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Décisions | Chambre civile

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C/10986/2021

ACJC/847/2022 du 21.06.2022 sur OTPI/5/2022 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10986/2021 ACJC/847/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 21 juin 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 janvier 2022, comparant par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477,
1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par
Me Giuseppe DONATIELLO, avocat, rue Verdaine 12, case postale 3647,
1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/5/2022 rendue le 11 janvier 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles de divorce, a condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, dès le 1er octobre 2020, la somme de 2'940 fr., puis dès le 1er janvier 2022, la somme de 3'175 fr., à titre de contribution à son entretien (chiffre 1 du dispositif), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 24 janvier 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a appelé de cette ordonnance, reçue le 14 janvier 2022, dont il a sollicité l'annulation des chiffres 1 et 4 du dispositif, sous suite de dépens.

Principalement, il a conclu à ce qu'il soit dit qu'il était dispensé de verser une contribution à l'entretien de B______ et subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision.

A titre préalable, il a requis la suspension du caractère exécutoire du chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance attaquée. Il a invoqué à cet égard que faute d'effet suspensif, il devrait verser des arriérés de contribution d'entretien d'un montant total de 47'275 fr., alors que le dies a quo fixé par le Tribunal était erroné, et serait placé dans une situation personnelle et financière difficile compte tenu de sa capacité contributive, d'une part, et de ses actes de défauts de biens, d'autre part.

b. Par réponse du 25 février 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité de l'appel de A______, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de l'ordonnance querellée, sous suite de frais judiciaires et de dépens.

c. Par arrêt ACJC/280/2022 du 1er mars 2022, la Cour a admis la requête de A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise en tant qu'il portait sur la période du 1er octobre 2020 au 11 janvier 2022, l'a rejetée au surplus et a dit qu'il sera statué sur les frais de ladite décision dans l'arrêt à rendre au fond.

d. Par réplique spontanée du 15 mars 2022 et duplique spontanée du 23 mars 2022, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions respectives.

A______ a allégué des faits nouveaux.

e. Le 14 avril 2022, les parties ont été informées par la Cour que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. B______, née ______[nom de jeune fille] le ______ 1961, et A______, né le ______ 1960, tous deux de nationalité italienne, se sont mariés le ______ 1980 à C______ (Italie), sans conclure de contrat de mariage.

De cette union sont issus deux enfants, désormais majeurs.

b. Les époux se sont installés en Suisse en 1983.

Ils vivent séparés depuis le 1er juillet 2018, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal pour se constituer un domicile distinct.

c. Les époux sont copropriétaires d'une villa sise chemin 1______, lot 2______, D______ (France) (ci-après: "la villa"), comprenant des studios, dont la valeur fiscale est estimée à 481'900 fr.

Les époux sont d'accord sur le principe de vendre le bien immobilier susvisé, mais ne s'accordent pas sur les modalités de vente.

Ils sont également copropriétaires de deux biens immobiliers situés en Italie, dont la valeur fiscale est estimée à 34'032 fr. pour l'un, et 17'986 fr. pour l'autre (selon l'avis de taxation de l'année 2018).

d. Par acte déposé le 7 juin 2021 au Tribunal de première instance, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, enregistrée sous le numéro de cause C/10986/2021. Il a conclu à ce que le Tribunal prononce le divorce, attribue à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis route 3______, E______ [GE], avec les droits et obligations y relatifs, dise et constate qu'aucune contribution d'entretien post-divorce ne serait due entre les parties, ordonne le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage, ordonne la liquidation du régime matrimonial et statue sur les frais.

e. Par acte reçu le 16 août 2021 par le Tribunal, B______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale assorties de mesures provisionnelles, enregistrée sous le numéro de cause C/6______/2021.

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés et condamne A______ à lui verser, par mois et d'avance, la somme de 3'175 fr. 25 pour son entretien. Sur mesures protectrices de l'union conjugale, elle a pris les mêmes conclusions, concluant en sus à ce que la contribution d'entretien susvisée soit versée avec effet rétroactif au 1er octobre 2020 et à ce que A______ soit condamné à lui verser une provisio ad litem de 5'000 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens.

f. Lors de l'audience tenue le 30 septembre 2021 par le Tribunal, B______ a acquiescé au principe du divorce. Elle a persisté dans ses conclusions en versement d'une contribution à son entretien ainsi que d'une provisio ad litem et précisé qu'il fallait les traiter comme des mesures provisionnelles de divorce.

