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Décisions | Chambre civile

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C/6794/2022

ACJC/1078/2022 du 25.07.2022 ( ADOPT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6794/2022 ACJC/1078/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 25 JUILLET 2022

 

Requête (C/6794/2022) formée le 1er avril 2022 par Monsieur A______, domicilié ______ (Israël), comparant en personne, tendant à l'adoption de B______, née le ______ 1972.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 24 août 2022 à :

 

- Monsieur A______
______ (Israël).

- Madame B______
______.


EN FAIT

A. a) A______, né le ______ 1954 à D______ (Genève), originaire de Genève, et C______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1942 à E______, originaire de Genève, se sont mariés le ______ 1985.

De l’union entre A______ et C______ est née F______, le ______ 1986, à D______ (Genève).

b) C______ est la mère de B______, née le ______ 1972 à Genève, originaire de Genève, divorcée de G______ le 30 avril 2013. Le père enregistré à l’état civil genevois de B______ est H______, né le ______ 1942 à Genève.

B______ est la mère de I______, né le ______ 2005 à D______ (Genève).

B. a) Le 1er avril 2022, A______, domicilié à K______ (Israël), a formé une requête d’adoption de B______, fille de son épouse C______, domiciliée à L______ (Genève), tout comme la candidate à l'adoption. Il exposait que B______ avait huit ans au moment où il avait rencontré sa mère, en 1980. Ils s'étaient mariés en 1985. Il avait participé "activement" à l’éducation de B______ jusqu’à l’âge adulte. Il s’était également beaucoup occupé du fils de celle-ci, J______, qui le considérait comme son grand-père. Il éprouvait, tout comme B______, le désir d’officialiser leurs liens par une adoption, source de joie pour leur entourage proche.

b) Par courrier du 5 avril 2022, A______ a complété sa requête. Il s'était renseigné à l'Ambassade de Suisse à K______, lieu où il résidait, laquelle lui avait indiqué qu'il fallait déposer la demande d'adoption dans le pays de résidence de l'adoptée. Malgré sa résidence en Israël, il continuait à partager et entretenir des liens étroits avec sa fille F______, B______ et le fils de cette dernière. Ils étaient tous les jours en contact, par téléphone, messages ou appel vidéo. B______ et J______ lui rendaient régulièrement visite en Israël et considéraient son logement comme leur foyer. Il se réjouissait de pouvoir adopter B______.

Il a joint à sa requête un courriel de l'Ambassade de Suisse en Israël lui indiquant qu'une adoption en Israël semblait totalement improbable. L'Ambassade ne connaissait aucun cas similaire et ne pouvait donner aucune information sur le droit de l'adoption en Israël. Il était renvoyé à se renseigner à ce sujet. Il a joint un second courriel de sa part sollicitant des renseignements, manifestement auprès d'une administration en Israël, sans fournir plus d'explications et sans joindre de réponse. Il a également produit un certificat de vie du 1er mars 2022 établi par le consulat suisse à K______(Israël) du 1er mars 2022 et des attestations de proches certifiant de son lien d'attachement à la fille de son épouse.

c) B______, domiciliée à L______ (Genève), a déclaré consentir à son adoption par A______ et être d'accord de prendre son nom de famille.

d) C______ a également consenti à l'adoption de sa fille par A______.

e) J______, fils de la candidate à l'adoption, et F______, fille du requérant se sont déclarés favorables au projet.

f) En date du 14 mars 2022, H______, père de B______, a été informé par cette dernière de la procédure d’adoption en cours.

g) Il ressort des indications figurant à l'Office cantonal de la population que A______ a quitté Genève le 13 octobre 2015 pour K______(Israël) et que C______ est officiellement séparée de ce dernier depuis le 23 janvier 2019.

EN DROIT

1. 1.1.1 La cause présentant un élément d’extranéité en raison du domicile à l’étranger du requérant, le for compétent pour la requête d'adoption est régi par la LDIP, sous réserve de traités internationaux, lesquels ne trouvent cependant pas application en l'espèce, l'adoption visant une personne majeure (art. 1 al. 1 et 2 LDIP, art. 2 CPC).

En principe, sont compétentes pour prononcer l’adoption les autorités judiciaires ou administratives suisses du domicile de l’adoptant ou des époux adoptants (art. 75 al. 1 de la loi sur le droit international privé [RS 291; ci-après : LDIP]).

