Décisions | Chambre civile
ACJC/1338/2024 du 28.10.2024 sur JTPI/12169/2024 ( SDF )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/9127/2022 ACJC/1338/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 28 OCTOBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 octobre 2024, représenté par Me Marie BERGER , avocate, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, case postale, 1211 Genève 4.
et
Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Camille LA SPADA-ODIER, avocate, Odier Halpérin & Associés Sàrl, boulevard des Philosophes 15, case postale 427, 1211 Genève 4,
Les mineurs C______, D______ et E______, domiciliés ______, intimés, représentés par Me Dominique BAVAREL, avocat, Collectif de défense, Boulevard St-Georges 72, 1205 Genève.
Vu, EN FAIT, le jugement JTPI/12169/2024 du 7 octobre 2024, par lequel le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l’union conjugale, a donné acte aux époux B______ et A______ de ce qu’ils se sont séparés en mai 2022 (chiffre 1 du dispositif) ; que le Tribunal a notamment : condamné l’époux à verser à l’épouse, à titre de contribution à son entretien, les montants mensuels de 850 fr. pour les mois de juin et juillet 2022, 2'800 fr. d’août 2022 à mi-juin 2024 et 4'100 fr. entre mi-juin 2024 et fin décembre 2024 (ch. 15), dit que, dès le 1er janvier 2025, aucune contribution d’entretien n’est due par l’époux pour l’entretien de l’épouse (ch. 16), dit que, dès le 1er janvier 2025, A______ continuera à prendre en charge tous les frais ordinaires des enfants (vêtements, primes d’assurance-maladie, frais médicaux non couverts, accueil parascolaire, restaurant scolaire, frais de loisirs etc.) (ch. 17) et condamné A______ à payer à B______, dès le 1er janvier 2025, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, la somme globale de 600 fr., à titre de contribution à l’entretien des enfants (ch. 18) ; le Tribunal a enfin arrêté les frais judiciaires à 57'755 fr. 80, comprenant les frais de représentation des enfants en 28'366 fr. 65, les a partiellement compensés avec les avances effectuées par A______, les a répartis à raison de la moitié, soit 28'877 fr. 90, à la charge de chaque époux, condamné A______ à payer à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, le montant de 11'633 fr. 35, la part de B______ restant provisoirement à la charge de l’Etat de Genève, en raison de l’assistance juridique dont elle bénéficie, sous réserve de décisions fondées sur l’art. 123 CPC (ch. 20), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 22) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 23) ;
Que s’agissant de la situation financière des époux, le Tribunal a retenu, en substance, que B______ avait cessé son activité d’éducatrice en crèche en 2019, avec l’accord de son époux ; qu’un revenu hypothétique lui a été imputé à compter du 1er janvier 2025 ; que le premier juge a retenu, pour A______, un revenu variant entre 13'433 fr., 14'072 fr. et 14'712 fr., en fonction des périodes ;
Vu l’appel formé le 18 octobre 2024 par A______ contre ce jugement, concluant, sur le fond, à l’annulation des chiffres 15 à 18, 20, 22 et 23 du dispositif ; que l’appelant a par ailleurs et notamment conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’il prendra en charge la totalité des frais fixes des enfants C______, D______ et E______, soit les primes d’assurance maladie, les frais médicaux non couverts, les frais de restaurant scolaire, de parascolaire, les éventuels abonnements TPG et les activités extrascolaires ayant fait l’objet d’un accord préalable écrit entre les parents, les frais extraordinaires devant être assumés par moitié par chaque parent, moyennant accord préalable écrit entre eux ; que l’appelant a également conclu à ce que les allocations familiales et/ou d’études lui soient versées et à ce qu’il soit dit qu’aucune contribution d’entretien entre époux n’était due, avec suite de frais à la charge de sa partie adverse ;
Que préalablement, l’appelant a conclu à ce que la suspension de l’effet exécutoire soit ordonnée s’agissant des chiffres 15, 18 et 20 du dispositif du jugement attaqué ;
