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Décisions | Chambre civile

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C/13362/2019

ACJC/1495/2022 du 08.11.2022 sur JTPI/614/2022 ( OS ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 06.01.2023, rendu le 05.07.2023, CONFIRME, 4A_6/2023
Normes : CO.32
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13362/2019 ACJC/1495/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié D______, ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 janvier 2022, comparant par Me Christian PETERMANN, avocat, rue Général-Dufour 20,
1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SRL, domiciliée ______ (Italie), intimée, comparant par
Me Raphaël JAKOB, avocat, SANTAMARIA & JAKOB, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/614/2022 du 28 janvier 2022, notifié aux parties le 1er février 2022, le Tribunal de première instance a condamné A______ à payer à B______ SRL les sommes de EUR 10'248.85, EUR 18'114.01 et EUR 226.32, chacune avec intérêts à 9.5% l'an du 15 juin 2009 au 30 juin 2009, à 8% l'an du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009, à 8.125% l'an du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 et à 8% l'an dès le 1er décembre 2016 (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 3'280 fr. – à la charge de A______, compensé ces frais à due concurrence avec l'avance de frais fournie par B______ SRL, condamné A______ SA à payer 3'280 fr. à B______ SRL, ordonné la restitution de 230 fr. à B______ SRL (ch. 2), condamné A______ à payer à B______ SRL une somme de 4'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié par messagerie sécurisée à la Cour civile le 3 mars 2022, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Principalement il conclut au rejet de la demande formée par B______ SRL à son encontre et au déboutement de celle-ci de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ SRL conclut principalement à l'irrecevabilité de l'appel. Subsidiairement elle conclut à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 9 septembre 2022.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SRL est une société à responsabilité limitée de droit italien spécialisée en meubles et ameublement. Son siège est à C______ (Italie).

b. A______ exploite en raison individuelle l'entreprise D______, A______, active comme entreprise générale du bâtiment ainsi que dans la promotion immobilière, et enregistrée au Registre du commerce de Genève.

c. E______ SA est une société genevoise ayant notamment pour but de réaliser en entreprise générale toutes constructions dans les domaines du bâtiment et du génie civil.

d. En 2008, D______ a entrepris la réalisation de trois villas jumelles, sises au chemin 1______ à F______ (GE).

e. A cette fin, D______ a fait appel à E______ SA, qui a devisé les travaux à un montant total de 2'174'200 fr. TTC pour les trois villas.

Ce montant comprenait la fourniture par D_____ de diverses prestations et de plusieurs éléments, dont les agencements de cuisine pour un montant de 39'750 fr. TTC.

f. En 2009, A______ a pris contact avec B______ SRL, entreprise familiale dont les animateurs étaient des amis d'enfance.

Les futurs propriétaires des villas se sont alors rendus en Italie chez B______ SRL en compagnie de A______ pour choisir le mobilier de cuisine.

g. A______ a ensuite passé les commandes de l'ameublement de cuisine auprès de B______ SRL, au nom de D______.

h. B______ SRL a livré la marchandise en plusieurs fois les 16 juin,29 juin et 22 décembre 2009, soit directement à l'adresse du chantier, soit à l'adresse de D______.

A______ a réceptionné ladite marchandise et s'est acquitté des montants dus au transporteur dans le cadre des deux premières livraisons, pour un montant total de 6'119 fr. 95.

i. B______ SRL a émis trois factures pour la marchandise livrée, soit le 15 juin 2009 pour un montant de EUR 18'248.85 (facture no 57), le 26 juin 2009 pour un montant de EUR 18'114.01 (facture no 58) et le 12 décembre 2009 pour un montant de EUR 226.32 (facture no 159).

Ces trois factures étaient libellées au nom de D______ et ont été adressées à celle-ci.

j. D______ a versé un premier acompte de EUR 4'000.- en faveur de B______ SRL au mois d'octobre 2009, puis un second acompte du même montant au mois de décembre 2009.

k. Par courrier de son conseil italien du 27 avril 2010, B______ SRL a mis A______ en demeure de s'acquitter du solde impayé, soit la somme de EUR 28'589.18, dans un délai de 10 jours, majorée des intérêts moratoires prévus par l'art. 5 du décret législatif italien no 231 du 9 octobre 2002.

