Décisions | Chambre civile
ACJC/1052/2024 du 27.08.2024 sur JTPI/13320/2023 ( OO ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/25928/2022 ACJC/1052/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 27 AOÛT 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Maroc, appelant d’un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 novembre 2023, représenté par Me Madjid LAVASSANI, avocat, rue Marignac 9, case postale 324, 1211 Genève 12,
et
Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Marco ROSSI, avocat, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.
A. Par jugement JTPI/13320/2023 du 16 novembre 2023, reçu le 21 du même mois par A______, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des parties (chiffre 1 du dispositif), attribué à B______ l’autorité parentale exclusive sur les enfants C______ et D______ (ch. 2), attribué leur garde à B______ (ch. 3), dit que le droit aux relations personnelles de A______ sur les enfants s’exercerait de manière progressive, à partir du moment où A______ aurait accepté le principe de l’intervention d’un tiers, dit que le droit aux relations personnelles de ce dernier s’exercerait [tous les deux mois] tout d’abord à raison de deux heures au Point Rencontre ou en un autre lieu médiatisé agréé par le curateur des relations personnelles, puis à raison de quatre heures avec passage par le Point Rencontre ou autre lieu médiatisé, puis à raison d’une journée avec passage par le Point Rencontre ou autre lieu médiatisé (ch. 4) et maintenu la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles précédemment ordonnée (ch. 5).
Il a condamné A______ à payer à B______, par mois et d’avance, allocations familiales et d’études non comprises, à titre de contribution à l’entretien des enfants C______ et D______, le montant de 100 fr. par enfant (ch. 6).
Il a attribué à B______ la bonification pour tâches éducatives selon la LAVS (ch. 7), donné acte aux parties qu’elles avaient liquidé à l’amiable leur régime matrimonial et qu’elles n’avaient plus aucune prétention à faire valoir de ce chef (ch. 8), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis rue 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE], avec les droits et obligations en découlant (ch. 9), constaté qu’il n’existait pas d’avoirs de prévoyance professionnelle acquis au cours du mariage (ch. 10) et donné acte aux parties de leur renonciation réciproque à toute contribution d’entretien post-divorce (ch. 11).
Il a arrêté les frais judiciaires à 1’000 fr. et mis ces derniers pour moitié à charge de chaque partie, soit pour elles deux provisoirement l’Etat de Genève, en raison de l’assistance juridique dont elles bénéficiaient (ch. 12). Il a dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 13) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 14).
B. a. Par acte expédié le 8 janvier 2024 à la Cour de justice, A______ a appelé des chiffres 2 et 6 du dispositif de ce jugement, dont il a sollicité l’annulation, avec suite de frais et dépens. Il a conclu, cela fait, à ce que la Cour lui attribue, conjointement avec B______, l’autorité parentale sur les enfants C______ et D______ et à ce qu’elle constate qu’il ne doit aucune contribution à leur entretien.
Il a produit des pièces nouvelles.
b. B______ a conclu à la confirmation du jugement, sous suite de frais et dépens.
c. Dans leur réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
d. Par avis du 13 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
e. Le 2 juillet 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) a fait suivre à la Cour un courrier daté du 24 juin 2024, qu'il avait reçu du SPMi (curateurs des enfants, en charge de l’organisation des relations personnelles) requérant la relève de son mandat.
f. Le 18 août 2024, le conseil de A______ a communiqué à la Cour un courrier qu'il avait adressé le 16 du même mois au TPAE, exposant que son mandant s'opposait à la demande de relève du SPMi. Dit courrier était accompagné d'un e-mail de A______ adressé le 15 août 2024 à la curatrice, informant cette dernière de sa présence à Genève début septembre 2024 et de sa volonté de reprendre son droit de visite aussitôt, et affirmant par erreur avoir compris que depuis la procédure d'appel, il n'était pas fondé à demander de voir ses enfants.
B______, à laquelle ce courrier a été transmis, n'a pas fait part de déterminations.
C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. B______, née le ______ 1987 à F______ (Maroc), citoyenne marocaine, et A______, né le ______ 1981 à F______ (Maroc), de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 2017 à F______ (Maroc), sans conclure de contrat de mariage.
