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Décisions | Chambre civile

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C/16902/2019

ACJC/744/2022 du 17.05.2022 sur JTPI/10871/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.505; CC.520
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16902/2019 ACJC/744/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mARDI 17 mai 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [LU],

Monsieur B______, domicilié ______ [LU],

Madame C______, domiciliée ______ [AG],

Monsieur D______, domicilié ______ [AG],

Monsieur E______, domicilié ______ [AG],

Madame F______, domiciliée ______ [LU],

Monsieur G______, domicilié ______ [LU],

Madame H______, domiciliée ______ [LU],

Monsieur I______, domicilié ______ [LU],

Madame J______, domiciliée ______ [LU],

La mineure K______, représentée par J______ et L______, domiciliée ______ [LU],

La mineure M______, représentée par J______ et L______, domiciliée ______ [LU],

Monsieur N______, domicilié ______ [AG],

Madame O______, domiciliée ______ [SG],

Madame P______, domiciliée ______ [ZH],

Madame Q______, domiciliée ______ [LU],

Madame R______, domiciliée ______ [LU],

appelants d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 août 2021, comparant tous par Me Soile SANTAMARIA, avocate, et Me Raphaël JAKOB, avocat, Santamaria & Jakob, rue François-Versonnex 7,
1207 Genève, en l'Étude desquels ils font élection de domicile,

et

Monsieur S______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par
Me Romain CANONICA, avocat, Canonica Valticos de Preux & Ass, Rue
Pierre-Fatio 15, case postale 3782, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 3 juin 2022, ainsi qu'à la Justice de Paix le même jour.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10871/2021 du 31 août 2021, reçu par les parties le 2 septembre 2021, notifié à nouveau aux parties le 7 septembre 2021, reçu par elles respectivement les 8 et 10 septembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable l'action en nullité formée le 10 octobre 2019 (ch. 1 du dispositif), a débouté A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, la mineure K______, représentée par J______ et L______, la mineure M______, représentée par J______ et L______, N______, O______, P______, Q______ et R______ de toutes leurs conclusions (ci-après également les membres de l'Hoirie ou les hoirs) (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 36'240 fr., compensés avec les avances fournies, laissés à leur charge (ch. 3), a condamné les précités, pris conjointement et solidairement, à verser à S______ un montant de 10'000 fr. au titre des dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré que la défunte, T______, avait établi des dispositions pour cause de mort, de sorte que l'existence de l'animus testandi devait être admise. Dès lors que les dispositions des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 figuraient sur une seule feuille pliée en deux, dans une enveloppe fermée pour dépôt dans le coffre de l'Etude de S______ selon les instructions de la défunte, ouverte à son décès, il convenait de retenir l'unité dudit document. Le texte des dispositions précitées étant clair, il n'y avait pas lieu de recourir à des éléments extrinsèques pour l'interpréter. La défunte avait ainsi exprimé valablement sa volonté d'attribuer au précité un legs de 2'000 fr. et de lui léguer les avoirs gérés par la société Z______ SA, soit les fonds déposés auprès de la banque AA______. Dans la mesure où aucune cause de nullité n'affectait les dispositions testamentaires, l'action formée par les hoirs devait être rejetée.

B. a. Par acte expédié le 4 octobre 2021 à la Cour de justice, les membres de l'Hoirie ont formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Ils ont conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que la Cour constate que le document portant des indications manuscrites datées des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 ne comporte pas de dispositions testamentaires valables, et, subsidiairement, à ce qu'elle constate la nullité desdites dispositions.

Ils se sont plaints d'un établissement incorrect des faits, d'une violation de la maxime des débats ainsi que de l'art. 505 CC. Ils ont également contesté la validité des dispositions testamentaires, celles-ci n'ayant pas été signées par la défunte.

b. Dans sa réponse du 14 décembre 2021, S______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué les 28 janvier 2022 et 21 février 2022, persistant dans leurs conclusions.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. T______, dite "T______", née le ______ 1923, originaire de U______ (LU), domiciliée à l'EMS V______ à W______ [GE] depuis le 26 juillet 2017, est décédée le ______ juillet 2018 à X______ [GE].

b. Elle était célibataire et n'avait pas de descendants.

c. T______ connaissait Me S______, avocat au Barreau de Genève, depuis environ 20 ans. Elle l'avait notamment sollicité pour des conseils en lien avec sa succession dès 2005, puis désigné comme exécuteur testamentaire en 2007 (cf. let. d ci-après).

d. Par testament du 5 septembre 2007, T______ a annulé et révoqué toutes dispositions testamentaires antérieures et a institué pour seuls héritiers, à parts égales entre eux, de l'intégralité des avoirs bancaires dont elle disposerait au jour de son décès, ses neveux, petit neveux, nièces et petites nièces, soit D______, AB______, E______, I______, F______, H______, A______, AC______, R______, Q______, J______, K______, M______, O______, N______, B______ et G______, avec indications de leur lieu de domicile et leur date de naissance.

Si son frère devait être décédé au jour de sa disparition, sa part serait répartie entre les héritiers précités.

T______ a également, dans ce testament, désigné Me S______ en qualité d'exécuteur testamentaire.