l. Sans réponse à ce courrier, B______ SRL a contacté A______ en date du 12 mars 2012, sous la plume d'un autre conseil, en vue d'obtenir le paiement de ses factures impayées.

m. Par courrier du 10 avril 2012, A______ a répondu à B______ SRL que le règlement de ces factures incombait à E______ SA, qui était responsable de la trésorerie de l'opération de construction concernée.

n. D______ a perçu de E______ SA une somme totale de 361'426 fr. pour l'ensemble des prestations et marchandises qu'elle a fournies dans le cadre de la construction des villas du chemin 1______.

o. Par demande déposée en vue de conciliation le 13 juin 2019, déclarée non conciliée le 9 octobre 2019 et introduite devant le Tribunal le 23 janvier 2020, B______ SRL a assigné A______ en paiement des sommes de EUR 10'248.85, EUR 18'114.01 et EUR 226.32, chacune avec intérêts à 9.5% l'an du 15 juin 2009 au 30 juin 2009, à 8% l'an du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009, à 8.125% l'an du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 et à 8% l'an dès le 1er décembre 2016, sous suite de frais judiciaires et dépens.

p. A______ a conclu au déboutement de B______ SRL de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Préalablement, il a sollicité l'appel en cause de E______ SA.

q. B______ SRL s'en est rapportée à justice sur l'appel en cause, auquel E______ SA s'est pour sa part opposée.

r. Par jugement JTPI/4382/2021 du 30 mars 2021, le Tribunal a rejeté la demande d'appel en cause.

En substance, il a retenu que la construction juridique dont se prévalait A______ ne lui conférait aucun droit de recours à l'encontre de E______ SA. En effet, dans l'hypothèse où il aurait effectivement sous-traité à celle-ci l'intégralité du contrat d'entreprise générale qui lui avait été confié, c'est alors E______ SA qui aurait conclu les contrats avec les entreprises intervenant sur le chantier et, en l'absence de relation contractuelle entre lui-même et ces entreprises, la demande principale dirigée contre lui devrait être rejetée, faute de légitimation passive. Par ailleurs, les prétentions que A______ faisaient valoir contre E______ SA constituaient soit des prétentions indépendantes qui ne dépendaient pas de l'issue du procès principal, soit des prétentions dont il ne pouvait pas se prévaloir, de sorte que les exigences des articles 59 et 81 CPC n'étaient pas satisfaites.

s. Par courrier du 17 mai 2021, A______ a annoncé au Tribunal qu'il n'avait pas formé appel contre le jugement susvisé, mais qu'il avait dénoncé l'instance à E______ SA, dès lors qu'il entendait, en cas de condamnation, faire valoir des prétentions récursoires contre cette dernière en vertu des art. 97ss et 364ss CO. Le Tribunal a informé E______ SA de ce qui précède par courrier du greffe du 28 mai 2021.

t.a Devant le Tribunal, B______ SRL a notamment soutenu qu'elle ignorait tout des relations contractuelles entre D______ et E______ SA et qu'elle contestait ainsi la description qu'en faisait A______. Elle-même avait eu pour seul partenaire et correspondant contractuel A______. Elle n'avait jamais été en contact – même épistolaire – avec E______ SA.

t.b A______ a quant à lui réaffirmé être intervenu sur le chantier du chemin 1______ comme entrepreneur général. Il avait un accord avec E______ SA s'agissant du partage des tâches : depuis le début, cette dernière devait s'occuper de toute la gestion financière relative à la construction des trois villas. C'est ainsi que les propriétaires des villas avaient payé l'intégralité du prix convenu en mains de E______ SA. Lui-même n'avait reçu aucun montant des propriétaires des villas.

Il avait commandé les marchandises auprès de B______ SRL en tant que représentant des propriétaires – et non de E______ SA – sans pouvoir expliquer pourquoi la commande avait été néanmoins faite au nom de D______. Le montant de 361'426 fr. que E______ SA lui avait versé correspondait aux marchandises directement commandées par D______ dont il devait effectivement s'acquitter lui-même, tandis que les autres entreprises étaient payées par E______ SA.

S'agissant de B______ SRL, A______ a d'abord expliqué qu'il s'agissait d'un fournisseur qui aurait dû être rémunéré par D______, selon l'accord avec E______ SA. Toutefois avec la somme reçue de celle-ci, il n'y avait plus assez pour payer B______ SRL. A______ a ensuite rectifié cette déclaration en affirmant que le fournisseur B______ SRL ne faisait, en réalité, pas partie de ceux qu'il devait payer lui-même selon l'accord sus évoqué.

