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Décisions | Chambre civile

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C/11987/2020

ACJC/1292/2022 du 30.09.2022 sur JTPI/99/2022 ( SDF ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 03.11.2022, rendu le 03.07.2023, DROIT CIVIL, 5A_849/2022
Normes : CC.176.al1.ch1; CC.277.al2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11987/2020 ACJC/1292/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 janvier 2022, comparant par Me Sara PEREZ, avocate, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH & PATEK, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/99/2022 du 10 janvier 2022, notifié à A______ le 13 janvier 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis 1______ (GE) (ch. 2), condamné B______ à payer à A______ à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, les sommes de 3'504 fr. du 25 décembre 2020 au 31 mars 2021, 104 fr. du 1er avril 2021 au 30 septembre 2021 et 3'130 fr. à compter de l'entrée en force du jugement (ch. 3), condamné B______ à verser à A______ un montant de 10'000 fr. à titre de provisio ad litem (ch. 4), réparti les frais judiciaires – arrêtés à 1'580 fr. – à raison de trois quart à charge de B______ et à raison d'un quart à charge de A______, condamnant B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, le montant de 1'185 fr. et laissant la part de frais de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve de la décision de l'assistance juridique (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 24 janvier 2022, A______ appelle de ce jugement dont elle sollicite l'annulation du chiffre 3 de son dispositif avec suite de frais judiciaires et dépens.

Cela fait, elle conclut à ce que la Cour condamne B______ à lui verser, par mois et d'avance, 10'610 fr. 60 à titre de contribution d'entretien pour la période du 25 juin 2020 au 30 septembre 2021, puis 8'862 fr. 35 dès le 1er octobre 2021. Elle sollicite également que la Cour condamne B______ à lui verser 5'000 fr. à titre de provisio ad litem.

Elle allègue des faits nouveaux et produit de nouvelles pièces, à savoir un courrier de l'Hospice général à A______ du 5 janvier 2022 et deux récépissés postaux du 12 janvier 2022.

b. Par arrêt ACJC/151/2022 du 1er février 2022, la Cour a admis la requête de A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et dit qu'il serait statué sur les frais et dépens avec la décision sur le fond.

c. Dans sa réponse, B______ conclut à ce que la Cour confirme le jugement entrepris, mette les frais d'appel à la charge de A______ et compense les dépens.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de répliquer, les parties ont été informées par pli du greffe du 28 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1992 à C______ (Colombie), de nationalité colombienne, et B______, né le ______ 1960, de nationalité suisse, ont contracté mariage le ______ 2018 à Genève.

b. Les époux ont conclu le 6 août 2018 [avant le mariage] un contrat de mariage en séparation de biens.

c. Aucun enfant n'est issu de cette union.

d. A______ a une fille d'une précédente relation, D______, née le ______ 2012, de nationalité colombienne, avec laquelle elle vit.

B______ a également une fille d'une précédente union, aujourd'hui majeure, E______, née le ______ 1997.

e. Selon un document intitulé "Convention de divorce" signé le 3 mars 2020, les parties avaient réglé les différents points de leur séparation, dont le versement par B______ à son épouse d'une contribution d'entretien de 2'000 fr. par mois durant une année ainsi que le paiement par l'époux de tous les besoins courants de A______ et de la fille de celle-ci jusqu'à leur retour en Colombie. L'épouse a ensuite affirmé ne plus être d'accord avec les termes de cette convention, notamment en raison de la crise sanitaire entraînant le fait qu'elle n'était pas certaine de pouvoir rentrer en Colombie.

f. Le 26 juin 2020, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale concluant, en dernier lieu et sur la question encore litigieuse en appel, à ce que le Tribunal condamne B______ à lui verser, par mois et d'avance, une contribution d'entretien de 10'768 fr. 85 pour la période du 25 juin 2020 au 30 septembre 2021 puis 9'429 fr. 25 dès le 1er octobre 2021.

g. Le 24 décembre 2020, A______ a quitté le domicile conjugal avec sa fille mineure. Elles ont été hébergées provisoirement dans un foyer.

h. Par ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 26 mars 2021, requises par A______ la veille, le Tribunal a condamné B______ à verser à son épouse, par mois et d'avance, dès et y compris le mois d'avril 2021, la somme de 3'400 fr. à titre de contribution à son entretien.

i. Dans ses plaidoiries finales écrites du 1er novembre 2021, B______ a conclu, sur la question encore litigieuse en appel, à ce que le Tribunal lui donne acte de son engagement à verser à son épouse, par mois et d'avance, dès l'entrée en force du jugement et jusqu'au 31 décembre 2021, une contribution d'entretien de 5'315 fr. puis dès le 1er janvier 2022 une contribution d'entretien de 1'985 fr.

