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Décisions | Chambre civile

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C/16060/2022

ACJC/837/2024 du 25.06.2024 sur JTPI/10085/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16060/2022 ACJC/837/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 septembre 2023, représentée par Me Eve DOLON, avocate, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Monsieur C______, ______ [GE], intimé, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10085/2023 du 6 septembre 2023, notifié aux parties le 13 du même mois, le Tribunal de première instance a débouté A______ de ses conclusions en annulation de mariage (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr. et les a mis à la charge des parties par moitié chacune, dispensé provisoirement B______, au bénéfice de l'assistance juridique, du versement de sa part de frais judiciaires, sous réserve d'une application ultérieure éventuelle de l'art. 123 CC, compensé les frais judiciaires mis à la charge de A______ à due concurrence avec l'avance de frais qu’elle a effectuée et dit que le solde de l'avance de frais en 1'500 fr. serait restitué à la précitée (ch. 2), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 13 octobre 2023 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour annule le mariage qu'elle a contracté avec B______ le ______ 2013 au Burkina Faso et renvoie la cause au Tribunal pour qu'il statue sur les effets de l'annulation du mariage, le litige ayant été circonscrit, d'entente entre les parties, à la question de l'annulation du mariage.

b. B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit des pièces nouvelles.

Elle s'est encore déterminée spontanément après sa réplique, produisant un document complémentaire.

d. B______ n'ayant pas fait usage de son droit de duplique, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger, par avis du greffe de la Cour du 10 juin 2024.

C. Les éléments suivants résultent du dossier:

a. A______, née [A______] le ______ 1973, ressortissante suisse et italienne, et B______, né le ______ 1983, de nationalités burkinabée et italienne, se sont mariés le ______ 2013 à D______ (Burkina Faso). Il est précisé dans l'acte d'état civil que les époux ont opté pour la monogamie.

Un enfant est issu de cette union, E______, née le ______ 2016 à Genève.

A______ a également deux fils, désormais majeurs, soit F______ et G______, issus d'une précédente union.

Pour sa part, B______ est le père d'au moins quatre autres enfants nés au Burkina Faso, soit H______ né en ______ 2006, I______ née en ______ 2008, J______ née en ______ 2010, et K______ née en ______ 2013 (soit trois mois après le mariage de A______ et B______), lesquels sont issus de sa relation avec L______, avec laquelle il affirme n'avoir jamais été marié.

A______ a fait valoir qu'elle ignorait (jusqu'à peu de temps avant l'introduction de sa demande en justice) que la mère des trois premiers enfants de B______ avait mis au monde un quatrième enfant et que celui-ci avait été reconnu par le précité. Elle a par ailleurs allégué que B______ aurait encore eu un cinquième enfant avec L______ et qu'ils auraient célébré un mariage traditionnel au Burkina Faso, ce que le précité conteste.

b. A______ et B______ se sont rencontrés fin mars 2013 à Genève, alors que B______ était en tournée avec son groupe de musique traditionnelle. Ils ont rapidement entamé une relation amoureuse.

Il est admis qu'à cette époque, A______ se trouvait dans une situation psychologique difficile, du fait qu'elle venait de perdre son emploi et qu'elle élevait seule ses deux garçons, alors âgés de 15 et 13 ans. Le père de ces derniers n'avait plus donné signe de vie depuis qu'elle était tombée enceinte de leur deuxième enfant.

Il est également admis que quelques mois après leur rencontre, B______ a dit à A______ que son visa était expiré, qu'il était amoureux d'elle, qu'il souhaitait "faire sa vie avec elle", et qu'il ne voulait pas partir de peur de la perdre.

c. Durant la vie commune, B______ est régulièrement retourné dans son pays d'origine pour y voir ses proches, en particulier ses enfants, lesquels vivaient, selon les dires du précité, avec leur grand-mère.

Six mois après la naissance de sa fille E______, B______ s'est notamment rendu au Burkina Faso durant un mois et demi, jusqu'en octobre 2016. Il y est retourné du 23 décembre 2016 au 10 janvier 2017, cette fois avec A______ et leur fille, afin de présenter cette dernière à la famille. B______ s'est ensuite rendu seul au Burkina Faso du 27 février au 27 avril 2017, du 12 octobre 2017 au 22 février 2018, du 12 au 29 septembre 2019, du 30 janvier au 7 septembre 2020 (le précité expliquant que ce long séjour était dû aux limitations de déplacements découlant de la crise sanitaire de Covid-19).

