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Décisions | Chambre civile

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C/11987/2020

ACJC/583/2021 du 11.05.2021 sur JTPI/13195/2020 ( SDF ) , CONFIRME

Descripteurs : MPUC;PROVISIO AD LITEM;COMPETENCE
Normes : CPC.59.al1; CPC.59.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11987/2020 ACJC/583/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 MAI 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 octobre 2020, comparant par Me Thomas BARTH, avocat, boulevard Helvétique 6, Case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Sara PEREZ, avocate, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13195/2020 du 28 octobre 2020, reçu par A______ le 30 octobre 2020, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur incident par voie de procédure sommaire, a rejeté l'incident d'incompétence soulevé par A______ (chiffre 1 du dispositif), réservé le sort des frais avec la décision finale (ch. 2), réservé la suite de la procédure pour le surplus et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3 et 4).

B. a. Par acte du 9 novembre 2020 adressé à la Cour de Justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il a conclu à ce qu'il soit dit que le Tribunal n'est pas compétent pour statuer sur la requête de mesures protectrices déposée par B______ le 25 juin 2020 et au déboutement de cette dernière de toute autre ou contraire conclusion, avec suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instance.

b. Dans sa réponse du 11 décembre 2020, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Sur mesures provisionnelles, elle a sollicité le versement d'une provisio ad litem de 5'000 fr. pour la procédure d'appel.

c. Dans sa réplique du 24 décembre 2020, A______ a persisté dans ses conclusions et conclu en sus au rejet de la requête de provisio ad litem formée par B______.

d. Les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger par plis du greffe de la Cour du 5 janvier 2021.

e. Par duplique spontanée du 7 janvier 2021, B______ a persisté dans ses conclusions. Cette écriture a été transmise le 8 janvier 2021 à A______.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Par acte expédié au Tribunal le 25 juin 2020, B______ a formé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale. Elle a sollicité, sur mesures provisionnelles, le versement d'une provisio ad litem de 10'000 fr.

b. A______ a déposée par devant le Tribunal le 30 juin 2020 une demande en divorce unilatérale, dans le cadre de laquelle il a requis des mesures provisionnelles.

c. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 5 octobre 2020, A______ a soulevé l'incompétence du Tribunal pour statuer sur la requête de mesures protectrices en raison du dépôt, cinq jours plus tard, de la demande de divorce dans le cadre de laquelle il avait requis des mesures provisionnelles (cause C/1______/2020).

B______ a soutenu que le Tribunal restait compétent jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit prise par le juge saisi du divorce sur mesures provisionnelles.

d. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur incident de compétence.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'il demeurait compétent pour prononcer les mesures protectrices requises, malgré l'introduction cinq jours plus tard de la requête en divorce assortie de mesures provisionnelles. La décision sur mesures protectrices qui sera rendue déploiera ainsi ses effets jusqu'à ce que le juge des mesures provisionnelles la modifie, étant précisé que ce dernier devrait rejeter les mesures provisionnelles sollicitées si les faits n'ont pas évolué depuis le dépôt de la requête de mesures protectrices. L'incident d'incompétence devait, en conséquence, être rejeté.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 CPC, l'appel est recevable notamment contre les décisions incidentes de première instance (let. a). Au sens de l'alinéa 2 de cette disposition, dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

1.2 En l'espèce, dans la mesure où la décision entreprise admet la compétence du Tribunal pour statuer sur des mesures protectrices de l'union conjugale, elle constitue une décision incidente rendue dans un litige dont la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai utile de dix jours applicable en procédure sommaire (art. 271 al. 1 let. a et 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est en l'espèce recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

La présente procédure est soumise aux maximes inquisitoire simple (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 59 al. 1 et 2 let. a CPC. Il soutient que dans la mesure où il a saisi le juge des mesures provisionnelles du divorce cinq jours après que l'intimée ait déposée sa requête en mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal ne serait matériellement pas compétent pour régler la vie des parties sur mesures protectrices de l'union conjugale uniquement pour cette période de 5 jours. L'intimée n'aurait ainsi pas un intérêt digne de protection à ce qu'il soit statué sur sa requête de sorte que le Tribunal aurait dû la déclarer irrecevable.