Ils sont les parents de C______, née le ______ 2018 à F______ (Maroc), et de D______, né le ______ 2019 à Genève.
A______ est également le père de G______ et H______, nés respectivement en 2006 et 2008 d’un précédent mariage. Tous deux vivent en Suisse avec leur mère.
A la fin de l’année 2018, les époux ont quitté le Maroc pour venir vivre en Suisse.
b. La vie commune a pris fin le 29 octobre 2019. Suite à des violences conjugales commises par A______, pour lesquelles ce dernier a été condamné par les autorités pénales, B______ a quitté le domicile conjugal avec les enfants et est allée vivre en foyer.
c. Par jugement JTPI/7474/2020 du 16 juin 2020, statuant sur mesures protectrices de l’union conjugale, le Tribunal a donné acte aux époux de ce qu’ils s’étaient séparés le 29 octobre 2019 (ch. 1), maintenu leur autorité parentale conjointe sur les enfants C______ et D______ (ch. 2), attribué la garde de ces derniers à B______ (ch. 3), réservé à A______ un droit aux relations personnelles sur les enfants devant s’exercer d’accord entre les parties et, à défaut d’accord, pendant trois mois à raison d’une demi-journée par semaine avec passage au Point Rencontre, puis au-delà de trois mois à raison d’une journée par semaine avec passage au Point Rencontre (ch. 4). La curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles instaurée sur mesures provisionnelles le 3 décembre 2019 a été maintenue (ch. 5). La jouissance exclusive du domicile conjugal sis à E______ a été attribuée à B______ et un délai au 30 septembre 2020 a été imparti à A______ pour qu’il le quitte (ch. 6). Le Tribunal a fait interdiction à ce dernier d’approcher B______ à moins de 100 mètres et de la contacter par quelque moyen que ce soit, sous réserve du cas de l’exercice du droit de visite (ch. 7). Il a dit qu’en l’état, aucune contribution d’entretien n’était due par A______ pour l’entretien des enfants C______ et D______ (ch. 8).
Il a renoncé en l’état à imputer à A______ un revenu hypothétique, relevant que celui-ci devrait, à court terme, mettre son expérience professionnelle à profit afin de contribuer à l’entretien de ses enfants.
d. Fin septembre 2020, A______, sans emploi et sans logement, a quitté la Suisse pour s’établir au Maroc.
Jusqu’à ce départ, l’exercice de son droit de visite s’est déroulé de façon régulière.
e. Entre novembre et décembre 2020, A______ a écrit à trois reprises au TPAE pour solliciter une rencontre avec ses enfants, en prévision de ses séjours à Genève.
f. A la requête de A______, le Tribunal, par jugement sur nouvelles mesures protectrices de l'union conjugale JTPI/1772/2021 du 9 février 2021, a modifié le ch. 4 du dispositif du jugement du 16 juin 2020, réservant au précité un droit aux relations personnelles sur les enfants devant s’exercer, d’accord entre les parties, une demi-journée tous les deux mois, avec passage au Point Rencontre, sauf avis contraire du curateur, afin de tenir compte du fait qu'il vivait désormais au Maroc.
g. A______ n’a jamais exercé ce droit de visite, faisant valoir en avoir été empêché du fait de la pandémie de Covid-19.
h. Le 30 décembre 2022, B______ a saisi le Tribunal d’une requête unilatérale en divorce. S’agissant des points encore litigieux en appel, elle a conclu à ce que le Tribunal lui attribue l’autorité parentale exclusive sur les enfants C______ et D______, sans développer de motivation, et à ce que A______ soit condamné au versement d’une « juste contribution » à l’entretien des mineurs, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises.
i. Le 17 février 2023, A______ a adressé un courriel à la curatrice en charge de l’organisation des relations personnelles. Il proposait de la contacter préalablement à ses venues en Suisse, « peut-être tous les trois ou quatre mois », afin de pouvoir organiser l’exercice de son droit de visite.