Pour A______, son époux partageait son temps de manière quasi équivalente entre la Suisse et le Burkina Faso, restant quelques mois à Genève avant de retourner dans son pays d'origine pour un ou deux mois. B______ a fait valoir que sa présence au Burkina Faso s'inscrivait également dans le cadre de son activité de musicien professionnel.

d. A______ a allégué avoir fait trois fausses couches durant la vie commune, la dernière en juin 2018.

e. A______ a fait valoir que son époux ne la soutenait pas dans l'éducation de leur fille et ne participait pratiquement pas aux charges du ménage.

L'intéressé a contesté ce qui précède, tout en rappelant qu'il ne disposait que de ressources financières très faibles. Il n'a cependant pas exposé de quelle manière il s'était impliqué dans l'éducation de E______.

f. Courant 2020, A______ a souhaité se séparer de son époux, après avoir découvert des messages qu'il avait échangés avec plusieurs femmes, ces messages lui ayant fait réaliser qu'il était infidèle.

Selon ses dires, ce n'était cependant qu'après la séparation qu'elle avait appris que son époux avait mené une double vie depuis le début du mariage et qu'il lui avait menti, en continuant d'entretenir une relation suivie avec la mère de ses trois enfants aînés, avec laquelle il avait eu deux autres enfants durant le mariage.

g. En janvier 2020, B______ a obtenu la nationalité italienne sur la base de démarches effectuées par son épouse quelques années plus tôt.

h. Par jugement d'accord du 6 novembre 2020, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux à vivre séparés depuis le 15 janvier 2020, attribué à la mère la garde de E______, réservant au père un droit de visite d'une demi-journée par semaine et une journée le week-end.

Sur le plan financier, il a été donné acte à B______ de son engagement à verser une contribution d'entretien de 150 fr. par mois pour sa fille, le précité étant provisoirement dispensé, compte tenu de sa situation personnelle et financière, de verser l'entier de l'entretien convenable de l'enfant, fixé à 572 fr.

i. Interrogé par le Tribunal, B______ a admis qu'il ne respectait pas toujours le droit de visite fixé dans le jugement rendu sur mesures protectrices. Il a indiqué que comme il vivait en colocation, il ne pouvait emmener sa fille chez lui lorsqu'il exerçait son droit de visite.

Selon une attestation de janvier 2023 de la psychothérapeute qui suit E______, cette dernière trouvait difficile le peu de contact qu'elle avait avec son père, qu'elle voyait de manière très irrégulière et avec un manque de constance.

Dans une attestation du mois de décembre 2022, le pédiatre de E______ a exposé qu'il n'avait vu le père de l'enfant qu'à quelques reprises après la naissance de l'enfant. Il ne s'était jamais enquis de l'état de santé de sa fille depuis plusieurs années.

j. Le 27 mai 2021, A______ a déposé plainte pénale contre B______ pour violation de son obligation d'entretien, celui-ci n'ayant pas versé la pension alimentaire due en faveur de sa fille durant quatre mois.

k.a Lors d'un voyage effectué entre décembre 2021 et janvier 2022 au Burkina Faso, A______ a entamé des démarches judiciaires afin de se faire attribuer un terrain que B______ était censé avoir acheté pour elle au moyen d'une somme d'argent qu'elle lui avait remise en 2017. Dans ce cadre, elle a également indiqué à la gendarmerie que son époux lui aurait fait de fausses déclarations au sujet de sa situation matrimoniale et qu'il aurait eu, durant son mariage avec elle, deux enfants avec la mère de ses autres enfants, dont il avait déclaré être séparé.

Auditionné par la Gendarmerie nationale le 7 janvier 2022 dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte contre lui suite à la plainte déposée par A______ pour escroquerie en lien avec ce terrain, B______ a déclaré ce qui suit à propos de son mariage :

"Question: Avez-vous déclaré à votre épouse madame A______ avoir quitté votre femme la mère de vos trois enfants?

Réponse: Oui!

Question: Pourquoi avoir menti?