j. Par écritures des 6 et 8 décembre 2021, les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

k. La situation personnelle et financière de A______ se présente comme suit :

k.a A______ n'exerce pas d'activité lucrative et ne perçoit aucun revenu. Elle a été au bénéfice de l'aide sociale de l'Hospice général à partir du 1er janvier 2021 et jusqu'à une date inconnue. Elle a expliqué qu'elle ne dépendait plus de cette aide et qu'elle était tenue de la rembourser. A teneur de deux récépissés postaux du 12 janvier 2022, A______ rembourse des mensualités de 100 fr. à l'Hospice général.

k.b La prime d'assurance maladie LAMal de A______ s'est élevée en 2021 à 306 fr. 65 par mois (subside de 300 fr. déduit). Elle allègue que, à compter de 2022, elle ne perçoit plus de subside, de sorte que le montant de sa prime d'assurance maladie de base s'élève à 607 fr. 45 (sic).

Elle allègue un montant de base OP de 1'350 fr. par mois, le Tribunal n'ayant retenu qu'un montant de 1'200 fr. par mois.

Le Tribunal a retenu un montant 1'594 fr. par mois à titre de frais de logement du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021 en se fondant sur les frais d'hébergement du foyer (4'558 fr.) sous déduction des frais de repas pour deux personnes (528 fr.) – inclus dans le montant de base OP – et de la participation de l'Hospice général (2'435 fr.). A______ soutient qu'il y a lieu de tenir compte du montant total des frais d'hébergement, soit 4'558 fr. par mois.

Depuis le 1er octobre 2021, A______ a pris un appartement en location dont le loyer s'élève à 1'221 fr. Le Tribunal a retranché 20% de ce montant (i.e. 244 fr. 20) pour l'intégrer dans les charges de la fille de l'épouse portant ainsi la part des frais de logement de A______ à 976 fr. 80 par mois, montant non contesté par les parties.

A______ allègue également des frais de transports publics de 70 fr. par mois, le Tribunal n'ayant retenu que la somme de 41 fr. 70 par mois. A teneur de la quittance produite, A______ est au bénéfice d'un abonnement annuel lui ayant coûté 500 fr.

Elle allègue également une charge fiscale estimée à 500 fr. par mois, que le Tribunal a écartée.

k.c S'agissant de la fille de A______, elle ne perçoit aucune contribution d'entretien de la part de son père mais est au bénéfice d'allocations familiales à hauteur de 300 fr. par mois perçues par sa mère.

Ses charges mensuelles retenues par le Tribunal et non contestées par les parties se composent du montant de base OP de 400 fr., de la participation au loyer de sa mère de 244 fr. 20, des primes d'assurance LAMal et LCA de 132 fr. 65 respectivement 8 fr. 75 et des frais de restaurant scolaire de 88 fr. 80.

A______ allègue également des frais de transports publics pour sa fille de 45 fr. par mois, le Tribunal ayant retenu la somme mensuelle de 33 fr. 30. Il ne ressort pas du dossier que l'enfant soit au bénéfice d'un abonnement annuel.

l. La situation personnelle et financière de B______ se présente de la manière suivante :

l.a B______ est employé en qualité de fiscaliste par F______ SA. Il a exercé à temps complet pour un salaire mensuel net s'élevant à 19'013 fr. par mois jusqu'au 31 décembre 2021. A teneur d'un certificat médical de la Clinique de G______ (VS) du 24 octobre 2021, il a été hospitalisé du 18 au 25 octobre 2021. B______ a allégué que cette incapacité de travail était due à un burn out suivi d'une dépression et que, pour cette raison, il a réduit son taux d'activité. Par avenant au contrat de travail signé le 27 octobre 2021, son taux d'activité a ainsi été réduit à 60% à compter du mois de janvier 2022. Il perçoit depuis lors un salaire net de 11'408 fr. par mois.

l.b Ses charges mensuelles telles que retenues par le premier juge et non contestées par les parties, s'élèvent à 6'100 fr. 50 et se composent du montant de base OP de 1'200 fr., de son loyer de 420 fr., de sa prime d'assurance LAMal de 579 fr. 50, de sa prime d'assurance-ménage de 13 fr., des frais SERAFE de 29 fr., des frais de téléphone et Internet de 154 fr., des frais SIG de 105 fr. et d'une charge fiscale estimée à hauteur de 3'600 fr. par mois pour 2021 puis 2'200 fr. dès 2022 compte tenu de la baisse des revenus de B______.

