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Décisions | Chambre civile

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C/3118/2017

ACJC/37/2021 du 12.01.2021 sur JTPI/7442/2020 ( OO ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 01.03.2021, rendu le 23.03.2021, IRRECEVABLE, 4A_134/2021
Normes : LP.268; LP.260; CPC.83
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3118/2017 ACJC/37/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 JANVIER 2021

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 juin 2020, comparant par Me Christian van Gessel, avocat, case postale 8, 1253 Vandoeuvres, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Flavia Cavaliero, avocate, rue du Rhône 100, case postale 3086, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7442/2020 du 15 juin 2020, reçu par C______ SA le 18 juin 2020, le Tribunal de première instance a constaté que la procédure opposant cette dernière à B______ était devenue sans objet, mis à charge de C______ SA, les frais judiciaires, arrêtés à 21'700 fr. et compensés avec l'avance versée par celle-ci et rayé la cause du rôle.

Il est indiqué au bas de cette décision que celle-ci peut faire l'objet d'un recours dans les 30 jours dès sa notification (art. 110 et 319 ss CPC).

B. a. Le 18 août 2020, A______ a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour l'annule, constate qu'il s'est substitué à C______ SA dans la procédure et condamne B______ à lui verser 388'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2012 avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour réduise à 1'000 fr. les frais judiciaires de première instance.

b. Le 5 octobre 2020, B______ a conclu principalement à ce que la Cour déclare l'appel irrecevable et confirme le jugement, avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, il s'en est rapporté à justice concernant la quotité des frais judiciaires de première instance.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 30 novembre 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ était administrateur et actionnaire unique de la société C______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2003.

b. Le 9 octobre 2017, C______ SA a assigné B______ en paiement de 388'800 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le
1er janvier 2012 par-devant le Tribunal.

c. B______ a conclu au déboutement de C______ SA de toutes ses conclusions.

d. Par décision du 12 novembre 2018, rendue dans une autre procédure que celle faisant l'objet du présent arrêt, le Tribunal a prononcé la dissolution de C______ SA en application de l'art. 731b CO et a ordonné sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite.

e. Suite à cette décision, la présente procédure a été suspendue en application de l'art. 207 al. 1 LP, par ordonnance du 14 mars 2019.

f. Par courrier du 6 février 2020, l'Office des faillites a fait savoir à A______ que, après distribution des deniers, il subsistait un reliquat de
26'149 fr. 39. Ce montant lui serait transféré après déduction d'un émolument de versement, en vue de sa répartition aux ayants droit. L'Office ajoutait que A______ pouvait librement disposer des actifs de la société, en particulier de la procédure en cours.

Le contenu de ce courrier a été confirmé par un courriel subséquent de l'Office, daté du 18 mars 2020. L'Office précisait qu'après avoir désintéressé les créanciers de la faillite, il avait constaté l'existence d'un reliquat, à savoir une somme d'argent sur le compte. Les créanciers ayant été entièrement désintéressés, l'Office n'avait pas pris de décision concernant la procédure C/3118/2017 ni, a fortiori, procédé à la cession au sens de l'art. 260 LP.

g. La clôture de la faillite, liquidée en la forme sommaire, a été prononcée par jugement du Tribunal du ______ 2020.

C______ SA a été radiée d'office du Registre du commerce le ______ 2020.

h. Le 14 février 2020, A______ a fait savoir au Tribunal que le solde des actifs de C______ SA, parmi lesquels se trouvait la créance envers B______, lui avait été transféré. Il invitait le Tribunal à reprendre la procédure et à prendre acte du fait qu'il s'était substitué à C______ SA.

i. B______ s'est opposé à cette requête, faisant valoir que A______ n'avait pas qualité pour agir dans la mesure où il n'était pas cessionnaire des droits de la masse en faillite.

j. La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 11 mai 2020.

EN DROIT

1. Le Tribunal a retenu que, puisqu'aucune cession des droits de la masse en faillite n'avait eu lieu, personne n'était habilité à poursuivre le procès à la place de C______ SA, laquelle avait été radiée. La cause était par conséquent devenue sans objet.

L'appelant fait valoir que l'art. 260 LP ne trouve pas application in casu en raison du fait que des actifs de la société subsistaient à l'issue de la liquidation de la faillite. Ceux-ci lui revenaient, en tant qu'actionnaire unique de C______ SA, en application de l'art. 745 CO.