Réponse: C'est ce que tout le monde fait pour être jour des documents administratifs (sic)

Question: Avez-vous eu d'autres enfants pendant le mariage?

Réponse: Oui!

Question: Combien d'enfants?

Réponse: j'en ai eu deux (02) avec elle après notre mariage.

Question: Avez-vous des enfants avec A______ votre épouse?

Réponse: Oui! nous avons un (01) enfant, c'est une fille."

Le procès-verbal d'audition mentionne que les déclarations de B______ retranscrites au procès-verbal lui ont été relues et qu'il n'avait rien à y changer, à ajouter ou retrancher avant de le signer.

k.b Interrogé par le Tribunal dans le cadre de la présente procédure, B______ a contesté avoir déclaré aux policiers qu'il s'était marié pour régulariser sa situation administrative en Europe. Il a expliqué qu'il n'avait pas pu contrôler ce qui avait été protocolé, car il ne savait ni lire ni écrire. Il a ajouté que "comme Madame est blanche, avec la corruption la police a peut-être mis ce qu'elle voulait". Après que le Tribunal lui ait relu le procès-verbal susvisé, B______ a indiqué que certaines déclarations retranscrites correspondaient bien à ce qu'il avait dit, tandis que d'autres non (sans davantage de précisions).

Pour le surplus, B______ a ajouté qu'il aurait eu la possibilité d'obtenir un permis en Suisse par le biais de son travail. Il était d'ailleurs facile pour un artiste d'obtenir un visa d'un ou deux mois.

l. Par requête déposée le 12 octobre 2022, A______ a formé une action en annulation du mariage, au motif que B______ ne l'avait épousée que dans le but de régulariser sa situation administrative en Suisse (art. 105 ch. 4 CC).

Outre les aveux faits à la police lors de son interrogatoire, la courte période de fréquentation avant le mariage, la relation qu'il avait entretenue avec une autre femme dans son pays d'origine, son absence pendant les moments importants ou difficiles et son manque d'implication financière dans le ménage constituaient autant d'indices d'un mariage fictif. B______ ne se souciait guère de E______, ayant même oublié de l'appeler le jour de son anniversaire.

En sus de l'annulation du mariage, elle a conclu à ce que les droits parentaux soient fixés conformément au jugement sur mesures protectrices, à ce que B______ soit condamné à contribuer à l'entretien de E______, allocations familiales non-comprises, à hauteur de 700 fr. par mois jusqu'à ses 10 ans, respectivement 800 fr. jusqu'à ses 15 ans et 900 fr. au-delà, ainsi qu'au paiement d'une soulte de 75'000 fr. dans le cadre de la "liquidation du régime matrimonial, en guise de dommages et intérêts au vu des dépenses assumées par Monsieur B______ pendant le mariage."

m. B______ a conclu au rejet de la demande, avec suite de frais.

Il a fait valoir qu'il avait formé une réelle union conjugale, concrétisée par la naissance d'un enfant, comme en attestaient les nombreuses photographies couvrant la période d'octobre 2014 à septembre 2019 qu'il avait postées sur les réseaux sociaux, où on le voyait avec son épouse et/ou sa fille. Partant, la thèse du mariage blanc tombait à faux.

n. Le Tribunal a interrogé les parties et entendu un témoin.

n.a A______ a déclaré que c'était B______ qui l'avait demandée en mariage (environ un mois après leur rencontre), en lui expliquant que son visa était expiré et qu'il ne savait pas quand ils allaient se revoir s'ils ne se mariaient pas. Elle avait accepté car il avait l'air très amoureux. Elle a ajouté que très vite après le mariage, son époux lui avait demandé de l'argent en vue d'acquérir un terrain.