Celui-ci allègue encore contribuer à l'entretien de sa fille majeure par le paiement de ses frais de scolarité à l'Ecole H______ de I______ [VD] à hauteur de 2'458 fr. 33 par mois et de ses frais de logement de 990 fr. par mois. Le Tribunal a écarté ces frais. Selon l'attestation d'étude de [l'Ecole] H______ figurant au dossier, E______ est inscrite au programme de bachelor. A teneur de deux avis de débit des 7 janvier et 8 juin 2020, B______ a versé 20'000 fr. respectivement 9'500 fr. à [l'Ecole] H______ depuis son propre compte. Selon un contrat de bail désignant B______ comme locataire mais ayant notamment pour occupant sa fille majeure, le loyer de ce logement s'élève à 1'980 fr. par mois. Les avis de débit versés au dossier indiquent que le compte débité mensuellement de ce montant est celui de E______.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a indiqué que la cause avait été gardée à juger le 7 janvier 2022, sans que cela ne ressorte toutefois du dossier. S'agissant des revenus des parties, le premier juge a renoncé à imputer un revenu hypothétique à A______ compte tenu du fait qu'elle n'avait jamais travaillé en Suisse et que le Tribunal ignorait quel emploi elle serait en mesure d'exercer eu égard à son niveau de français et son cursus. Concernant B______, le Tribunal a laissé la question ouverte de savoir s'il y avait lieu ou non de tenir compte de la baisse de ses revenus puisque, dans tous les cas, ceux-ci étaient suffisants pour couvrir les besoins vitaux de son épouse et de la fille de celle-ci. Les charges de celles-ci totalisaient, du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, 3'504 fr. par mois. Dès le 1er octobre 2021, elles s'élevaient à 3'130 fr. par mois. Compte tenu de la contribution d'entretien de 3'400 fr. par mois à laquelle B______ avait été condamnée sur mesures superprovisionnelles à compter du 1er avril 2021, A______ avait fait face à un déficit de 3'504 fr. par mois du 25 décembre 2020 au 31 mars 2021, puis de 104 fr. par mois du 1er avril au 30 septembre 2021, avant de bénéficier d'un solde disponible de 270 fr. par mois dès le 1er octobre 2021. Après couverture de ses propres charges et paiement de la contribution d'entretien précitée, B______ disposait encore d'un solde disponible lui permettant d'assumer le déficit complémentaire subit par son épouse et la fille de celle-ci. En revanche, le Tribunal a retenu qu'il ne se justifiait pas de partager l'excédent de B______, aucune preuve de dépenses somptuaires ou d'un train de vie particulièrement élevé n'ayant été apportée par l'épouse.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, lorsque l'affaire est de nature pécuniaire, si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant le Tribunal atteint 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, la cause porte sur la contribution à l'entretien de l'épouse, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 271 lit. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

Le litige étant circonscrit au montant de la contribution due pour l'entretien de l'appelante, la présente procédure est soumise aux maximes inquisitoire simple (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.1).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs écritures d'appel et allégués des faits nouveaux.

2.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération au stade de l'appel que s'ils sont produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1; 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 9.2.2).

2.2 En l'espèce, s'agissant du courrier de l'Hospice général du 5 janvier 2022, il a été établi deux jours avant que la cause ne soit gardée à juger. L'appelante n'explique pas la raison pour laquelle elle n'a pas été en mesure de la produire devant le premier juge alors qu'il le lui incombait. Il apparait dès lors que cette pièce est irrecevable, de même que les allégués de faits s'y rapportant. A titre superfétatoire, même à supposer qu'elle soit recevable, elle n'est pas déterminante pour l'issue du litige.

Concernant les récépissés postaux du 12 janvier 2022, ils sont postérieurs au jugement attaqué et ont été produit à l'appui de l'appel, soit sans retard, de sorte qu'ils sont recevables, de même que les faits qui s'y rapportent.

3. L'appelante conteste le montant de la contribution d'entretien que le Tribunal a fixée en sa faveur. Elle lui fait grief de ne pas avoir partagé entre les parties l'excédent de l'intimé et lui reproche d'avoir pris en compte la diminution des revenus de ce dernier, l'intimé n'ayant pas rendu vraisemblable ses problèmes de santé ainsi que le fait que ceux-ci entraînent une incapacité partielle de travail.

L'intimé soutient, de son côté, qu'un revenu hypothétique devrait être imputé à l'appelante pour une activité à mi-temps.

3.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par un époux à l'autre.

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir en la matière et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2013 du 19 juillet 2014 consid. 4.4.3).

3.1.1 Dans trois arrêts publiés récents (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes), y compris dans le domaine de l'entretien entre époux (ATF 147 III 301 consid. 4).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Le revenu déterminant ne comprend toutefois ni l'assistance sociale ni les prestations complémentaires AVS/AI, car celles-ci sont subsidiaires aux contributions du droit de la famille (arrêts du Tribunal fédéral 5A_128/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1.4.1 et 5A_158/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.2).

