 413).
Il n'est fait exception à l'exigence de conclusions réformatoires précises que lorsque la juridiction de recours, en cas d'admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer elle-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction (ATF 134 III 379 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_186/2022 du 28 avril 2022 consid. 2). La recevabilité des conclusions ne doit donc pas être examinées par le seul examen de celles-ci, mais à la lumière des écritures (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et suivants). Si une partie se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, une conclusion cassatoire suffit (fait exception le cas où l'instance de recours pourrait réparer la violation en question, auquel cas une conclusion réformatoire est nécessaire). Une partie doit exposer pourquoi l'instance de recours ne pourrait pas statuer elle-même en cas d'admission (arrêt du Tribunal fédéral 5A_342/2022 du 26 octobre 2022 consid. 2.1.2).
L'application de l'art. 318 al. 1 let. c CPC s'impose, notamment, lorsque le premier juge a considéré comme non remplie une condition de recevabilité, de sorte qu'il n'a pas examiné le fond du litige, a limité la procédure à une question de fait ou de droit au sens de l'art. 125 let. a CPC et qu'il convient de renvoyer pour suite d'instruction, ou encore a rejeté la demande à tort sans examen matériel de la prétention, par exemple en raison de l'absence de légitimation active, de la prescription ou de la péremption du droit (ACJC/59/2024 du 16 janvier 2024 consid. 3.1 et les références citées).
1.3 En l'espèce, l'appelant s'est certes limité à conclure, dans son appel et en substance, à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal, ce qui n'est, comme le souligne l'intimée, en principe pas suffisant à ce stade de la procédure.
Cela étant, le fait que le Tribunal ait circonscrit son instruction à la question de la prescription justifie la limitation précitée. En effet, au vu de la complexité de la cause, il n'est, comme l'expose l'appelant dans sa réplique, pas concevable que la Cour, même en cas d'admission de l'appel, puisse statuer elle-même, sans que l'instruction ne soit complétée par le premier juge. Un renvoi au Tribunal pour suite d'instruction s'imposerait donc en cas d'admission de l'appel.
Par conséquent, dans cette configuration, les conclusions seulement cassatoires de l'appelant sont recevables.
1.4 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_281/2023 du 2 mai 2024 consid. 8.3).
2. Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel. L'appelant fait en outre grief à l'intimé d'avoir articulé des allégués nouveaux en appel.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle, respectivement les allégués prétendument nouveaux, des intimés n'ont soit aucune incidence sur l'issue l'appel, soit étaient déjà évoqués dans le jugement de première instance.
N'ont aucune incidence sur l'issue de l'appel le jugement espagnol produit par l'intimée, ainsi que les extraits du Compendium suisse des médicaments cités par l'intimé et l'existence ou non d'une information suffisante de la mère de l'appelant au moment de prendre le médicament litigieux, dont se prévaut l'intimé. Sont déjà mentionnés dans le jugement de première instance, sans que l'appelant ait soutenu que ces faits auraient été indûment admis par le Tribunal, les mentions du syndrome fœtal au M______ dans différents rapports médicaux concernant l'appelant.
Il s'ensuit que les griefs de l'appelant sur la nouveauté de faits introduits en appel sont infondés.
L'appelant a produit un article juridique français à l'appui de sa réplique, qui n'est pas un fait nouveau, mais une argumentation relevant du droit.
Quant aux courriers de l'appelant déposés après que la cause a été gardée à juger, ils étaient en principe irrecevables (ATF 142 III 413 consid. 2.2). Ne se référant toutefois qu'à une nouvelle décision de la CourEDH et à une décision judiciaire française, ils ne contenaient qu'une argumentation juridique complémentaire, mais non des faits nouveaux.
Que ces arguments juridiques complémentaires soient ou non recevables, cela ne change rien au raisonnement qui suit et qui y répond, dans la mesure où l'appel contenait déjà, dans leur substance, ces griefs.
3. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir retenu que son action était paralysée par l'écoulement des délais de prescription et de péremption applicables.