La rémunération de l'exécuteur ainsi que les droits de succession éventuels devaient être à la charge de la succession.

e. A une date qui ne résulte pas de la procédure mais vraisemblablement avant l'année 2011, T______ a remis à l'une de ses nièces, Y______, une enveloppe scellée (cf. let. m ci-après).

f. Le 29 septembre 2014, T______ a donné mandat à la société Z______ SA de gérer les biens et valeurs déposés sur son compte 1______ auprès de la banque AA______, sur lequel Me S______ disposait d'une procuration générale depuis le 24 avril 2009.

De son vivant, T______ n'a pas déclaré ce compte aux autorités fiscales.

g. Le 23 décembre 2014, T______ a remis une enveloppe fermée, de format C5/6 (taille enveloppe 114 x 229 mm) à Me S______ pour dépôt dans le coffre de son Etude et ouverture à son décès.

h. Le 19 août 2015, T______ a établi, en la forme olographe, un mandat désignant Me S______ en qualité de mandataire pour cause d'inaptitude.

i. A la suite de plusieurs AVC subis en juin 2017 par la précitée, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) a pris acte, par ordonnance du 11 novembre 2017, de la désignation par T______ de Me S______ aux fonctions de mandataire pour cause d'inaptitude.

j. Le ______ janvier 2018, AD______, cousine de T______, est décédée. La part de 1/6ème de T______ dans la succession non partagée de sa cousine a été estimée à 604'754 fr. 91.

k. Selon le procès-verbal de la Justice de Paix du 17 juillet 2018, Me S______, exécuteur testamentaire de la succession de T______, a déposé, le 16 juillet 2018, auprès de la Justice de Paix, les dispositions testamentaires suivantes, conservées jusque-là dans le coffre de son Etude, soit un testament olographe daté du 5 septembre 2007, des dispositions complémentaires datées du 17 juin 2012 ainsi que des dispositions complémentaires datées du 9 décembre 2014.

Selon le testament olographe du 5 septembre 2007, T______, domiciliée à Genève, a institué son frère, ainsi que ses seize neveux, nièces, petits neveux et petites nièces en qualité de seuls héritiers, par parts égales entre eux, de l'intégralité des avoirs bancaires dont elle disposerait au jour de son décès.

Les dispositions complémentaires manuscrites du 17 juin 2012, inscrites sur une feuille pliée en deux, de 440 mm de long et de 300 mm de large, ont le contenu suivant:

[image du feuillet]

Les dispositions complémentaires manuscrites du 9 décembre 2014 ont été ajoutées sur le même feuillet et sont rédigées dans les termes suivants :

[image du feuillet]

l. Par communication de la Justice de Paix du 13 août 2018, une copie des dispositions testamentaires et du procès-verbal susmentionnés ont été notifiés aux héritiers institués.

m. En juillet 2018, Me S______ s'est vu remettre par Y______, mère et grand-mère de certaines héritières instituées, une enveloppe scellée portant l'inscription "Inhalt: sämtliche Adr. Von den Banken + Krankenkasse S.V.P. Erst nach meinem Tod öffnen", (en traduction libre : Contenu : toutes les adresses des banques + des caisses d'assurance maladie. S.V.P Ouvrir uniquement après ma mort). Cette enveloppe contenait notamment les informations relatives à ses divers comptes bancaires et aux personnes de contact en lien avec ces comptes.

n. Selon la déclaration de succession adressée par Me S______ à l'Administration fiscale genevoise le 27 août 2018, la succession de T______ est composée des actifs, titres et créances suivants:

-          Compte bancaire AE______ 2______ 1'195'000 fr.

-          Compte bancaire AA______ 1______ 1'046'955 fr.

-          Compte bancaire AF______ 3______ 123'109 fr.

-          Compte bancaire AF______ 4______ 100'104 fr.

-          84 actions nominatives AF______ 15'666 fr.

-          Succession non partagée AD______ 604'755 fr.

-          Avoirs en garantie EMS V______ W______ 7'110 fr.

soit un total de 3'092'699 fr.

Dans le courrier accompagnant la déclaration de succession susmentionnée, Me S______ a formulé une déclaration spontanée concernant les comptes bancaires AA______ 1______, AF______ 4______ et AF______ 3______, que T______ avait omis de déclarer de son vivant.

o. Par courrier du 16 janvier 2019 adressé au conseil zurichois de P______ et O______, petites-nièces et héritières instituées de T______, Me S______ a affirmé que cette dernière avait disposé en sa faveur d'un legs de 2'000 fr. le 17 juin 2012, complété le 9 décembre 2014 par l'attribution des avoirs gérés par Z______ SA, expliquant que ces deux dispositions étaient écrites sur une seule et même feuille de papier, laquelle lui avait été remise par T______ dans une enveloppe fermée pour dépôt dans le coffre de son Etude. Il a précisé que les avoirs gérés par Z______ SA au jour du décès s'élevaient à 1'046'955 fr.

p. Par courriers des 22 février, 22 mars 2019 et 8 avril 2019, P______ et O______ ont formellement contesté la validité du legs en faveur de Me S______ et ont considéré que les documents datés des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 ne constituaient pas des testaments valables, notamment en raison du défaut de l'animus testandi, précisant qu'elles remettaient également en cause l'interprétation que le précité faisait de l'inscription du 9 décembre 2014.