Ensuite, il s'agit de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. L'excédent doit en principe être réparti entre les parents et les enfants mineurs par "grandes têtes" et "petites têtes", la part d'un enfant correspondant à la moitié de celle d'un parent. L'excédent doit se répartir en fonction de la situation concrète. Au moment de fixer l'entretien à verser, il convient de tenir compte des circonstances entourant la prise en charge des enfants mineurs (ATF 147 III 265 précité consid. 7).

Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2022, RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles. Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital du droit de la famille. Pour les adultes, les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants (ATF 147 III 265 précité consid. 4.1.5 et 7.2).

En principe, seules les dettes régulièrement payées que les époux ont contractées pour leur entretien commun ou dont ils sont solidairement responsables doivent être prises en compte (ATF 127 III 289 consid. 2a/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1032/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.2).

Seules les charges effectives, dont le débirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte pour fixer les contributions d'entretien (ATF 121 III 20 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 3.1.2.2).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

3.1.2 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 du 6 mars 2020 consid. 3.1). Cette incombance s'applique en particulier lorsque la reprise de la vie commune, et donc le maintien de la répartition antérieure des tâches, ne sont ni recherchés, ni vraisemblables; le but de l'indépendance financière des époux, notamment de celui qui jusqu'ici n'exerçait pas d'activité lucrative, ou seulement à temps partiel, gagne alors en importance. Cela est également valable en matière de mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2018 du 10 octobre 2018 consid. 5.1.1). En effet, lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'époux dispensé de fournir des prestations en nature à l'union conjugale doit en principe épuiser sa capacité de travail ainsi libérée et exercer une activité rémunérée, pour autant qu'il en ait la possibilité effective (ATF 147 III 301 consid. 6).

Lorsqu'il entend tenir compte d'un revenu hypothétique, le juge doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 précité consid. 3.1).

Il peut être attendu du parent se consacrant à la prise en charge des enfants qu'il recommence à travailler, en principe, à 50% dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école obligatoire, à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire, et à 100% dès la fin de sa seizième année (ATF 144 III 481 consid. 4.7.6). Ces lignes directrices ne sont pas des règles strictes. Leur application dépend du cas concret; le juge en tient compte dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 144 III 481 consid. 4.7.9; arrêts du Tribunal fédéral 5A_329/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.3.1.2; 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.2). Lorsque la prise en charge d'un enfant est assumée par les deux parents, la capacité de gain de chacun d'eux n'est en principe réduite que dans la mesure de la prise en charge effective (arrêt du Tribunal fédéral 5A_472/2019 du 3 novembre 2020 consid. 3.2.2).

Pour arrêter le montant du salaire hypothétique, le juge peut éventuellement se baser sur l'enquête suisse sur la structure des salaires réalisée par l'Office fédéral de la statistique, ou sur d'autres sources (ATF 137 III 118 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_466/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.1), pour autant qu'elles soient pertinentes par rapport aux circonstances d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_764/2017 du 7 mars 2018 consid. 3.2).

Si le juge entend exiger d'un conjoint ou parent la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, lui imposant ainsi un changement de ses conditions de vie, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_554/2017 du 20 septembre 2017 consid. 3.2; 5A_235/2016 du 15 août 2016 consid. 4.1; 5A_1008/2015 du 21 avril 2016 consid. 3.3.2). Si le débirentier diminue volontairement son revenu alors qu'il savait, ou devait savoir, qu'il lui incombait d'assumer des obligations d'entretien, il n'est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu'il gagnait précédemment, ce avec effet rétroactif au jour de la diminution (arrêts du Tribunal fédéral 5A_553/2020 du 16 février 2021 consid. 5.2.1; 5A_571/2018 du 14 septembre 2018 consid. 5.1.2; 5A_584/2016 du 14 février 2017 consid. 5.1).

3.1.3 Lorsqu'un débirentier – ou un crédirentier – prétend ne pas être en mesure de travailler pour des raisons médicales, le certificat qu'il produit doit justifier les troubles à la santé et contenir un diagnostic. Des conclusions doivent être tirées entre les troubles à la santé et l'incapacité de travail ainsi que sur leur durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_94/2011 du 16 juin 2011 consid. 6.3.3 et 5A_807/2009 du 26 mars 2010 consid. 3). En outre, le juge ne peut se fonder sur un certificat médical indiquant sans autre une incapacité de durée indéterminée, alors que la contribution s'inscrit dans la durée (ATF 127 III 68 consid. 3; Bastons Bulleti, L'entretien après divorce: méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II, p. 97).