A______ a persisté dans ses conclusions.

f. Dans sa réponse sur mesures provisionnelles du 22 octobre 2021, A______ a conclu au déboutement de B______.

g. B______ s'est encore déterminée les 2 et 4 novembre 2021, persistant dans ses conclusions.

h. La cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles au terme de l'audience de plaidoiries sur provisio ad litem et sur mesures provisionnelles du 4 novembre 2021, lors de laquelle le Tribunal a ordonné la jonction des procédures C/6______/2021 et C/10986/2021, sous le numéro de cause C/10986/2021.

i. La situation personnelle et financière des parties se présente comme suit:

i.a A______ est employé en qualité de ______ à un taux de 80% par l'association F______ et perçoit, à ce titre, un revenu mensuel net de 6'055 fr. (treizième salaire inclus).

Il est au bénéfice d'un contrat de prêt à usage à titre gratuit concédé par son employeur pour son logement, sis rue 4______, à Genève, et ne paie ainsi aucun frais de logement. Le contrat a été conclu pour une durée de deux ans à compter du 30 septembre 2020.

Ses charges, telles que retenues par le Tribunal et non contestées en appel, s'élèvent à 1'770 fr. 25, comprenant le montant de base selon les normes OP (1'200 fr.), sa prime d'assurance-maladie obligatoire (500 fr. 25, basée sur le décompte de prime d'assurance de son épouse, seule pièce produite) et ses frais de transports publics (70 fr.). Le Tribunal n'a pas tenu compte des impôts, charges non alléguées par les parties.

A______ dispose d'un troisième pilier b, dont la valeur de rachat au 31 décembre 2020 s'élevait à 63'725 fr. 10.

Au 16 octobre 2020, il faisait l'objet de divers actes de défaut de biens pour un montant total de 63'629 fr., sans que le détail desdits actes n'ait été fourni.

i.b B______ a cessé de travailler pour s'occuper des enfants du couple et a repris une activité à temps partiel en 1990. Dès 1994, elle a travaillé en qualité de ______ auprès de l'association G______ à 60% jusqu'à son licenciement avec effet au 27 juin 2016. Elle a produit un certificat de travail de la part de l'employeuse précitée; elle n'a pas produit de fiches ou de certificats de salaire.

Selon les allégations de A______, son épouse aurait perçu des indemnités de chômage jusqu'en 2018; elle n'aurait pas effectué de recherches d'emploi et n'aurait pas l'intention de reprendre une activité lucrative. Aucune pièce relative à la perception desdites indemnités ou aux recherches d'emploi de B______ n'a été versée au dossier.

B______ a produit un avis de prime pour son assurance-maladie obligatoire d'un montant de 500 fr. 25 pour le mois d'août 2021 et un récépissé de paiement de ladite prime.

Elle a déclaré ne plus vivre dans le domicile conjugal, occupé par le fils cadet des époux, mais dans la maison de D______. Selon A______, son épouse, vivrait dans ladite villa avec son concubin, H______, depuis le 1er juillet 2018; elle percevrait de celui-ci 800 fr. par mois à titre de participation aux charges, ce qu'elle conteste. A______ a produit une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: "l'OCPM") du 13 octobre 2021 selon laquelle le compagnon de B______ était domicilié, à cette période, au chemin 5______, I______ [GE]. Celle-ci soutient que son compagnon ne ferait plus ménage commun avec elle dans la villa depuis le mois d'octobre 2020 et qu'il aurait un bail en son nom propre depuis le mois de juin 2021 (sans produire de pièce à cet égard). N'occupant la maison de D______ qu'en attendant sa vente, B______ soutient rechercher un appartement en location ou en sous-location à Genève; elle n'a pas produit de pièces relatives à ses recherches.

B______ s'est acquittée de frais relatifs à l'entretien de la piscine de la villa, dont l'achat d'un robot de nettoyage, au mois de mai 2021 pour un montant de 880 euros.

Les époux possèdent un compte bancaire commun auprès de la banque J______, alimenté par le salaire de A______ afin de subvenir à leurs besoins. Lors de l'audience du Tribunal du 30 septembre 2021, A______ a déclaré avoir cessé ses versements sur le compte précité à compter du mois d'octobre 2020.

Il a déclaré avoir toutefois continué de payer l'hypothèque ainsi que les taxes immobilières et foncières de la maison de D______. B______ conteste cet allégué, relevant que les divers frais relatifs à la villa seraient débités par prélèvement automatique du compte commun des époux auprès de [la banque] K______, qu'elle alimenterait seule par les loyers issus de la location de deux studios (estimés à un total de 1'800 fr. par mois par son époux). Les loyers perçus étant insuffisants aux fins de couvrir l'intégralité des charges relatives à la villa, elle aurait contracté des emprunts auprès de ses proches pour s'en acquitter. Elle a précisé que, dès le mois de janvier 2022, seul un studio serait encore loué.