La curatrice en a informé le TPAE. Elle s'est prononcée dans le sens que la demande de A______ visant à exercer son droit de visite de manière autonome et non planifiée, tous les trois ou quatre mois, ne semblait pas être dans l’intérêt des enfants dès lors que père et enfants ne s’étaient pas vus ni contactés depuis plusieurs années. Elle a jugé ainsi essentiel une reprise du droit de visite avec une certaine régularité, d’autant plus au vu de l’âge des mineurs. Elle a préavisé l’attribution de l’autorité parentale exclusive sur les deux enfants en faveur de B______, cette dernière lui ayant exposé que la communication avec A______ était inexistante.
j. Le 28 juillet 2023, A______ a répondu à la requête en divorce. S’agissant des points encore litigieux en appel, il n’a formulé aucune conclusion relative à l’autorité parentale et a conclu à ce qu'il soit dit qu’il ne devait aucune contribution d’entretien à l’égard de sa famille.
k. Lors de l’audience du Tribunal du 10 octobre 2023, A______ a complété ses conclusions dans le sens du maintien de l’autorité parentale conjointe.
B______ a soutenu que l’attribution de l’autorité parentale exclusive lui était nécessaire. Elle refusait toute communication avec A______, même par messagerie électronique, en raison des violences survenues durant la vie commune. De ce fait, elle se trouvait dans l’impossibilité de recueillir l’autorisation du père. Or, celle-ci lui était par exemple nécessaire en vue d'une opération chirurgicale que devrait possiblement subir le mineur D______ ou pour le renouvellement des documents d'identité des enfants.
A______ a exposé qu’il lui était difficile d’envisager de revoir ses enfants au Point Rencontre, compte tenu des horaires proposés qui ne dépassaient pas deux heures, de son domicile éloigné et de la complication du voyage depuis le Maroc. Il venait voir ses enfants aînés en Suisse de manière irrégulière, parfois tous les six mois, parfois de manière plus fréquente.
D. La situation personnelle et financière des membres de la famille est la suivante :
a. A______ a suivi, après l’obtention du baccalauréat, une formation de deux ans dans le « domaine de l’informatique » acquise au Maroc, mais n’a jamais été actif dans cette branche. Entre 2002 et 2010, il a travaillé en Suisse en qualité de chauffeur-livreur; au Maroc en 2013, il a été employé d’une imprimerie. De son retour en Suisse en 2018 à son départ en 2020, il n’a pas travaillé.
Il a déclaré au Tribunal qu’il n’avait pas pu trouver de travail au Maroc. Il ne percevait aucun revenu, ne bénéficiait pas de l’aide sociale et logeait chez ses parents, lesquels le soutenaient financièrement. Selon B______, A______ vivrait dans une maison dont il serait propriétaire et conduirait une voiture, preuve d’une situation financière confortable, ce que l’intéressé a contesté.
b. B______ est au bénéfice d’une formation commerciale.
Après son arrivée en Suisse, elle a entrepris une formation et obtenu un CFC d’employée de commerce. Elle recherche un emploi à 80% et émarge actuellement à l’Hospice général.
1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions, est supérieure à 10’000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).
En l’espèce, le litige porte notamment sur l’attribution des droits parentaux, soit sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, de sorte que la voie de l’appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).
1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l’autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l’appel est recevable.
Sont également recevables la réponse de l’intimée (art. 312 CPC) et les écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC).
1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés devant elle (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).
La présente cause est soumise aux maximes d’office et inquisitoire illimitée en tant qu’elle concerne l’attribution de l’autorité parentale et la contribution d’entretien due aux enfants mineurs (art. 296 al. 1 et 3 CPC). La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d’étayer leurs propres thèses; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.1.1).
1.4 La cause présente des éléments d’extranéité en raison de la nationalité marocaine de l’intimée, ainsi que du domicile de l’appelant au Maroc.
A raison, les parties ne remettent en cause ni la compétence des juridictions genevoises pour connaître du litige (art. 59 et 79 al. 1 LDIP; art. 5 de la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants – CLaH96) ni l’application du droit suisse (art. 82 al. 1 LDIP).
2. Dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, où les maximes d’office et inquisitoire illimitée s’appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF
144 III 349 consid. 4.2.1).
En l’espèce, les pièces nouvellement produites par l’appelant sont susceptibles d’avoir une influence sur l’attribution de l’autorité parentale, de sorte qu’elles sont recevables, de même que les faits qui s’y rapportent.
3. L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir attribué l’autorité parentale exclusive à l’intimée, au motif de l’absence de communication entre les parties.