3.1.4 Selon l'art. 277 al. 2 CC, si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux.

L'obligation d'entretien du conjoint l'emporte sur celle de l'enfant majeur. Ce principe a été posé pour régler les situations dans lesquelles la capacité contributive de l'époux débirentier n'est pas suffisante pour couvrir à la fois les prétentions du conjoint et celles des enfants majeurs. Les frais d'entretien de l'enfant majeur découlant de l'art. 277 al. 2 CC ne doivent dès lors pas être inclus sans autre considération dans le minimum vital élargi du débirentier (ATF 132 III 209 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_36/2016 du 29 mars 2016 consid. 4.1).

3.1.5 La contribution d'entretien peut être réclamée pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_458/2014 du 8 septembre 2014 consid. 4.1.2; ATF 115 II 201 consid. 2). La contribution prend effet – au plus tôt – au moment du dépôt de la requête ou à une date ultérieure, l'octroi d'un tel effet rétroactif relevant toutefois de l'appréciation du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 4.3). Un éventuel effet rétroactif ne se justifie que si l'entretien dû n'a pas été assumé en nature ou en espèces ou dès qu'il a cessé de l'être (arrêt du Tribunal fédéral 5A_591/2011 du 7 décembre 2011 consid. 5.2). Le juge des mesures protectrices doit tenir compte des montants qui auraient déjà été versés à titre d'entretien. Il doit fixer précisément l'entretien déjà versé et la différence qui reste due (De Weck-Immelé, Droit matrimonial, Fond et procédure, 2015, n. 29 ad art. 173 CC).

3.2 En l'espèce, c'est à tort que le Tribunal n'a pas appliqué la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent pour le calcul de la contribution d'entretien en faveur de l'appelante, le pluralisme des méthodes ayant été abandonné par le Tribunal fédéral. Il y a dès lors lieu de réexaminer les revenus et charges des parties à la lumière des griefs soulevés, en tenant compte des principes dégagés dans la jurisprudence récente précitée du Tribunal fédéral.

3.2.1 S'agissant des revenus de l'appelante, il apparaît que celle-ci ne perçoit aucun revenu et n'exerce aucune activité lucrative. Il y a dès lors lieu d'examiner si un revenu hypothétique peut lui être imputé, cas échéant, à hauteur de quel montant et à partir de quand.

L'appelante n'a jamais exercé d'activité lucrative en Suisse, ne maîtrise pas bien le français et doit prendre en charge sa fille mineure, âgée de 10 ans. Cela étant, elle-même n'est âgée que de 30 ans et il ne ressort pas de la procédure qu'elle serait limitée dans sa capacité de travail en raison d'un problème de santé particulier. Dans ces circonstances, compte tenu de la récente jurisprudence du Tribunal fédéral, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il peut être raisonnablement exigé d'elle, au stade des mesures protectrices de l'union conjugale déjà, qu'elle exerce une activité lucrative à Genève, à mi-temps, dans le domaine du nettoyage, domaine qui ne nécessite ni formation particulière ni la maîtrise du français.

Selon le calculateur national de salaire, disponible en ligne (https://entsendung.admin.ch/Lohnrechner/lohnberechnung), le salaire brut médian à Genève pour une personne de 30 ans, sans formation ni fonction de cadre ni année de service, est de 1'880 fr. par mois pour une activité à 50% (20h hebdomadaire) dans le secteur des activités de services administratifs et de soutien, à savoir pour la fonction d'aide de ménage. Ce salaire est conforme au salaire minimum genevois de 23 fr. 27 brut de l'heure (cf. art. 39K al. 1 LIRT (RSGE J 1 05) et art. 1 ArSMC-2022 (RSGE J 1 05.03)). Après déduction de 12% de charges sociales, le salaire précité peut être arrêté à 1'655 fr. nets par mois.

S'agissant de la possibilité effective de trouver rapidement un emploi et de la situation actuelle du marché du travail, l'appelante n'a produit aucune recherche d'emploi alors qu'elle savait devoir rechercher rapidement un emploi, que ce soit en Suisse ou dans l'hypothèse d'un retour en Colombie, la "convention de divorce" qu'elle avait acceptée dans un premier temps prévoyant une contribution d'entretien en sa faveur limitée dans le temps. Il n'est dès lors pas démontré que l'appelante ne serait pas en mesure de trouver à brève échéance un emploi dans le domaine précité ni que le marché du travail soit saturé. Il apparaît ainsi raisonnable et adéquat de lui imputer le revenu hypothétique précité à compter du prononcé du présent arrêt, l'appelante ayant bénéficié d'un délai pour trouver un emploi de plus de deux ans depuis la signature de ladite "convention de divorce" et de plus de dix-huit mois depuis la séparation effective des parties.