q. Par réponse du 12 avril 2019, Me S______ a rappelé que les écrits datés des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 étaient des dispositions pour cause de mort valables, les attributions en sa faveur constituant en outre une "preuve de reconnaissance post mortem pour une assistance et une amitié de longue date".

r. Par requête du 23 avril 2019, P______ et O______, auxquelles les autres héritiers institués se sont ralliés par la suite, ont déposé plainte auprès de la Justice de Paix contre Me S______ et ont contesté la "qualité" des dispositions pour cause de mort des actes des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014. Elles ont par ailleurs considéré que la position d'exécuteur testamentaire de Me S______ renversait le fardeau de l'action judiciaire en lui permettant de se délivrer lui-même son propre legs sans avoir à agir en délivrance, alors que sa prétention était contestée.

s. Par décision du 15 juillet 2019, la Justice de Paix a déclaré ladite plainte irrecevable au motif que la situation de conflit d'intérêts résultant de la double position de légataire et d'exécuteur testamentaire relevait de la compétence du juge civil et non de l'autorité de surveillance.

t. Par courrier du 6 août 2019, Me S______ a informé le conseil des héritiers institués que, dans la mesure où ces derniers persistaient à s'opposer à la délivrance des legs en sa faveur, les montants attribués de 2'000 fr. et 1'046'955 fr. portaient intérêts moratoires au taux de 5% depuis le 15 avril 2019.

u. Le 24 juillet 2019, les dix-sept héritiers institués de T______, agissant conjointement contre Me S______, ont saisi le Tribunal d'une action en constatation de l'inexistence/nullité, subsidiairement en annulation de dispositions testamentaires.

v. Suite à l'échec de la conciliation, les hoirs ont introduit leur demande le 10 octobre 2019. Ils ont conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que le Tribunal constate que le document portant les indications manuscrites datées 17 juin 2012 et 9 décembre 2014, déposé auprès de la Justice de paix le 16 juillet 2018, ne comportent pas de dispositions testamentaires valables, et, subsidiairement, à ce que le Tribunal constate la nullité des dispositions testamentaires du 17 juin 2012 et du 9 décembre 2014, déposées auprès de la Justice de paix le 16 juillet 2018. Plus subsidiairement, ils ont requis l'annulation desdites dispositions et à ce qu'il soit en tout état constaté qu'aucun legs n'est dû à S______ par les héritiers de T______.

Ils se sont prévalus de l'absence d'animus testandi, du fait que les documents des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 ne contenaient aucune indication relevant d'une volonté de la de cujus de disposer de ses biens après sa mort.

Des vices de forme entachaient par ailleurs les dispositions dès lors que la date et les initiales tenant lieu de signature figuraient à gauche du texte du 17 juin 2012, que la signature n'était pas apposée à la fin du texte, que l'utilisation de deux encres différentes, bleue et noire, pour l'apposition de parties du texte empêchait de considérer l'inscription "T______" [initiales] comme une signature valable entérinant les propos écrits sur la page de droite.

Par ailleurs, l'inscription datée du 9 décembre 2014 n'avait pas de contenu autonome et devait se rattacher à une autre disposition pour avoir un sens, de sorte qu'elle se retrouvait également affectée d'un vice de forme et devait être annulée.

En tout état, l'interprétation de l'inscription du 9 décembre 2014 comme un legs en faveur de Me S______ d'une valeur de plus de 1'000'000 fr. était insoutenable. T______ avait d'ores et déjà valablement testé le 5 septembre 2007, en marquant son souhait de venir en aide aux membres de sa famille "qui en avaient financièrement le plus besoin", dans un texte rédigé de façon claire, précise et détaillée.

Enfin, l'inscription datée du 17 juin 2012 visait une disposition de 2'000 fr. en faveur de Me S______, de sorte qu'il était inconcevable que deux ans plus tard, la de cujus ait décidé par une simple phrase griffonnée sur le côté d'une feuille de papier "coupée", de lui attribuer plus de 1'000'000 fr., représentant plus de la moitié du montant total de la potentielle succession, à une époque où elle n'était pas encore héritière de sa cousine AD______. Il était en revanche possible que la défunte ait simplement exprimé le souhait d'ajouter ces avoirs inconnus des autorités fiscales à ceux qui devaient être connus, à des fins successorales ou autres.

w. Dans sa réponse du 10 février 2020, S______ a conclu au rejet de la demande, avec suite de frais et dépens.

Il a contesté l'absence d'animus testandi, dès lors que T______ avait employé des termes tels que "attribue" ou "libre de tous droits" et avait exprimé sa volonté en désignant de manière claire "Me S______, Avocat, no. ______ rue 5______, [code postal] Genève", et en exprimant des sentiments sincères avec un langage démontrant son affection pour lui. Par ailleurs, T______ lui avait confié cette enveloppe en lui donnant pour instruction de ne pas l'ouvrir avant son décès, indice clair démontrant la qualité de dispositions testamentaires du document. Il a rappelé qu'il avait aidé T______ à préparer un projet de testament du 5 septembre 2007, tandis que cette dernière n'avait pas demandé d'assistance pour les dispositions suivantes, d'où leur caractère moins professionnel.

S'agissant des dispositions du 9 décembre 2014, datées et signées par T______, cette dernière avait employé les termes "J'y ajoute" au verso de la feuille contenant les dispositions du 17 juin 2012, ce qui démontrait l'unité entre les deux textes, l'identité du légataire choisi et le contenu du legs étant par ailleurs désignés de façon suffisamment précise.

