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Décisions | Chambre civile

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C/6961/2014

ACJC/745/2014 du 16.06.2014 ( IUS ) , REJETE

Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR LES CARTELS ET AUTRES RESTRICTIONS À LA CONCURRENCE; MESURE PROVISIONNELLE; PROROGATION DE FOR; POSITION DOMINANTE
Normes : LCart.7; LCart.12
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6961/2014 ACJC/745/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du LUNDI 16 JUIN 2014

 

Entre

A______ SA, sise ______ Genève, requérante comparant par Me Jacques Barillon, avocat, rue du Rhône 29, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ Berne, citée comparant par Me Jürgen Brönnimann, avocat, Bollwerk 15, case postale 5576, 3001 Berne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


Attendu, EN FAIT, que A______ SA est une société anonyme ayant son siège à Genève et dont le but est le suivant : "transfert d'argent et change de devises; déploiement de réseaux de télécommunication, développement, exploitation et commercialisation de produits et services de télécommunication; vente d'alimentation; prise de participations dans des entreprises, à l'exception de prises de participations immobilières en Suisse soumises à la LFAIE";

Que A______ SA est soumise à la Loi fédérale sur le blanchiment d'argent (LBA; RS 955.0) et est affiliée à un organisme d'autorégulation reconnu, soit l'Association romande des intermédiaires financiers (ARIF);

Que depuis sa création en 2004, A______ SA fait appel à des services de
B______, dans le cadre de ses activités commerciales;

Que A______ SA remet annuellement à B______ une copie du rapport de révision de son autorité de surveillance;

Que par courrier du 20 décembre 2011, B______ a informé A______ SA qu'elle était dans l'obligation de mettre fin à leurs relations d'affaires et de résilier les comptes ainsi que les prestations qui s'y rattachent pour le 29 février 2012;

Qu'à l'appui de cet avis de résiliation, B______ a indiqué que les prestations de service dans le domaine du transfert de fonds présentaient des risques très élevés au niveau du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, risques qu'elle n'était plus prête à assumer;

Que par courrier du 10 janvier 2012, A______ SA a sollicité "un délai complémentaire au 31 décembre 2012" afin de lui permettre de "transformer sa technique de transfert (…) et d'obtenir la collaboration d'une banque de la place";

Que par courrier du 13 janvier 2012, B______ a accepté d'octroyer à A______ SA un report unique du délai au 30 juin 2012;

Que par courrier du 6 février 2012, A______ SA a demandé à B______ de reconsidérer sa décision, alléguant en substance remplir toutes les conditions posées par la LBA et l'ARIF, ou, à défaut, de lui notifier une décision formelle avec indication des voies de recours et de la mettre au bénéfice de l'effet suspensif prévu à l'art. 55 PA;

Que par courrier du 14 février 2012, B______ a indiqué à A______ SA que la décision de rompre la relation d'affaires était liée à la décision de la direction générale de résilier l'ensemble des relations d'affaires reconnues comme "money transmitter" et a déclaré maintenir sa décision, A______ SA étant libre de faire appel aux services de B______ en lien avec les "prestations minimales du service public" (gestion d'un compte courant en francs suisses avec une B______ Card);

Que s'en est suivi un important échange de correspondance entre les parties, B______ ayant accepté de proroger à deux reprises les effets de la résiliation de la relation d'affaires dans le cadre du "processus d'évaluation de la relation d'affaires";

Que le 16 novembre 2012, B______ a notamment informé A______ SA que la nouvelle ordonnance du Conseil fédéral sur la Poste, entrée en vigueur le
1er octobre 2012, et les nouvelles conditions générales (CG) de B______ - devenant une SA en 2013 - s'appliqueraient à la résiliation de la relation d'affaires annoncée en décembre 2011 et qu'elle serait informée ultérieurement des conséquences sur ladite résiliation;

Que, par courrier du 16 janvier 2013, B______ a confirmé à A______ SA qu'elle deviendrait une société anonyme (SA) soumise à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), cette mesure étant effective au 26 juin 2013, et lui a transmis les nouvelles prescriptions réglementaires et légales, notamment les nouvelles conditions générales, qui s'appliqueraient pour B______;