Pour sa part, B______ ne se rappelait plus qui avait demandé l'autre en mariage, faisant valoir que tous deux étaient d'accord de se marier. Il a assuré qu'il n'était plus en couple au Burkina Faso lorsqu'il avait entamé sa relation avec A______ et n'avait jamais été marié traditionnellement dans son pays d'origine. Il a affirmé que la mère de ses enfants au Burkina Faso n'était pas enceinte du quatrième lorsqu'il s'était marié avec A______. Il a ajouté "Même en me rappelant les dates de mariage et d'accouchement, je continue à dire qu'elle n'était pas enceinte". Selon lui, il n'était même pas encore avec A______ lorsque son quatrième enfant était né. Se disant incapable de retenir une date, il n'était pas capable de donner la date de naissance de sa fille E______.

n.b Le témoin M______, amie de longue date de A______, a affirmé que son amie semblait épanouie au début de sa relation, mais avait commencé à se plaindre au fil du temps. Selon le témoin, E______ était le fruit de l'amour de ses parents. Les plaintes de A______ concernaient des attentes déçues vis-à-vis de leur fille, notamment en raison des rapports que le père entretenait avec celle-ci et du fait qu'il ne la soutenait pas financièrement. Lorsque A______ s'était rendue en Afrique avec B______ et leur fille (à trois ou quatre reprises), elle n'était pas très contente, car elle passait beaucoup de temps seule avec sa fille, sans son époux.

o. La cause a été gardée à l'issue de l'audience du 1er juin 2023.

p. La situation personnelle et financière de la famille se résume comme suit:

p.a B______ est musicien de rue, activité qui lui rapporte des revenus très faibles, selon ses dires. Il bénéficie par ailleurs de l'aide de l'Hospice général à hauteur de 1'211 fr. par mois, dont 150 fr. pour E______, qu'il reverse (parfois) à A______.

Selon les attestations qu'il a produites, il a pu envoyer à ses proches au Burkina Faso les montants totaux de 5'050 fr. 50 en 2020 et 10'852 fr. 89 en 2021, ce qui correspond à une moyenne de 662 fr. 65 par mois.

Pour sa part, A______ a estimé les revenus de son époux à 4'000 fr. par mois pour l'activité déployée en lien avec la musique (prestations effectuées dans la rue, cours de balafon et concerts), se fondant sur des factures émises pour des prestations musicales et les sommes envoyées dans son pays d'origine.

B______ a reconnu être propriétaire d'une maison au Burkina Faso, dans laquelle vivent sa mère, ses enfants, ainsi que ses neveux et nièces. Il a contesté que la mère de ses enfants vit avec eux.

p.b Avant le mariage, A______ travaillait en qualité d'éducatrice de la petite enfance. Elle a allégué ne plus travailler depuis avant le mariage en raison de problèmes de santé et vivre grâce à l'aide financière de ses parents.

Elle a chiffré ses charges mensuelles à 3'820 fr. environ et celles de sa fille à 715 fr., allocations familiales déduites.