Enfin, le fait que le premier legs de 2'000 fr. ait été complété par un legs de plus de 1'000'000 fr. n'était pas inconcevable puisqu'il n'était pas seulement un mandataire professionnel, mais également un ami depuis plus de vingt ans, qui s'était occupé de la défunte, lui avait rendu visite, avait passé du temps avec elle et s'était inquiété de son confort.

x. Par requête du 27 avril 2020, les héritiers institués ont requis de la Justice de Paix la destitution de l'exécuteur testamentaire en raison d'un conflit d'intérêts, notamment dans le cadre de la procédure en nullité les opposant, et ont sollicité la production du contenu d'une enveloppe produite au titre d'offre de preuve devant le juge civil.

Cette plainte a été rejetée par décision de la Justice de Paix du 6 juillet 2020.

y. Avec leur réplique du 29 juin 2020, les hoirs ont produit des photographies en haute définition du document litigieux. Ils ont allégué de nouveaux éléments, à savoir que le feuillet, plié deux fois pour créer une tranche et agrafé à plusieurs reprises, avait contenu à un moment donné d'autres feuillets ou documents à son intérieur, raison pour laquelle il était vraisemblable qu'au moment où la de cujus avait établi l'une ou l'autre inscription, le sens du document était altéré par la présence d'autres feuillets. Ils ont invoqué dans ce contexte un défaut de continuité entre les différentes parties du texte, d'où l'absence d'unité manifeste du document.

z. Dans sa duplique du 9 septembre 2020, Me S______ a persisté dans les termes de sa réponse du 10 février 2020. S'agissant de l'animus testandi, il a souligné que le sens des mots "attribue" et "j'y ajoute" ne prêtait pas à confusion, de sorte que tout recours à des éléments extrinsèques pour interpréter les dispositions testamentaires était non seulement inutile mais exclu. Les seules exigences de forme prévues par l'article 505 CC étaient que le testament soit écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Ces conditions étaient respectées en l'espèce, les dispositions testamentaires étant rédigées en entier de la main de la testatrice, datées et signées sur une même et unique feuille déposée dans une enveloppe.

La seule lecture logique du feuillet était la suivante: la première page est celle où se trouve la mention "Mr. Me S______ Avocat"; la seconde, celle où se trouve la mention "Ce peu, mais de tout cœur et avec un très grand remerciement et plaisir T______ [initiales]"; la troisième, celle où sont apposées les dispositions testamentaires du 17 juin 2012; la quatrième, celles où sont apposées les dispositions testamentaires du 9 décembre 2014.

L'unité du document était dès lors manifeste, les dispositions formant un ensemble, la seconde ayant été rédigée pour compléter la première. Le lien entre elles était en outre logique: à l'attribution consentie en 2012 était ajoutée celle des avoirs bancaires "AA______" en 2014.

Si le Tribunal devait retenir l'existence d'un doute sur la volonté de la de cujus, l'interprétation du principe du "favor testamenti" devrait s'appliquer.

Enfin, il avait eu connaissance depuis plusieurs années du compte géré par Z______ SA, de sorte que les indications insérées dans l'enveloppe scellée devaient servir en cas d'incapacité de sa part ou de son prédécès.

z.a. Par ordonnance de preuve du 20 janvier 2021, le Tribunal a notamment ordonné l'interrogatoire, voire la déposition de S______, refusé d'ordonner l'apport à la procédure de l'original du document litigieux et de l'enveloppe l'ayant contenu et a fixé une audience de débats principaux et de plaidoiries finales.

z.b. Lors de l'audience du 13 avril 2021, le Tribunal a entendu Me S______, délié de son secret professionnel.

Celui-ci a affirmé avoir été "oui et non" surpris en ouvrant l'enveloppe remise par T______ en 2014. Il avait imaginé qu'il s'agissait de dispositions pour cause de mort, dans la mesure où la précitée lui avait demandé de mettre l'enveloppe, qui était fermée et non scellée, dans son coffre et de ne l'ouvrir qu'après son décès. Il avait été surpris par le contenu de l'enveloppe lorsqu'il en avait pris connaissance après son décès, car elle ne lui en avait jamais parlé.

Il a déclaré que si l'enveloppe n'était pas scellée, c'était parce que T______ savait pertinemment qu'il n'allait pas l'ouvrir avant son décès. Il a précisé que, s'agissant de l'enveloppe destinée aux héritiers, c'était elle-même qui l'avait scellée, probablement pour s'assurer qu'elle ne soit pas ouverte.

S'agissant de la carte de vœux (ci-dessous), non datée, que lui avait adressée la défunte, il a exposé la lire dans le sens qui lui semblait logique, à savoir: "Mr. S______ ! Avec tous mes meilleurs vœux ainsi qu'à votre famille de joyeuses fêtes et une très bonne année. De tout cœur un grand remerciement pour tout. T______". A son sens, la signature intervenait après l'intégralité du texte. Il a précisé ne pas avoir de systématique de lecture, mais que, pour lui, c'était ainsi que la pièce devait être lue.