Que par courrier du 22 février 2013, B______ a informé A______ SA, d'une part, que la résiliation annoncée en décembre 2011 serait "appliquée dès que les nouvelles CG B______ entre[raient] en vigueur, soit à partir du 26 juin 2013" et, d'autre part, que jusqu'à cette entrée en vigueur, elle maintenait la relation d'affaires aux mêmes conditions;

Que par courrier du 13 août 2013, B______ a confirmé à A______ SA sa décision de résiliation de leurs relations d'affaires, avec effet au 31 décembre 2013, A______ SA étant invitée à lui transmettre jusqu'au 30 novembre 2013 ses coordonnées bancaires en vue du transfert du solde éventuel;

Que B______ a justifié la résiliation par le fait qu'"une vérification du dossier de [A______ SA] a[vait] montré que [ses] obligations de diligence ne [pouvaient] pas être remplies de manière satisfaisante et [qu'elle n'était] en l'état pas en mesure de parer comme il le faudrait aux risques financiers et juridiques existants";

Que par ordonnances des 3 et 30 décembre 2013, la Cour de justice a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à ce qu'il fût fait interdiction à B______ de résilier la relation d'affaires au 31 décembre 2013 et à ce qu'il fût ordonné à celle-ci la poursuite de cette relation aux conditions prévalant jusqu'alors, dont A______ SA l'avait saisie;

Que la Cour a notamment retenu que la requérante n'avait pas rendu vraisemblable que les services proposés à la citée en matière de services de paiement ne pourraient pas être obtenus auprès d'une banque;

Qu'en revanche, la citée avait rendu vraisemblable que sa décision était justifiée par des motifs objectifs liés aux risques de blanchiment d'argent présentés par les activités exercées par la requérante;

Que la requérante n'avait ainsi pas rendu vraisemblable que le comportement dénoncé par elle constituerait le cas échéant un abus de position dominante, porterait une atteinte grave la concurrence ou serait discriminatoire;

Que le Tribunal fédéral a, par arrêt du 7 mars 2014, déclaré irrecevable le recours en matière civile formé par A______ SA contre l'ordonnances précitée du
30 décembre 2013;

Qu'à fin janvier 2014, A______ SA, après avoir équipé ses quatre succursales de terminaux permettant que les paiements soient effectués par le biais de cartes Maestro suisses (virés quotidiennement par la société C______ SA sur le compte de A______ SA auprès de B______) excluant de la sorte tout transfert d'argent liquide, a requis de B______ Acquiring Services la mise en service des encaissements par Postcard ("EFT/POS");

Que les formules de souscription remplies dans ce but portent la mention selon laquelle un compte commercial auprès de B______ est obligatoire pour bénéficier du service précité;

Que, par courrier du 3 février 2014, B______ a indiqué à A______ ce qui suit : "Nous nous réjouissons de votre décision d'accepter la B______ Card Direct comme moyen de paiement et vous remercions vivement d'avoir adhéré au système "EFT/POS avec la B______ Card Direct". Par la présente, nous vous informons que nous avons procédé à toutes les adaptations nécessaires de nos systèmes afin que vos terminaux soient en mesure de traiter la B______ Card Direct […]";

Que A______ a, dès cette date, utilisé ce système;

Que, par lettre du 7 février 2014, B______ a déclaré confirmer la résiliation du contrat "EFT/POS avec B______ Card Direct", sans indication de motif;

Que, par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 8 avril 2014, A______ SA a sollicité des mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de B______;

Que A______ SA conclut, sur mesures superprovisionnelles, à ce qu'il soit ordonné à B______ de poursuivre la relation d'affaires avec elle, à savoir le contrat EFT/POS avec B______ Card Direct, et à ce que les parties soient citées sans délai à une audience ou à ce qu'un délai soit fixé à B______ pour se prononcer par écrit conformément à l'art. 265 CPC;

Que sur mesures provisionnelles, A______ SA conclut à la confirmation des mesures superprovisionnelles ordonnées et à ce qu'un délai de trois mois lui soit imparti pour ouvrir action au fond conformément à l'art. 263 CPC;

