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Décisions | Chambre civile

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C/25264/2023

ACJC/1295/2024 du 17.10.2024 sur JTPI/7474/2024 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25264/2023 ACJC/1295/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 17 OCTOBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2024, représenté par Me Bibiane CAPELA ABD ALLA, avocate, CANONICA & ASSOCIES, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Véra COIGNARD-DRAI, avocate, rue De-Grenus 10, case postale 1270,
1211 Genève 1.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/7474/2024 du 17 juin 2024, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale par voie de procédure sommaire, a donné acte aux époux B______ et A______ de leur volonté de mettre un terme à leur vie commune (chiffre 1 du dispositif), a attribué à A______ la garde des enfants C______, D______ et E______ (ch. 2), a réservé à B______ un droit de visite sur les enfants (dont les modalités - plus restreintes s'agissant de C______ - ont été précisées; ch. 3), a instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, confiant le pouvoir au curateur d'élargir progressivement le droit de visite de la mère sur C______, et transmis le jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour désignation d'un curateur (ch. 4), a donné acte aux parents de leur engagement à entreprendre un travail de coparentalité (ch. 5), a attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 6) et a imparti un délai au 31 juillet 2024 à B______ pour quitter le logement (ch. 7) en autorisant A______ à faire appel à la force publique dans l'hypothèse où B______ ne quitterait pas le domicile dans le délai imparti (ch. 8).

Sur le plan financier, le Tribunal a condamné B______ à verser à A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de C______, de D______ et de E______, 1'500 fr. dès le 1er août 2024 et 1'700 fr. dès le 1er novembre 2024 (ch. 9), a dit que les allocations familiales étaient dues à A______ (ch. 10) et qu'aucune contribution entre époux n'était due (ch. 11) et a débouté B______ de ses conclusions visant à l'octroi d'une provisio ad litem (ch. 12).

Ces mesures ont été prononcées pour une durée indéterminée (ch. 13).

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., ont été répartis à raison de la moitié à la charge de chacun des époux, soit pour eux l'Etat de Genève, compte tenu de l'assistance juridique accordée à tous les deux et il n'a pas été alloué de dépens (ch. 14). Enfin, les parties ont été condamnées à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 15) et ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 16).

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 28 juin 2024, A______ a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation du chiffre 9 de son dispositif.

Il a conclu, sous suite de frais, à la condamnation d'B______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien globale pour les enfants C______, D______ et E______, de 1'500 fr. dès le 1er août 2024 et de 2'260 fr. dès le 1er novembre 2024 et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

Il a produit plusieurs pièces nouvelles (pièces nos 42 à 44).

c. Dans son mémoire de réponse expédié au greffe de la Cour le 18 juillet 2024, B______ a conclu, sous suite de dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a produit plusieurs pièces nouvelles (pièces nos 1 à 4).

d. A______ a spontanément répliqué le 2 août 2024. Il a, en raison de la décision du législateur genevois sur la gratuité des transports publics genevois pour les mineurs à compter du 1er janvier 2025, modifié ses prétentions relatives à l'entretien des enfants, sollicitant le versement d'une contribution globale de 1'500 fr. par mois dès le 1er août 2024, de 2'250 fr. dès le 1er novembre 2024 puis de 2'220 fr. dès le 1er janvier 2025.

e. B______ n'a pas dupliqué.

f. Par plis séparés du 23 août 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, née le ______ 1982, et A______, né le ______ 1981, se sont mariés le ______ 2010 à F______ (Etats-Unis).

Ils sont les parents de trois enfants : C______, né le ______ 2010, D______, né le ______ 2012 et E______, née le ______ 2018.

b. Le 30 novembre 2023, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale en raison d'importantes tensions perdurant entre les époux depuis plusieurs années. Elle a notamment requis que la garde des trois enfants lui soit attribuée, qu'un droit de visite soit réservé à A______ et que des contributions à l'entretien des enfants - dont elle a précisé les montants - lui soient versées.