3.2.2 Concernant l'intimé, celui-ci allègue que c'est en raison de son burn out et de sa dépression qu'il a réduit son taux d'activité à 60%. Or, il ne l'a pas rendu vraisemblable. Aucun document allant dans ce sens ne figure au dossier, le seul certificat médical attestant d'une hospitalisation d'une semaine ne permet ni de connaître la raison de l'hospitalisation ni de rattacher à celle-ci une incapacité de travail partielle postérieure. Il apparaît dès lors que la réduction du taux d'activité résulte plutôt d'un choix de convenance personnelle de l'intimé – celui-ci étant proche de l'âge de la retraite –, voire même d'une volonté de l'intimé de réduire délibérément ses revenus pour tenter de se soustraire à son obligation d'entretien, cette diminution du taux d'activité étant intervenue quelques mois après le prononcé des mesures superprovisionnelles le condamnant au versement en mains de l'appelante d'une contribution d'entretien de 3'400 fr. par mois. Dans ces circonstances, un revenu hypothétique correspondant à celui qu'il gagnait précédemment lui sera imputé, ce avec effet rétroactif au jour de la diminution.

3.2.3 S'agissant des charges de l'appelante, le Tribunal a retenu que l'intimé – qui assumait l'entretien financier de la fille mineure de son épouse durant la vie commune – devait continuer à le faire sur mesures protectrices de l'union conjugale. Dans la mesure où les parties ne le contestent pas, les charges relatives audit enfant seront dès lors comprises dans les charges de l'appelante.

Concernant les primes d'assurance maladie, bien que l'appelante allègue ne plus bénéficier des subsides depuis 2022, elle ne le rend pas vraisemblable. Compte tenu de sa situation financière actuelle, la Cour retiendra une prime LAMal, subside déduit, de 306 fr. 65 par mois la concernant.

Par rapport au montant de base OP, c'est à tort que le Tribunal n'a retenu qu'un montant de 1'200 fr. En effet, l'appelante doit assumer la prise en charge de sa fille mineure, de sorte qu'il y a lieu de retenir un montant de 1'350 fr. par mois.

En ce qui concerne ses frais de transport, c'est à raison que le Tribunal a pris en compte le montant de 41 fr. 70 par mois puisque l'appelante est au bénéfice d'un abonnement annuel d'une valeur de 500 fr. En revanche, il n'est pas rendu vraisemblable que tel soit également le cas pour sa fille mineure, de sorte que c'est un abonnement mensuel de 45 fr. qu'il y a lieu de retenir la concernant.

A propos du remboursement de la dette de l'appelante à l'Hospice général, nonobstant la vraisemblance du paiement régulier du montant de 100 fr. par mois, il apparaît que la dette n'a pas été contractée pour l'entretien commun des parties. Dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal n'en a pas tenu compte.

S'agissant des frais de logement pour la période du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, il n'y a pas lieu de déduire la participation de l'Hospice général. En effet, non seulement l'aide sociale est subsidiaire aux contributions du droit de la famille mais il apparaît également que l'appelante est tenue de rembourser l'aide qu'elle a perçue, ce qu'elle fait au demeurant régulièrement par mensualités de 100 fr. En revanche, c'est à juste titre que le Tribunal a retranché les frais de repas de 528 fr., ceux-ci faisant partie du montant de base OP. Par conséquent, les frais de logement de l'appelante et de sa fille mineure seront arrêtés à 4'030 fr. par mois (4'558 fr. – 528 fr.) du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021 et à 1'221 fr. depuis le 1er octobre 2021, ce dernier montant n'étant pas contesté.

En ce qui concerne sa charge fiscale, compte tenu des contributions d'entretien fixées dans le présent arrêt, celle-ci peut être estimée à 1'257 fr. 60 par mois pour la période du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, à 774 fr. 90 par mois du 1er octobre 2021 jusqu'au prononcé du présent arrêt et à 862 fr. par mois dès le prononcé du présent arrêt.

Enfin, les autres charges de la fille de l'appelante n'étant pas contestées, elles seront reprises telles quelles.

Les charges de l'appelante et de sa fille totalisent le montant de 7'649 fr. 45 du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, 4'357 fr. 75 du 1er octobre 2021 jusqu'au prononcé du présent arrêt et 4'444 fr. 85 dès le prononcé de l'arrêt.

Compte tenu du revenu hypothétique précité (cf. consid. 3.2.1 supra) et des allocations familiales de 300 fr. perçues par l'appelante, celle-ci fait face à un déficit de 7'349 fr. 45 du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, 4'057 fr. 75 du 1er octobre 2021 jusqu'au prononcé du présent arrêt et 2'489 fr. 85 dès le prononcé de l'arrêt.