3.1 L’autorité parentale sert le bien de l’enfant (art. 296 al. 1 CC).
Fait partie de l’autorité parentale le pouvoir de prendre des décisions sur des questions centrales de planification de la vie, notamment les questions fondamentales d’éducation, d’appartenance religieuse, de formation générale et professionnelle, le suivi médical et la représentation de l’enfant (ATF 142 III 502 consid. 2.4.1).
L’autorité parentale conjointe est la règle (art. 296 al. 2, 298a al. 1, 298b al. 2 et 298d al. 1 CC). Dans le cadre d’une procédure de divorce, le juge confie à l’un des parents l’autorité parentale exclusive si le bien de l’enfant le commande (art. 298 al. 1 CC). Il n’est qu’exceptionnellement dérogé au principe de l’autorité parentale conjointe, lorsqu’il apparaît que l’attribution de l’autorité parentale exclusive à l’un des parents est nécessaire pour le bien de l’enfant. Une telle exception est en particulier envisageable en présence d’un conflit important et durable entre les parents ou d’une incapacité durable pour ceux-ci de communiquer entre eux à propos de l’enfant, pour autant que cela exerce une influence négative sur celui-ci et que l’autorité parentale exclusive permette d’espérer une amélioration de la situation. De simples différends, tels qu’ils existent au sein de la plupart des familles, d’autant plus en cas de séparation ou de divorce, ne constituent pas un motif d’attribution de l’autorité parentale exclusive (ATF 142 III 53 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_53/2023 du 21 août 2023 consid. 3.1; 5A_489/2019 et 5A_504/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1; 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3.3).
Il incombe au parent qui s’oppose à l’autorité parentale conjointe de démontrer le bien-fondé de sa position (arrêt du Tribunal fédéral 5A_985/2014 du 25 juin 2015 consid. 3.1.1).
La seule distance géographique entre les parents n’est pas en soi suffisante pour déroger au principe de l’autorité parentale conjointe, seule est décisive la question de savoir si, malgré cette distance, la concertation nécessaire entre les parents et l’enfant pour l’exercice commun de l’autorité parentale est possible (Schwenzer/Cottier, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2022, n. 16 ad art. 298 CC).
La règle fondamentale pour attribuer les droits parentaux est le bien de l’enfant, les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3).
3.2 En l’espèce, la communication entre les parties est inexistante. Cette absence de contact n'a toutefois pas porté atteinte aux intérêts des enfants. En première instance, l’intimée s'est limitée à faire part de craintes abstraites et potentielles, en particulier l’impossibilité de recueillir l’autorisation de l’appelant en perspective d’une opération chirurgicale que l’enfant D______ devrait éventuellement subir, du fait de l’absence de communication avec le père. Elle n’a pas allégué de désaccord à propos d'une question fondamentale relevant de l’autorité parentale, ni de refus ou désintérêt concret du père face à une décision qui aurait dû être prise concernant les enfants et qui aurait ainsi été différée, notamment concernant des soins.
L'absence de communication entre les parties résulte exclusivement du choix de la mère, laquelle refuse tout contact avec l’appelant, y compris par voie électronique, en raison des violences survenues durant la vie conjugale. L'appelant ne s'est jamais désintéressé du sort de ses enfants. Malgré l'éloignement géographique et les coûts afférant au voyage depuis le Maroc, il a manifesté à plusieurs reprises auprès de l'autorité tutélaire son désir de voir ses enfants.
Dans ces conditions, il n’est pas justifié de faire porter à l'appelant les conséquences du choix de la mère consistant à couper tout lien avec lui. En effet, s'il est concevable que l’intimée ne souhaite plus entretenir de contact avec son ex-conjoint au regard des violences subies du temps de la vie commune, l’on peut raisonnablement attendre d’elle qu’elle tolère par voie électronique (vu la distance géographique), un contact avec l’appelant, ponctuel et limité aux sujets relatifs aux enfants dépassant la gestion quotidienne, et ce dans l’intérêt de ces derniers.
Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de déroger au principe de l'autorité parentale conjointe.
Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera donc annulé et il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC) dans le sens de ce qui précède.