Au vu de ces déclarations, le premier juge n'a retenu des frais de logement à la charge de B______ qu'à compter du 1er janvier 2022. Il a arrêté lesdits frais à 700 fr. par mois (soit 8'402 fr. par an), comprenant les charges hypothécaires (1'425 fr.), la taxe d'habitation (4'170 fr., soit 4'005 euros) et la taxe foncière (2'807 fr., soit 2'696 euros).

Le minimum vital du droit des poursuites de B______ jusqu'au 31 décembre 2021 arrêté par le premier juge s'élève à environ 1'590 fr. par mois, comprenant le montant de base selon les normes OP (1'020 fr., soit 1'200 fr. diminués de 15% pour tenir compte de son domicile effectif en France), la prime d'assurance-maladie obligatoire (500 fr. 25) et les frais de transports publics (70 fr.). Le Tribunal n'a pas tenu compte des impôts, charges non alléguées par les parties.

A compter du 1er janvier 2022, le Tribunal a arrêté les charges de B______ à 2'290 fr. par mois, comprenant en sus des frais susvisés, les frais de logement de 700 fr. par mois.

D.           Dans son ordonnance querellée, le Tribunal a, en substance, retenu que B______ avait perdu son emploi de ______ en 2016 et qu'elle n'avait plus exercé d'activité lucrative depuis lors. Elle ne percevait aucun revenu et devait faire face à des charges mensuelles de 1'590 fr., lesquelles augmenteraient à 2'290 fr. dès le mois de janvier 2022, date à partir de laquelle seul un studio de la villa serait encore loué.

A______ travaillait à un taux de 80% pour un salaire mensuel net de 6'055 fr. et des charges mensuelles de 1'770 fr. Après couverture de celles-ci, il était au bénéfice d'un solde de 4'285 fr. par mois, tandis que B______ subissait un déficit mensuel de 1'590 fr., puis de 2'290 fr. dès janvier 2022. Par conséquent, il appartenait à A______ de couvrir le déficit de B______.

Après couverture des charges des époux, A______ bénéficiait d'un solde disponible mensuel de 2'695 fr. (4'285 fr. – 1'590 fr.) et de 1'995 fr. (4'285 fr.
– 2'290 fr.) à partir du 1er janvier 2022. Il convenait de partager cet excédent par moitié.

Dans la mesure où A______ avait admis avoir cessé d'alimenter le compte commun des époux dès le mois d'octobre 2020, il n'avait plus contribué à l'entretien de son épouse depuis cette date et devait donc être condamné au paiement de l'entretien de cette dernière avec effet rétroactif au 1er octobre 2020.

La contribution d'entretien mensuelle en faveur de l'épouse devait dès lors être fixée à hauteur de 2'940 fr. dès le 1er octobre 2020 (1'590 fr. de déficit de l'épouse + 1'347 fr., soit la moitié du solde disponible de l'époux de 2'695 fr. après couverture du déficit de l'épouse).

A compter du 1er janvier 2022, elle s'élevait au montant arrondi de 3'175 fr. (2'290 fr. de déficit de l'épouse + 997 fr., soit la moitié du disponible de l'époux de 1'995 fr. après couverture du déficit de l'épouse; le total de 3'287 fr. devait être ramené à 3'175 fr., montant correspondant aux conclusions de l'épouse).

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte (cf. art. 92 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision attaquée (art. 142 al. 3, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable de ce point de vue.

1.3 Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être motivé. Pour satisfaire à cette obligation de motivation, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2).

En l'espèce, l'appel sera considéré comme suffisamment motivé, et donc recevable, dans la mesure où ses motifs sont compréhensibles.

1.4 La cause présente un élément d'extranéité en raison de la nationalité italienne des parties. Celles-ci, à juste titre, ne contestent pas la compétence des autorités genevoises pour connaître du litige (art. 59, 62 al. 1 et 63 al. 1 LDIP) ni l'application du droit suisse (art. 49, 61, 62 al. 2 et 3, 63 al. 1 et 2 LDIP; art. 8 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires [RS 0.211.213.01]).

1.5 Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire au sens propre (art. 248 let. d, 271 et 276 al. 1 CPC). La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_476/2015 du 19 novembre 2015 consid. 3.2.2).