S'agissant des trois factures litigieuses émises par B______ SRL, il les avait directement transmises à E______ SA, raison pour laquelle il n'avait pas renvoyé le cuisiniste à s'adresser directement à sa sous-traitante pour le paiement, contrairement à ce qu'il avait fait avec d'autres fournisseurs. En revanche, il avait informé E______ SA du paiement par ses soins des acomptes et du transporteur, expliquant s'en être acquitté lui-même à la fois afin d'accélérer la livraison mais aussi parce que E______ SA était débordée. Il n'avait pas réclamé le remboursement des montants payés à ce titre, parce que E______ SA n'avait jamais établi les comptes finaux, malgré ses relances à ce sujet.


 

u. Le Tribunal a procédé à l'audition de témoins :

u.a L'un des propriétaires des villas, G______, a expliqué que D______ avait dans un premier temps agi seule, puis en consortium avec E______ SA. Conformément aux instructions reçues, les versements avaient été opérés en faveur des deux sociétés, à savoir d'abord certains montants à D______, puis à E______ SA. Un montant de 706'513 fr. réglé à cette dernière lui paraissait plausible, sans pouvoir dire si des montants supplémentaires avait été réglés à D______. Il avait choisi le mobilier de cuisine auprès de B______ SRL en Italie où il s'était rendu en compagnie de A______. Les animateurs de E______ SA, qui faisaient partie du voyage, n'étaient à son souvenir pas présents. Au retour, il avait communiqué son choix à D______. Il ignorait qui avait, au final, passé la commande, et avec qui le cuisiniste avait conclu le contrat.

u.b Un autre propriétaire de villa, H______, a indiqué avoir conclu le contrat relatif à la construction d'abord avec D______, puis avec E______ SA seule. Le détail des relations entre les précités et les différents prestataires lui était inconnu. Les premiers paiements avaient été faits en faveur de D______ (notamment la différence entre la valeur de la promotion immobilière et le prix du terrain, ainsi que certaines plus-values) puis, en cours de chantier, les paiements avaient été effectués en mains de E______ SA. Le montant réglé à A______ correspondait à 1'300'000 fr., sous déduction du montant versé à E______ SA (environ 760'000 fr.) et du prix du terrain. A cela s'ajoutait les plus-values, étant précisé qu'à son souvenir il n'y avait pas eu de montant spécifique réglé en relation avec la cuisine, qui avait été installée en fin de chantier. S'agissant de la cuisine, A______ avait organisé un rendez-vous avec la cuisiniste en Italie, où il s'était rendu seul. La cuisine faisait partie de la promotion immobilière. La cuisine était comprise dans le prix total des travaux réglés à E______ SA. Il ignorait qui, de A______ ou E______ SA, avait payé la facture d'B______ SRL.

v. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue des plaidoiries finales du 23 novembre 2021, au cours desquelles les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le litige portait sur un contrat de vente internationale de marchandises, soumis en tant que tel à la convention des Nations-Unies conclue à Vienne le 11 avril 1980. Les questions de représentation étaient cependant exclues du champ d'application de cette Convention et demeuraient soumises au droit Suisse, compte tenu de l'établissement en Suisse du représentant présumé, soit A______.

En l'occurrence, le détail des relations entre le prénommé et E______ SA demeurait flou et il ne pouvait être admis que le premier aurait confié l'exécution du contrat d'entreprise générale conclu avec les acquéreurs des villas à la seconde, laquelle aurait selon lui traité directement avec B______ SRL en qualité de sous-traitant. A aucun moment, E______ SA n'avait été en contact avec B______ SRL et A______ n'avait pas immédiatement annoncé à celle-ci, à réception des factures litigieuses, que lesdites factures devaient selon lui être adressées à E______ SA.