Que A______ SA fonde sa requête sur les art. 7 et 12 ss LCart, soutenant qu'en décidant "de résilier la relation d'affaires seulement cinq jours après l'avoir conclue, de surcroît sans en informer A______ et sans donner la moindre justification", après qu'elle avait elle-même adapté sa technique de transfert de fonds, B______ abuserait de sa position dominante et commettrait une discrimination;

Qu'elle serait, en raison du comportement de B______, exposée à des graves conséquences économiques et sociales conduisant à sa mise en faillite;

Que, par ordonnance du 9 avril 2014, notifiée le même jour, la Cour a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles déposée le 8 avril 2014 par A______, imparti à B______ un délai de 10 jours dès réception de l'ordonnance pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles et produire ses pièces et dit que les frais et dépens de l'ordonnance suivraient le sort de la procédure provisionnelle;

Que, dans cette décision, la Cour a notamment admis sa compétence sur la base des
art. 13, 36 et 5 CPC, ainsi que de l'art. 120 al. 1 let. a LOJ, a estimé que, sur le seul vu des pièces produites et sans audition de la partie citée, il n'était pas possible de retenir que le comportement dénoncé par la requérante portait une atteinte grave à la concurrence et constituait le cas échéant un abus de position dominante et a considéré que la requérante n'avait pas rendu vraisemblable l'urgence particulière (la décision de résiliation ayant été prise plus de deux mois avant le dépôt de la requête) et le préjudice difficilement réparable qu'elle encourrait si l'entrave illicite n'était pas immédiatement supprimée (aucun allégué n'étant formulé par la requérante au sujet de sa situation durant les deux derniers mois);

Que dans sa réponse expédiée au greffe de la Cour le 2 mai 2014, B______ conclut, principalement, à l'irrecevabilité de la requête de mesures provisionnelles du
8 avril 2014, subsidiairement à son rejet;

Qu'elle fait valoir que la compétence ratione loci se trouve à Berne, et non à Genève, compte tenu de l'art. 28 des conditions générales et conditions de participation de B______, disposant que "sous réserve de dispositions légales impératives contraires, le for exclusif pour toute procédure est à Berne (…)";

Qu'elle conteste en outre toute violation de la loi sur les cartels et tout monopole en matière de transferts de fonds, le service "EFT/POS" constituant au demeurant une prestation accessoire à une relation d'affaires, et ne relevant en rien de la prestation de base dite de service public;

Qu'elle expose ne pas se comporter de manière indépendante par rapport aux autres banques sur le marché des transferts de fonds;

Qu'elle serait fondée à refuser à ses clients l'utilisation des services de paiement à certaines conditions définies par l'art. 45 de l'Ordonnance sur la Poste, notamment lorsque l'utilisation des prestations du trafic des paiements engendrerait des risques financiers considérables ou si la surveillance de la relation client en vue de remplir ses obligations de diligence engendrerait des coûts disproportionnés pour elle (art. 23b des Conditions générales et conditions de participation de B______);

Que l'activité exercée par A______ SA ne lui permettrait pas de retracer la provenance des fonds, de sorte qu'elle ne serait pas en mesure de parer efficacement aux risques financiers et juridiques existants, concernant notamment son obligation de contrôle en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme;

Que B______ conteste par ailleurs le caractère urgent de la requête, au vu du délai écoulé entre son courrier du 7 février 2014 et la saisine de la Cour;

Qu'elle explique la contradiction entre le courrier précité et sa lettre du 3 février précédant par la circonstance que celle-ci représentait un envoi standard de l'un de ses services, qui n'était pas informé de la procédure alors pendante au Tribunal fédéral;

Qu'elle relève la mauvaise foi de la requérante, laquelle aurait dû s'attendre à ce que la prestation accessoire "EFT/POS" ne soit pas activée, dans la mesure où les relations commerciales devaient alors être bloquées, vu la procédure en cours;

Qu'elle conteste pour le surplus que la requérante ne soit plus en mesure de poursuivre ses activités et soit contrainte à un dépôt de bilan, observant qu'elle a elle-même pu contrôler, en date des 23 et 24 avril 2014, que des transferts d'argent étaient encore possibles dans des agences de A______ SA à Genève et à Lausanne, au moyen de cartes de type Maestro;