L'intimé soutient pour sa part que l'appel est irrecevable car l'appelant n'a pas la qualité pour recourir.

1.1 Selon l'article 308 CPC, les décisions finales de première instance portant sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. sont susceptibles d'appel.

L'appel, écrit et motivé, doit être introduit dans le délai de 30 jours dès notification de la décision (art. 311 al. 1 CPC).

Même si le CPC ne connaît pas de réglementation expresse à cet égard, il suppose, pour la légitimation au recours, une lésion du recourant. Celui qui a pris part comme partie à la procédure devant l'instance précédente, a formulé des conclusions et a ainsi succombé en tout ou partie, est tout d'abord formellement lésé. Pour être légitimé au recours, il faut toutefois aussi une lésion matérielle, c'est à dire un intérêt pratique et actuel au recours. Il n'y a d'intérêt pratique que lorsque la décision sur recours peut influencer la situation de fait ou de droit du recourant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2016 du 7 juillet 2017 consid. 2.3).

La qualité pour recourir, qui est une condition de recevabilité, ne se confond pas avec la qualité pour agir ou pour défendre au fond, qui est une condition de droit matériel. Pour que l'intérêt au recours soit admis, il suffit que le recourant apparaisse atteint dans un droit qui lui appartient (arrêt du Tribunal fédéral 5A_643/2017 du 3 mai 2018 consid. 1.2 n.p. in ATF 144 III 277).

1.2 En l'espèce, la décision querellée, qui met fin à l'instance et a été rendue dans une cause portant sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., est susceptible d'appel.

Le fait que le Tribunal ait indiqué, de manière erronée, que ladite décision était susceptible de recours n'est pas déterminant.

Contrairement à ce que fait valoir l'intimé, le refus du Tribunal de considérer que l'appelant s'est substitué à C______ SA n'a pas pour conséquence l'irrecevabilité de l'appel au motif que l'appelant n'a pas la qualité pour recourir.

En effet, les notions de qualité pour agir et de qualité pour recourir ne se recouvrent pas. L'appelant, qui a pris devant le Tribunal des conclusions dans lesquelles il a succombé et qui est lésé dans ses droits, a bien la qualité pour recourir contre la décision lui déniant le droit de poursuivre le procès en lieu et place de C______ SA.

L'appel a pour le surplus été formé selon la forme et dans le délai légal de sorte qu'il est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'article 197 al. 1 LP, tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers.

L'art. 204 LP prévoit que le débiteur perd son pouvoir de disposition sur les biens saisissables qui composent la masse active, laquelle sera gérée par l'administration de la faillite : c'est le dessaisissement du failli. Il signifie que les actes juridiques du failli sur ces biens ne sont pas opposables à ses créanciers. Il en découle notamment que le failli n'est pas admis à disposer des créances appartenant à la masse, de sorte qu'il n'est pas habilité à en recevoir paiement (art. 205 LP) (Romy, Commentaire romand, n. 3, intro. art. 197 à 207 LP).

La masse peut décider de continuer le procès auquel le failli était demandeur à la place de celui-ci. Elle prend alors la place du failli comme demanderesse. La masse, représentée par l'administration de la faillite, a alors seule la qualité pour agir. Elle succède au failli dans l'instance, sans substitution de partie (sous réserve cependant d'une rectification de la désignation de la partie). Il en va de même lorsque la masse cède à un créancier cessionnaire au sens de l'art. 260 LP la qualité pour faire valoir en justice, en son propre nom, le droit du failli; là également, le créancier cessionnaire succède au failli sans substitution de partie (Romy, op. cit., n. 19, ad art. 207 LP).

Si, en revanche, la masse renonce à poursuivre le procès et qu'aucun créancier ne demande la cession du droit d'agir selon l'art. 260 LP, le failli retrouve sa capacité procédurale et sera libre de continuer le procès pour son propre compte, sans attendre la clôture de la faillite (ATF 68 III 162, JdT 1943 II 61; Romy, op. cit.,
n. 20, ad art. 207 LP).

2.1.2 Selon l'art. 268 LP, après la distribution, l'administration présente un rapport final au juge qui a déclaré la faillite (al. 1). Celui-ci prononce la clôture après avoir constaté que la liquidation est terminée (al. 2).