3.1
3.1.1 En droit suisse, la prescription est une institution relevant du droit matériel et non du droit procédural. Bien que le droit interne confère, à certaines conditions, des droits contractuels et non contractuels aux particuliers, il les limite dans le temps par le biais de la prescription. Comme il s'agit d'une institution relevant du droit civil matériel, l'exception de prescription peut aussi être soulevée en dehors de toute procédure et le juge ne peut pas examiner la prescription d'office (art. 142 CO), mais uniquement lorsque le débiteur soulève cette exception (ATF 146 III 25 consid. 8.1.1 et les références citées in SJ 2020 I p. 213).
L'art. 6 § 1 CEDH garantit le droit à un procès équitable, soit notamment le droit de chaque justiciable à ce qu'un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Dans l'arrêt HOWALD MOOR et autres c. Suisse, la CourEDH, dans le contexte des maladies consécutives à l'amiante survenant des décennies après l'exposition à celle-ci, a rappelé que les délais légaux de prescription constituaient en principe des restrictions légitimes sous l'angle, notamment, de la sécurité du droit. La période de latence des maladies liées à l'amiante était cependant telle que le délai de prescription absolu de dix ans commençant à courir à partir de la fin de l'exposition à l'amiante serait toujours expiré au moment où les lésés sont atteints dans leur santé. Ainsi, "lorsqu'il est scientifiquement prouvé qu'une personne est dans l'impossibilité de savoir si elle souffre d'une certaine maladie", cette circonstance devrait être prise en compte pour le calcul du délai de prescription. Par conséquent, "au vu des circonstances exceptionnelles" de l'espèce, la CourEDH a considéré que le droit d'accès à un tribunal était violé (cf. arrêt HOWALD MOOR et autres contre Suisse du 11 mars 2014; principes appliqués à nouveau dans l'arrêt JANN-ZWICKER et JANN contre Suisse du 13 février 2024).
3.1.2 L'art. 60 al. 1 et 1bis CO prévoit, dans sa teneur entrée en vigueur le 1er janvier 2020, que l'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé. En cas de mort d'homme ou de lésions corporelles, elle se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.
Jusqu'au 31 décembre 2019, ce même article prévoyait le texte suivant en son al. 1 : "L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit"; il ne comportait pas d'al. 1bis.
L'art. 49 Titre final du Code civil règle le droit transitoire. Il prévoit que lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l'ancien droit, le nouveau droit s'applique dès lors que la prescription n'est pas échue en vertu de l'ancien droit (al. 1). L'entrée en vigueur du nouveau droit est sans effets sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n'en dispose autrement (al. 3). Au surplus, la prescription est régie par le nouveau droit dès son entrée en vigueur (al. 4).
3.1.3 Selon une jurisprudence constante, le point de départ du délai absolu de dix ans de l'art. 60 al. 1 aCO est indépendant de la survenance du dommage et de la connaissance qu'en a le lésé. Ce principe s'applique tant aux prétentions contractuelles qu'extra-contractuelles (ATF 146 III 14 consid. 6.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_601/2021 du 8 septembre 2022 consid. 9.4.1). Par "fait dommageable", il faut comprendre le comportement illicite - action ou omission - qui fonde la prétention en dommages-intérêts. Pour le délai absolu, est donc seul déterminant le moment où s'exerce le comportement qui est la cause du dommage (ATF 148 II 73 consid. 6.2.3; 136 II 187 consid. 7.4.4 ; 127 III 257 consid. 2b/aa; 106 II 134 consid. 2c). Cette solution est dictée par la lettre et le but de la loi : répondant aux impératifs de sécurité et de paix juridiques, elle tient compte des difficultés à réunir les preuves avec l'écoulement du temps et de la nécessité de protéger le débiteur de prétentions remontant à des temps reculés. Il peut ainsi arriver que la prescription absolue soit acquise avant même que le lésé n'ait connaissance du dommage (ATF 143 III 348 consid. 5.3.2; 136 II 187 consid. 7.5).
En cas de comportement dommageable répété ou durable, le délai absolu commence à courir le jour du dernier acte illicite ou le jour où ce comportement cesse (ATF 146 III 14 consid. 6.1.2 ; 127 III 257 consid. 2b/bb; 107 II 134 consid. 4).