D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ n'était pas parvenue à démontrer l'existence de très forts indices permettant de retenir que son époux avait contracté mariage dans l'unique but d'obtenir le droit de s'installer en Suisse. La thèse de l'épouse reposait principalement sur les déclarations du précité devant la gendarmerie burkinabée, qui avaient été retranscrites au procès-verbal du 7 janvier 2022, et qu'elle considérait comme un aveu de la part de l'intéressé. Or, le premier juge a estimé que la force probante du procès-verbal en question n'était pas absolue, B______ ayant contesté avoir tenu les propos retranscrits au sujet des documents administratifs. Dans la mesure où l'intéressé était illettré, il n'avait pas pu vérifier le contenu du procès-verbal avant de le signer. Qui plus est, les questions posées au sujet de la situation familiale du précité intervenaient abruptement en plein milieu de son audition relative à l'escroquerie qui lui était reprochée, ce qui était particulier. Sans aller jusqu'à considérer que ce procès-verbal serait le fruit de la corruption, comme sous-entendu par l'époux, ce document suscitait malgré tout quelques questionnements. La question de la force probante de ce document pouvait toutefois demeurer indécise, dans la mesure où, même si l'on suivait A______ dans sa thèse de l'aveu, il faudrait encore que B______ se soit marié avec elle dans le seul but d'obtenir le droit de s'installer en Suisse. Or, si la période de fréquentation avant mariage avait été courte, la vie commune avait duré pratiquement sept ans. Un enfant était né de cette union après trois ans de mariage, enfant considéré comme étant le fruit de l'amour de ses parents par le témoin entendu. En outre, l'épouse avait été victime de trois fausses couches, la dernière en juin 2018, ce qui tendait à démontrer que la relation amoureuse avait perduré durant plusieurs années. Les photos de l'époux en compagnie de son épouse et/ou de sa fille que le premier nommé avait publiées sur les réseaux sociaux de 2014 à 2019 en étaient d'ailleurs la parfaite illustration. L'épouse avait également avancé comme indice l'absence d'implication du père auprès de E______, celui-ci ayant même oublié l'anniversaire de l'enfant. A cet égard, le premier juge a considéré que les difficultés de B______ à retenir les dates et à garder à l'esprit une chronologie claire – comme attesté en audience par ses déclarations sur la date d'anniversaire de sa fille ou la conception, respectivement la naissance de son quatrième enfant au Burkina Faso – permettaient de relativiser ce reproche. Avec des enfants dans deux pays éloignés, des allers-retours étaient d'ailleurs inévitables, avec pour corollaire de longs moments d'absence, ce que l'épouse avait d'ailleurs accepté de bon gré pendant une longue période. En outre, aucun élément du dossier ne permettait de retenir que la relation de B______ avec la mère de ses enfants au Burkina Faso aurait perduré pendant le mariage des parties, le premier juge considérant que le dernier enfant avait été conçu avant la rencontre des parties. Son manque d'implication financière ne plaidait pas non plus en faveur d'un mariage fictif, vu ses faibles revenus. L'argent qu'il envoyait "au pays" chaque mois ne constituait pas une fortune, puisqu'il avait quatre enfants à entretenir. Enfin, si le mariage lui avait permis de faciliter son séjour en Suisse, son activité d'artiste lui permettait déjà d'obtenir aisément un visa d'un ou deux mois. Ainsi, le mariage n'était pas la seule solution pour B______ pour revenir en Suisse ou éviter d'en être expulsé. Compte tenu de tous ces éléments, force était de constater que si le précité disposait d'un intérêt au mariage sur le plan administratif, il ne pouvait s'agir de sa seule motivation, le rapport amoureux étant tout autant présent.

EN DROIT

1.                         1.1 Interjeté dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision séparée relative à une action en annulation de mariage, soit une cause de nature non pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_159/2016 du 9 mai 2016 consid. 1.2 et 5A_267/2008 du 16 octobre 2008 consid. 1), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC).

2. En dépit de la nationalité étrangère de l'intimé, les tribunaux genevois sont compétents pour statuer sur la question litigieuse et le droit suisse est applicable, vu le domicile genevois des parties (art. 59 let. a et 61 al. 1 LDIP applicables par analogie en ce qui concerne la nullité ou l'annulation du mariage).

3. 3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

3.2 En l'espèce, les pièces nouvellement produites par l'appelante en seconde instance datent des mois de janvier et février 2022 et concernent la procédure intentée au Burkina Faso. Dans la mesure où elles auraient pu être obtenues, respectivement déposées devant le premier juge en faisant preuve de la diligence requise, ces pièces ainsi que les faits qu'elles comportent sont irrecevables au stade de l'appel.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir refusé d'annuler le mariage qu'elle avait contracté avec l'intimé.

4.1.1 Le mariage doit être annulé lorsque l'un des époux ne veut pas fonder une communauté conjugale mais éluder les dispositions sur l'admission et le séjour des étrangers (art. 105 ch. 4 CC). Cette définition du mariage de complaisance (ou mariage fictif) correspond à celle admise de longue date par la jurisprudence rendue en matière de droit des étrangers (cf. ATF 127 II 49 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 2C_400/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.1).

L'action en annulation de mariage peut être intentée en tout temps par toute personne intéressée, au nombre desquels figurent les époux, même s'ils sont de mauvaise foi (art. 106 CC; Marca, Commentaire Romand, Code civil I, n. 37 ad art. 105 CC et n. 8 ad art. 106 CC).