Que par réplique déposée le 19 mai 2014, A______ SA a persisté dans son argumentation et ses conclusions;

Qu'elle ne conteste pas qu'il est toujours possible pour ses clients d'effectuer des transferts d'argent par le moyen de cartes de type Maestro;

Qu'elle affirme que seuls 40% de son chiffre d'affaires proviendrait de la clientèle utilisant ce type de cartes, de sorte qu'elle serait exposée à perdre le solde de son chiffre d'affaires du jour au lendemain en raison du comportement de B______;

Qu'en outre, B______ contraindrait les sociétés comme A______ SA à détenir un compte commercial auprès d'elle pour que ses clients puissent utiliser leur postcard;

Que, par duplique du 2 juin 2014, B______ a persisté dans ses conclusions prises antérieurement;

Qu'elle a notamment relevé que la proportion de clients de la requérante qui utiliseraient des cartes de type Maestro n'était pas étayée;

Que pour le surplus, le cas de la requérante était particulier, en raison du blocage de la relation contractuelle dû aux risques en matière de blanchiment, de sorte qu'il n'y avait pas d'entrave créée, a fortiori s'agissant de l'activation du service "EFT/POS", accessoire à une relation d'affaires;

Qu'enfin la requérant demeurait libre d'exercer son activité avec des banques de la place;

Considérant, EN DROIT, que le juge examine d'office sa compétence à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC);

Que les actes d'abus de position dominante et de concurrence déloyale ressortissent au domaine des actes illicites (Reymond, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, Tercier/Bovet [éd.], Bâle 2002, n. 43 ad rem. liminaires aux art. 12-17 LCart; Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, 2ème éd., Berne 2002,
n. 2.03);

Que l'art. 13 CPC prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, le tribunal compétent pour statuer sur l'action principale ou le tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée est impérativement compétent pour ordonner des mesures provisionnelles;

Qu'en ce qui concerne le fond du litige, les actions fondées sur un acte illicite peuvent notamment être introduites au for du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur
(art. 36 CPC; cf. Haldy, in Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/ Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], Bâle 2011, n. 7 ad art. 36 CPC; Hempel, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Spühler/Tenchio/Infanger [éd.], 2ème éd. 2013, n. 3 ad art. 36 CPC);

Que le for de l'art. 36 CPC est ouvert notamment pour les actions fondées sur la LCart (Haldy, op. cit., n. 1 ad art. 36 CPC; Hempel, op. cit., n. 6 et 7 ad art. 36 CPC; Sutter-Somm/Hedinger, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 2ème éd. 2013, n. 12 ad art. 36 CPC), y compris, comme indiqué précédemment, en ce qui concerne les mesures provisionnelles (Sutter-Somm/Hedinger, op. cit., n. 20 ad art. 36 CPC);

Qu'une prétention peut avoir plusieurs fondements juridiques, de sorte que le requérant pourra opter pour le for prévu pour l'un de ces fondements (Haldy, op. cit., n. 5 ad
art. 36 CPC; cf. ég. Hempel, op. cit., n. 15 ad art. 36 CPC);

Qu'une clause de prorogation de for (art. 17 CPC) doit se référer à un rapport de droit déterminé;

Que lorsqu'une telle clause désigne tous les litiges afférents au contrat dans lequel elle se trouve, elle vise en premier lieu les prétentions fondées sur ce contrat, mais également les prétentions résultant d'actes illicites, quand ces actes constituent simultanément une violation du contrat (Haldy, op. cit., n. 13 ad art. 17 CPC; Infanger, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, op. cit., n. 17 ad art. 17 CPC);

Qu'en l'espèce, la requérante fonde sa demande sur une prétendue violation de la LCart, en particulier des art. 7 et 12 ss LCart, et non sur une violation des obligations contractuelles de la citée;

Que pour le surplus, les parties n'allèguent pas que les actes illicites dénoncés constitueraient simultanément une violation du contrat;