4. 4.1 Selon l'art. 308 CC, lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité de protection de l'enfant - respectivement le juge (art. 315a al. 1 CC) - nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l'enfant (al. 1). Le curateur peut se voir conférer certains pouvoirs tels que la surveillance des relations personnelles (al. 2).
La mesure de protection prévue à l'art. 308 al. 2 CC a pour but de faciliter, malgré les tensions existant entre les père et mère, le contact entre l'enfant et le parent qui n'est pas au bénéfice de la garde et de garantir l'exercice du droit de visite. Le rôle du curateur de surveillance des relations personnelles est proche de celui d'un intermédiaire et d'un négociateur, étant précisé que sa nomination n'a pas pour vocation d'offrir une situation de confort à des parents en froid qui souhaiteraient par ce biais s'épargner tout contact. En revanche, une curatelle de surveillance des relations personnelles devrait toujours être instituée lorsque des tensions relatives à l'exercice du droit de visite mettent sérieusement en danger le bien de l'enfant. L'autorité qui ordonne une mesure de protection de l'enfant dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 9.1; 5A_819/2016 du 21 février 2017 consid. 8.3.2; 5A_7/2016 du 15 juin 2016 consid. 3.3.2).
4.2 En l'espèce, l'exercice du droit aux relations personnelles par l'appelant n'est pas contesté par les parties. A cet égard, la Cour comprend, en l'absence de mention de périodicité au ch. 4 du dispositif du jugement entrepris, et par référence à la décision du Tribunal du 9 février 2021, que celle-ci est de tous les deux mois. Par souci de clarté, cette précision figurera au dispositif du présent arrêt.
Il convient ainsi de permettre une reprise des relations entre père et enfants, afin de donner aux intéressés une chance de renouer des liens, notamment au regard du jeune âge des mineurs. Au vu de l'absence de contacts entre eux depuis plusieurs années, manifestement due à l'éloignement géographique, il est nécessaire de subordonner la mise en œuvre des relations personnelles au maintien de la curatelle en place, ceci afin de permettre l'instauration effective des rencontres entre l'appelant et ses enfants. La circonstance, évoquée par le curateur, soit que l'intéressé refuserait d'exercer son droit de visite, est sans portée, eu égard à la nécessité de la mesure. Il n'est donc pas dans l'intérêt des enfants de relever les curateurs de leur mandat.
La curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles sera par conséquent maintenue.
5. L’appelant reproche au Tribunal de l’avoir condamné au paiement d’une contribution à l’entretien des mineurs à hauteur de 100 fr. par mois et par enfant. Il soutient que ce montant équivaudrait à 72,5% environ du salaire minimum au Maroc.
5.1.1 Selon l'art. 276 al. 1 CC, l'entretien de l’enfant est assuré par les soins, l’éducation et des prestations pécuniaires. Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 CC).
A teneur de l’art. 285 al. 1 CC, la contribution d’entretien due à l’enfant doit correspondre aux besoins de celui-ci, ainsi qu’à la situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l’enfant.
Conformément à la jurisprudence, lorsque plusieurs enfants ont droit à une contribution d'entretien, le principe de l'égalité de traitement doit être respecté. Ce principe vaut également lorsqu'un enfant naît d'un nouveau lit; celui-ci doit être financièrement traité de manière égale aux enfants d'un précédent lit au bénéfice de contributions d'entretien. Selon ce principe, les enfants d'un même débiteur doivent être financièrement traités de manière semblable, proportionnellement à leurs besoins objectifs; l'allocation de montants différents n'est donc pas exclue, mais doit avoir une justification particulière (ATF 137 III 59 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_118/2023 du 31 août 2023 consid. 5.3).
Le montant de la contribution d’entretien doit en principe toujours préserver le minimum d’existence du débiteur d’entretien (ATF 141 III 401 consid. 4.1; ATF 140 III 337 consid. 4.3; ATF 135 III 66 consid. 2).
5.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille (ATF 147 III 265, SJ 2021 I 3016; 147 III 293; 147 III 301). Selon cette méthode, dite en deux étapes, les ressources et besoins des personnes intéressées sont déterminés, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).