3.1.4 Le délai de prescription relatif d'une année prévu à l'art. 60 al. 1 aCO commence à courir lorsque le lésé connait effectivement son dommage. Ce dernier a connaissance du dommage lorsqu'il connait les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1;
126 III 161 consid. 3c), tels que l'existence du dommage, son auteur, sa nature et ses éléments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_704/2021 du 12 mai 2022 consid. 6.5). Suivant les circonstances, vu la brièveté du délai de prescription d'un an, un certain temps doit encore être laissé au lésé pour lui permettre d'estimer l'étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours de tiers (ATF 96 II 39 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_52/2020 du 19 août 2020 consid. 3.3.2). Ce délai commence par ailleurs à courir à partir du moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage au sens indiqué ci-dessus, et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 136 III 322 consid. 4.1; 131 III 61 consid. 3.1; aussi arrêt du Tribunal fédéral 4A_52/2020 du 19 août 2020 consid. 3.3.2). Selon la jurisprudence, une application large de la notion de connaissance du dommage s'impose tout particulièrement dans certaines situations où l'acte illicite n'apparaît pas unique et instantané et où, pour cette raison, le préjudice peut varier et s'amplifier. Le délai ne court ainsi que lorsque le lésé peut se faire une idée précise de l'importance de l'atteinte dans son ensemble, même si certains actes antérieurs suffisaient déjà à fonder l'action; alors seulement, il connaît le dommage (ATF 92 II 1 consid. 4). Lorsque l'ampleur du préjudice résulte d'une "situation qui évolue", le délai de prescription ne court ainsi pas avant le terme de l'évolution (ATF 126 III 161 consid. 3c). Tel est le cas lorsqu'un préjudice est causé par des comportements dommageables répétés ou s'inscrivant dans la durée (cf. ATF 146 III 14 consid. 6.1.2; 109 II 418 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 8C_244/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.3 et 2C_704/2021 du 12 mai 2022 consid. 6.5). Tel est aussi le cas notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n'est pas possible de prévoir d'emblée l'évolution avec suffisamment de certitude (ATF 112 II 118 consid. 4; 108 Ib 97 consid. 1c; 92 II 1 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2019 du 18 février 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités; 4A_499/2014 du 28 janvier 2015 consid. 3.2; 4A_576/2010 du 7 juin 2011 consid. 3.2, non publié in ATF 137 III 352). En particulier, la connaissance du dommage résultant d'une invalidité permanente suppose que, selon un expert, l'état de santé du lésé soit stabilisé sur le plan médical et que son taux d'incapacité de travail soit fixé au moins approximativement; le lésé doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être l'évolution de son état (arrêts du Tribunal fédéral 4A_495/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2.2 et 4A_499/2014 du 28 janvier 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités).
Le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1). Toutefois, vu la brièveté du délai, on ne saurait se montrer trop exigeant à l'égard du lésé. Le doute quant à l'existence de faits suffisants pour motiver une demande en justice doit être interprété au préjudice du responsable soulevant l'exception de prescription, qui supporte le fardeau de la preuve (ATF 111 II 55 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_495/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2.3 et 4A_286/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2.3.1 et l'arrêt cité). La jurisprudence ne va cependant pas jusqu'à protéger celui qui se désintéresse de la question du dommage. Le lésé est tenu d'avoir un comportement conforme à la bonne foi (art. 2 CC); s'il connaît les éléments essentiels du dommage, on peut attendre de lui qu'il se procure les informations nécessaires à l'ouverture d'une action (ATF 109 II 433 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_495/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Le lésé est en mesure de motiver sa demande lorsqu'il connaît le montant réel (maximal) de son dommage. Il lui est en effet toujours loisible de réduire en tout temps ses conclusions en cours d'instance (art. 227 al. 3 CPC; arrêt 4A_509/2015 du 11 février 2016 consid. 3.2), s'il se révèle que sa demande était trop élevée (ATF 74 II 30 consid. 1c), en particulier s'il est parvenu à diminuer le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_495/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).
3.1.5 L'art. 127 CO prévoit que toutes les actions se prescrivent par dix ans, lorsque le droit civil fédéral n'en dispose pas autrement.