La cause d'annulation du mariage prévue à l'art. 105 ch. 4 CC nécessite de très forts indices permettant de conclure que le mariage a été contracté uniquement en vue d'éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers. Une simple impression ou un soupçon ne suffisent pas. Constituent notamment les indices d'un mariage fictif ou d'un abus de droit le fait que l'époux étranger soit menacé d'un renvoi ou ne puisse obtenir une autorisation de séjour autrement que par un mariage; l'existence d'une sensible différence d'âge entre les époux; les circonstances particulières de leur rencontre et de leur relation, tels une courte période de fréquentation avant le mariage ou le peu de connaissances que les époux ont l'un de l'autre, l'existence de domiciles séparés, la brièveté de leur relation avant mariage. Pris isolément, ne constituent toutefois pas des faits décisifs, la grande différence d'âge entre les époux, le paiement de sommes d'argent de l'un à l'autre, l'existence de domiciles séparés, la brièveté de leur relation avant mariage, le rejet d'une demande antérieure d'autorisation de séjour présentée par le conjoint étranger. L'existence de rapports intimes entre époux ne suffit pas en revanche à exclure le mariage de complaisance. A l'inverse, sont des faits décisifs l'impossibilité persistante pour les conjoints de communiquer dans des langues communes, la parfaite méconnaissance de l'autre ou l'absence totale de contacts réguliers entre époux. Les éléments de preuve doivent permettre de constater de manière objective et concrète un abus manifeste et flagrant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 5.3.1 et les réf. citées; Marca, op. cit., n. 28 à 30 ad art. 105 CC).

On se trouve en présence d'un mariage fictif lorsqu’il y a défaut de volonté réelle de fonder une communauté conjugale : les époux ne souhaitent pas former une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, à caractère en principe exclusif, présentant une composante tant spirituelle que corporelle et économique (Von Arx, Le mariage fictif dans le droit des étrangers, p. 8 et les références citées).

Un mariage fictif existe même si l'un seul des époux a contracté mariage en vue d'éluder la loi sur les étrangers, tandis que l'autre désirait sincèrement fonder une communauté de vie avec son conjoint. Toutefois, dans la plupart des cas soumis au Tribunal fédéral, de tels couples connaissaient assez tôt d'importantes difficultés relationnelles, quand ils ne volaient pas en éclats à brève échéance. C'est pourquoi, lorsque la vie commune a présenté une certaine durée et qu'il n'apparaît pas de manière manifeste qu'elle soit de pure façade, la jurisprudence pose des exigences relativement élevées pour admettre l'existence d'un mariage fictif sur la seule base d'indices (arrêt du Tribunal fédéral 2C_177/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.4).

Selon la doctrine, la grossesse ou la naissance imminente d’un enfant commun constitue un indice fort qui peut faire cesser des investigations concernant un mariage fictif. Cependant, certains auteurs estiment que la reconnaissance de la paternité du mari en faveur des enfants de son épouse ne suffit pas toujours à exclure la possibilité d’un mariage blanc, si elle n’est pas accompagnée d’un lien affectif ou éducatif par rapport à l’enfant (Von Arx, op. cit., p. 17 et les références citées). De façon plus large, l’absence de contributions appropriées aux responsabilités découlant du mariage peut également être interprétée comme un indice de mariage fictif. Cela peut être le défaut, par exemple, de soutien financier du conjoint, d’éventuels enfants communs ou issus d’un autre lit ou encore de soutien physique en cas de maladie (Von Arx, op. cit., p. 15 et la référence citée).

Un autre élément figurant parmi les indices à un mariage blanc est la reprise ou le début d’une relation extraconjugale peu de temps après la conclusion du mariage. La relation avec une tierce personne doit néanmoins être d’une certaine stabilité et donc durer un certain temps pour présenter effectivement un indice à un mariage blanc (Von Arx, op. cit., p. 15 et la référence citée). Un enfant né hors mariage est un indice qui plaide de manière forte pour un mariage de complaisance (arrêts du Tribunal fédéral 2C_916/2019 du 7 février 2020 consid. 6.2.2; 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.4).

4.1.2 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

4.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté qu'il appartient à l'appelante de démontrer l'existence de très forts indices permettant de retenir que l'intimé avait contracté mariage non pas pour former avec elle une communauté conjugale, mais dans le seul but d'obtenir le droit de s'installer en Suisse. A l'instar du Tribunal, la Cour considère qu'une telle démonstration n'a pas été faite. L'autorité de céans a cependant une appréciation des faits plus nuancée que celle du premier juge.