Rien ne permettait par ailleurs de retenir que A______ aurait agi en qualité de représentant des acquéreurs de villa, comme il le soutenait alternativement. Il n'était pas établi que celui-ci se serait présenté comme tel à B______ SRL et il avait au contraire commandé les marchandises désirées au nom de son entreprise individuelle. Le seul fait que les acquéreurs se soient rendus en Italie pour choisir le mobilier, ou qu'une partie de celui-ci ait été livrée directement sur le chantier, ne permettait pas d'inférer l'existence d'un tel rapport de représentation. En tout état, il n'était pas établi que les acquéreurs eussent conféré à A______ le pouvoir de les représenter. Les modalités des relations contractuelles entre les futurs propriétaires et A______ n'étaient pas connues et il n'était pas démontré que les premiers aient chargé le second de contracter en leur nom avec des tiers en vue de l'exécution des travaux. B______ SRL pouvait au contraire considérer de bonne foi que le défendeur était son seul cocontractant. En effet, celui-ci avait non seulement commandé la marchandise à son nom et reçu les factures correspondantes sans protester, mais il s'était encore personnellement acquitté de plusieurs acomptes sur le prix des commandes, ainsi que des frais de transporteur. Il n'y avait dès lors pas de rapport de représentation et A______ s'était personnellement lié à B______ SRL par un contrat de vente internationale.

Le bien-fondé et le montant des factures litigieuses n'étant par ailleurs pas contesté, il convenait ainsi de faire droit à la demande.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC)

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait en dernier lieu à EUR 28'589.80, soit une contrevaleur de 29'995 fr. 75 au cours de 1.0492 du 23 novembre 2021 (cf. ATF 135 III 188 consid. 4.1 et http://www.fxtop.com), date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger (cf. Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 13 in fine ad art. 308 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 L'appel doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 311 a. 1 CPC). La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

En l'occurrence, le jugement entrepris a été notifié à l'appelant le 1er février 2022, et non le 31 janvier précédent comme celui-ci l'a indiqué par erreur dans son appel. Formé le 3 mars 2022, l'appel a donc été introduit dans le délai de 30 jours prévu par la loi, étant rappelé que les délais déclenchés par la communication ou la survenance d’un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 142 al. 1 CPC). Respectant par ailleurs les formes utiles (art. 130 et 131 CPC), l'appel est recevable et l'intimée sera déboutée de ses conclusions tendant à ce que celui-ci soit déclaré irrecevable.

2.             Nonobstant la nature internationale du litige, la compétence des tribunaux genevois pour en connaître n'est à juste titre pas contestée, vu le domicile genevois de l'appelant (art. 2 CL), pas plus que l'application du droit suisse aux questions de représentation litigieuses, vu l'établissement en Suisse du même appelant (art. 126 al. 2 et 4 LDIP; art. 1ss a contrario de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels, RS 0.221.211.4).

La Convention des Nations-Unies sur les contrats de vente internationale de marchandise, conclue à Vienne le 11 avril 1980 (CVIM; RS 0.221.211.1), applicable sur le fond au cas d'espèce, ne règle notamment pas ces questions (cf. art. 4 let. b CVIM; Neumayer, Ming, Commentaire de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Dessemontet [éd.], 1993, p. 67 et 75).

C'est donc au regard du droit interne suisse qu'il convient d'examiner le bien-fondé de l'appel.

3.             Sur le fond, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il n'avait pas représenté les acquéreurs maîtres de l'ouvrage, ni sa sous-traitante E______ SA, pour l'acquisition du mobilier de cuisine litigieux, mais qu'il était lui-même le cocontractant de l'intimée pour cette transaction. Il se plaint notamment d'une constatation et d'une appréciation inexacte des faits à ce sujet.

3.1 En principe, seule est légitimée comme partie au procès celle qui est personnellement titulaire d'un droit ou contre laquelle personnellement ce droit est exercé. La légitimation des parties au procès est examinée d'office par le juge, dès lors qu'il s'agit d'une condition de fond du droit exercé. Elle relève du droit matériel fédéral (ATF 139 III 353 consid. 2.1; 123 III 60 consid. 3a).

3.1.1 Aux termes de l'art. 32 al. 1 CO, les droits et obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté (représentation directe). Il s'ensuit que le représentant n'est pas lié par l'acte accompli, les effets passant directement au représenté. Les effets de la représentation ne naissent que si le représentant a manifesté, expressément ou tacitement (cf. art. 32 al. 2 CO), sa volonté d'agir au nom d'autrui.

Il y a représentation indirecte lorsque le représentant agit en son propre nom – manifeste la volonté d'être personnellement engagé –, mais pour le compte d'une autre personne; le contrat ne déploie aucun effet direct sur le représenté, qui ne peut acquérir des droits ou des obligations qu'en vertu d'une cession de créance ou d'une reprise de dette postérieure à la conclusion du contrat (cf. art. 32 al. 3 CO).