Sur le plan civil, le patient qui a conclu un contrat de mandat avec un médecin et qui est lésé par les actes de celui-ci dispose d'un concours objectif d'actions (Anspruchskonkurrenz) : il peut invoquer la responsabilité contractuelle des art. 398 et 97 et suivants CO, pour violation d'une obligation contractuelle, soumise au délai de prescription de 10 ans de l'art. 127 CO, et/ou la responsabilité délictuelle des art. 41 et suivants CO, pour violation d'un devoir général, comme l'atteinte illicite à son intégrité corporelle, soumise au délai de prescription de l'art. 60 CO. En effet, un même acte peut, selon les circonstances, remplir les conditions de la violation du contrat et celles de l'acte illicite (ATF 148 III 401 consid. 3.1).
La justification de ce concours repose en partie sur l'idée que le lésé doit pouvoir choisir le régime qui lui est le plus favorable dans le cas concret, en particulier en raison du délai de prescription plus long, de dix ans (art. 127 CO), de la responsabilité contractuelle par rapport au délai de prescription de l'action délictuelle. Le créancier lésé peut choisir d'invoquer l'une ou l'autre des responsabilités, mais aussi concurremment les deux (ATF 148 III 401 consid. 3.1).
La prescription d'une créance en dommages-intérêts pour violation d'un devoir contractuel court dès le moment de dite violation, mais non dès la survenance du dommage (ATF 140 II 7 consid. 3.3; 137 III 16 consid. 2.3).
3.1.6 L'art. 134 al. 1 ch. 6 CO dispose que la prescription ne court point et que, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant qu'il est impossible, pour des raisons objectives, de faire valoir la créance devant un tribunal.
Selon la jurisprudence, la suspension de la prescription instaurée par cette disposition suppose que le créancier soit empêché d'agir devant un tribunal par des circonstances objectives et indépendantes de sa situation personnelle (ATF
134 III 294 consid. 1.1; 124 III 449 consid. 4a; 90 II 428 consid. 9; arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2022 du 1er novembre 2022 consid. 4.1.1).
Le Tribunal fédéral a jugé le cas d'un incapable de discernement qui demandait que le délai de prescription acquisitive concernant un immeuble soit suspendu tant qu'il n'avait pas été pourvu d'un représentant légal. Les juges fédéraux ont confirmé la jurisprudence antérieure de l'ATF 90 II 428 consid. 9 et de l'ATF 124 III 453 consid. 4a et rejeté cette argumentation (arrêt du Tribunal fédéral 5C_122/2006 du 6 octobre 2006 consid. 3.3).
La CourEDH a rendu un arrêt concernant une assurance-vie, touchée par la mère de trois enfants mineurs qui en étaient les bénéficiaires. Cette assurance-vie ayant été dilapidée, les enfants devenus majeurs une décennie plus tard ont agi contre l'assureur. Les tribunaux belges leur opposèrent le délai de prescription triennal applicable en la matière dans ce pays. La CourEDH a jugé que ce délai de prescription poursuivait certes un intérêt légitime, mais qu'il conduisait en l'occurrence à une situation inéquitable, car les enfants mineurs ne disposaient d'aucun représentant légal si ce n'est leur mère, laquelle poursuivait un intérêt opposé au leur. Il s'ensuivait qu'ils avaient été empêchés de faire valoir leurs droits en violation de l'art. 6 CEDH (arrêt STAGNO c. Belgique du 7 juillet 2009 § 22 et suivants).
La doctrine s'interroge sur la portée de cet arrêt en droit suisse. Critiquant la position de l'arrêt fédéral 5C.122/2006 considérée comme trop restrictive, elle préconise une suspension du délai de prescription lorsque la personne incapable de discernement n'est pas pourvue d'un représentant ou si le représentant légal est empêché factuellement (absence, incapacité, maladie ou autre) ou juridiquement (conflit d'intérêt) d'exercer son pouvoir de représentation (Meier, Incapacité civile et prescription de la créance, in Private Law national - global - comparative - Festschrift für Ingeborg Schwenzer zum 60. Geburtstag, Volume II, 2011, p. 1229 et suivantes, p. 1247 et 1248).
3.1.7 A teneur de l'art. 9 de la loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits (LRFP), dont le titre est "prescription", les prétentions en dommages-intérêts prévues par cette loi se prescrivent par trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
L'art. 10 LRFP prévoit, sous le titre "péremption", que les prétentions en dommages-intérêts prévues par cette loi s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit qui a causé le dommage (al. 1). Le délai de péremption est respecté si une procédure judiciaire a été engagée contre le producteur avant l'expiration de ces dix ans (al. 2).