[image du feuillet]

Concernant le document litigieux, il a déclaré que ce papier était plié en deux dans l'enveloppe, de format C5/6, qu'il avait ouverte.

Avec l'accord des parties, le Tribunal a pris possession d'une copie dudit document, remis par S______, de même taille, dans son état et de sa dimension lors de l'ouverture de l'enveloppe, laquelle a été jointe au procès-verbal.

Selon S______, cette pièce devait être considérée comme un tout. Il avait d'abord lu la première page sur laquelle figurait son nom, puis ouvert le document et commencé par lire "je soussignée T______ ", puis toute la page jusqu'à "17 juin 2012", puis "Ce peu, mais de tout Cœur ". Ensuite, après avoir tourné la page, il avait vu la mention "J'y ajoute les avoirs ".

Il a précisé que T______ n'avait jamais pris de décision rapide s'agissant de ses dispositions pour cause de mort. Il en voulait pour preuve qu'il avait préparé à son attention un projet de testament en 2005 qui n'avait été finalisé qu'en 2007. De même, ses dispositions ultérieures avaient été commencées en 2012 et finalisées en 2014.

Le Tribunal a clos les débats principaux.

Les parties ont plaidé et ont persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement attaqué constitue une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). La voie de l'appel est ouverte, dès lors que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance, est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Tel est également le cas de l'écriture responsive et des déterminations subséquentes des parties (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3; 137 I 195 consid. 2.3.1, SJ 2011 I 345).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC). et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation résultant de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2). L'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 précité, ibidem).

1.3 La Cour applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. Les appelants reprochent au Tribunal un établissement incorrect des faits.

En ce qui concerne le document dans lequel se trouvent les dispositions litigieuses, la Cour a intégré, dans la partie EN FAIT du présent arrêt, la copie dudit document, et précisé qu'il était plié en deux. Pour le surplus, ce grief sera examiné ci-après en lien avec l'appréciation des preuves et l'examen des dispositions légales, en particulier l'art. 505 CC.

3. Les appelants se plaignent d'une violation de la maxime des débats.

3.1 La maxime des débats implique, pour les parties, l'obligation d'alléguer les faits à l'appui de leurs prétentions et d'offrir les preuves permettant d'établir ces faits (art. 219 et 55 CPC; Tappy, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 3 ad art. 55 CPC). Lorsque le litige est soumis à cette maxime, le juge est lié par les faits allégués. Il ne peut fonder son jugement sur d'autres faits que ceux que les parties ont allégués régulièrement en procédure. De même, le juge est lié par les faits non contestés ou admis, lesquels n'ont pas à être prouvés (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 763 et 764, p. 148 et n. 767, p. 149). Ainsi, seuls doivent être prouvés les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC).

3.2 Dans le présent cas, les appelants ne motivent pas leur grief, de sorte que celui-ci ne sera pas examiné plus avant.

4. Les appelants font grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 505 CC, en ne retenant pas que le document litigieux figurait sur un livret composé de quatre pages, en considérant l'ordre de lecture dudit document tel qu'allégué par l'intimé, que celui-ci avait été signé par la de cujus et constituait un animus testandi, et qu'il existait une unité entre l'inscription datée du 17 juin 2012 et celle du 9 décembre 2014. Ils se plaignent également d'une violation de leur droit à la preuve et de l'art. 29 Cst.

4.1 Selon l'art. 520 al. 1 CC, une disposition pour cause de mort entachée d'un vice de forme peut être annulée judiciairement.

4.2 A teneur de l'art. 505 al. 1 CC, le testament olographe doit être écrit en entier et signé de la main du testateur, y compris pour la mention de l'année, du mois et du jour auquel il a été écrit.

Une forme n'est pas prescrite pour elle-même; la forme olographe du testament a notamment pour fin de manifester la volonté du testateur, son animus testandi, soit son intention de disposer de ses biens pour après sa mort (ATF 88 II 67 consid. 2 p. 71; Leuba, commentaire Romand, Code Civil II, n. 9 ad art. 498 CC; Guinand/Stettler/Leuba, Droit des successions, 6ème édition, 2005, n. 255; Breitschmid, BSK ZGB II, n. 11 ad art. 498 CC; Lenz, PraxKomm Erbrecht, n. 22 ad art. 498 CC).), condition indispensable de l'existence et de la validité du testament (ATF 116 II 117 consid. 7c p. 128). Cette volonté doit ressortir du testament lui-même, soit de ce que le testateur a écrit. Toutefois, si les dispositions testamentaires manquent de clarté au point qu'elles peuvent être comprises aussi bien dans un sens que dans un autre, le juge peut interpréter les termes dont le testateur s'est servi en tenant compte de l'ensemble du testament, voire d'éléments extrinsèques, mais dans la mesure seulement où ils permettent d'élucider ou de corroborer une indication contenue dans le texte, d'éclairer la volonté manifestée dans les formes légales par le testateur (ATF 131 III 601 consid. 3.1; 131 III 106 consid. 1.1; 124 III 414 consid. 3; 117 II 142 consid. 2a p. 144; 115 II 323 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_212/2020 du 26 janvier 2022 consid. 5.3.2).