Les questions relatives aux contributions d'entretien après le divorce sont soumises à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC), ainsi qu'à la maxime des débats atténuée (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

1.6 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En l'espèce, la recevabilité des faits nouveaux invoqués par l'appelant devant la Cour peut demeurer indécise, puisque ceux-ci sont dénués de pertinence pour l'issue du litige.

2.             L'appelant reproche au premier juge de l'avoir condamné, sur mesures provisionnelles, à verser une contribution à l'entretien de l'intimée et critique en tout état la fixation du dies a quo de celle-ci au 1er octobre 2020.

2.1.1 Saisi d'une requête commune ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2 in SJ 2004 I 529). Tant que dure le mariage, les époux doivent ainsi contribuer, chacun selon leurs facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Si la situation financière des époux le permet encore, le standard de vie antérieur, choisi d'un commun accord, doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les époux ont droit à un train de vie semblable (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_173/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.2 et 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

2.1.2 La loi ne prescrit pas de méthode de calcul particulière pour arrêter la quotité de la contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4;
128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301), le Tribunal fédéral a toutefois posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille – soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) – qu'il y a lieu d'appliquer (ATF 142 V 551 consid. 4.1; 135 II consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.3).

Selon cette méthode, il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille (ATF 147 III 265 précité consid. 7).

Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (OP), les frais de logement effectifs ou raisonnables, les coûts de santé, tels que les cotisations d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels, tels que les frais de repas à l'extérieur (art. 93 LP; ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce: Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 84 s. et 101 s.). Les bases mensuelles du droit des poursuites – qui est de 1'200 fr. pour un débiteur vivant seul (Normes d'insaisissabilité pour l'année 2020 – RS/GE E 3 60.04) – sont réduites de 15% pour les débiteurs domiciliés en France, le coût de la vie y étant notoirement moins élevé qu'en Suisse (SJ 2000 II 214 et DAS 66/97; arrêts du Tribunal fédéral 5A_462/2010 du 24 octobre 2011 consid. 3.1; 5A_99/2009 du 14 avril 2009 consid. 2.2.1.2).

Les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille): les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires. En revanche, le fait de multiplier le montant de base ou de prendre en compte des postes supplémentaires comme les voyages ou les loisirs n'est pas admissible. Ces besoins doivent être financés au moyen de la répartition de l'excédent. Toutes les autres particularités devront également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

S'il reste un excédent après couverture du minimum vital de droit de la famille, il sera réparti en équité entre les ayants droit (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

2.1.3 Lorsqu'il s'agit de fixer non pas une pension après divorce mais la contribution à l'entretien durant les mesures protectrices de l'union conjugale ou les mesures provisoires dans le cadre du procès en divorce, il convient de prendre en considération que le conjoint vit en communauté avec une autre personne. Dans ces circonstances, il n'est pas arbitraire de considérer que son compagnon pourrait participer pour moitié aux frais communs, même si sa participation effective est moindre. A cet égard, la durée du concubinage n'est pas déterminante; sont au contraire pertinents les avantages économiques retirés de la relation. Il importe, autrement dit, que les intéressés forment une communauté de toit et de table ayant pour but de partager les frais et les dépenses (ATF 138 III 97 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 3.1). Ainsi, si le débiteur d'entretien vit en concubinage, il convient de ne prendre en compte, dans le calcul de son minimum vital, que la moitié du montant mensuel de base prévu pour le couple (ATF 130 III 765 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_6/2019 du 3 juillet 2019), soit la moitié de 1'700 fr. (Normes d'insaisissabilité pour l'année 2020), quand bien même il ne s'agit que d'une (simple) communauté domestique et que le concubin n'apporte aucun soutien financier au débirentier (ATF 144 III 502 consid. 6.6; 138 III 97 consid. 2.3.2; ACJC/1326/2016 du 7 octobre 2016, consid. 5.1.2).

2.1.4 Les contributions pécuniaires fixées par le juge en procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ou sur mesures provisionnelles de divorce peuvent être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 276 al. 1 CPC, lequel renvoie à l'art. 173 al. 3 CC; ATF 115 II 201 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2015 du 29 septembre 2015 consid. 3.1). L'effet rétroactif ne se justifie que si l'entretien dû n'a pas été assumé en nature ou en espèces ou dès qu'il a cessé de l'être (arrêts du Tribunal fédéral 5A_372/2015 précité consid. 3.1 et 5A_591/2011 du 7 décembre 2011 consid. 5.2).

2.2 En l'espèce, la situation financière de l'appelant ne sera pas examinée, celle-ci n'ayant pas été remise en cause par les parties.