L'art. 10 LRFP institue un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu, ni interrompu (ATF 136 II 187 consid. 6 ; Märki / Sommer, Wirtschaftsrechtliche Nebenerlasse : FusG, UWG, KKg, PauRG und PrHG, 4ème éd. 2023, n. 1 ad art. 10 LRFP).
3.1.8 Des auteurs se montrent critiques quant à la conformité à la CEDH du système de la prescription qui résulte du droit suisse lorsque sont concernés, notamment, des dommages occasionnés par des médicaments, y compris lorsque ceux-ci sont pris par la femme enceinte et occasionnent des lésions au fœtus qui se révèlent après sa naissance. Néanmoins, les solutions proposées par la doctrine impliquent une modification du droit, qui, dans son état actuel, ne permet pas une issue alternative (cf. pour un exposé récent et complet Hirsig / Vouilloz, La responsabilité civile du fait du médicament en droit suisse, 2022, n. 486 et suivantes).
3.2 En l'espèce, l'appelant soutient que la prescription ne pourrait pas être opposée à ses prétentions dirigées contre les intimés : comme le délai de prescription relatif annal n'était pas échu, alors le délai de prescription absolu décennal ne pouvait pas non plus être écoulé, sauf à le priver indûment de son droit d'accès à la justice.
Il est donc incontesté qu'un délai de prescription absolu (ou de péremption) décennal ressort des diverses dispositions citées ci-dessus qui sont potentiellement applicables in casu. Il est aussi admis que ce délai était échu au moment où l'appelant a entamé ses premières démarches : plus de dix ans s'étaient écoulés entre la dernière dose de médicament administrée avant la naissance et le moment de la réquisition de poursuite, voire de l'introduction de l'action en justice. Le nouvel art. 60 CO et le droit transitoire y relatif ne sont d'aucun secours à l'appelant, dès lors que le délai décennal était acquis dès avant l'entrée en vigueur du nouveau droit.
Reste à déterminer si des circonstances particulières justifieraient, comme le soutient l'appelant, de faire exception aux dispositions légales impératives en la matière.
Par une première branche de griefs, l'appelant considère que la prescription ne pouvait être acquise tant qu'il ne possédait pas une connaissance subjective suffisante du dommage.
Pourtant, le droit en vigueur est clair sur ce point. La prescription décennale est acquise, peu importe que le créancier ait ou non connaissance de son dommage (même évolutif) au moment où l'échéance intervient. Ainsi, en aucun cas, selon le droit suisse, le fait que le délai de prescription relatif n'ait pas encore commencé à courir ne permet de prolonger le délai de prescription absolu. L'argumentation de l'appelant ne convainc donc pas, en tant qu'elle exigerait une modification du droit en vigueur, qui est sans lacune.
Dans un second temps, l'appelant se prévaut du droit conventionnel.
Il considère ainsi que sa situation est comparable au cas de la victime de l'amiante qui a fait l'objet de l'arrêt européen HOWALD MOOR précité. Tel n'est cependant pas le cas.
S'agissant des victimes de l'amiante, il était impossible pour ces personnes de savoir qu'elles souffraient d'un quelconque problème physique jusqu'à ce que se développe, très tardivement dans leur vie, un cancer. Pour sa part, l'appelant a, dès sa naissance, présenté divers problèmes de santé. Il allègue lui-même et admet que l'existence du syndrome dû au M______ était connue avant sa naissance : il fonde d'ailleurs ses conclusions au fond sur cette prémisse. Les médecins interrogés par le Tribunal ont par ailleurs confirmé que les effets tératogènes du M______ étaient connus depuis longtemps. Dès la naissance et l'observation des premiers troubles de l'enfant, les médecins ont ainsi envisagé la possibilité d'une influence d'un médicament pris par la mère, ciblant très rapidement le rôle possible du M______ et enchaînant les investigations en lien avec cette molécule. Selon le spécialiste interrogé par le Tribunal, il était objectivement possible de poser un diagnostic après le résultat des analyses génétiques en 2004.
