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Décisions | Chambre civile

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C/21869/2022

ACJC/925/2024 du 15.07.2024 ( OO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21869/2022 ACJC/925/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 15 JUILLET 2024

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______,

2) Madame B______, domiciliée ______,

recourants contre une ordonnance rendue par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 avril 2024, représentés tous deux par
Me Serge ROUVINET, avocat, ROUVINET AVOCATS, rue De-Candolle 6, case postale, 1211 Genève 4,

et

3) Madame C______, domiciliée ______, intimée,

4) Monsieur D______, domicilié ______, autre intimé,

représentés tous deux par Me Marc MATHEY-DORET, avocat, REGO AVOCATS, Esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1211 Genève 26.

 


EN FAIT

A. a. A______ et B______ sont les neveu et nièce de feu E______, qui avait comme épouse feue F______.

b. D______ était le neveu de feue F______. Il est marié à C______.

c. Par ordonnance du 4 octobre 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de E______ car celui-ci souffrait de troubles cognitifs importants et irréversibles impactant de manière considérable sa mémoire à court terme, qui l'empêchaient d'assumer au quotidien la gestion de ses affaires administratives et patrimoniales. C______ a été désignée aux fonctions de curatrice.

d. Par testament olographe du 13 octobre 2019, E______ a révoqué ses précédentes dispositions testamentaires et a institué héritière universelle son épouse. En cas de décès de celle-ci, il léguait la totalité de ses biens à ses neveu et nièce D______ et C______.

Ce testament a été déposé auprès de Me G______, notaire.

e. F______ est décédée le ______ 2021. Par testament olographe du 14 janvier 2020, elle avait institué son époux comme unique héritier de ses biens, lesquels étaient grevés d'une substitution fidéicommissaire en faveur de ses neveu et nièce D______ et C______.

f. Par ordonnance du 8 octobre 2021, le Tribunal de protection a libéré C______ de ses fonctions de curatrice de E______ au motif qu'elle se trouvait dans un conflit d'intérêts du fait de sa qualité d'appelée dans la succession de feue F______ dont E______ était l'héritier et a désigné Me H______ aux fonctions de curateur.

g. E______ est décédé le ______ 2022.

h. Le 20 juin 2022, A______ et B______ ont fait opposition à la délivrance d'un certificat d'héritier, contestant la qualité d'héritiers de D______ et C______.

i. Par décision du 23 juin 2022, la Justice de paix a ordonné l'administration d'office de la succession de feu E______.

B. a. Par acte déposé en conciliation le 28 octobre 2022, déclaré non concilié et introduit devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 27 avril 2023, A______ et B______ ont formé une action en nullité du testament du 13 octobre 2019 à l'encontre de D______ et C______. Ils ont conclu, sous suite de frais, au constat que lors de la rédaction du testament du 13 octobre 2019, feu E______ était incapable de discernement et à l'annulation dudit testament.

D______ et C______ ont conclu, sous suite de frais, au déboutement de A______ et B______ de toutes leurs conclusions.

b. A______ et B______ ont notamment sollicité l'audition de G______, qui a été entendue le 15 novembre 2023.

G______ a déclaré que C______ lui avait remis le testament du 13 octobre 2019 de feu E______ le 14 octobre 2020 sans qu'elle n'ait eu de contact avec ce dernier. Elle avait envoyé l'ancien testament révoqué par le nouveau à C______ à l'attention de E______ et F______, car c'était elle "qui gérait tous leurs papiers".

c. Le 15 février 2024, D______ et C______ ont produit un courrier du 14 octobre 2020 de G______ adressé à C______ à l'attention de E______ et F______. G______ y indiquait notamment que les testaments olographes du 14 janvier 2020 et du 13 octobre 2019 étaient parfaitement en ordre et qu'elle leur retournait leurs anciens testaments olographes datés du 31 décembre 2008 en leur laissant le soin de les détruire.

d. Par courriers des 16 février et 6 mars 2024, A______ et B______ ont déclaré vouloir entendre G______ à propos de cette lettre, exposant notamment que celle-ci avait sciemment tu, lors de son audition, avoir conseillé de détruire les testaments du 31 décembre 2008 ainsi qu'avoir approuvé les nouvelles volontés des époux E______/F______. Il convenait ainsi de l'auditionner à nouveau sur les circonstances ayant entouré la destruction desdits testaments et les conseils qu'elle avait prodigués en amont.