A______, dont les conclusions ont varié au fil de la procédure, a notamment conclu en dernier lieu à l'attribution de la garde des enfants à lui-même, à la fixation d'un droit de visite en faveur de B______ et à la condamnation de celle-ci à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, une contribution à l'entretien des enfants de 1'258 fr. 35 pour C______, de 1'275 fr. 35 pour D______ et de 1'093 fr. 50 pour E______.

c. Un rapport d'évaluation sociale a été établi le 16 mai 2024 à la demande du Tribunal recommandant l'attribution de la garde des enfants au père et la fixation d'un droit de visite en faveur de la mère.

d. La cause a été gardée à juger le 30 mai 2024.

C. La situation personnelle et financière des parties ainsi que de leurs enfants est la suivante :

a. A______ n'a pas de formation professionnelle. Il a développé, en 2021, une entreprise active dans le domaine de l'entretien et du transport de bateaux sur le lac, qu'il exploite sous la raison individuelle G______. Il a déclaré, en première instance, que cette activité lui rapportait entre 2'000 fr. et 3'000 fr. nets par mois (audience du 25 janvier 2024), respectivement 3'000 fr. nets par mois (audience du 15 février 2024).

Selon le dossier, A______ a réalisé un bénéfice net de 28'217 fr. en 2022 et de 30'611 fr. en 2023, ce qui correspond à un revenu mensuel net moyen de 2'351 fr. en 2022 et de 2'550 fr. en 2023. Il estime pouvoir réaliser un revenu mensuel net moyen de 2'800 fr. en 2024, soit 3'000 fr., dont à déduire les cotisations sociales obligatoires d'environ 200 fr. par mois.

A______ a déclaré travailler tous les jours de 8h30 à 16h30-16h45, sauf le mercredi. Il souhaite demeurer indépendant, afin de pouvoir être disponible pour les enfants.

Il est admis que ses charges mensuelles se composent du montant mensuel de base de 1'350 fr., de sa part aux frais de logement de 1'019 fr. (70% de 1'456 fr. [1'888 fr. dont à déduire une allocation de logement de 432 fr.]), de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 107 fr. 25 (377 fr. 25 – 270 fr. de subsides) et de ses frais de transports publics de 70 fr.

A______ allègue par ailleurs assumer mensuellement une prime d'assurance-ménage et responsabilité civile de 41 fr., des frais de téléphone mobile de 61 fr. 90 et de réseau fixe/internet de 55 fr. 70 ainsi que la redevance radio et télévision de 28 fr.

b. B______ a entrepris des études de médecine puis de pharmacie qu'elle n'a pas achevées. Elle a obtenu deux certificats dans le domaine de l'horlogerie, soit un premier en 2013 (posage/emboîtage) et un second en 2016 (module de base). Par le passé, elle a été employée dans la pharmacie tenue par sa mère en qualité de vendeuse puis chez H______ SA et I______ SA comme opératrice en horlogerie. En 2016, elle a été engagée à la J______, où sa sœur a une position dirigeante, en qualité d'employée polyvalente. Dans le cadre de cet emploi, elle a obtenu un diplôme d'agent en stérilisation. Son salaire mensuel net auprès de la J______ s'est élevé en 2021 à 5'365 fr. De mai 2022 à octobre 2023, elle a vécu une période de chômage avec un gain assuré de 6'083 fr. Durant cette période, elle a, certains mois, réalisé des gains intermédiaires en travaillant en qualité de réceptionniste intérimaire à l'Hôpital K______. En novembre 2023, elle a été engagée par la L______, comme assistante administrative à plein temps, pour un salaire mensuel brut de 6'000 fr., payable 13 fois par an. Le 14 février 2024, elle a été licenciée de ce poste avec effet au 31 mai 2024, en raison de restrictions budgétaires. A compter du 13 mars 2024, elle a été en incapacité totale de travail. Au mois de juin 2024, elle a perçu des indemnités pour maladie d'un montant mensuel de 3'743 fr. (4'776 fr. 05 de salaire – 1'033 fr. d'allocations familiales). Elle a indiqué qu'elle bénéficiera de prestations de l'assurance-chômage, dès la fin de son arrêt de travail. Les certificats médicaux produits attestent d'une incapacité totale de travail jusqu'au 31 juillet 2024.