Il s'ensuit qu'il ne peut être retenu, comme dans le cas des victimes de l'amiante, qu'il était scientifiquement impossible à l'appelant d'attribuer, avant l'échéance de la prescription, ses troubles au médicament pris par sa mère durant la grossesse.
L'appelant soutient que ce ne serait qu'en 2016 que ses parents auraient fait ce lien, cela en raison d'une sensibilisation de l'opinion publique. Cela ne revient cependant ni à alléguer, ni à prouver que la science aurait évolué entre sa naissance et 2016 au point qu'il était impossible d'agir avant l'échéance du délai de prescription.
La prise de conscience des parents d'une éventuelle responsabilité des intimés, puis leur décision d'agir en réparation, doit ainsi être distinguée de la possibilité, subjective et objective, de le faire.
Force est de constater que les parents, informés au moins en 2003 de l'influence du médicament pris par la mère sur l'état de santé de l'enfant, possédaient les informations nécessaires pour agir antérieurement à l'échéance de la prescription. Le fait qu'ils n'aient alors pas pu ou su entendre le diagnostic posé par les médecins ni envisagé de rechercher des responsables éventuels de cette situation, n'est pas pertinent pour l'issue de la présente procédure. Comme l'a souligné un des médecins entendus par le Tribunal, le but du suivi de l'enfant était de soulager la famille et d'améliorer les conditions de vie de l'enfant. Par ailleurs, l'évolution de l'état de santé de l'enfant n'est pas telle qu'elle aurait empêché de se faire une idée même approximative du dommage subi. Au demeurant, à suivre les arguments de l'appelant, son état de santé ne serait pas encore stabilisé à ce jour, alors qu'il a pourtant lui-même considéré détenir suffisamment d'éléments pour former une demande en justice en 2016.
Les faits constatés montrent plutôt que les parents ont alors décidé d'agir, non pas tant en raison de la prise de connaissance d'éléments liés à la santé de leur enfant (notamment la stabilisation de son état de santé), ni en raison de connaissances scientifiques nouvelles, mais parce qu'ils avaient à ce moment-là réalisé l'ampleur du nombre d'enfants potentiellement concernés par cette situation et avaient appris l'existence d'associations regroupant ceux qui avaient l'intention d'actionner ceux qu'ils considéraient responsables. Il s'ensuit que possédant les éléments nécessaires pour former une action à temps, ils n'ont pas d'eux-mêmes entamé cette démarche alors qu'il n'existait pas d'obstacles légaux qui les auraient empêchés d'agir.
Par conséquent, l'application des dispositions de droit suisse sur la prescription ne conduit pas à faire obstacle de manière systématique et insurmontable à ce que l'appelant, ou toute personne placée dans sa situation, puisse faire valoir ses prétentions. A supposer que le médicament en cause soit causal dans l'état de santé de l'appelant, il était possible dès 2004 au plus tard de constater ce lien. La possibilité d'agir en justice dans le délai absolu de dix ans était ainsi préservée.
Au vu de ce qui précède, l'appelant n'a pas été privé de son droit d'accès à la justice par l'application du droit suisse en vigueur.
4. L'appelant se prévaut de la prescription pénale plus longue.
4.1
4.1.1 A teneur de l'art. 60 al. 2 CO, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, si le fait dommageable résulte d'un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l'action pénale ne court plus parce qu'un jugement de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement.
Jusqu'au 31 décembre 2019, le texte de cette disposition était : "Toutefois, si les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile."
4.1.2 Pour que le délai de droit pénal plus long s'applique, il faut que l'auteur du dommage ait réalisé les éléments constitutifs subjectifs et objectifs d'une infraction, sans qu'il soit nécessaire que l'auteur ait été ou puisse être puni (ATF 136 III 502 consid. 6.3.1-2; 112 II 79 consid. 4a). En outre, si le tribunal pénal n'a pas statué au moment de l'introduction de l'action civile, le tribunal civil tranche à titre préjudiciel la question de savoir si le comportement visé est constitutif ou non d'une infraction pénale (ATF 122 III 225 consid. 4).