Un éventuel surplus d'actifs après désintéressement complet des créanciers, qu'il s'agisse de biens non réalisés ou d'un produit de réalisation non distribué, entre à nouveau dans le pouvoir de disposition du débiteur. Si le failli est une personne morale (destinée à être radiée du Registre du commerce), les liquidateurs de la personne morale, intervenant dans cette hypothèse postérieurement à la procédure de faillite, auront la charge de distribuer ce surplus aux ayants droit, selon les règles de liquidation propres à la personne morale en cause (Jeandin, Commentaire romand, n. 15 ad art. 268 LP).

Après paiement des dettes, l'actif de la société anonyme dissoute est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires au prorata de leurs versements et compte tenu des privilèges attachés à certaines catégories d'action (art. 745 al. 1 CO).

2.1.3 Selon l'art. 83 al. 4 CPC, en l'absence d'aliénation de l'objet du litige, la substitution de partie est subordonnée au consentement de la partie adverse; les dispositions spéciales prévoyant la succession d'un tiers aux droits ou obligations des parties sont réservées.

Cette réserve vise tous les cas de succession à titre universel qui, par définition, ont pour conséquence un changement de légitimation survenant par le seul effet de la loi et sans que la volonté des parties ne joue de rôle. Dans la mesure où le droit matériel seul induit un tel changement de légitimation, le juge n'a pas d'autre choix que de prendre acte de la substitution de partie qui en découle. L'ouverture de la faillite est un cas de succession à titre universel (Jeandin, Commentaire romand, n. 29 ad art.83 CPC)

2.2 En l'espèce, au moment du prononcé de la faillite de C______ SA, la créance qu'elle alléguait avoir à l'encontre de l'intimé a été intégrée à la masse en faillite et affectée au paiement des créanciers.

Dans la mesure où les autres actifs de la masse ont suffi à désintéresser tous les créanciers, cette créance, à l'instar du montant en espèces de 26'149 fr. 39 mentionné dans le courrier de l'Office des faillites du 6 février 2020, faisait partie du reliquat d'actifs subsistant après la liquidation de la faillite et sa clôture.

Conformément à l'art. 745 al. 1 CO, ce reliquat d'actifs est revenu à l'appelant, actionnaire unique de la société faillie, désormais radiée du Registre du commerce.

C'est par conséquent à juste titre que l'Office des faillites a fait savoir à l'appelant, le 6 février 2020, qu'il pouvait "disposer" de la procédure en cours.

Il s'agit là d'un cas de succession à titre universel au sens de l'art. 83 al. 4 CC prévu par le droit matériel.

Le Tribunal aurait dû prendre acte de cette substitution et poursuivre le procès, lequel oppose maintenant l'appelant à l'intimé.

Le jugement querellé sera par conséquent annulé et il sera constaté, conformément à la conclusion de l'appelant, qu'il s'est substitué à C______ SA dans le cadre de la présente procédure.

3. Dans la mesure où un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé, la Cour n'est pas en mesure de statuer sur les conclusions de l'appelant portant sur le fond du litige (art. 318 al. 1 let. c CPC) La cause sera par conséquent renvoyée au Tribunal pour reprise de l'instruction et nouvelle décision.

Contrairement à ce que fait valoir l'intimé, un tel renvoi est possible en dépit du fait que l'appelant n'a pas pris de conclusion expresse en ce sens, en vertu du principe "qui peut le plus peut le moins (arrêt du Tribunal fédéral 5A_449/2014 du 2 octobre 2014 consid. 6.2.1 et 6.2.2).

4. Les frais de la procédure d'appel seront mis à charge de l'intimé qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 5'000 fr. et compensés avec l'avance versée par l'appelant, acquise à l'Etat de Genève (art 17 et 35 RTFMC).

L'intimé sera condamné à verser ce montant à l'appelant.

Les dépens dus à ce dernier seront fixés à 5'000 fr. également, débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/7442/2020 rendu le 15 juin 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3118/2017-20.

Au fond :

Annule le jugement précité et, statuant à nouveau :

Constate que A______ s'est substitué à C______ SA dans la procédure C/3118/2017.

Renvoie la cause au Tribunal pour reprise de l'instruction et nouvelle décision sur le fond du litige.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr. et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ 5'000 fr. à titre de frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ à payer à A______ 5'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sophie MARTINEZ

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.