5.1.3 Pour fixer la contribution d’entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d’entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur dans la mesure où s’agissant de l’obligation d’entretien d’un enfant mineur, les exigences à l’égard des père et mère sont plus élevées, en sorte que ceux-ci doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail. Il s’agit ainsi d’inciter la personne à réaliser le revenu qu’elle est en mesure de se procurer et qu’on peut raisonnablement exiger d’elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2).
Lorsqu'il entend tenir compte d'un revenu hypothétique, le juge doit examiner deux conditions cumulatives. Le juge doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger de la personne concernée qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Il doit ensuite établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 147 III 308 consid. 4; 143 III 233 consid. 3.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_257/2023 du 4 décembre 2023 consid. 7.2 et les références).
5.2 En l’espèce, l’appelant est âgé de 42 ans. Il n’allègue pas qu’il serait limité dans sa capacité de travail en raison d’un problème de santé particulier. Au surplus, il n'a pas la garde de ses enfants, de sorte qu'il est en mesure d'occuper un emploi à temps plein.
Il affirme ne pas avoir trouvé de travail depuis son retour au Maroc en dépit de ses expériences professionnelles passées, sans produire aucune pièce susceptible de démontrer des recherches d’emploi. Il n’établit pas que le marché de l’emploi au Maroc serait saturé dans tous les domaines et qu’il ne serait pas en mesure de retrouver un travail à brève échéance.
Il a suivi, il y a plus d'une vingtaine d'années, une formation de deux ans dans le "domaine de l'informatique". On ignore toutefois en quoi celle-ci consistait. L'appelant a ensuite travaillé en tant que chauffeur-livreur et au sein d'une imprimerie, sans autre détail.
Dans ces conditions, il ne peut être imputé à l’appelant un revenu hypothétique supérieur au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) marocain, lequel s'élève en 2024 à 3’111 dirhams marocains par mois (Décret n° 2-23-799 du 13 octobre 2023 fixant le salaire minimum légal dans les activités agricoles et non-agricoles), soit 280 fr. (http://www.fxtop.com).
Avec un revenu de 280 fr. par mois, l'appelant devrait subvenir à son entretien. Il est en effet peu plausible que ses parents continuent à l'entretenir s'il venait à occuper un emploi rémunéré. Au surplus, si tant est que l'appelant bénéficie d'un solde après la couverture de ses charges, celui-ci devrait être réparti entre ses quatre enfants, en vertu du principe d'égalité de traitement, de sorte que tout montant positif en résultant, s'il existait, ne serait qu'infime.
Au vu de ce qui précède, le chiffre 6 du jugement entrepris sera annulé et il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC) dans le sens que l'appelant sera libéré, en l'état, de l'obligation de contribuer à l'entretien des enfants.
6. 6.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).
Le tribunal peut toutefois s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).
6.1.2 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
6.2.1 En l’espèce, ni la quotité ni la répartition des frais et dépens de première instance n’ont été remises en cause en appel; ceux-ci ont été arrêtés par le premier juge conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 32 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, la modification du jugement attaqué ne justifie pas que la répartition des frais soit revue.
6.2.2 Les frais de la procédure d’appel seront fixés à 1’000 fr. (art. 32 et 35 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, (art. 107 al. 1 let. c CPC), ils seront répartis par moitié entre les parties. Ces dernières plaidant toutes deux au bénéfice de l’assistance judiciaire, les frais mis à leur charge seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 CPC et 19 du Règlement sur l’assistance juridique - RAJ - RS/GE E 2 05.04).
Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l’appel interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre les chiffres 2 et 6 du dispositif du jugement JTPI/13320/2023 rendu le 16 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25928/2022.
Au fond :
Annule les chiffres 2 et 6 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :
Dit que B______ et A______ exercent conjointement l’autorité parentale sur les enfants C______, née le ______ 2018, et D______, né le ______ 2019.
Libère, en l'état, A______ de son obligation de contribuer à l'entretien des enfants C______ et D______.
Confirme le jugement attaqué pour le surplus, avec la précision que le chiffre 4 de son dispositif se comprend comme réservant à A______ un droit aux relations personnelles s'exerçant tous les deux mois.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d’appel à 1’000 fr. et les met à charge des parties pour moitié chacune.
Dit que les frais judicaires seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, sous réserve d’une décision contraire de l’assistance judiciaire.
Dit que chaque partie supportera ses dépens d’appel.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.