2.1 Dans l'ATF 129 III 60, le Tribunal fédéral a délimité les compétences respectives du juge des mesures protectrices de celui des mesures provisionnelles lorsque l'action en divorce est introduite. Il a tout d'abord rappelé les principes déjà dégagés par la jurisprudence et toujours applicables: le juge des mesures protectrices est compétent pour la période antérieure à la litispendance de l'action en divorce, tandis que le juge des mesures provisionnelles l'est dès ce moment précis; les mesures protectrices ordonnées avant la litispendance continuent toutefois de déployer leurs effets tant que le juge des mesures provisionnelles ne les a pas modifiées (consid. 2). Dans cet arrêt de principe, le Tribunal fédéral a ensuite tranché la question du sort de la procédure de mesures protectrices lorsque le juge des mesures provisionnelles est saisi : la procédure de mesures protectrices ne devient pas sans objet, le juge des mesures protectrices demeurant en effet compétent pour la période antérieure à la litispendance, et ce, même s'il ne rend sa décision que postérieurement (consid. 3; ATF 138 III 646 consid. 3).

Ladécision de mesures protectrices déploie ses effets - au-delà de la litispendance - jusqu'à ce que le juge des mesures provisionnelles l'ait modifiée (ATF 101 II 1 p. 3 cité dans l'ATF 129 III 60 consid. 2); s'il n'y a pas de conflit de compétences, il importe peu que, en raison du temps nécessaire au traitement du dossier par le tribunal, la décision de mesures protectrices ait ainsi été rendue avant ou après la litispendance de l'action en divorce (ATF 138 III 646 consid. 3).

Dans un commentaire de l'arrêt publié aux ATF 138 III 646, Bohnet soutient que lorsque la requête de mesures protectrices est immédiatement suivie d'une demande en divorce assortie d'une requête de mesures provisoires de l'autre partie, la compétence du juge de mesures protectrices ne pourrait être niée selon lui que dans le cas - exceptionnel lorsque les dépôts se succèdent immédiatement - de l'existence de faits nouveaux qui priveraient de toute utilité un prononcé fondé sur la situation passée et ne valant par hypothèse que pour quelques jours. Il ajoute ensuite qu'on ne devrait pas admettre que le conjoint puisse faire obstacle à la procédure des mesures protectrices par le seul jeu des compétences respectives du juge du divorce et des mesures protectrices : si les faits n'ont pas évolué depuis le dépôt de la requête de mesures protectrices, la requête de mesures provisionnelles devrait être rejetée (Bohnet, Mesures protectrices et mesures provisionnelles, arrêt du Tribunal fédéral 5A_324/2012, in Newsletter DroitMatrimonial.ch novembre 2012, p. 2).

Dans un arrêt du 2 juillet 2019, le Tribunal fédéral a annulé un arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du Jura constatant que les conclusions prises par les époux sur mesures protectrices de l'union conjugale étaient sans objet en tant qu'elles portaient sur la période postérieure à l'introduction de l'action en divorce. Rappelant sa jurisprudence publiée aux ATF 138 III 646, le Tribunal fédéral a indiqué que le dépôt de la demande en divorce n'avait pas supprimé la compétence du juge des mesures protectrices : dès lors que celui-ci avait été saisi avant l'ouverture du procès en divorce, il lui incombait de statuer sur les mesures protectrices demandées et celles-ci, bien qu'ordonnées postérieurement à l'introduction de l'action au fond, demeuraient en vigueur durant la procédure de divorce dans la mesure où des mesures provisionnelles différentes n'avaient pas été prises. Pour autant que le juge des mesures provisionnelles n'ait pas statué autrement, la situation des époux demeurait régie par les mesures protectrices de l'union conjugale, ces dernières n'étant pas devenues sans objet du seul fait de l'ouverture de l'action en divorce. Il incombait dès lors à l'autorité cantonale de statuer sur les mesures protectrices demandées, le dossier devant lui être renvoyé à cette fin (arrêts du Tribunal fédéral 5A_13/2019 et 5A_20/2019 du 2 juillet 2019 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, l'intimée a saisi le juge des mesures protectrices le 25 juin 2020. Cinq jours plus tard, soit le 30 juin 2020, l'appelant a déposé une demande en divorce unilatérale dans le cadre de laquelle il a requis des mesures provisionnelles.