Depuis son licenciement, B______ a effectué des postulations pour des emplois d'assistante administrative ou d'agent de stérilisation. Elle allègue rechercher activement un emploi.

B______ a déclaré, en première instance, dormir parfois chez sa sœur, ainsi que chez l'ami avec lequel elle avait récemment noué une relation, cette situation n'étant toutefois que provisoire. En appel, elle a allégué rechercher activement un logement de quatre pièces, mais que la recherche était difficile, en raison de la pénurie notoire de logements à Genève et du niveau des loyers, rarement inférieurs à 2'000 fr. voire 2'500 fr. par mois.

Il est admis que ses charges mensuelles se composent, outre de ses frais de logement, du montant mensuel de base de 1'200 fr., de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 345 fr. (615 fr. 30 – 270 fr. de subsides) et de ses frais de transports publics de 70 fr.

Ses frais de téléphone, internet et télévision s'élèvent en moyenne à environ 150 fr. par mois.

c. C______ bénéficie d'allocations familiales d'un montant de 311 fr. par mois.

Il est admis que ses charges mensuelles se composent du montant mensuel de base de 600 fr., de sa part aux frais de logement de son père de 145 fr. 60 (10% de 1'456 fr.) ainsi que de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 48 fr. (162 fr.
– 114 fr. de subsides) et complémentaire de 35 fr. 85.

Des frais de téléphone de 32 fr. par mois et de transports publics de 33 fr. 35 par mois sont par ailleurs allégués.

C______ a suivi des cours de natation et de ping-pong. Il souhaiterait continuer à pratiquer une activité extrascolaire.

d. D______ bénéficie d'allocations familiales d'un montant de 311 fr. par mois.

Il est admis que ses charges mensuelles se composent du montant mensuel de base de 600 fr., de sa part aux frais de logement de son père de 145 fr. 60 (10% de 1'456 fr.), de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 48 fr. (162 fr. – 114 fr. de subsides) et complémentaire de 18 fr. 65 et de ses frais de restaurant scolaire de 54 fr. Ses frais de téléphone s'élèvent à 32 fr. par mois.

Des frais de transports publics de 33 fr. 35 par mois sont par ailleurs allégués.

D______ a pratiqué différentes activités extrascolaires. Il suit désormais des cours de football pour un coût annuel de 400 fr.

e. E______ bénéficie d'allocations familiales d'un montant de 411 fr. par mois.

Il est admis que ses charges mensuelles se composent du montant mensuel de base de 400 fr., de sa part aux frais de logement de son père de 145 fr. 60 (10% de 1'456 fr.), de sa prime d'assurance-maladie obligatoire de 42 fr. 60 (156 fr. 60
– 114 fr. de subsides) et complémentaire de 43 fr. 20 et de ses frais de restaurant scolaire de 108 fr.

Des frais de transports publics de 33 fr. 35 par mois sont par ailleurs allégués.

E______ a suivi des cours multisports en 2022.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a arrêté les charges d'entretien des enfants à un montant global de 1'399 fr. par mois, allocations familiales déduites. Il a considéré que B______, désormais au chômage, devrait recevoir des indemnités de l'ordre de 4'800 fr. nets par mois. Compte tenu de ses charges mensuelles arrêtées à un montant de 3'215 fr., elle profitait d'un disponible de l'ordre de 1'500 fr. par mois, montant qu'elle devait consacrer à l'entretien de ses enfants. Le Tribunal a dès lors fixé à ce dernier montant la contribution destinée à l'entretien de C______, D______ et E______.