D______ et C______ se sont opposés à une nouvelle audition.

C. a. Par ordonnance du 8 avril 2024, notifiée le 10 avril 2024, le Tribunal a rejeté la demande de réaudition de G______ formulée par A______ et B______ et a arrêté les frais de l'ordonnance rendue à 200 fr.

A l'appui de sa décision de rejet, il a retenu que A______ et B______ n'avaient pas précisé sur quels allégués ils souhaitaient réentendre G______, que celle-ci s'était d'ores et déjà exprimée sur le courrier concerné en déclarant qu'elle avait renvoyé les anciens testaments révoqués par le nouveau à C______ ainsi qu'à E______ et F______ et que C______ pourrait, le cas échéant, confirmer elle-même la réception des testaments devenus caducs et leur éventuelle destruction.

b. Par acte déposé le 18 avril 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation, à l'admission de leur demande de réaudition de G______, au renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il procède à ladite audition et à la condamnation de D______ et C______ aux frais de la procédure de recours.

c. Aux termes de leur mémoire de réponse expédié le 30 avril 2024 au greffe de la Cour de justice, D______ et C______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation de A______ et B______ aux frais de la procédure de recours.

d. Par plis séparés du 23 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité du recours sont remplies (art. 60 CPC).

L'ordonnance querellée, en tant qu'elle rejette la demande d'administration de preuve formée par les recourants, constitue une ordonnance d'instruction au sens de l'art. 319 let. b CPC (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 14 ad art. 319 CPC).

Le recours est recevable contre les ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de 10 jours et respecte les exigences de forme prescrites par la loi. Il est, de ce point de vue, recevable.

Reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer aux recourants un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, les autres hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées (cf. Jeandin, op. cit., n. 18 ad art. 319 CPC).

2. 2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Constitue un préjudice difficilement réparable toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC et références citées; Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), 2010, n. 8 et 10 ad art. 319 CPC).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2; Reich, op. cit., n. 8 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC; Bastons Bulletti, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2020, n. 11 ad art. 319 CPC et les référence citées).

En règle générale, la décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause pas de préjudice difficilement réparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou, à l'inverse, d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3, 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC; Bastons Bulletti, op. cit., n. 12 ad art. 319 CPC et les références citées).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (Message du Conseil fédéral, FF 2006 6841, p. 6984; Jeandin, op. cit., n. 24ss. ad art. 319 CPC).

2.2 En l'espèce, les recourants soutiennent subir un préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée. Selon eux, il ne peut raisonnablement pas être exigé d'eux qu'ils attendent la fin de la procédure car cela leur causerait des frais importants et entraînerait une prolongation de la procédure, la réaudition de G______ étant essentielle à la résolution du litige.

Ce faisant, les recourants ne font que dénoncer un possible allongement de la procédure et un éventuel accroissement des frais, qui ne constituent pas un préjudice difficilement réparable, au sens des principes rappelés ci-dessus.

Au demeurant, si les recourants devaient persister à considérer que le Tribunal a écarté, à tort, un moyen de preuve pertinent pour l'issue du litige, ils pourront diriger leur grief contre la décision finale par la voie de l'appel. L'instance d'appel aura la possibilité d'administrer la preuve (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC). Les recourants ne subissent ainsi pas de préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée, puisqu'ils conserveront leurs moyens dans le cadre de l'appel contre le jugement au fond, étant précisé qu'ils n'allèguent pas ni n'établissent que le témoin dont la réaudition est requise ne pourrait plus être entendu ultérieurement.

La condition de l'existence d'un préjudice difficilement réparable n'étant pas réalisée, le recours sera déclaré irrecevable.

3. Les frais judicaires du recours seront arrêtés à 400 fr. (art. 41 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile [RTFMC]) et mis conjointement et solidairement à la charge des recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourants seront en outre condamnés, conjointement et solidairement, à verser aux intimés, pris conjointement et solidairement, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours (art. 23 al. 1 LaCC; art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Déclare irrecevable le recours interjeté le 18 avril 2024 par A______ et B______ contre l'ordonnance rendue le 8 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21869/2022.

Arrête les frais judiciaires du recours à 400 fr., les met conjointement et solidairement à la charge de A______ et B______ et les compense avec l'avance fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à D______ et C______, pris conjointement et solidairement, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.