Que dès lors, contrairement à ce que soutient la citée, le for spécial prévu par l'art. 36 CPC est ouvert, le for prévu par ses conditions générales ne s'appliquant pas en l'espèce;

Que dans la mesure où le siège de la requérante - prétendue lésée - se trouve à Genève, les juridictions genevoises sont compétentes ratione loci pour connaître de la présente requête;

Que selon l'art. 5 CPC, le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relevant du droit des cartels (art. 5 al. 1 let. b CPC);

Que conformément à l'art. 120 al. 1 let. a LOJ, la chambre civile de la Cour de justice connaît en instance cantonale unique des affaires civiles ressortissant à l'art. 5 CPC;

Que ladite chambre est également compétente pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC; Wey, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], op. cit., n. 22 ad art. 5 CPC), dans les formes de la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC);

Que la présente requête de mesures provisionnelles, déposée par ailleurs dans les formes prescrites (art. 130 et 131 CPC), est donc recevable;

Que la réponse de la citée est également recevable, pour avoir été expédiée dans le délai de 10 jours imparti par la Cour;

Qu'il en va de même de la réplique et de la duplique déposées respectivement par les parties;

Considérant que selon l'art. 15 LCart, l'affaire est transmise pour avis à la Commission de la concurrence lorsque la licéité d'une restriction à la concurrence est mise en cause au cours d'une procédure civile;

Que selon la jurisprudence rendue à ce jour, en particulier la jurisprudence cantonale genevoise et zurichoise, l'art. 15 LCart ne s'applique toutefois pas en matière de mesures provisionnelles (Reymond, op. cit., n. 3 ad art. 15 LCart et les références citées);

Que la Commission de la concurrence et la doctrine partagent cet avis (Reymond, op. cit., n. 37 ad art. 15 LCart; Jacobs/Giger, in Basler Kommentar, Kartellgesetz, Amstutz/Reinert [éd.], 2010, n. 9 ad art. 15 LCart);

Qu'en effet, pour ce type de procédure, le principe de célérité et la limitation des moyens de preuve ne permettent en principe pas de recueillir préalablement l'avis de Commission de la concurrence (Jacobs/Giger, op. cit., n. 9 ad art. 15 LCart; cf ég. Patrick Krauskopf, L'intervention des autorités de la concurrence dans les procédures judiciaires et législatives, in SJ 2002 II p. 43);

Que dans une décision récente, le Tribunal cantonal saint-gallois a également considéré qu'il n'y avait pas lieu de demander l'avis de la Commission de la concurrence dans le cadre des mesures provisionnelles sollicitées (Präsident des Handelsgerichts St. Gallen, 26. März 2012, HG.2011.286, consid. 7b);

Que le Tribunal fédéral a considéré que de brèves expertises portant sur des questions techniques étaient admissibles comme moyens de preuve en procédure provisionnelle de droit de la propriété intellectuelle également sous l'empire du CPC et a admis dans le cas qui lui était soumis une violation du droit d'être entendu en rapport avec un litige du droit des marques, du fait que l'autorité précédente ne pouvait pas juger du motif d'exclusion absolu de la nécessité technique de la forme revendiquée, à défaut d'une compétence propre, sans recourir à un expert judiciaire indépendant (ATF 137 III 324 consid. 3.2);

Considérant qu'en l'espèce, la transmission de la cause à la Commission de la concurrence pour requérir son avis dans le cadre des présentes mesures provisionnelles nuirait à l'exigence de célérité;

Qu'en outre, la Cour s'estime suffisamment renseignée par les pièces du dossier pour trancher la cause sous l'angle de la vraisemblance, la question litigieuse ne portant pas sur une question technique dans un domaine où elle ne dispose pas de compétence propre;

Que par conséquent, il n'y a pas lieu de s'écarter de la jurisprudence cantonale et des avis doctrinaux en la matière, de sorte qu'il convient de ne pas transmettre la cause à la Commission de la concurrence pour avis dans le cadre des présentes mesures provisionnelles;