Il a ensuite considéré qu'un revenu hypothétique supérieur – soit de 6'000 fr. nets par mois - pouvait être imputé à B______ dès le 1er novembre 2024, celle-ci devant mettre à profit sa capacité contributive. De cette manière, la contribution d'entretien des enfants pouvait être augmentée à 1'700 fr., permettant aux enfants de profiter d'un excédent de 300 fr. par mois.

Enfin, le Tribunal, après avoir imputé à A______ un revenu hypothétique de 4'000 fr. nets par mois, a relevé que celui-ci pourrait également faire profiter les enfants d'une part de son excédent, qu'il a arrêté à 1'454 fr. par mois. Il a considéré que A______ devait "mettre en œuvre sa capacité contributive, ensuite de la séparation conjugale qui générera de nouvelles charges pour la famille" en tenant compte du fait qu'il ne travaillait pas les mercredis pour être disponible pour les enfants.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de dix jours (art. 271 let. a et 314 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC; cf. ATF 137 III 475 consid. 4.1), statuant notamment sur les contributions d'entretien dues à des enfants mineurs, seul point litigieux en appel, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions formulées à ce titre en première instance, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 et 308 al. 2 CPC).

Le mémoire de réponse à l'appel, déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 al. 1 et 314 al. 1 CPC), est également recevable. Il en va de même de la réplique spontanée de l'appelant (sur le droit à la réplique spontanée : cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références citées).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures protectrices de l'union conjugale étant ordonnées à la suite d'une procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), sa cognition est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

1.3 Le présent litige, circonscrit à la quotité des contributions dues pour l'entretien d'enfants mineurs, est soumis aux maximes inquisitoire illimitée et d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC). L'autorité de céans établit en conséquence les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties, qui ne constituent que des propositions (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2; Bastons Bulletti, Petit commentaire Code de procédure civile, 2020, n. 19 ad art. 317 CPC).

1.4 Les griefs des parties donnent le programme de l'examen de l'autorité d'appel; la décision attaquée ne doit en principe être examinée que sur les points objets d'un grief (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal 5A_673/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4).

L'intimé à l'appel est en droit, sans introduire d'appel joint, de présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (cf. à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les réf. cit.).

Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'intimée était autorisée à se prévaloir, dans ses écritures d'appel, de faits différant de ceux retenus par le premier juge qui se rapportent aux questions litigieuses ainsi qu'à critiquer les éléments financiers pris en compte pour établir sa situation financière.

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 3ème éd., 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération au stade de l'appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Cependant, lorsque le juge est saisi de questions relatives à des enfants mineurs dans les affaires de droit de la famille, les pièces et faits nouveaux sont recevables même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies du fait que la maxime inquisitoire illimitée s'applique (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, dans la mesure où il a été retenu supra (consid. 1.3) que, compte tenu de l'objet du contentieux, la maxime inquisitoire illimitée s'appliquait à la présente procédure, les pièces nouvelles produites en appel, ainsi que les allégués de fait y relatifs, sont recevables, indépendamment de la question de savoir si les conditions fixées à l'art. 317 al. 1 CPC sont réalisées.

3. L'appelant critique le montant de la contribution à l'entretien des enfants fixée par le Tribunal pour la période postérieure au 1er novembre 2024, faisant valoir que sa situation financière ainsi que les charges des enfants n'ont pas été établies correctement.

3.1 Conformément à l'art 176 al. 3 CC, si la suspension de la vie commune est fondée, le juge ordonne les mesures nécessaires pour les enfants mineurs, d'après les dispositions sur les effets de la filiation.