Au vu de la jurisprudence susmentionnée (cf. supra 2.1), le fait que le juge du divorce ait également été saisi de mesures provisionnelles n'entraîne pas automatiquement l'incompétence du juge des mesures protectrices pour se prononcer sur lesdites mesures. Puisque le juge des mesures protectrices a été saisi avant le juge du divorce, il demeure compétent pour se déterminer sur la période précédant l'introduction de la demande en divorce assortie de mesures provisionnelles, et ce même si sa décision n'est rendue que postérieurement à cette date.

En l'occurrence, le juge du divorce ne s'est pas encore prononcé sur les mesures provisionnelles requises par l'appelant. Ainsi, contrairement à ce que soutient ce dernier, il n'est pas inutile de statuer sur la demande de l'intimée puisque la décision sur mesures protectrices déploiera ses effets bien au-delà des cinq jours invoqués par l'appelant. En effet, les mesures ordonnées dans le cadre de la procédure continueront à déployer leurs effets aussi longtemps que le juge du divorce ne les aura pas modifiées dans sa décision sur mesures provisionnelles, et ce pour autant que les conditions requises pour une telle modification existent. Partant, l'intimée conserve un intérêt à ce qu'il soit statué sur sa demande de mesures protectrices de l'union conjugale.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté l'incident soulevé par l'appelant.

3. L'intimée conclut à la mise à la charge de l'appelant des frais et dépens d'appel et sollicite également l'octroi d'une provisio ad litem pour la procédure d'appel.

3.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC). Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC).

3.2 D'après la jurisprudence, une provisio ad litem est due à l'époux qui ne dispose pas lui-même des moyens suffisants pour assumer les frais du procès; le tribunal ne peut toutefois imposer cette obligation que dans la mesure où son exécution n'entame pas le minimum nécessaire à l'entretien du conjoint débiteur et des siens (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3 et les références citées). Le fondement de cette prestation - devoir d'assistance (art. 159 al. 3 CC) ou obligation d'entretien (art. 163 CC) - est controversé (arrêt du Tribunal fédéral 5P.346/2005 du 15 novembre 2005 consid. 4.3 et les références citées, publié in FamPra.ch 2006 p. 892), mais cet aspect n'a pas d'incidence sur les conditions qui président à son octroi. En tout état de cause, selon l'art. 163 al. 1 CC, la loi n'institue plus un devoir général d'entretien à la charge du mari (art. 160 al. 2 aCC; ATF 110 II 116 consid. 2a), mais une prise en charge conjointe des besoins de la famille au regard des facultés de chacun des époux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 précité consid. 3.3).

Dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices, la requête de provisio ad litem valablement formée par une partie ne perd pas son objet, bien que la procédure soit achevée, si des frais de procédure sont mis la charge de la partie qui a sollicité la provisio ad litem et que les dépens sont compensés. Dans ce cas, il convient d'examiner si celle-ci dispose des moyens suffisants pour assumer lesdits frais, question qui continue de se poser au moment où la décision finale est rendue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3 et 3.5).

3.3 En l'occurrence, les frais judiciaires d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 36 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe et compensés avec l'avance de frais de même montant versée par l'appelant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). De même, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'appelant et arrêtés à 1'000 fr. au vu de la question circonscrite faisant l'objet de la présente procédure.

3.4 Dans la mesure où les frais judiciaires d'appel sont mis à la charge de l'appelant et que ce dernier est condamné à payer des dépens à l'intimée, le versement d'une provisio ad litem pour la procédure d'appel n'a plus raison d'être.

Partant, la conclusion de l'intimée en versement d'une provisio ad litem sera rejetée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 novembre 2020 par A______ contre le jugement JTPI/13195/2020 rendu le 28 octobre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11987/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.