4.1.3 Le titre premier de la partie spéciale du Code pénal traite des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle. S'agissant plus précisément des infractions contre la vie, le code distingue, sous chiffre 1, l'homicide (art. 111 à 117 CP) et, sous chiffre 2, l'avortement (art. 118 à 121 CP). Selon la jurisprudence, cette dualité montre que le droit pénal protège la vie d'une part pendant la grossesse, par les dispositions sur l'avortement, et d'autre part dès la naissance, par les dispositions réprimant l'homicide. Il résulte de l'art. 116 CP qu'un homicide peut déjà être commis pendant l'accouchement (ATF 119 IV 207 consid. 2a). Ainsi, il ne peut y avoir qu'avortement avant l'accouchement et l'avortement par négligence n'est pas punissable. Pour qu'un homicide soit concevable, il faut que l'accouchement ait commencé. La protection de la vie en droit pénal n'est donc pas calquée sur les notions du droit civil (ATF 119 IV 207 consid. 2b).
La doctrine majoritaire partage cette opinion : il faut distinguer la vie embryonnaire qui s'étend de la nidation de l'ovule fécondé aux premières douleurs de l'accouchement (protégée par les art. 118 à 120 CP) à la vie réalisée et autonome (protégée par les art. 111 à 117 CP), distinction différente du droit civil (Hurtado Pozo, Commentaire Romand - CP II, 2017, n. 3 ad intro. aux art. 111 à 117 CP). Il est ainsi retenu, toujours par la doctrine majoritaire et en concordance avec la jurisprudence, que les actes commis antérieurement à la naissance au préjudice de l'embryon ou du fœtus, de même que les omissions coupables d'un garant, qui conduisent à la mort après le début de la naissance (ou à des lésions corporelles) doivent être examinés selon que l'objet de l'atteinte était, au moment de la commission de l'acte, encore un embryon ou déjà une vie réalisée au sens du droit pénal. La protection du premier est fragmentaire et limitée à sa destruction intentionnelle, de sorte qu'un comportement que le droit pénal tolère à l'égard d'un embryon ne peut pas être déclaré ultérieurement comme pénalement relevant lorsque le statut vital change. Ainsi, la situation où le fœtus vit peu de temps après avoir été séparé du corps de sa mère relève de l'interruption de grossesse. Il en va de même si des comportements lèsent le fœtus, mais que la mort n'intervient que bien plus tard après la naissance (irradiation, médicaments, consommation de drogue) : seule est envisageable l'application des art. 118 et suivants CP (Schwarzenegger/Stössel, Basler Kommentar - Strafrecht I, 4ème éd. 2018, n. 31 ad Intro. à l'art. 111 CP).
Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que le fait de frapper une femme enceinte dans le bas-ventre, occasionnant la perte de l'enfant, était constitutif de lésions corporelles commises au préjudice de celle-ci, mais non de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 6P.4/2004 du 27 avril 2004 consid. 5).
L'art. 122 CP énonce : "Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement : blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger (let. a); mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente (let. b); fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (let. c)." L'objet de la protection fournie par cette norme est l'intégrité corporelle de l'être humain. Cette protection s'étend, à l'instar de ce qui a déjà relevé plus haut, de la naissance à la mort (Roth / Berkenmeier, Basler Kommentar - Strafrecht I, 4ème éd. 2018, n. 6 ad Intro. à l'art. 122 CP). Ainsi, le fœtus n'est protégé, par le truchement des art. 118 et suivants CP, que contre une atteinte à sa vie, mais non contre des lésions corporelles. Par exemple, un enfant né avec des mutilations ou des déformations consécutives à un avortement raté n'est pas appréhendé par le droit pénal (Ibid., n. 7 ad Intro. à l'art. 122 CP). Il en va de même lors de l'ingestion d'un médicament par la mère qui impacte l'état de santé du fœtus, la doctrine citant le THALIDOMIDE, soit un anti-émetique aux effets tératogènes (Perrenoud, La protection de la maternité, 2015, p. 17).
La CourEDH a jugé, dans une affaire concernant une interruption de grossesse déclenchée involontairement par un médecin, que le point de départ du droit à la vie relève de la marge d'appréciation des Etats, en particulier lorsqu'il n'existe pas de consensus au sein de la majorité desdits Etats et lorsque cette question donne lieu à débats au sein des Etats eux-mêmes. Il s'ensuivait que l'art. 2 CEDH (qui protège le droit à la vie) n'imposait pas l'obligation d'instaurer un mécanisme de répression pénale lors d'atteinte involontaire au droit à la vie ou à l'intégrité physique, d'un fœtus en l'occurrence. Un recours aux autorités civiles apparaissait suffisant, même si la prescription s'opposait éventuellement à un tel recours, comme c'était le cas en l'espèce (CourEDH, arrêt Vo c. France du 8 juillet 2004, n. 74 et suivantes).