Selon l'art. 276 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1), ces trois éléments étant considérés comme équivalents (ATF 147 III 265 consid. 5 et les références). Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère (art. 285 al. 1 CC). Les besoins non couverts des enfants doivent être répartis entre les père et mère en fonction de leur capacité contributive respective. Le fait qu'un parent apporte déjà une part de l'entretien en nature doit être pris en considération. La fourniture de prestations en nature reste un critère essentiel dans la détermination de l'entretien de l'enfant, en particulier lorsqu'il s'agit de savoir qui doit supporter son entretien en espèces. Le parent qui ne prend pas en charge l'enfant ou qui ne s'en occupe que très partiellement doit en principe subvenir à son entretien financier (ATF 147 III 265 consid. 5.5 et 8.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_499/2023 du 26 février 2024 consid. 5.1.2). Le versement d'une contribution d'entretien en espèces suppose toutefois une capacité contributive correspondante (art. 285 al. 1 CC), ce qui est le cas lorsque les revenus du parent intéressé excèdent ses propres besoins (arrêt du Tribunal fédéral 5A_22/2023 du 6 février 2024 consid. 6.1).

3.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, dite en deux étapes, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 = SJ 2021 I 316, 147 III 293 et 147 III 301). Selon cette méthode, il convient de déterminer les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis répartir l'éventuel excédent (ATF 147 III 265 consid. 7).

Les besoins sont établis en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP, en y dérogeant s'agissant du loyer (participation de l'enfant au logement du parent gardien). Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents, les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille) : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaire, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants. Chez l'enfant, le minimum vital du droit de la famille comprend une part des impôts, une part au logement du parent gardien et les primes d'assurance complémentaire (ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1).

Lorsque les moyens de la famille permettent de couvrir le minimum vital élargi du droit de la famille, l'entretien convenable de l'enfant peut inclure une participation à l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2). Cette participation doit lui permettre de couvrir des postes de dépenses tels que les loisirs et les voyages (ATF
147 III 265 consid. 7.2).

La répartition de l'excédent se fait généralement par "grandes et petites têtes", en ce sens que chacun des parents reçoit le double de chacun des enfants mineurs; cette règle n'est cependant pas absolue et peut être relativisée selon les circonstances du cas d'espèce, ceci tant pour des motifs éducatifs que pour que la part allouée corresponde aux besoins concrets de l'enfant (ATF 149 III 441 consid. 2.6; 147 III 265 consid. 6.2-6.6 et 7.3 in fine). Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (art. 4 CC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_994/2022 du 1er décembre 2023 consid. 5.2.1; 5A_330/2022 du 27 mars 2023 consid. 4.2.3).

Les contributions d'entretien doivent être arrêtées de manière différenciée pour chaque enfant en fonction de leurs besoins concrets (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_204/2018 du 15 juin 2018 consid. 4.1; 5A_970/2017 du 7 juin 2018 consid. 3.1; 5A_65/2013 du 4 septembre 2013 consid. 7; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 6.1.1, paru in FamPra.ch 2013 p. 713; 5A_743/2012 du 6 mars 2013 consid. 6.2.2).

3.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 147 III 249 consid. 3.4.4; 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).

Lorsqu'un revenu hypothétique est imputé au débirentier ou au crédirentier, sa charge fiscale doit être estimée en fonction dudit revenu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.3.4 et les références citées).

3.4 Seules les charges effectives, à savoir celles qui sont réellement acquittées, peuvent être prises en compte pour le calcul de la contribution d'entretien (ATF 121 III 20 consid. 3a et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 6.2.3).

3.5 Un loyer hypothétique peut être pris en compte pour une durée transitoire, le temps que la partie concernée trouve un logement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2023 du 23 février 2024 consid. 4.1).

3.6 En l'espèce, l'appelant s'occupe de manière prépondérante des soins et de l'éducation des enfants, dont la garde lui a été confiée, et ne dispose pas d'une situation financière plus confortable que l'intimée, même en admettant, à l'instar du premier juge, qu'un revenu hypothétique de 4'000 fr. devrait lui être imputé.