Considérant que le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Que l'octroi de mesures provisionnelles nécessite donc la vraisemblance de la prétention invoquée, d'une atteinte ou du risque d'atteinte et d'un risque de préjudice difficilement réparable, lequel suppose l'urgence (Bohnet, in Code de procédure civile commenté, op. cit., n. 7 ss ad art. 261 CPC);

Que, selon l'art. 7 al. 1 LCart, les pratiques d'entreprises ayant une position dominante sont réputées illicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l'accès d'autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent les partenaires commerciaux;

Que les pratiques visées à l'art. 7 al. 1 LCart ne sont interdites par cette disposition qu'aux entreprises occupant une position dominante;

Que d'après la définition consacrée par l'art. 4 al. 2 LCart, il y a position dominante lorsqu'une entreprise est à même, en matière d'offre ou de demande, de se comporter de manière essentiellement indépendante par rapport aux autres participants au marché - concurrents, fournisseurs ou acheteurs;

Que l'aptitude d'une entreprise à se comporter de manière essentiellement indépendante s'apprécie par rapport au marché matériellement et géographiquement déterminant
(ATF 139 I 72 consid. 9; 129 II 497 consid. 6.3.1), de sorte qu'il est nécessaire de délimiter ce marché (ATF 139 II 316 consid. 5);

Qu'une entreprise occupe une position dominante, parmi d'autres hypothèses, lorsqu'elle détient la totalité du marché déterminant et qu'elle n'est exposée à aucune concurrence parce que des circonstances de fait ou de droit rendent improbable l'irruption d'une autre entreprise sur ce marché; que conformément à la théorie de l'"essential facility" désormais consacrée aussi en droit suisse, la position dominante peut résulter de ce que l'entreprise dispose de droits exclusifs sur une installation, une infrastructure ou un équipement indispensable et qu'il n'existe pas de substitut réel ni potentiel (ATF 139 II 316 consid. 6.1 et références citées);

Que selon l'art. 7 al. 2 let. a et let. b LCart, le refus d'entretenir des relations commerciales et la discrimination de partenaires commerciaux en matière de prix ou d'autres conditions commerciales s'inscrivent dans les pratiques éventuellement abusives visées par l'art. 7 al. 1 LCart;

Que l'entreprise en position dominante se comporte de manière abusive lorsqu'elle dispose seule des équipements ou installations indispensables à la fourniture d'une prestation, qu'il n'existe pas de concurrence sur le marché de cette prestation, que l'entreprise refuse sans raison objective de mettre l'infrastructure aussi à la disposition d'un concurrent potentiel et que celui-ci n'a aucune solution de remplacement (ATF 139 II 316 consid. 7; 129 II 497 consid. 6.5.1 et 6.5.3; cf. ég. DPC 1997 p. 501; Clerc, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, op. cit., n. 61 et n. 79 ad art. 7 LCart);

Que la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, mais signifie seulement qu'il incombe à celle-ci, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective (Clerc, op. cit., n. 60 ad art. 7 LCart);

Que l'abus de position dominante est une notion objective, qui peut être sanctionné même en l'absence de toute faute (Clerc, op. cit., n. 66 ad art. 7 LCart);

Que, toutefois, la preuve d'une intention de l'entreprise dominante d'exploiter ses partenaires commerciaux ou d'écarter ses concurrents actuels ou potentiels facilite à l'évidence la preuve du comportement abusif (Clerc, op. cit., n. 66 ad art. 7 LCart);

Qu'une telle preuve peut résulter des indices et circonstances du cas d'espèce (Clerc, op. cit., n. 66 ad art. 7 LCart);

Qu'un refus d'entrer en relations commerciales n'est pas abusif, et échappe ainsi à la censure de l'art. 7 al. 1 LCart, s'il répond à une justification objective (ATF 139 II 316 consid. 8);

Que selon l'art. 12 al. 1 let. a LCart, la personne qu'une restriction illicite à la concurrence entrave dans l'accès à la concurrence ou l'exercice de celle-ci peut notamment demander la suppression ou la cessation de l'entrave;

Que constituent en particulier une entrave à la concurrence le refus de traiter des affaires ou l'adoption de mesures discriminatoires (art. 12 al. 2 LCart);