Lorsque le représentant révèle à son cocontractant qu'il n'agit pas pour son propre compte, la distinction entre la représentation directe et indirecte peut s'avérer délicate. Il y aura représentation directe si le représentant a manifesté son intention d'intervenir pour ou au nom d'un tiers, alors que si le représentant a seulement exprimé sa volonté d'intervenir pour le compte d'un tiers, mais en son propre nom, la représentation sera indirecte, à moins qu'il soit indifférent au tiers de traiter avec le représentant ou le représenté (art. 32 al. 2 CO in fine). Comme, l'expression "pour le compte d'un tiers" n'est pas forcément claire dans la pratique, elle doit être interprétée en application du principe de la confiance (ATF
126 III 59 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_496/2014 du 11 février 2015 consid. 3.2).

3.1.2 De manière générale, la manifestation de volonté de celui qui agit au nom d'autrui lie le représenté lorsque le représentant dispose des pouvoirs nécessaires à cet effet, c'est-à-dire est habilité à faire naître des droits et des obligations directement en faveur et à la charge du représenté (art. 32 al. 1 CO; ATF
126 III 59 consid. 1b et les arrêts cités) ou lorsque le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO; ATF 131 III 511 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimée n'a pas été contactée directement par E______ SA ni par les maîtres d'ouvrage pour la fourniture du mobilier de cuisine litigieux. Elle a été mise en œuvre par l'appelant, qui connaissait personnellement ses animateurs, et a traité avec celui-ci. Il convient donc d'examiner si l'intimée a néanmoins pu se lier avec l'une ou l'autre des parties précitées par le jeu de la représentation, comme l'appelant le soutient.

3.2.1 S'agissant de E______ SA, on relèvera tout d'abord que la nature des relations entre l'appelant et cette société, qui semblent avoir évolué avec le temps selon les témoins entendus, n'est pas connue avec précision. Il n'est notamment pas établi qu'au moment de la vente litigieuse, l'appelant ait conservé le statut d'entrepreneur général et que la société susvisée n'intervînt qu'en qualité de sous-traitante de l'appelant, comme celui-ci le soutient, sous-traitante qui l'aurait selon lui chargée de la représenter auprès de l'intimée. Comme le relève cette dernière, il est tout aussi plausible, sinon davantage, que la société E______ SA ait repris et assumé le rôle d'entrepreneur général vis à-vis-des maîtres d'œuvre, qui se sont notamment acquittés des sommes finales en ses mains, et que l'appelant ne soit alors intervenu que comme sous-traitant adjudicataire de celle-ci, traitant en son propre nom et pour son propre compte avec ses propres fournisseurs, tels que l'intimée. Les allégations de l'appelant selon lesquelles il aurait également représenté E______ SA dans cette hypothèse, dès lors que les sous-traitants représenteraient toujours l'entrepreneur général vis-à-vis des tiers, ne sont étayées par aucune référence et ne reposent sur aucun fondement. Elles sont au demeurant incompatibles avec la première thèse qu'il soutient, selon laquelle E______ SA agissait de son propre chef en qualité de sous-traitant, et où il ne faisait que représenter celle-ci. Par conséquent, l'existence d'un pouvoir de représentation conféré à l'appelant par E______ SA ne peut être retenue dans ces conditions. La conclusion d'une relation contractuelle entre celle-ci et l'intimée par le biais de l'appelant doit être exclue pour ce motif déjà, étant au surplus observé qu'aucune ratification par E______ SA des actes que l'appelant aurait pu accomplir sans pouvoir en son nom n'est alléguée par celui-ci, ni encore moins démontrée.

A cela s'ajoute qu'en l'espèce, les conditions dans lesquelles l'appelant s'est présenté à l'intimée lors de la commande du mobilier de cuisine litigieux ne sont pas davantage établies avec certitude. Il n'est notamment pas démontré que l'appelant aurait déclaré à l'intimée, lors de la conclusion du contrat de vente, qu'il agissait au nom et pour le compte de E______ SA, laquelle officiait comme entreprise générale. En particulier, les allégations de l'appelant selon lesquelles il aurait alors expressément indiqué à l'intimée que les factures devraient être établies au nom de ladite entreprise générale ne sont pas vérifiées et le Tribunal n'a pas constaté les faits de manière inexacte sur ce point. A teneur de la procédure, l'appelant a seulement prié l'intimée d'adresser ses factures à E______ SA au mois d'avril 2012, soit plus de deux ans après réception de celles-ci, et l'intimée s'est pour sa part spontanément adressée à l'appelant pour obtenir le paiement de sa marchandise, en libellant ses factures au nom de l'entreprise individuelle de l'appelant. L'existence d'un rapport de représentation directe entre l'appelant et E______ SA ne peut dès lors être admis pour cette raison également, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal.