Il y a presque cent ans déjà, le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'indiquer que la signature d'un testament doit en principe figurer au bas du texte auquel elle accorde une portée juridique. La signature constitue le signe extérieur par lequel une personne manifeste une volonté devant déployer des effets juridiques, raison pour laquelle sa position doit exprimer la relation existant entre elle et la déclaration de volonté qu'elle confirme (ATF 40 II 190 consid. 3). Le Tribunal fédéral a considéré par la suite que les indications relatives à la date et au lieu n'ont pas besoin d'être validées par la signature, de telle sorte qu'elles peuvent être apposées en dessous de celle-ci (ATF 70 II 7 consid. 1). Il a encore précisé que des adjonctions éventuelles à un testament existant, si elles n'ont pas qu'une portée explicative, doivent être signées (ATF 80 II 302 consid. 1), alors qu'un codicille rédigé après la signature du testament n'est pas frappé de nullité absolue s'il est établi qu'il émane bien du testateur et qu'il reflète la volonté de ce dernier (ATF 129 III 580 consid. 1.2).

Le testament peut revêtir, comme en l'espèce, la forme d'une lettre (ATF
117 II 142 consid. 2a; 88 II 67 consid. 2; 57 II 15). Il doit être écrit du début à la fin de la main du testateur (ATF 131 III 601 consid. 3.1). 

La signature consiste généralement dans l'apposition du nom et du prénom du testateur. Toute autre indication qui ne laisse planer aucun doute sur l'auteur du testament est suffisant (nom de famille ou prénom seuls, diminutif, pseudonyme, sobriquet, etc. (ATF 57 II 15 = JdT 1931 I 566; 104 II 341; Steinauer, Le droit des successions, 2ème éd. 2015, n. 698; Cotti/Gygax, Commentaire du droit des successions, 2012, n. 21 ad art. 505 CC). Elle peut être abrégée et consister dans de simples initiales (Guinand/Stettler/Leuba, op. cit., n. 267, p. 134).

4.3 Toute modification qui complète le texte déjà achevé est une nouvelle disposition pour cause de mort (codicille), qui doit être datée et signée conformément à l’art.505 al.1 CC (ATF 117 II 239 consid.3b = JdT 1993 I 174; Guinand/Stettler/Leuba, op. cit., n. 271, p. 135; Steinauer, op. cit., n. 695; Breitschmid, op. cit., n. 13 ad art. 505 CC; Weimar, BK, n. 25 ss ad art. 505 CC; Lenz, op. cit., n. 18 ad art. 505 CC).

L’adjonction qui est indubitablement de la main du testateur et qui se situe au-dessus de la signature est présumée avoir été insérée avant l’achèvement de l’acte ; il appartient à celui qui prétend le contraire d’en apporter la preuve, dans le cadre d’une procédure en annulation (Steinauer, op. cit., n.165ad art. 520 CC; Piotet, Traité de droit privé suisse IV, Droit successoral, 2ème éd., 1988, §220; Weimar, op. cit., n. 25 ad art. 505 CC; Tuor, BK, n. 13 ad art. 505 CC; Lenz, op. cit., n. 18 ad art. 505 CC; contra: Breitschmid, op. cit., n. 14 ad art. 505 CC; Eitel, Nichtigkeit, n.16ss).

4.4 Selon le principe de l’unité de l’acte, le texte du testament doit former un tout. Il peut tenir sur une seule ou plusieurs pages, qui peuvent être détachées les unes des autres s’il existe entre elles un lien matériel ou intellectuel. Ce peut être une agrafe, la numérotation des pages, l’enchaînement logique des idées d’une page à l’autre du texte, la conservation des différentes pages dans une seule enveloppe, etc. (Cotti/Gygax, op. cit., n. 5 ad art. 505 CC; Steinauer, op. cit., n. 690a; Piotet, op. cit., §216; Weimar, op. cit., n. 27 ad art. 505 CC).

4.5 La loi n'exige pas que le testament soit déposé auprès d'une autorité publique. Le testateur peut valablement garder son testament chez lui, le déposer chez un proche ou un ami auquel il fait confiance (Cotti/Gygax, op. cit., n. 25 ad art. 505 CC, p. 259; Steinauer, op. cit., n. 699a p. 379).

4.6 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Le tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, demander une expertise à un ou plusieurs experts. Il entend préalablement les parties (art. 183 al. 1 CPC).

Pour qu’il y ait matière à expertise, il faut que le tribunal s’estime insuffisamment outillé intellectuellement pour élucider seul un point de fait pertinent, et que des personnes tierces disposent de connaissances leur permettant d’émettre un avis plus fiable sur la question. Quant à l’objet de l’expertise, on dira qu’il recouvre tout le champ du savoir qui permet de reconstituer ou d’élucider un point de fait pertinent contesté, et qui échappe en tout ou partie au tribunal, privé des «connaissances spéciales» lui permettant d’apprécier au mieux la vraisemblance d’un fait, en l’état actuel du savoir humain. Ce savoir peut être «scientifique» (oncologie, biologie, psychiatrie, dynamique des fluides, géologie, chimie, physique, etc.) ou simplement lié à une expérience pratique que n’ont pas les membres du tribunal (Schweizer, Commentaire Romand, Code de procédure civile, n. 2 et 11 ad art. 183 CPC),

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

Le droit à la preuve ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226), ni n'exclut l'appréciation anticipée des preuves (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1 p. 376 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4D_3/2020 du 28 août 2020 consid. 4.1).