4.2. En l'espèce, l'appelant soutient que la prescription plus longue du droit pénal serait applicable, de sorte que sa prétention ne serait pas prescrite en dépit de l'échéance des délais de prescription résultant du droit civil. En effet, selon lui, les comportements imputés aux intimés seraient constitutifs de lésions corporelles graves commises par dol éventuel.
Le Tribunal a rejeté cette argumentation en soulignant que les comportements reprochés avaient eu lieu avant le déclenchement de l'accouchement. Par conséquent, ils échappaient au droit pénal.
Ce raisonnement est correct.
Le fait que l'art. 122 CP soit, comme l'invoque l'appelant, une infraction de résultat, ne change rien à cela. En effet, la mère de l'appelant était enceinte de celui-ci lorsqu'elle a pris le médicament incriminé. Il s'ensuit que les effets du médicament se sont produits alors que l'appelant n'était pas encore "en vie" au sens du droit pénal suisse. Le fait que des malformations n'aient, par hypothèse, pas été détectées avant la naissance n'est pas déterminant. Il n'est d'ailleurs pas soutenu que c'est le processus de la naissance ou des complications survenus durant celle-ci qui auraient causé les problèmes de santé de l'appelant, mais l'exposition in utero aux effets d'un médicament. Il s'ensuit que c'est le fœtus qui a été potentiellement touché par les comportements reprochés par l'appelant.
L'appelant ne convainc donc pas lorsqu'il prétend que, dans un tel cas de figure, seul l'enfant déjà né et présentant donc des problèmes de santé est la victime de lésions corporelles graves. Le droit pénal suisse n'offre pas de protection au fœtus, même lorsqu'il naît ensuite et porte les stigmates de substances absorbées pendant la grossesse par sa mère.
Ni la mère, ni l'enfant né ne sont pénalement les victimes des actes reprochés. Il s'ensuit que la seule protection offerte serait celle des art. 118 et suivants CP (interruption de grossesse) qui n'entrent manifestement pas en considération, puisque le médicament incriminé n'a eu aucune incidence sur le déroulement de la grossesse, pour le moins sur sa durée. Ainsi, il manque, pour appliquer l'art. 122 CP qui réprime les lésions corporelles, une personne vivante victime de celles-ci. Les faits reprochés ne sont donc pas pénalement relevants.
Il s'ensuit que la prescription pénale, par hypothèse, plus longue n'entre pas en considération.
Le résultat n'apparaît pas choquant dans la mesure où une protection pénale ne serait pas nécessaire sous l'angle du droit à la vie, puisque, comme il a été vu, la voie civile aurait pu permettre à l'appelant d'obtenir réparation. Que cette réparation ne lui soit en l'espèce pas offerte en raison de l'écoulement du délai de prescription du droit civil n'emporte pas non plus une atteinte excessive à ses intérêts dignes de protection.
Par conséquent, les griefs de l'appelant seront rejetés sur ce point encore.
5. Au vu de l'issue de la cause, les conclusions préalables des intimés en lien avec des questions d'administration des preuves en première instance, plus particulièrement les auditions de témoins, n'ont pas à être tranchés.
6. Le jugement entrepris sera donc confirmé.
7. 7.1 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 5'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), compte tenu de la valeur litigieuse et des circonstances particulières du cas d'espèce (art. 19 al. 5 in fine LaCC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 et 106 CPC).
Celui-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 CPC), qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 al. 1 CPC).
7.2 Il se justifie de ne pas allouer de dépens d'appel, compte de la situation personnelle de l'appelant, jeune majeur lourdement atteint dans sa santé, opposé à un ancien médecin et à une entreprise pharmaceutique (art. 107 al. 1 let. f CPC et 23 al. 1 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 12 janvier 2023 contre le jugement JTPI/13426/2022 rendu le 25 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26047/2016.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous la réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.