De nombreux indices évoqués par l'appelante pèsent de manière importante en faveur de la thèse qu'elle a soutenue. Il s'agit en particulier du fait que la précitée a dix ans de plus que l'intimé et qu'elle était en proie à des difficultés psychologiques au moment où elle a rencontré l'intimé, ce qui a pu contribuer à ce qu'elle tombe rapidement amoureuse de lui, puisqu'il s'est montré charmant et attentionné avec elle, lui disant qu'il l'aimait. Par ailleurs, dans ses écritures, l'intimé a reconnu que c'était à peine quelques mois après leur rencontre qu'il avait demandé l'appelante en mariage. Cette courte période de relation ne plaide pas en faveur d'une volonté sincère et durable de former une communauté conjugale stable.

Il est en outre établi que lorsque l'intimé a demandé l'appelante en mariage, il lui a expressément dit que se marier était le seul moyen qui lui permettrait de rester en Suisse, son visa étant expiré. Contrairement à l'opinion du Tribunal, sans son mariage avec l'appelante, l'intimé avait peu de chances d'obtenir une autorisation de séjour, du moins pour une longue durée. La déclaration précitée de l'intimé pourrait révéler une intention de régularisation administrative plutôt qu'une volonté de construire une vie conjugale. Cela semble d'ailleurs confirmé par les déclarations de l'intimé lors de son interrogatoire par la gendarmerie au Burkina Faso en 2022. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucun élément objectif ne permet de retenir que les déclarations retranscrites dans le procès-verbal de la gendarmerie burkinabée seraient sujettes à caution, l'intimé ayant lui-même confirmé la teneur de la plupart de ses propos, à l'exception de celles qu'il estimait lui être défavorables (soit celles relatives à sa situation administrative) dans le cadre de la présente procédure. Pour le surplus, les questions des gendarmes au sujet de la situation familiale de l'intimé ne paraissent pas si incongrues, vu l'ensemble des faits que l'appelante avait dénoncés auprès d'eux.

Il y a en outre lieu de rappeler qu'au moment de la demande en mariage, L______ – l'ancienne (du moins prétendue ancienne) compagne de l'intimé – était enceinte de lui, leur quatrième enfant étant né au Burkina Faso trois mois après le mariage célébré entre les parties (c'est d'ailleurs en vain que l'intimé a tenté d'expliquer au premier juge que cet enfant était né avant sa rencontre avec l'appelante, puisque cela est contredit par l'acte de naissance versé au dossier). Cela démontre que l'intimé avait encore eu des rapports intimes avec L______ peu avant d'entamer une relation amoureuse avec l'appelante. L'intimé avait ainsi encore des attaches significatives avec la mère de ses enfants aînés, ce qui semble incompatible avec l'idée d'un engagement exclusif envers l'appelante. Cette appréciation est encore renforcée par le fait que l'intimé a déclaré devant la gendarmerie burkinabée qu'il avait eu deux enfants avec L______ durant son mariage avec l'appelante, étant relevé que les déclarations en question n'ont pas expressément été remises en cause par l'intimé devant le premier juge (au contraire des déclarations concernant sa situation administrative). Si le premier de ces enfants a bien été conçu avant la rencontre des époux, le second l'a été durant le mariage. La relation extra-conjugale que l'intimé a visiblement continué à entretenir secrètement avec L______ pendant toute la durée du mariage et la naissance de ces deux enfants hors mariage sont des indices plaidant de manière forte pour un mariage de complaisance.

L'intimé retournait par ailleurs chaque année pendant plusieurs mois au Burkina Faso, où il retrouvait ses autres enfants et très vraisemblablement leur mère, qui vivent dans la maison dont il est propriétaire. Cela pourrait suggérer que son principal centre d'intérêts est resté dans son pays d'origine et non auprès de l'appelante en Suisse. Cette impression est encore renforcée par le fait que les sommes que l'intimé retirait de ses activités liées à la musique étaient quasi systématiquement et intégralement envoyées à ses proches au Burkina Faso, l'intimé ne contribuant pratiquement pas aux frais du ménage en Suisse. Ce comportement démontre une absence d'engagement financier envers le foyer conjugal en Suisse. Cette attitude perdure d'ailleurs depuis la séparation des parties. En effet, l'intimé, désormais bénéficiaire des prestations de l'Hospice général, reçoit de cette institution une somme correspondant à la pension alimentaire destinée à E______, mais ne la reverse pas systématiquement à l'appelante. Comme il l'a expliqué dans ses écritures de seconde instance, l'intimé a choisi de "se sacrifier [pour] sa famille restée au Burkina Faso", en faveur de laquelle il a admis qu'il reversait l'essentiel de l'argent qu'il recevait de l'Hospice général.