Que l'art. 13 let. b LCart dispose qu'afin d'assurer la suppression ou la cessation de l'entrave à la concurrence (cf. art. 12 al. 1 let. a LCart), le juge, à la requête du demandeur, peut décider que celui qui est à l'origine de l'entrave à la concurrence doit conclure avec celui qui la subit des contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche;

Que l'obligation de contracter peut être imposée tant aux parties à un accord illicite ou à certains de ses membres qu'à une entreprise qui abuse de sa position dominante (Reymond, op. cit., n. 42 ad art. 13 LCart et les références citées);

Que selon la Loi fédérale sur l'organisation de la Poste Suisse (Loi sur l'organisation de la Poste [LOP]; RS 783.1), entrée en vigueur le 1er octobre 2012, l'unité du groupe de la Poste Suisse SA qui fournit des services de paiement en vertu de la législation postale a été transférée dans la société anonyme de droit privé "B______ SA" (art. 14
al. 1 LOP);

Que la Poste assure dans tout le pays un service universel par la fourniture de services de paiement (art. 32 al. 1 de la Loi sur la poste [LPO], entrée en vigueur le 1er octobre 2012 également; RS 783.0) et que, conformément aux exigences du Conseil fédéral, elle précise dans ses conditions générales les prestations qu'elle fournit à certaines conditions ou pas du tout en raison de problèmes de sécurité ou pour préserver des intérêts légitimes (art. 32 al. 2 LPO);

Que selon l'Ordonnance sur la poste (OPO; RS 783.01), entrée en vigueur simultanément aux lois précitées, le service universel comprend, pour les personnes physiques ou morales ayant leur domicile, leur siège ou leur établissement en Suisse, au moins une offre pour les services de paiement nationaux en francs suisses suivants
(art. 43 al. 1 OPO) :

a.       l'ouverture et la gestion d'un compte pour le trafic des paiements;

b.      l'ordre de virement du propre compte pour le trafic des paiements sur le compte d'un tiers;

c.       l'ordre de virement d'espèces sur le compte d'un tiers, pour autant que le donneur d'ordre ne soit pas tenu de s'identifier au plan national ou international;

d.      le versement en espèces sur le propre compte pour le trafic des paiements;

e.       le retrait d'espèces du propre compte pour le trafic des paiements, à condition que le montant soit disponible au point de retrait;

Que B______ peut toutefois refuser à ses clients l'utilisation des services de paiement mentionnés à l'art. 43 précité si la fourniture de ces services est en contradiction avec des dispositions nationales ou internationales des législations sur les marchés financiers, sur le blanchiment d'argent ou sur les embargos (art. 45 al. 1 let. a OPO) ou s'il y a un risque d'atteintes graves au droit et à la réputation (art. 45 al. 1 let. b OPO);

Qu'elle désigne dans ses conditions générales les cas justifiant le refus de l'utilisation des services (art. 45 al. 2 OPO);

Que les conditions générales et conditions de participation de la citée précisent les cas justifiant le refus de l'utilisation des services, conformément à l'art. 45 al. 2 OPO précité, soit notamment lorsque l'utilisation des prestations du trafic des paiements engendrerait des risques financiers considérables pour la citée ou si la surveillance de la relation client en vue de remplir ses obligations de diligence engendrerait des coûts disproportionnés pour elle (art. 23b des Conditions générales);

Que la Cour a déjà retenu, dans son ordonnance du 30 décembre 2013, que la requérante ne rendait pas vraisemblable que les services proposés par la citée en matière de services de paiement ne pourraient être obtenus auprès d'une banque, par exemple, solution qu'elle envisageait d'ailleurs elle-même le 10 janvier 2012 déjà;

Qu'en outre, la décision de rupture de relations contractuelles prise par la citée repose sur l'art. 45 al. 1 OPO, lui permettant expressément de refuser à ses clients l'utilisation des services de paiement mentionnés à l'art. 43 OPO à certaines conditions liées notamment à ses obligations de diligence en matière de blanchiment d'argent;

Que la requérante ne conteste pas la validité de cette disposition légale, entrée en vigueur il y a plus d'un an;