En cas d'appréciation anticipée des preuves, il doit au moins implicitement en ressortir les raisons pour lesquelles le tribunal dénie toute importance ou pertinence aux moyens de preuve qu'il n'administre pas. Le fait que le tribunal ne se prononce ni expressément, ni implicitement sur les réquisitions tendant à l'interrogatoire des parties et l'audition de témoins viole en effet le droit constitutionnel des parties à l'examen de leurs réquisitions et à une motivation (art. 29 al. 2 Cst. ; ATF 114 II 289 consid. 2b, JdT 1989 I 84; arrêt du Tribunal fédéral 5A_304/2014 du 13 octobre 2014 consid. 3.3 ss).

L'appréciation des preuves par le premier juge ne peut être revue par la Cour que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un fait important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2;
136 III 552 consid. 4.2; consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3;
142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_64/2021 du 8 décembre 2021 consid. 2.2).

4.7 En l'espèce, le Tribunal a retenu que le document litigieux contenait des dispositions pour cause de mort, de sorte que l'aninus testandi devait être admise. Dites dispositions des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014 étaient écrites, datées et signées de la main de la de cujus. La première portait ses initiales et la seconde était munie de sa signature complète. Les dispositions figuraient sur une seule feuille de papier pliée en deux, laquelle avait été remise à l'intimé par la défunte (de son vivant) dans une enveloppe fermée pour dépôt dans le coffre de son Etude et ouverture au décès de la précitée. Dans la mesure où les premières dispositions de 2012, complétées par les secondes de 2014, se trouvaient sur la même feuille, laquelle se trouvait elle-même dans une enveloppe fermée, il devait être admis que le document constituait une unité, la construction du texte formant un ensemble, certes sommaire, mais logique. Le texte des dispositions étant clair, il n'y avait pas lieu de recourir à des éléments extrinsèques pour l'interpréter. Même s'il pouvait paraître surprenant que le premier legs, de 2'000 fr., ait été complété deux ans plus tard par un legs d'une valeur de plus d'un million de francs, cela n'était pas inconcevable compte tenu notamment de la relation professionnelle et amicale de longue date ayant uni l'intimé et la défunte.

4.7.1 Il n'est à juste titre pas contesté par les appelants que la défunte avait remis, en décembre 2014, une enveloppe fermée à l'intimé pour dépôt dans le coffre de son Etude, à ouvrir à son décès, étant rappelé que la de cujus avait choisi l'intimé comme son exécuteur testamentaire.

4.7.2 En ce qui concerne le format des dispositions du testament, les appelants soutiennent qu'il forme un livret composé de quatre pages, le document étant plié en deux. Il est constant qu'il s'agit d'une unique feuille, de 440 mm de long et de 300 mm de large, laquelle, pour être insérée dans une enveloppe de format C5/6 (taille enveloppe 114 x 229 mm), a été pliée, en deux, dans sa longueur, puis d'un quatrième, dans sa largeur basse. Aucune appréciation arbitraire des preuves ne peut être reprochée au Tribunal, celui-ci ayant retenu qu'il s'agissait de dispositions figurant sur une seule feuille pliée en deux.

4.7.3 Sur le recto de cette feuille figure ce qui suit :

"Je soussignée

T______

Rue 6______ no. ______

[code postal] Genève

En reconnaissance pour les

conseil et les services qu'

il m'a rendus depuis de

nombreuses années,

attribue ce qui suit, libre

Ce peu, mais de tout de tout droits

Cœur et avec à Me S______,

un très grand remercie- Avocat, no. ______ rue 5______,

ment et plaisir [code postal] Genève

T______ [initiales] Deux-mille Franc 

Ainsi fait à Genève, en

entier de ma main, le

17 Juin 2012"

Sur le verso est mentionné,

sur la partie gauche, et sur la partie droite :

dans le sens de la longueur :

" J'y ajoute les avoirs "Mr.

geres par Z______ SA Me

9 Decembre 2014 S______

T______" Avocat"

Les appelants soutiennent que le sens du pli détermine l'ordre dans lequel doivent être lues les quatre pages du livret, qu'ils ont offert de prouver cette allégation par expertise et que l'intimé n'a pas valablement contesté ces allégués, de sorte que leur allégation doit être retenue. Ils reprochent également au premier juge une violation de leur droit à la preuve et de leur droit d'être entendus, celui-ci n'ayant pas donné suite à leur demande d'expertise.

Ces griefs sont toutefois infondés.

En effet, d'une part, les appelants ont sollicité la mise en œuvre d'une expertise en lien avec les plis et l'ordre de lecture du document contenant les dispositions litigieuses. Or, sur ces points, le premier juge disposait des compétences nécessaires pour constater les faits en cause, les apprécier et se forger sa conviction. Par ailleurs, des photographies du document en cause ont été versées à la procédure et une copie, similaire au document original, a été produit, à l'audience du 13 avril 2021 devant le Tribunal. Le refus d'ordonner une expertise n'est par conséquent pas critiquable et ni le droit à la preuve, ni le droit d'être entendus des appelants n'ont été violés.

D'autre part, si l'intimé a certes, pour contredire l'allégation des appelants, indiqué dans sa duplique "rapport soit à la pièce", il a également, dans cette même duplique, formé des allégués (n. 54 à 66) précis relatifs à cet ordre de lecture et a contesté le point de vue des appelants.