Ainsi, comme le relève à juste titre l'appelant, il se justifie, eu égard au principe de l'équivalence des prestations en argent et en nature, de faire supporter à l'intimée, dans la mesure de sa capacité financière, l'intégralité du coût d'entretien des enfants.

3.6.1 L'appelant, qui allègue un revenu net de 2'800 fr. par mois et des charges mensuelles de 2'732 fr. 85, admet être en mesure de faire face par lui-même à ses besoins. Sa situation financière n'apparaît en conséquence pas pertinente pour déterminer la contribution due à l'entretien des enfants. Les griefs qu'il soulève relativement aux éléments financiers retenus dans son budget par le premier juge ne seront ainsi pas traités.

Seule la situation financière de l'intimée et des enfants fera l'objet d'un nouvel examen, sur la base des critiques formulées. Cet examen portera uniquement sur la période postérieure au 1er novembre 2024, dès lors que la contribution à l'entretien des enfants fixée pour la période du 1er août au 31 octobre 2024 n'est pas remise en cause. La condamnation de l'intimée à verser à l'appelant, pour la période du 1er août au 31 octobre 2024, une contribution à l'entretien des enfants d'un montant global de 1'500 fr. par mois, allocations familiales non comprises, sera ainsi confirmée.

3.6.2 Aucune des parties ne conteste la décision du premier juge d'imputer un revenu hypothétique de 6'000 fr. par mois à l'intimée à compter du 1er novembre 2024. Si l'intimée a produit plusieurs certificats médicaux attestant d'une incapacité totale de travail entre le 13 mars et le 31 juillet 2024, elle ne soutient pas que cette incapacité serait amenée à perdurer, alléguant au contraire rechercher activement du travail.

Le premier juge a tenu compte, dans les charges de l'intimée, d'un loyer hypothétique de 1'600 fr. par mois pour un logement de quatre pièces. Celle-ci soutient que ce montant se situe au-dessous des prix du marché, le loyer pour un appartement de quatre pièces n'étant généralement pas inférieur à 2'000 fr., voire 2'500 fr. par mois. Selon le calculateur de loyer fondé sur les statistiques cantonales, disponible sur le site de la République et Canton de Genève, le loyer mensuel moyen d'un appartement de quatre pièces situé à M______ s'élève à 1'428 fr., charges non comprises. L'estimation effectuée par le premier juge n'apparaît ainsi pas infondée et peut être confirmée.

Comme le relève à juste titre l'appelant, les charges de la famille peuvent, dès le 1er novembre 2024, être calculées selon le minimum vital élargi du droit de la famille, au vu du revenu hypothétique imputé à l'intimée. Il y a ainsi lieu de tenir compte des frais de téléphone, internet et télévision de l'intimée, qui s'élèvent, à teneur du dossier, à environ 150 fr. par mois.

Les autres charges de l'intimée retenues par le premier juge, soit 1'200 fr. de montant mensuel de base, 345 fr. de prime d'assurance-maladie obligatoire et 70 fr. de frais de transports publics, n'étant pas contestées, elles seront confirmées.

Les charges mensuelles de l'intimée seront en conséquence arrêtées à 3'365 fr. à compter du 1er novembre 2024, ce qui lui laisse un solde disponible de 2'635 fr. par mois (6'000 fr. de revenus - 3'365 fr. de charges).

Reste à établir le budget des enfants. La contribution à leur entretien devant, selon la jurisprudence, être fixée séparément pour chacun d'eux, leurs besoins seront arrêtés de manière distincte.

