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C/6603/2025

ACJC/1102/2025 du 19.08.2025 sur JTPI/5711/2025 ( SFC ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6603/2025 ACJC/1102/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 AOÛT 2025

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mai 2025,

et

ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, Service du contentieux, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, intimé.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5711/2025 du 8 mai 2025, reçu par A______ SARL le 15 mai 2025, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur requête de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration cantonale (AFC), dans le cadre de la poursuite n° 1______, a prononcé la faillite de A______ SARL
(ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judicaires à 120 fr., compensés avec l'avance versée par l'ETAT DE GENEVE, et mis à la charge de A______ SARL, celle-ci étant condamnée à rembourser ce montant à celui-là (ch. 2 et 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 22 mai 2025, A______ SARL a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, au rejet de la requête de faillite.

Elle a établi – quittance de l'Office des poursuites du 21 mai 2025 à l'appui – avoir payé la dette faisant l'objet de la poursuite n° 1______, intérêts et frais de poursuite, de justice et d'encaissement compris.

Elle a allégué être solvable et a produit des pièces nouvelles.

b. Par décision du 28 mai 2025, la Cour a ordonné la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Le 3 juin 2025, dans le délai fixé à cet effet, A______ SARL s'est déterminée sur l'extrait des poursuites la concernant au 28 mai 2025 et a produit une pièce nouvelle.

d. Par réponse du 16 juin 2025, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'AFC, s'en est rapporté à justice sur la recevabilité et sur le fond du recours, exposant que les frais judiciaires en 120 fr. dont il avait fait l'avance restaient dus à ce jour.

Par pli du 25 juin 2025, A______ SARL a confirmé s'être acquittée des frais en question, se référant à la quittance de l'Office des poursuites annexée à son recours.

e. La cause a été gardée à juger le 17 juillet 2025, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL, inscrite au Registre du commence de Genève depuis le ______ 2017, a pour but social l'exploitation de tous établissements publics, tels que cafés, bars et restaurants.

b. Le 29 novembre 2024, sur réquisition de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'AFC, l'Office des poursuites a notifié à A______ SARL un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 425 fr. avec intérêts à 5% dès le 12 novembre 2024.

Ce commandement de payer est demeuré libre d'opposition.

c. Le 24 janvier 2025, l'ETAT DE GENEVE a fait notifier à A______ SARL une commination de faillite dans la poursuite litigieuse.

d. Par requête reçue au greffe du Tribunal le 18 mars 2025, l'ETAT DE GENEVE a requis la mise en faillite de A______ SARL.

Aucune des parties n'a comparu à l'audience de faillite du 8 mai 2025, à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

e. Il ressort de l'extrait du registre des poursuites de A______ SARL au 28 mai 2025 que celle-ci ne faisait l'objet d'aucun acte de défaut de biens à cette date et que les poursuites en cours avaient toutes été soldées, à l'exception de deux poursuites initiées par l'AFC, dont la poursuite n° 1______, pour un total de 1'716 fr. 60.

Par attestation du 22 mai 2025, la fiduciaire de A______ SARL a fait état de ce qui suit : "Par la présente, nous confirmons que la société A______ Sàrl n'a actuellement aucune poursuite en cours. Elle n'est pas non plus en situation de surendettement. Les comptes définitifs et les déclarations fiscales relatives ne sont pas encore terminés pour 2024. Une demande de délai de remise de la déclaration fiscale a été demandée pour le 31 juillet 2025".

Les comptes non audités produits par A______ SARL pour l'exercice 2023 font état d'un bénéfice de 31'186 fr. 20.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux improprement dits ("pseudo nova") devant l'autorité de recours, à savoir des faits et moyens de preuve déjà existants au moment du jugement de première instance, mais non portés à la connaissance du juge de la faillite, pourvu qu'elles les fassent valoir dans le délai de recours (JAQUES/Cometta, in CR LP, 2ème éd. 2025, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut aussi présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova") dans le délai de recours, pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (cf. infra consid. 2.1). Les faits et moyens de preuve invoqués après l'échéance du délai de recours sont irrecevables (JAQUES/Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante à l'appui de son recours sont recevables. Tel n'est en revanche pas le cas de la pièce qu'elle a produite le
3 juin 2025, soit postérieurement à l'échéance du délai de recours.

2. La recourante fait valoir qu'elle exploite un café-bar au centre-ville de Genève, que cet établissement bénéficie d'une clientèle fidèle et croissante et qu'elle est parvenue à redresser sa situation financière, après avoir accumulé des dettes suite à la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. Ayant réussi à solder l'ensemble des poursuites en cours, elle envisageait l'avenir de façon positive et souhaitait continuer son activité, étant précisé qu'elle employait deux personnes à temps plein.

2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017
consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, il ressort de la quittance annexée au recours que la poursuite
n° 1______ a été soldée en mains de l'Office des poursuites le 21 mai 2025, intérêts et frais – de poursuite, de justice et d'encaissement – compris. La recourante a par ailleurs rendu vraisemblable par pièces, notamment l'attestation de sa fiduciaire et sa comptabilité 2023, que son activité est rentable. Cela est confirmé par le fait qu'elle a été à même de s'acquitter récemment de la plus grande partie de ses dettes.

Au vu du dossier, et même si la situation de la recourante semble toujours serrée, sa solvabilité est plus probable que son insolvabilité et la viabilité de son activité ne saurait être déniée d'emblée.

Le recours doit dès lors être admis et le prononcé de la faillite annulé.

3. Dans la mesure où le paiement de l'entier de la dette est intervenu après le dépôt de la requête de faillite, il se justifie de laisser à la charge de la recourante les frais judiciaires de première et seconde instances (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 220 fr. et compensés avec l'avance de frais déjà effectuée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 52 et 61 al. 1 OELP, art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens de recours à l'intimé qui plaide en personne et n'a pas effectué de démarches justifiant leur allocation (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2025 par A______ SARL contre le jugement JTPI/5711/2025 rendu le 8 mai 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6603/2025-10 SFC.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué.

Rejette la requête de faillite formée le 18 mars 2025 par l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale.

Confirme ledit jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 220 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.