Qu’il a allégué que dès le mois de septembre 2024, son salaire allait diminuer, dans la mesure où il recevrait moins de bonus ; qu’il a également contesté ses charges, ainsi que celles des enfants, selon lui supérieures à ce qu’avait retenu le Tribunal ; qu’en revanche, les charges de B______ avaient été surestimées par le premier juge ;
Que s’agissant de l’effet suspensif, l’appelant a allégué que le jugement attaqué le condamnait à verser un arriéré de contributions d’entretien supérieur à 82'000 fr., somme dont il ne disposait pas ; que par ailleurs et depuis le mois de septembre 2024, son solde disponible n’était plus que de 3'900 fr., de sorte qu’il ne pouvait verser une contribution de 4'100 fr. en faveur de son épouse, sans porter atteinte à son minimum vital et à celui des enfants ; qu’il existait en outre un risque, s’il devait obtenir gain de cause sur le fond, que l’intimée ne soit pas en mesure de lui rembourser le trop-perçu, celle-ci ayant bénéficié de prestations de l’Hospice général ;
Que B______ a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ;
Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC), telles les mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 134 III 667 consid. 1.1);
Que toutefois, l'exécution des mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC);
Que saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité cantonale d'appel doit procéder à une pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);
Que concernant le paiement d'une somme d'argent, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il appartient à la partie recourante de démontrer qu'à défaut d'effet suspensif, elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1);
Que le Tribunal fédéral accorde généralement l'effet suspensif pour le paiement des arriérés de pensions (arrêts du Tribunal fédéral 5A_954/2012 du 30 janvier 2013 consid. 4; 5A_783/2010 du 8 avril 2011, let. D);
Que l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_941/2018 du 23 janvier 2019 consid. 5.3.2);
Qu'en l'espèce, l'atteinte portée au minimum vital de l'appelant, compte tenu des contributions d'entretien fixées par le Tribunal, n'est pas d'emblée évidente, étant relevé que les griefs qu’il a formulés concernant ses revenus, ceux de sa partie adverse et les charges des différents membres de la famille, feront l’objet d’un examen détaillé dans le cadre de l’arrêt au fond ;
Que par conséquent, la suspension de l'effet exécutoire ne saurait être accordée s'agissant des contributions d'entretien courantes, correspondant à celles dues à compter du prononcé du jugement attaqué, soit, par mesure de simplification, dès le 1er octobre 2024;
Qu'en revanche, le paiement de l'arriéré de contributions d'entretien, qui représente un montant non négligeable, est destiné à couvrir les besoins de l’intimée pour des périodes échues ;
Que dès lors, la requête d'effet suspensif sera admise en tant qu'elle porte sur le paiement des arriérés de contributions d'entretien dues pour la période allant du mois de juin 2022 jusqu’au 30 septembre 2024 ;
Que la requête d’effet suspensif, en tant qu’elle concerne le chiffre 15 du dispositif du jugement attaqué sera admise dans cette mesure ; qu’elle sera rejetée en ce qui concerne le chiffre 18 du dispositif ;
Que l’appelant n’a pas rendu suffisamment vraisemblable qu’il ne parviendrait pas à récupérer l’éventuel trop versé, étant relevé qu’un revenu a été imputé à l’intimée, laquelle ne sera par conséquent plus à la charge de l’Hospice général ;
Que l’appelant n’ayant pas motivé sa requête d’effet suspensif relativement au chiffre 20 du dispositif du jugement attaqué, il n’y sera pas donné suite ;
Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris:
Suspend le caractère exécutoire attaché au chiffre 15 du dispositif du jugement JTPI/12169/2024 rendu le 7 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9127/2022, en tant qu'il porte sur les contributions d'entretien dues pour la période allant de juin 2022 au 30 septembre 2024.
Rejette la requête pour le surplus.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.
Siégeant :
Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.