A supposer que l'appelant ait disposé du pouvoir de représenter E______ SA, mais n'en ait pas expressément informée l'intimée, rien ne permet par ailleurs de retenir que celle-ci dût inférer des circonstances que l'appelant entendait intervenir en qualité de représentant de la société susvisée. Les relations entre l'appelant et E______ SA n'étaient pas nécessairement connues de l'intimée et il n'est pas établi qu'à la conclusion du contrat de vente, l'intimée fût alors même informée de l'implication de E______ SA dans la réalisation du projet. Il ressort notamment des enquêtes que les représentants de celle-ci ne se sont pas rendus auprès de l'intimée avec les acquéreurs pour arrêter le choix des matériaux. Pour les mêmes raisons, il ne pouvait être indifférent à l'intimée de traiter avec E______ SA, dont elle ignorait l'implication exacte, voire l'existence, plutôt qu'avec l'appelant, que ses animateurs connaissaient de longue date. Partant, toute représentation de E______ SA par l'appelant, vis-à-vis de l'intimée, ne pouvait qu'être indirecte, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal, et seul l'appelant demeure engagé à l'endroit de celle-ci dans ce cas de figure, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

3.2.2 Alternativement, l'appelant soutient qu'il serait intervenu en qualité de représentant des acquéreurs de villas vis à-vis de l'intimée et que seuls ceux-ci seraient désormais liés à cette dernière, de sorte que le paiement des factures litigieuses ne lui incomberait pas. L'appelant n'établit cependant pas que les acquéreurs lui auraient conféré le pouvoir de les représenter et de les engager vis-à-vis de tiers. Il n'a pas produit les contrats qu'il dit avoir conclus avec ceux-ci et la nature de l'opération projetée, dans laquelle les acquéreurs ne s'engageaient qu'à payer un prix forfaitaire pour la construction des villas litigieuses, tandis que l'appelant s'engageait à édifier ou faire édifier lesdites villas – et donc à conclure lui-même les contrats nécessaires à ces fins – en échange de ce prix, n'impliquait pas nécessairement l'existence de pouvoirs de représentation. Il est en effet courant que les différentes entreprises intervenant sur un chantier, qualifiées de sous-traitants par l'appelant lui-même, n'aient de relations directes qu'avec l'entrepreneur général et qu'elles ne puissent se prévaloir d'une relation contractuelle avec les propriétaires ou futurs propriétaires au cas où leurs prestations ne seraient pas payées. Faute de pouvoir de représentation, on ne saurait dès lors admettre que l'appelant a pu engager personnellement les acquéreurs de villas vis-à-vis de l'intimée; ce moyen de défense doit être rejeté pour ce motif déjà, étant précisé qu'aucune ratification par les acquéreurs de villas des actes que l'appelant aurait pu accomplir sans pouvoirs en leur nom n'est alléguée, ni démontrée, par celui-ci.

Comme relevé ci-dessus, les conditions dans lesquelles l'appelant s'est présenté à l'intimée lors de la commande du mobilier de cuisine litigieux ne sont par ailleurs pas clairement établies; il n'est pas non plus démontré que l'appelant aurait précisé à l'intimée, lors de la conclusion du contrat de vente, qu'il agissait au nom des futurs acquéreurs de villas. On relèvera ici aussi que l'intimée a spontanément établi ses factures au nom de l'entreprise de l'appelant, et non à celui des acquéreurs de villas, et que l'appelant n'a jamais indiqué à l'intimée que tel aurait dû être le cas. Si les acquéreurs des villas se sont effectivement rendus auprès de l'intimée pour choisir le mobilier exact de leurs futures cuisines, aucun d'entre eux n'a rapporté avoir eu l'intention de contracter personnellement avec l'intimée, ni avoir indiqué à celle-ci que l'appelant était autorisé à les représenter. Il n'est notamment pas contesté que le mobilier de cuisine en cause ne constituait pas une prestation supplémentaire (ou "plus-value") par rapport aux travaux et aménagements compris dans le prix forfaitaire des villas, et dont les acquéreurs auraient convenu de s'acquitter directement en mains de l'intimée.