3.2.4 Concernant les charges de l'intimé, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la situation financière des parties permet de tenir compte, dans les charges de l'intimé, des frais effectivement payés par ce dernier pour l'entretien de sa fille majeure. A ce propos, il est rendu vraisemblable que l'intimé s'acquitte des frais de scolarité à hauteur de 2'458 fr. 33 par mois ([20'000 fr. + 9'500 fr.] / 12 mois). En revanche, l'intimé n'a pas rendu vraisemblable qu'il s'acquittait également de la part du loyer de sa fille. En effet, bien que le contrat de bail soit au nom de l'intimé, il apparaît que le compte débité pour le paiement du loyer appartient à E______.

Nonobstant le fait que la charge fiscale ne soit pas contestée, la Cour retiendra uniquement celle estimée par rapport à son activité à plein temps, à savoir 3'600 fr. par mois, étant encore souligné que, compte tenu des contributions d'entretien auquel il sera condamné, la charge fiscale précitée devrait être inférieure à ce montant.

Les autres charges de l'intimé retenues par le Tribunal n'étant pas contestées, elles seront confirmées. Ainsi, les charges totales mensuelles de l'intimé seront arrêtées à 8'558 fr. 85 (6'100 fr. 50 + 2'458 fr. 33).

Par conséquent, le solde disponible mensuel de l'intimé s'élève à 10'454 fr. 15 (19'013 fr. – 8'558 fr. 85).

3.2.5 Après couvertures des charges des parties, le solde disponible du couple s'élève à 3'104 fr. 70 du 25 décembre 2020 au 30 septembre 2021, à 6'396 fr. 40 du 1er octobre 2021 au prononcé du présent arrêt et à 7'964 fr. 30 dès le prononcé de l'arrêt.

L'appelante ayant droit, en sus de la couverture de ses charges et celles de sa fille, à la moitié de l'excédent, la contribution d'entretien en sa faveur sera fixée, par mois et d'avance, en équité, à 8'900 fr. du 1er janvier 2021 au 30 septembre 2021 (7'349 fr. 45 + [3'104 fr. 70 / 2]), 7'300 fr. du 1er octobre 2021 jusqu'au 30 septembre 2022 (4'057 fr. 75 + [6'396 fr. 40 / 2]) et à 6'500 fr. dès le 1er octobre 2022 (2'489 fr. 85 + [7'964 fr. 30 / 2]).

Ces contributions mensuelles d'entretien sont dues sous déduction des sommes déjà versées à ce titre de 3'400 fr. par mois depuis le 1er avril 2021, ainsi que le Tribunal l'a relevé, sans avoir été contredit.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement sera dès lors réformé dans le sens qui précède.

4. L'appelante sollicite le versement d'une provisio ad litem complémentaire pour la procédure d'appel.

4.1 La requête de provisio ad litem valablement formée par une partie ne perd pas son objet, bien que la procédure soit achevée, si des frais de procédure sont mis la charge de la partie qui a sollicité la provisio ad litem et que les dépens sont compensés. Dans ce cas, il convient d'examiner si celle-ci dispose des moyens suffisants pour assumer lesdits frais, question qui continue de se poser au moment où la décision finale est rendue (arrêts du Tribunal fédéral 5D_66/2020 du 14 août 2020 consid. 3.2; 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3 et 3.5).

D'après la jurisprudence, une provisio ad litem est due à l'époux qui ne dispose pas lui-même des moyens suffisants pour assumer les frais du procès; le juge ne peut toutefois imposer cette obligation que dans la mesure où son exécution n'entame pas le minimum nécessaire à l'entretien du conjoint débiteur et des siens (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_808/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.1; 5A_784/2008 du 20 novembre 2009 consid. 2).

Les contributions d'entretien ont en principe pour but de couvrir les besoins courants des bénéficiaires, et non de servir, comme la provisio ad litem, à assumer les frais du procès. L'octroi d'une telle provision peut donc être justifié indépendamment du montant de la contribution d'entretien (arrêts du Tribunal fédéral 4A_808/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.1; 5A_372/2015 du 29 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_448/2009 du 25 mai 2010 consid. 8.2). Toutefois, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'est pas arbitraire d'admettre que l'époux requérant qui perçoit depuis plusieurs années une pension excédant amplement son minimum vital élargi (dans le cas jugé de 6'000 fr. par mois depuis plus de trois ans) peut être tenu de l'affecter en partie à ses frais de procès (arrêt du Tribunal fédéral 5A_850/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.2).