L'ensemble des indices mis en évidence ci-dessus pourrait conduire à retenir l'existence d'un mariage fictif, au vu des principes rappelés supra. Ce nonobstant, divers éléments notables du dossier permettent de contrebalancer cette appréciation, puisqu'ils plaident en faveur d'une relation conjugale effectivement vécue, comme soutenu par l'intimé.

En effet, les époux ont eu une fille moins de trois ans après la célébration de leur mariage. Le seul témoin qui a été entendu – qui est une amie de longue date de l'appelante – a déclaré que E______ était, selon elle, le fruit de l'amour entre ses parents. Ainsi, même vis-à-vis des tiers, les parties donnaient l'apparence d'un vrai couple, même plusieurs années après leur union. La circonstance que l'intimé ne soit pas un père particulièrement investi auprès de sa fille E______ et que cette dernière se plaigne du manque de contacts personnels avec celui-ci ne constitue pas un élément nécessairement pertinent pour déterminer si le mariage des parties était fictif ou non, puisque ce genre de situations se produit dans bon nombre de familles même lorsque l'on ne se trouve pas dans un mariage de complaisance au sens du droit des étrangers. Au demeurant, le fait que E______ ait manifesté le souhait d'avoir davantage de contacts avec son père démontre qu'un lien affectif a bien été créé entre le père et sa fille.

En outre, l'existence de rapports intimes réguliers entre les parties durant la vie conjugale (notamment rendue vraisemblable par les trois fausses couches invoquées par l'épouse, la dernière en 2018), ainsi que les quelques photos de couple et de famille postées sur les réseaux sociaux durant plusieurs années constituent des indices supplémentaires qui viennent renforcer la thèse avancée par l'intimé.

Enfin, l'élément qui pèse le plus fortement dans la balance est le fait que, en dehors des séjours effectués annuellement par l'intimé dans son pays d'origine (avec l'accord de l'appelante, qui approuvait qu'il passe du temps avec ses autres enfants), la vie commune des parties a duré sept ans. Au cours de cette période, l'époux n'a aucunement manifesté une quelconque intention de se séparer de l'appelante, même lorsqu'il a obtenu le passeport italien au début de l'année 2020.

En fin de compte, quand bien l'examen rétrospectif des faits met en évidence un faisceau d'indices sérieux qui aurait potentiellement pu conduire à retenir l'existence d'un mariage fictif – soit en particulier, la volonté rapidement manifestée de se marier pour pouvoir rester en Suisse, la double vie menée par l'intimé et le fait qu'il ne se soit pas montré particulièrement investi (du moins financièrement) en faveur de son foyer suisse –, l'intention du précité de se marier avec l'appelante dans le seul but d'éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers n'est pas établie. En effet, plusieurs éléments objectifs démontrent que la vie conjugale était effectivement vécue par les parties, même s'il est indéniable qu'elles ont une conception différente de l'institution du mariage.

C'est donc avec raison que le Tribunal a retenu que les conditions de l'art. 105 ch. 4 CC n'étaient pas remplies. Partant, le jugement entrepris sera confirmé.

Il sera au demeurant relevé que l'appelante ne semblait pas avoir conscience du fait qu'une annulation du mariage sur la base de l'art. 105 ch. 4 CC aurait eu pour conséquence automatique de supprimer le lien de filiation entre l'intimé et sa fille E______ (cf. art. 109 al. 3 CC), ce qui ne semble pas être sa volonté, au vu des conclusions qu'elle a prises en paiement d'entretien pour celle-ci.

5. Les frais de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'000 fr., compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève. Ces frais seront mis à la charge des parties par moitié, compte tenu de la nature familiale du litige. L'intimé sera donc condamné à verser 500 fr. à l'appelante à titre de remboursement des frais judiciaires de seconde instance.

Pour les mêmes motifs, il ne sera pas alloué de dépens.

 

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 octobre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/10085/2023 rendu le 6 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16060/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les compense avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Condamne B______ à verser 500 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Emilie FRANÇOIS

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.