Décisions | Sommaires
ACJC/1677/2025 du 24.11.2025 sur JTPI/10771/2025 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/3136/2025 ACJC/1677/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 24 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Afrique du sud, recourant contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 août 2025, représenté par Me Mirolub VOUTOV, avocat, de Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée.
A. Par jugement JTPI/10771/2025 rendu le 29 août 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, considérant que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de l’art. 80 LP, a débouté A______ de ses conclusions en mainlevée définitive (chiffre 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l’avance effectuée par le précité et laissés à sa charge (ch. 2 et 3).
B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 15 septembre 2025, A______ a formé recours contre ce jugement, qu’il a reçu le 5 septembre 2025, concluant à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______, pour la totalité des sommes figurant dans la réquisition de poursuite, sous suite de frais et dépens.
Il a allégué des faits nouveaux, pièces à l’appui qu’il n’a pas produites.
b. Par réponse du 17 octobre 2025, B______ a conclu au déboutement du recourant de toutes ses conclusions.
Elle a allégué des faits et produit des pièces non articulés respectivement non soumises au Tribunal.
c. Le 7 novembre 2025, en l'absence de réplique, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits suivants ressortent du dossier du Tribunal.
a. B______ et A______, tous deux de nationalité russe, se sont mariés le ______ 2005 en Fédération de Russie.
Par jugement du 23 décembre 2013, le Tribunal du district de C______ de D______ (Fédération de Russie) a prononcé le divorce des époux A______/B______.
b. Le 26 octobre 2020, B______ a saisi le Tribunal d’une requête unilatérale en divorce dirigée contre A______ (C/1______/2020).
Par jugement JTPI/7803/2023 du 30 juin 2023, le Tribunal a notamment reconnu en Suisse le jugement de divorce rendu le 23 décembre 2013 par la C______ District Cour de D______ (ch. 2) et déclaré irrecevable la requête de divorce formée le 26 octobre 2020 par B______ (ch. 3) et statué sur les frais (ch. 5 et 6).
Par arrêt ACJC/692/2024 du 27 mai 2024, la Cour a annulé les chiffres 5 et 6 du dispositif de ce jugement et statué à nouveau sur ces points, condamnant notamment B______ à verser à A______ 4'000 fr. à titre de dépens. Sur les frais d’appel, il a condamné celle-là à verser à celui-ci 800 fr. à titre de remboursement des frais d’appel et 4'000 fr. au titre de dépens de seconde instance.
c. Par acte déposé au Tribunal le 19 décembre 2022, B______ a notamment conclu à la production par A______ de plusieurs documents attestant de ses revenus et de sa fortune (C/2______/2022).
Par jugement JTPI/7628/2023 rendu le 27 juin 2023, le Tribunal a déclaré irrecevable la demande de renseignements de B______, et notamment condamné celle-ci à verser à A______ le montant de 1'500 fr. TTC à titre de dépens.
d. Le 14 novembre 2022, l’Office cantonal des poursuites a adressé à A______ une facture de frais n. 4______ de 126 fr. 05, relative à des frais dans la poursuite n° 5______.
e. Le 22 novembre 2024, l’Office cantonal des poursuites, à la requête de A______, a notifié à B______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur les sommes suivantes :
- 125 fr. 05, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2023 à titre de « frais pour la procédure du poursuite n° 6______ (Facture n. 4______) » (poste 1),
- 800 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2024, à titre de « remboursement avance de frais judiciaires pour procédure appel C/1______/2020 » (poste 2),
- 4'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2024, à titre de « dépens TPI-recours déposé par A______ devant CCCJ procédure C/1______/2020 » (poste 3),
- 4'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021, à titre de « remboursement avance frais judiciaires p/procédure C/7______/2020 pour TPI » (poste 4),
- 300 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2023, à titre de « dépens pour la procédure C/8______/2022 devant le TPI » (poste 5),
- 300 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2023 à titre de « avance de frais judicaires payées à la CCCJ procédure C/8______/2022 » (poste 6),
- 300 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2023, à titre de « avance de frais pour procédure de mainlevée C/8______/2022 devant le TPI » (poste 7);
- 800 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2023, à titre de « dépens pour la procédure C/8______/2022 devant la CCCJ » (poste 8),
- 1'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 2023, à titre de « dépens pour la procédure C/2______/2022 devant le TPI » (poste 9).
Opposition totale y a été formée.
f. Par requête déposée au Tribunal le 11 février 2025, A______ a sollicité la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer susmentionné, pour les postes 1, 2, 3, 4 et 7, sous suite de frais et dépens. Il a mentionné que le poste 4 (4'000 fr.) avait trait à la procédure C/1______/2020 et le poste 7 (1'500 fr.) à la procédure C/2______/2022.
A l’appui de sa requête, il a produit l’arrêt de la Cour du 27 mai 2024 dans la cause C/1______/2020, le jugement du Tribunal du 27 juin 2023 dans la cause C/2______/2022, la facture de l’Office cantonal des poursuites n. 9______, ainsi que le commandement de payer, poursuite n° 3______.
g. Le 21 août 2025, B______ a déposé des déterminations spontanées au Tribunal, assorties d’une liasse de pièces.
Par ordonnance du 27 août 2025, le Tribunal déclaré irrecevables les déterminations de B______, lui a retourné son écriture, a admis aux débats les pièces du 21 août 2025 déposées par celle-ci, les a transmises à A______ et a réservé la suite de la procédure.
h. Lors de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 29 août 2025, A______ a persisté dans ses conclusions, sous suite de frais et dépens.
B______ a également « persisté dans ses conclusions ».
Le procès-verbal ne mentionne pas les arguments développés par les parties.
Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
1.2 Interjeté en temps utile et selon la forme prévue par la loi, le recours est recevable. Il en va de même de la réponse de l’intimée déposée dans le délai imparti par la Cour.
1.3 La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
2. En matière de recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).
Les allégations et les pièces nouvelles des parties sont irrecevables.
Les conclusions nouvelles du recourant, en prononcé de la mainlevée définitive de l’opposition concernant tous les postes du commandement de payer, alors qu’il n’avait requis celle-ci que pour les postes 1 à 4 et 7 devant le Tribunal, sont également irrecevables.
3. Le recourant reproche au Tribunal de n’avoir pas prononcé la mainlevée définitive de l’opposition.
3.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (al. 1). Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (al. 2 ch. 2).
Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).
Il faut entendre par "décision administrative", au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP, tout acte administratif imposant de manière contraignante la prestation d'une somme d'argent à l'Etat ou à une autre corporation publique (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 et les références citées).
Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée – qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral –, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).
La preuve du caractère exécutoire incombe au poursuivant. Elle peut résulter d'une attestation de l'autorité qui a statué. Cette attestation n’est toutefois pas indispensable lorsque le caractère exécutoire résulte des circonstances, en particulier du temps écoulé depuis la notification et du fait que le poursuivi ne prétend pas avoir contesté la décision. Dans la mesure où l'attestation délivrée n'est pas rendue aux termes d'une procédure contradictoire, il ne s'agit pas d'une décision mais d'un simple moyen de preuve qui ne dispense pas l'autorité d'exécution d'examiner d'office si la décision est réellement exécutoire (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd. 2022, n° 149 ad art. 80 LP et arrêts du Tribunal fédéral cités).
Le juge de la mainlevée définitive examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle, non la validité de la créance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_427/2011 du 10 octobre 2011 consid. 2). Il ne statue que sur la base des pièces produites, en l'occurrence un jugement exécutoire ou un titre assimilé à un tel jugement; il n'a ni à revoir ni à interpréter le titre de mainlevée qui est produit (ATF 124 III 501 consid. 3a; 113 III 6 consid. 1b).
Par "extinction de la dette", l'art. 81 al. 1 LP ne vise pas seulement le paiement, mais toute autre cause de droit civil, comme la remise de dette, la compensation ou l'accomplissement d'une condition résolutoire (ATF 124 III 501 consid. 3b). Le poursuivi ne peut se borner à rendre sa libération vraisemblable; il doit, au contraire, en apporter la preuve stricte (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références citées).
3.2 En l’espèce, la facture de l’Office des poursuites, qui n’est pas un jugement ni une décision administrative condamnant l’intimée à payer au recourant une somme d’argent, ne constitue pas un titre de mainlevée définitive. C’est ainsi à bon droit que le Tribunal a rejeté la requête en ce qui concerne le poste 1 du commandement de payer. Le recours est donc infondé sur ce point.
Les postes 2 et 3 du commandement de payer se fondent sur l’arrêt de la Cour du 27 mai 2024 condamnant l’intimée à verser les montants en poursuite au recourant à titre de remboursement d’avance de frais et de dépens. Il est vrai que l’arrêt de la Cour ne porte pas mention de son caractère exécutoire ni de force jugée. Cependant, il a été rendu il y a plus d’une année et l’intimée n’a pas allégué, à teneur du procès-verbal d’audience devant le Tribunal, avoir contesté cette décision. C’est ainsi à tort que le Tribunal a débouté le recourant de ses conclusions en mainlevée définitive pour ces deux postes.
Les postes 4 et 7 du commandement de payer se fondent sur des décisions judiciaires que le recourant n’a pas produites devant le Tribunal. La mention dans la requête de mainlevée d’autres décisions et montants en regard des postes 4 et 7 ne permet pas de prononcer la mainlevée à concurrence des montants en poursuite, repris de manière erronée dans la requête de mainlevée. C’est ainsi à bon droit que le premier juge n’a pas prononcé la mainlevée définitive de l’opposition pour ces postes. Le recours est donc infondé sur ce point.
Au vu de ce qui précède, et par souci de simplification, le jugement sera annulé et il sera statué à nouveau dans le sens que la mainlevée définitive sera prononcée pour les postes 2 et 3 du commandement de payer, et rejetée pour le surplus.
4. 4.1 Lorsqu'elle statue à nouveau, l'instance de recours se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC).
4.2 En l'espèce, les frais judiciaires de première et seconde instances, arrêtés à respectivement 400 fr. et 600 fr., seront mis à la charge des parties à raison d’une moitié chacune, aucune n’obtenant entièrement de cause. L’intimée sera en conséquence condamnée à verser 500 fr. à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire. La part des frais du recourant, de 500 fr., sera compensée à due concurrence avec les avances versées, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et le solde des avances fournies par le recourant lui sera restitué à concurrence de 500 fr. (art. 111 al. 1 CPC).
Pour le même motif, il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens, l’intimée plaidant par ailleurs en personne et n’ayant pas justifié de démarches en justifiant l’octroi (art. 95 CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 15 septembre 2025 par A______ contre le jugement JTPI/10771/2025 rendu le 29 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3136/2025–17 SML.
Au fond :
Annule ce jugement.
Cela fait, statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______, pour les postes 2 et 3.
Rejette la requête pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais de première et seconde instances à 1'000 fr., les met à la charge des parties à raison d’une moitié chacune, et dit qu’ils sont compensés à raison de 500 fr. par les avances opérées par A______, acquises à l’Etat de Genève.
Condamne B______ à verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr. à titre de frais judiciaires.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ la somme de 500 fr., versée par lui à titre d’avance de frais.
Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
| La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.