Que la Cour a également déjà retenu, dans sa décision du 30 décembre 2013, que la citée avait rendu vraisemblable que sa décision était justifiée par des motifs objectifs liés aux risques de blanchiment d'argent présentés par les activités exercées par la requérante, compte tenu de la nature de cette activité et de la difficulté à tracer les fonds transférés par l'intermédiaire de celle-ci, et que la requérante ne rendait pas vraisemblable que le comportement de la citée serait discriminatoire, eu égard notamment à la poursuite des relations commerciales avec D______;

Que, dès lors, la requérante n'avait pas rendu vraisemblable que le comportement dénoncé par elle constituerait, le cas échéant, un abus de position dominante, porterait une atteinte grave à la concurrence ou serait discriminatoire;

Considérant que le système "EFT/POS" est un service offert par B______, qui suppose l'existence d'un compte commercial auprès de cette société, comme le prévoient expressément les formules de souscription remplies par la requérante à fin janvier 2014;

Que, par conséquent, cette prestation est liée à la poursuite de relations d'affaires entre les parties;

Que la Cour a déjà retenu que la requérante n'avait pas rendu vraisemblable que le comportement dénoncé par elle, à savoir le terme mis aux relations liant les parties, constituerait un abus de position dominante, porterait une atteinte grave à la concurrence ou serait discriminatoire;

Que les courriers de B______ des 3 et 7 février 2014 ne changent rien à ce constat, le premier d'entre eux procédant vraisemblablement d'une inadvertance, et le second confirmant la situation prévalant depuis la fin 2013;

Que, pour le surplus, la requérante n'a pas rendu vraisemblable qu'elle subirait un préjudice difficilement réparable si l'entrave qu'elle allègue n'était pas immédiatement supprimée, dans la mesure où il est admis qu'elle poursuit ses activités à ce jour et où elle n'apporte aucun élément de nature à étayer la mise en faillite qu'elle allègue craindre;

Que l'urgence particulière n'a pas non plus été rendue vraisemblable, plus de deux mois s'étant écoulés entre le courrier de B______ SA du 7 février 2014 et la saisine de la Cour;

Qu'enfin, sous l'angle de la proportionnalité, la balance des intérêts penche en faveur de la citée, qui doit pouvoir conduire ou interrompre des relations d'affaires conformément aux prescriptions légales en vigueur;

Que partant, les conditions de l'octroi des mesures provisionnelles ne sont pas réalisées;

Que la requête sera dès lors rejetée;

Que la requérante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires de la présente décision, ainsi que de celle sur mesures superprovisionnelles du 3 décembre 2013, fixés à 3'000 fr. au total (art. 95, 104, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 26 RTFMC);

Que ces frais sont entièrement compensés par l'avance de frais du même montant effectuée par la requérante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 CPC);

Que la requérante sera également condamnée aux dépens de sa partie adverse, fixés à 4'000 fr., débours et TVA compris (art. 85 et 88 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC), compte tenu notamment des critères fixés à l'art. 20 al. 1 et al. 2 LaCC, étant relevé que la Cour ne dispose d'aucun élément pour chiffrer la valeur litigieuse, mais qu'il y a lieu de retenir qu'elle est en tout cas de plusieurs dizaines de milliers de francs, vu les arguments invoqués par la requérante, qui soutient qu'à défaut de pouvoir poursuivre ses relations commerciales avec la citée, "elle tomberait en faillite avec les conséquences économiques et sociales que cela implique";

Que la présente ordonnance est susceptible de recours au Tribunal fédéral. Elle est rendue sur mesures provisionnelles, de sorte que les motifs de recours sont limités
(art. 98 LTF);

Que le recours est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF; ATF 139 II 316 consid. 1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en mesures provisionnelles déposée le 8 avril 2014 par A______ SA dans la cause C/6961/2014.

Au fond :

La rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision et de la décision sur mesures superprovisionnelles du 3 décembre 2013 à 3'000 fr. au total et les met à la charge de A______ SA.

Les compense avec l'avance de frais de 3'000 fr. effectuée par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne A______ SA à verser à B______ SA 4'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Raphaël MARTIN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.