S'agissant de l'intimée, vu son âge et en raison du nombre d'années écoulées sans qu'elle exerce d'activité lucrative, il n'y a pas lieu, sur mesures provisionnelles, de lui imputer un revenu hypothétique. D'ailleurs, l'appelant ne développe pas cette question, en tout cas au stade des mesures provisionnelles.

Il n'y a pas non plus lieu de retenir des revenus locatifs pour les studios de la villa, que l'appelant estime au total à 1'800 fr. par mois, dans la mesure où il en a été tenu compte pour fixer les frais de logement de l'intimée, sans que l'appelant ne conteste suffisamment ce point. Par ailleurs, le règlement par l'intimée de factures relatives à l'entretien de la piscine ne démontre pas, comme le soutient l'appelant, qu'elle serait en mesure de subvenir seule à ses besoins. En effet, les époux souhaitant vendre la villa, il est nécessaire d'en entretenir la piscine, afin de maintenir sa valeur en vue de sa vente.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'existence d'un ménage commun de l'intimée avec son compagnon n'a, à juste titre, pas été retenue par le premier juge. D'une part, l'attestation de domicile de l'OCPM du 13 octobre 2021 rend vraisemblable que le compagnon de l'intimée ne faisait plus ménage commun avec elle dans la villa en France, à tout le moins depuis le mois d'octobre 2021. Cela concorde par ailleurs avec les déclarations de l'intimée, selon lesquelles son compagnon aurait conclu un contrat de bail en nom propre en juin de la même année. D'autre part, l'appelant n'a apporté aucun élément permettant de rendre vraisemblable que l'intimée faisait ménage commun avec son compagnon depuis qu'il a arrêté d'alimenter le compte commun des époux auprès de la banque J______ au mois d'octobre 2020. Il ne sera dès lors pas tenu compte d'une participation du compagnon de l'intimée aux charges de celles-ci.

Le premier juge a retenu que les revenus locatifs perçus par l'intimée pour la location des studios de la villa lui permettaient de s'acquitter des charges de celle-ci. Au vu de l'échéance d'un des deux contrats de location au 31 décembre 2021, les frais de logement de l'intimée ont été arrêtés à 700 fr. par mois à compter du 1er janvier 2022. En appel, l'appelant se limite à faire valoir qu'il s'acquitterait lui-même des charges relatives à la villa, sans produire de pièces à cet égard et sans critiquer plus avant l'ordonnance entreprise sur ce point et la fixation des frais de logement de l'intimée. Les frais de logement tels que retenus par le Tribunal seront dès lors confirmés; ils ne seront pas divisés par moitié, comme requis par l'appelant, le concubinage de l'intimée n'ayant pas été retenu.

L'appelant soutient qu'il ne faudrait pas tenir compte de la prime d'assurance-maladie obligatoire de l'intimée, celle-ci ayant admis habiter en France. L'intimée a toutefois démontré s'être acquittée de sa prime à tout le moins au mois d'octobre 2021, période pendant laquelle, selon ses déclarations, elle habitait déjà en France. Le montant de 500 fr. 25 retenu par le premier juge sera donc confirmé.

Le domicile effectif de l'intimée en France doit conduire, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, à réduire de 15% le montant de base selon les normes OP. Le montant à prendre en compte est celui d'un "débiteur vivant seul", la communauté de vie de l'intimée avec son compagnon depuis le 1er octobre 2020 n'ayant pas été retenue. La somme de 1'020 fr. (soit 1'200 fr. réduit de 15%) retenue par le Tribunal sera dès lors confirmée.

Enfin, les excédents des époux tels que retenus par le Tribunal leur permettront de s'acquitter de leurs impôts respectifs (charges dont le premier juge n'a pas tenu compte sans que cela ne soit contesté par les parties).

2.3 Le dies a quo fixé au 1er octobre 2020, date à laquelle l'appelant a cessé de participer à l'entretien de son épouse par le biais du compte commun, s'avère justifié; au demeurant, il n'a pas été suffisamment contesté, l'appelant s'étant limité à soutenir que l'intimée bénéficiait de ressources financières suffisantes pour assumer seule ses besoins. Il sera dès lors également confirmé.

2.4 Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance entreprise sera intégralement confirmée.

3.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'200 fr., y compris la décision prononcée sur effet suspensif (art. 31 et 37 RTFMC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par l'appelant, laquelle demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à charge de l'appelant, qui succombe entièrement (art. 106 al. 1 CPC).

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 janvier 2022 par A______ contre les chiffres 1 et 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/5/2022 rendue le 11 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10986/2021.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense entièrement avec l'avance de frais fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.