L’art. 20 al. 1 let. a LDIP prévoit qu’une personne physique a son domicile dans l’Etat dans lequel elle réside avec l’intention de s’y établir.

1.1.2 Subsidiairement, si les conditions de l’art. 75 LDIP ne peuvent être remplies, l’art. 76 LDIP prévoit un for subsidiaire au for du lieu d’origine. Selon cette disposition, sont compétentes pour prononcer l’adoption les autorités judiciaires ou administratives du lieu d’origine, lorsque l’adoptant ou les époux adoptants ne sont pas domiciliés en Suisse et que l’un d’eux est suisse et lorsqu’ils ne peuvent pas adopter à leur domicile à l’étranger, ou que l’on ne saurait raisonnablement exiger qu’ils y engagent une procédure d’adoption.

Ce for au lieu d'origine est ainsi de nature subsidiaire. La compétence subsidiaire des autorités du lieu d'origine est destinée, en premier lieu, à offrir aux adoptants une chance de pouvoir adopter en Suisse lorsque ce projet s'avère impossible ou très difficile à réaliser dans le pays de leur domicile. Une telle situation peut avoir des causes fort diverses. Les autorités du pays du domicile peuvent ainsi ne pas être compétentes pour prononcer l'adoption dans le cas particulier ou ne pas être habilitées à prononcer des adoptions, lorsque cette institution est inconnue dans le pays en question ou réservée à des cas internes. La procédure d'adoption peut également s'avérer extrêmement lourde, compliquée ou coûteuse. On devra aussi admettre un for d'origine lorsqu'une adoption, obtenue à l'étranger et valable dans le pays du domicile, ne pourra pas être reconnue en Suisse. Enfin, la possibilité de procéder à une adoption simple à l'étranger ne doit pas empêcher les Suisses de l'étranger de requérir, en Suisse, une adoption plénière selon le droit suisse, si celle-ci ne peut être prononcée dans le pays étranger de leur domicile (cf. JAAC 1978 n°49 p. 215; Urwyler/Hauser, BSK-IPRG, art. 76 n° 11).

En second lieu, le for d'origine est destiné à permettre une adoption en Suisse lorsque le contenu du droit applicable dans le pays étranger du domicile est tel que l'adoption ne pourra pas avoir lieu à l'étranger. En principe, l'on ne distinguera pas entre le pays étranger ne connaissant pas l'adoption ou celui qui la soumet à des conditions très rigoureuses; car il n'y a pas de raison d'envisager un for d'origine plus favorablement dans la première hypothèse que dans la seconde, dès lors que celle-ci aboutit également à un refus de l'adoption dans le cas particulier. L'autorité suisse devra toutefois tenir compte des difficultés à faire reconnaître à l'étranger une adoption prononcée en Suisse; cette exigence n'a cependant pas à être déduite de l'interprétation de l'art. 76, étant donné qu'elle est expressément prévue à l'art. 77 al. 2, s'agissant du droit applicable (Bucher, Commentaire romand Loi sur le droit international privé (LDIP) - Convention de Lugano, 2011, n. 3-4 ad art. 76 LDIP).

En application de l’art. 77 al. 1 LDIP, les conditions de l’adoption prononcée en Suisse sont régies par le droit suisse.

1.2 En l’espèce, le requérant est domicilié en Israël, ce qu'il atteste par la production d'un certificat de vie établi le 1er mars 2022 par l'Ambassade suisse à K______ (Israël). Il ressort en effet de l'attestation de l'Office cantonal de la population qu'il a quitté Genève pour K______(Israël) le 13 octobre 2015. Les conditions de l’art. 75 al. 1 LDIP ne sont donc pas remplies pour admettre la compétence de l’autorité genevoise pour prononcer l’adoption, compte tenu du domicile à l'étranger du requérant. Il reste à examiner si les conditions de l'art. 76 LDIP sont remplies afin d'admettre la compétence du for du lieu d'origine.