Ainsi, se trouve dans le besoin celui qui ne pourrait pas assumer les frais d'un procès sans recourir à des moyens qui lui sont nécessaires pour couvrir son entretien courant et celui de sa famille. L'appréciation de cette circonstance intervient sur la base de l'examen d'ensemble de la situation économique de la partie requérante, c'est-à-dire d'une part de toutes ses charges et d'autre part de sa situation de revenus et de fortune (De Luze/Page/Stoudmann, Droit de la famille, Code annoté, n. 2.5 ad art. 163 CC). La situation de besoin peut être admise même lorsque les revenus excèdent de peu les besoins courants. Un éventuel excédent entre le revenu à disposition et le minimum vital de la partie requérante doit être mis en relation avec les frais prévisibles de justice et d'avocat dans le cas concret : l'excédent mensuel devrait lui permettre de rembourser les frais de justice dans un délai d'un an s'ils sont peu élevés ou de deux ans s'ils sont plus importants. Il est également déterminant que la partie puisse, au moyen de l'excédent dont elle dispose, procéder aux avances de frais de justice et d'avocat dans un délai raisonnable (FamPra.ch 2008, n° 101, p. 965).

Le montant de la provisio ad litem doit être proportionné aux facultés financières de l'autre conjoint et correspondre aux frais prévisibles de l'action judiciaire entreprise (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_778/2012 du 24 janvier 2013 consid. 6.1; arrêt de la Cour de justice du 30 mai 1980 publié in SJ 1981 p. 126).

4.2 En l'espèce, dès lors que le devoir d'assistance entre époux existe encore entre les parties, puisque leur divorce n'a pas encore été prononcé, l'appelante est, sur le principe, en droit de prétendre au versement d'une provisio ad litem pour les frais se rapportant à la présente procédure, pour autant qu'elle rende vraisemblable qu'elle n'est pas en mesure de couvrir ses frais de procédure.

Les frais concernant l'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (cf. consid. 6.1 infra), dont la moitié est mise à la charge de l'appelante. Les dépens seront en outre compensés (cf. consid. 6.2 infra), de sorte qu'elle sera tenue de rémunérer seule son conseil.

Dans la mesure où l'appelante devrait récupérer un montant conséquent d'arriéré de contribution d'entretien, lequel comprend une part à l'excédent familial, et sera ensuite au bénéfice d'une contribution d'entretien en sa faveur de 6'500 fr. par mois, laquelle comprend également une part à l'excédent familial, elle sera en mesure de s'acquitter dans un délai raisonnable des frais judiciaires d'appel ainsi que de ses honoraires d'avocat, sans qu'il soit porté atteinte à son entretien courant.

Par conséquent, l'appelante n'a pas rendu vraisemblable ne pas être en mesure de s'acquitter des frais relatifs à la présente procédure d'appel, de sorte qu'elle sera déboutée de sa conclusion en paiement d'une provisio ad litem.

5. 5.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils sont répartis selon le sort de la cause lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (art. 106 al. 2 CPC). Le Tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation dans les litiges relevant du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2 Les parties ne critiquent pas la quotité des frais de première instance, lesquels sont conformes au règlement fixant le tarif des frais en matière civil (RTFMC; E 1 05 10). La modification du jugement entrepris ne commande par ailleurs pas de revoir la répartition effectuée par le premier juge, qui n'est pas critiquable compte tenu de la nature du litige et du fait qu'aucune d'elles n'obtient le plein de ses conclusions de première instance (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

Le montant et la répartition des frais de première instance seront par conséquent confirmés.

6. 6.1 Les frais judiciaires de la procédure d'appel, y compris ceux relatif à l'arrêt sur effet suspensif, seront fixés à 1'000 fr. (art. 31 et 35 RTFMC).

Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, compte tenu de la nature familiale du litige (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, art. 104 al. 1, art. 105 al. 1, 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). L'appelante plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part des frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 al. 1 CPC et 19 RAJ). L'intimé sera condamné à verser 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

6.2 Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 95 al. 1 let. b et al. 3 et 107 al. 1 let c. CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 janvier 2022 par A______ contre le chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/99/2022 rendu le 10 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11987/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement précité.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à payer à A______ à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, les sommes de :

-       8'900 fr. du 1er janvier 2021 au 30 septembre 2021;

-       7'300 fr. du 1er octobre 2021 jusqu'au 30 septembre 2022.

Dit que ces contributions mensuelles d'entretien sont dues sous déduction des sommes déjà versées de 3'400 fr. par mois.

Condamne B______ à payer, par mois et d'avance, à A______ 6'500 fr. dès le 1er octobre 2022 à titre de contribution à son entretien.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.


 

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les répartit par moitié entre B______ et A______.

Laisse provisoirement la part des frais de A______ en 500 fr. à la charge de l'Etat de Genève, qui pourra lui en demander le remboursement ultérieurement.

Condamne B______ à verser 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.