3.6.3 Il n'est pas contesté que les charges des enfants comprennent leur montant mensuel de base de 600 fr. pour C______ et D______ et de 400 fr. pour E______, leur part aux frais de logement de 145 fr. 60 pour chacun d'eux, leurs primes d'assurance-maladie obligatoire et complémentaire de 83 fr. 85 pour C______, de 66 fr. 65 pour D______ et de 85 fr. 80 pour E______, et leurs frais de restaurant scolaire de 54 fr. pour D______ et de 108 fr. pour E______. En outre, dans la mesure où la situation financière familiale le permet, les frais de téléphone des deux aînés seront pris en compte. Le montant allégué à ce titre, soit 32 fr. par mois, n'étant pas contesté, il sera retenu.

En revanche, il ne se justifie pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, de comptabiliser des frais de transports publics dès lors que le caractère effectif de cette charge n'a pas été démontré. Les parties s'accordent au demeurant sur le fait que les enfants n'encourront plus de frais de transports publics dès le 1er janvier 2025, compte tenu de la gratuité des abonnements TPG votée par le législateur genevois pour les jeunes de moins de 18 ans, voire de moins de 25 ans.

Le coût d'entretien des enfants pour la période postérieure au 1er novembre 2024 sera en conséquence fixé, montant arrondis, à 550 fr. pour C______ (861 fr. 45 de charges - 311 fr. d'allocations familiales), à 587 fr. pour D______ (898 fr. 25 de charges – 311 fr. d'allocations familiales) et à 328 fr. pour E______ (739 fr. 40
– 411 fr. d'allocations familiales).

3.7 Après couverture du coût d'entretien des enfants, l'intimée bénéficie encore d'un solde disponible de 1'170 fr. par mois (2'635 fr. de solde disponible
– 1'465 fr. de coût d'entretien des mineurs). Le premier juge a toutefois omis de comptabiliser les impôts dont l'intimée devra s'acquitter sur la base du revenu hypothétique qui lui a été imputé. Ce poste peut être estimé, au moyen de la calculette disponible sur le site Internet de l'Administration fiscale genevoise, à 500 fr. par mois, ce qui réduit le solde disponible de l'intimée à 670 fr. par mois. Cette estimation tient compte de son statut de conjoint séparé, du revenu hypothétique imputé, des contributions fixées et des déductions usuelles.

Les parties étant mariées, les enfants peuvent en principe, en application de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent préconisée par le Tribunal fédéral, prétendre à un septième de l'excédent de leur mère, ce qui représente une somme mensuelle de 95 fr. (670 fr. : 7). Cette somme, qui leur permettra de continuer à pratiquer des activités extrascolaires, apparaît adéquate.

Au vu de ce qui précède, les contributions dues par l'intimée pour l'entretien des enfants seront fixées, à compter du 1er novembre 2024, à 665 fr. par mois pour chacun des aînés et à 425 fr. par mois pour la cadette.

Le chiffre 9 du dispositif du jugement entrepris sera modifié dans ce sens.

4. 4.1 Lorsque la Cour de céans statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le Tribunal de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Le premier juge a mis les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à la charge des parties pour moitié chacune et n'a pas alloué de dépens.

Compte tenu de l'issue ainsi que de la nature du litige, une modification de la décision déférée sur ces points ne s'impose pas (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 31 et 37 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune, au vu de l'issue et de la nature familiale du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, la part des frais leur incombant sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b CPC), qui pourra en demander le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 al. 1 CPC.

Pour les mêmes motifs, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d'appel (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7474/2024 rendu le 17 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25264/2023-21.

Au fond :

Annule le chiffre 9 du dispositif du jugement entrepris et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à payer à A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, entre le 1er août et le 31 octobre 2024, une contribution d'entretien globale de 1'500 fr. par mois en faveur des enfants C______, D______ et E______.

Condamne B______ à payer à A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à compter du 1er novembre 2024, une contribution à l'entretien de chacun des enfants de 665 fr. en faveur de C______ et D______ et de 425 fr. en faveur de E______.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr. et les met à la charge des parties par moitié chacune.

Laisse provisoirement la part des frais judiciaires d'appel de A______ et de B______ à la charge de l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.