Si certes, le requérant et la candidate à l'adoption sont tous deux originaires de Genève, le requérant n'a pas démontré qu'il ne pourrait pas adopter cette dernière à son lieu de domicile. En effet, le requérant n'a produit qu'un document établi par un employé consulaire de l'Ambassade suisse, précisant que l'adoption en Israël lui paraissait "totalement improbable" et que l’ambassade "ne connait aucun cas similaires". Elle l'envoyait à se renseigner à ce sujet, dès lors qu'elle ne pouvait lui donner aucune information sur le droit de l'adoption en Israël.

Ce document n'est manifestement pas suffisant pour permettre de retenir que la procédure d'adoption au lieu de domicile du requérant ne serait pas possible ou encore paraîtrait déraisonnable. Le requérant n'a en effet pas établi que la législation israélienne ne permettrait pas de prononcer, en Israël, l'adoption requise, au point que l'on ne saurait exiger de lui qu'il entreprenne dans ce pays des démarches en ce sens. Il ne prétend d'ailleurs pas avoir entrepris une procédure qui n'aurait pas été couronnée de succès, ni même s'être renseigné auprès d'un avocat en ce pays.

De ce fait, le for d’origine prévu à l’art. 76 LDIP n'est pas ouvert au cas d'espèce, de sorte que la requête est irrecevable, le requérant n'ayant pas prouvé, à satisfaction de droit, l'impossibilité d'adopter la personne souhaitée à son lieu de domicile, en Israël.

Quoi qu'il en soit, même si l'on devait admettre la compétence des tribunaux genevois pour connaître de la requête d'adoption, l'une des conditions matérielles au prononcé de celle-ci ferait défaut, ce qui sera examiné ci-dessous.

2. 2.1 Selon l'art. 266 al. 1 CC dans sa nouvelle teneur, une personne majeure peut être adoptée si elle a besoin de l'assistance permanente d'autrui en raison d'une infirmité physique, mentale ou psychique et que le ou les adoptants lui ont fourni des soins pendant au moins un an (ch. 1), lorsque, durant sa minorité, le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an (ch. 2), ou, pour d'autres justes motifs, lorsqu'elle a fait ménage commun pendant au moins un an avec le ou les adoptants (ch. 3).

Les dispositions sur l'adoption des mineurs s'appliquent par analogie, à l'exception de celle sur le consentement des parents (art. 266 al. 2 CC).

L’art. 264c al. 1 ch. 1 CC prévoit la possibilité d’adopter l’enfant de son conjoint (al. 1) à condition de faire ménage commun depuis au moins trois ans (al. 2).

Pour prouver la condition de communauté domestique de l’art. 264c al. 2 CC, le couple doit formellement être en mesure de montrer qu’il fait ménage commun depuis au moins trois ans. On exige une vie commune ininterrompue au sein d’un ménage commun (Message concernant la modification du code civil (FF 2015 835) p. 880).

2.2 En l'espèce, le requérant souhaite adopter la fille de son épouse. Or, le libellé de l'art. 264c al. 1 ch. 1 CC, auquel renvoie l'art. 266 al. 2 CC, implique que pour l'adoption de l'enfant de son conjoint, fût-il majeur, le couple doit encore faire ménage commun à la date du dépôt de la requête. En effet, l'adoption de l'enfant du conjoint remplit des conditions supplémentaires à celle de l'adoption par un couple ou une personne seule, en raison de la problématique du maintien ou de la rupture des liens de filiation suite au prononcé de l'adoption. En l'espèce, le requérant et son épouse ne font plus ménage commun depuis le 13 octobre 2015, date du départ du requérant pour K______(Israël), lieu où il est domicilié depuis lors, ce qu'il réaffirme dans sa requête d'adoption. La condition du ménage commun du requérant et de son épouse de l'art. 264c al. 1 ch. 2 CC faisant défaut, la requête d'adoption devrait, quoi qu'il en soit être rejetée.

3. Les frais de la procédure, arrêtés à 1'000 fr. (art. 19 al. 1 et 3 let. a LaCC et 18 RTFMC), sont mis à la charge du requérant, qui succombe. Ils sont compensés avec l’avance de frais de 1'000 fr. versée par celui-ci, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable, subsidiairement rejette, la requête d'adoption déposée le 1er avril 2022 par A______.

Arrête les frais de la procédure à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 308 ss du code de procédure civile (CPC), la présente décision peut faire l'objet d'un appel par-devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans les 10 jours qui suivent sa notification.

 

L'appel doit être adressé à la Cour de justice, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.