La lecture que font les appelants n'est corroborée par aucun élément du dossier et est manifestement contraire à la volonté de la testataire. En effet, on peine à comprendre pour quelle raison la défunte aurait, selon leur thèse, indiqué, après avoir ajouté les avoirs gérés par Z______ SA, de plus d'un million de francs, "ce peu mais de tout cœur". Au contraire et comme l'a retenu à bon droit le Tribunal, les dispositions de la défunte sont claires : dans celles du 17 juin 2012, elle lègue sans aucun doute le montant de 2'000 fr. à l'intimé, ce qui est confirmé par l'utilisation des locutions "ce peu mais de cœur". Dans celles du 9 décembre 2014, la de cujus a ajouté, en sus du montant précité, les avoirs gérés par Z______ SA. Le premier juge n'a ainsi pas opéré une mauvaise appréciation des preuves, en retenant que le document comportant les dispositions testamentaires devait être lu en ce sens.

Les appelants n'ont pour le surplus pas contesté que la défunte a exprimé sa volonté de léguer des avoirs précis en faveur de l'intimé.

Les dispositions pour cause de mort étant claires, il n'y a pas lieu de recourir à des éléments extrinsèques pour les interpréter, comme l'a considéré à bon droit le Tribunal. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner plus avant les arguments des appelants relatifs à l'interprétation desdites dispositions. Il en va de même du principe favor testamenti, pour les mêmes motifs.

4.7.4 L'unité du document est pour le surplus manifeste, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, puisque les dispositions litigieuses figurent sur une seule et unique feuille, laquelle se trouvait elle-même dans une enveloppe fermée. Les dispositions de 2014 complètent par ailleurs celles de 2012 et forment ainsi un tout. Le premier juge a dès lors correctement apprécié les faits.

4.7.5 S'agissant de l'animus testandi, la défunte a manifesté son intention de disposer de ses biens pour après sa mort. Elle a en effet indiqué vouloir "attribue[r]", libre de tous droits, deux mille francs, puis y a ajouté les avoirs en mains de la banque AA______. Les atermoiements de appelants sur les critiques faites par Frankhauser s'agissant de l'ATF 131 III 601 ne leur sont d'aucun secours. En effet, les circonstances du cas examinées dans l'arrêt précité par le Tribunal fédéral sont différentes du cas d'espèce, dès lors qu'il était question d'un texte dactylographié, lequel ne mentionnait pas l'objet des libéralités et l'animus testandi de la défunte ne ressortait que de la partie du testament écrite à la machine. Par ailleurs, dans cette affaire, il s'agissait d'interpréter les dispositions, ce qui n'est pas le cas de la présente affaire.

Les appelants ne remettent d'ailleurs pas formellement en cause l'authenticité du document comportant les dispositions litigieuses, lesquelles ont été entièrement écrites de la main de la défunte, ce qu'ils n'ont pas non plus critiqué, étant précisé que l'écriture des dispositions testamentaires est identique à celle figurant sur la carte de vœu adressée par la défunte à l'intimé.

4.7.6 Conformément à la jurisprudence et à la doctrine rappelées supra, tant les dispositions de 2012 que celles de 2014 ont été signées par la de cujus, dès lors qu'elle a apposé ses initiales (T______), pour les premières, et ses prénom et nom, pour les secondes (T______). Les initiales et les prénom et nom figurent en dessous des dispositions pour cause de mort, et il ne fait aucun doute qu'il s'agit de la défunte, de sorte que les règles de forme ont été respectées par la testataire. Le grief relatif à la violation de la maxime des débats est ainsi infondé.

4.7.7 Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la défunte a valablement exprimé sa volonté d'attribuer, après sa mort, par ses dispositions des 17 juin 2012 et 9 décembre 2014, à l'intimé, un legs de 2'000 fr. ainsi que de lui léguer les avoirs gérés par la société Z______ SA, soit les fonds déposés auprès de la banque AA______.

Aucune mauvaise appréciation des preuves ni aucune violation de l'art. 505 CC ne peuvent ainsi être retenues.

Les griefs des appelants seront, partant, rejetés et le jugement entrepris intégralement confirmé.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 36'000 fr., (valeur litigieuse de 1'048'955 fr.; art. 2, 5, 13, 17, 23 et 35 RTFMC), compensés avec l'avance de 36'000 fr. versée par les appelants, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et mis à la charge de ces derniers qui succombent, pris conjointement (art. 106 al. 1 CPC).

Les dépens d'appel, arrêtés à 20'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA), seront également mis à la charge des appelants, pris conjointement.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 octobre 2021 par A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, la mineure K______, représentée par J______ et L______, la mineure M______, représentée par J______ et L______, N______, O______, P______, Q______ et R______ contre le jugement JTPI/10871/2021 rendu le 31 août 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16902/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 36'000 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, la mineure K______, représentée par J______ et L______, la mineure M______, représentée par J______ et L______, N______, O______, P______, Q______ et R______, pris conjointement.

Condamne A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, la mineure K______, représentée par J______ et L______, la mineure M______, représentée par J______ et L______, N______, O______, P______, Q______ et R______, pris conjointement, à verser 20'000 fr. à S______ à titre de dépens d'appel.


 

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.