A supposer que l'intimée n'ait seulement pas été informée d'un pouvoir effectif de l'appelant de représenter les acquéreurs, ladite intimée ne devait par ailleurs pas nécessairement inférer des circonstances qu'il existait un tel rapport de représentation. Le fait que les acquéreurs aient choisi leur mobilier auprès d'elle, ou qu'elle ait livré une partie de ce mobilier directement dans les villas en construction, lui indiquait certes que l'appelant intervenait pour le compte des acquéreurs, mais non qu'il agissait au nom de ceux-ci. On relèvera notamment qu'après la visite des acquéreurs, les commandes ont été adressées à l'intimée au nom de l'entreprise individuelle de l'appelant et que celui-ci s'est acquitté de deux acomptes du prix convenu avec l'intimée, ainsi que d'une partie des frais de transport. Dans ces conditions, l'intimée pouvait à juste titre comprendre que les acquéreurs n'avaient de lien qu'avec l'appelant et que son propre cocontractant était également celui-ci, lequel se chargerait de la rémunérer, dès lors que le prix des marchandises litigieuses serait compris dans le prix que l'appelant facturerait aux acquéreurs pour l'ensemble de ses services. Rien ne permet au surplus de retenir qu'il fût indifférent à l'intimée de traiter avec chacun des acquéreurs, dont elle ignorait la situation personnelle et financière, plutôt que globalement avec l'appelant, que ses représentants connaissaient personnellement de longue date. Ainsi, la représentation alléguée des acquéreurs par l'appelant ne pouvait être qu'indirecte, comme l'a retenu à bon droit de Tribunal, et celui-ci demeure seul engagé vis-à-vis de l'intimée dans ce cas de figure également.

Il s'ensuit que le moyen doit également être écarté.

4.             Au surplus, l'appelant ne conteste pas la qualité des marchandises livrées par l'intimée, ni la quotité des montants facturés par celle-ci. Dans un dernier moyen, il reproche seulement à celle-ci d'avoir tardé à entamer le recouvrement de ses créances.

4.1 La jurisprudence à laquelle se réfère l'appelant vise un cas dans lequel il n'a pas été jugé arbitraire de considérer que le temps pris par une partie pour agir en reddition de compte rendait douteux que les documents dont la production était requise ne lui aient pas déjà été remis, de sorte que celui-ci échouait à rendre vraisemblable que cette production demeurait nécessaire, bien que la prescription décennale de l'action en reddition de compte ne fût pas atteinte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_531/2020 du 2 septembre 2021 consid. 4.3).

4.2 En l'espèce, le délai qui s'est écoulé entre l'établissement des factures litigieuses et l'initiation par l'intimée du présent procès en recouvrement, certes de plusieurs années, n'indique cependant pas que l'intimée aurait dans l'intervalle obtenu le paiement des sommes réclamées, ni qu'elle aurait valablement accordé à l'appelant une quelconque remise de dette. Imputable en partie au moins à la nécessité pour l'intimée d'agir à l'étranger, ce délai demeure inférieur au délai de prescription applicable (qui est de 10 ans selon l'art. 2946 du Code civil italien, applicable en tant que droit national désigné par l'art. 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (RS 0.221.211.4), dès lors que ni l'Italie ni la Suisse n'ont ratifié la Convention des Nations-Unies sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises conclue à New-York le 14 juin 1974, cf. Neumayer, Ming, op. cit., n. 12 ad art. 4 CVIM), ce qui n'est pas contesté.

4.3 Le délai observé par l'appelante pour agir ne saurait ainsi faire obstacle aux prétentions de celle-ci et ce dernier moyen sera également écarté. L'appelant sera par conséquent débouté des fins de son appel et le jugement entrepris sera intégralement confirmé.

5.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'800 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera par ailleurs condamné à payer à l'intimée la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours compris (art. 25 LaCC), sans TVA compte tenu du siège de l'intimée à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPI/614/2022 rendu le 28 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13362/2019-14.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ SRL la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.