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C/6429/2024

ACJC/1407/2024 du 11.11.2024 sur JTPI/9862/2024 ( SML ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6429/2024 ACJC/1407/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 11 NOVEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 août 2024, représentée par Monsieur B______, agent d'affaires breveté, ______ [VD],

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/9862/2024 du 19 août 2024, expédié pour notification aux parties le 29 août 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ pour les postes 1 et 2, à concurrence de 1'684 fr. 55 pour le poste 3, à concurrence de 1'189 fr. pour le poste 4, à concurrence de 951 fr. 20 pour le poste 5 et à concurrence de 634 fr. 15 pour le poste 6 (ch. 1), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance opérée et mis à la charge des parties par moitié chacune, C______ SA étant condamnée à verser 200 fr. à A______ SA (ch. 2 et 3), et a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que les pièces produites valaient titre de mainlevée provisoire pour les créances objets des postes 1 et 2 du commandement de payer précité, ainsi que pour certaines des créances objets des postes 3 à 6, qu'il n'a pas désignées, les autres créances objets desdits postes, qu'il n'a pas désignées, n'étant pas fondées sur des pièces produites ou étant fondées sur des pièces qui ne "suffis[ai]ent pas", faute de comprendre des "relevés d'heures" signés.

B.            Par acte du 9 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à la réforme de celui-ci, en ce sens que la mainlevée provisoire soit accordée conformément à ses conclusions de première instance, sous suite de frais et dépens.

C______ SA n'a pas déposé de réponse.

Par avis du 16 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits suivants :

a. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but notamment la recherche, la sélection, le recrutement et la mise à disposition de personnel temporaire ou stable dans tous les domaines.

C______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but notamment l'étude et la réalisation de travaux de couverture, d'étanchéité, de pose de résine de sols, de sanitaires, d'agencement d'intérieur, de ferblanterie, d'isolation, et de charpente.

b. Aux termes de contrats de location de services conclus les 19 janvier 2023, 24 février 2023, 2, 6, 7 et 21 mars 2023, A______ SA a mis du personnel temporaire à disposition de C______ SA, moyennant paiement d'un tarif horaire de 36 fr. 80.

Le premier de ces contrats a donné lieu à l'émission de cinq factures, soit facture n° 2______ du 20 février 2023 pour 1'545 fr. 70, facture n° 3______ du 20 février 2023 pour 1'010 fr. 65, facture n° 4______ du 20 février 2023 pour 673 fr. 75, facture n° 5______ du 2 mars 2023 pour 1'684 fr. 45, facture n° 6______ du 2 mars 2023 pour 1'684 fr. 45. Les factures précitées se rapportent respectivement aux "rapports" nos 7______, 8______, 9______, 10______ et 11______, soit des fiches comportant le total des heures du travailleur concerné (39 heures, 25,5 heures, 17 heures, 42,5 heures, et 42,5 heures), ainsi que des signatures illisibles apposées l'une dans la rubrique intitulée "cachet & signature du client", l'autre dans celle intitulée "signature de l'intérimaire" pour les trois premiers rapports précités, tandis que les deux derniers de ces rapports sont munis du timbre humide de C______ SA et d'une signature, la rubrique "signature de l'intérimaire" étant dépourvue de signature.

Le deuxième des contrats susmentionnés a donné lieu à l'émission de deux factures, soit facture n° 37______ du 3 avril 2023 pour 951 fr. 20 et facture n° 12______ du 13 avril 2023 pour 634 fr. 15. Les factures précitées se rapportent respectivement aux "rapports" nos 13______ et 14______, soit des fiches comportant le total des heures du travailleur concerné (24 heures et 16 heures) ainsi que des signatures illisibles apposées l'une dans la rubrique intitulée "cachet & signature du client", l'autre dans celle intitulée "signature de l'intérimaire", la seconde étant en outre munie du timbre humide de C______ SA.

Le troisième des contrats susmentionnés a donné lieu à l'émission d'une facture n° 15______ du 27 mars 2023 pour 178 fr. 35. Celle-ci se rapporte au "rapport" n° 16______, soit une fiche comportant le total des heures du travailleur concerné (4,5 heures), ainsi qu'une signature illisible apposée dans la rubrique "cachet & signature du client", la rubrique "signature de l'intérimaire" étant dépourvue de signature.

Le quatrième des contrats susmentionnés a donné lieu à l'émission de quatre factures, soit facture n° 17______ du 22 mars 2023 pour 1'525 fr. 90, facture n° 18______ du 22 mars 2023 pour 1'684 fr. 45, facture n° 19______ du 27 mars 2023 pour 1'525 fr. 90 et facture n° 20______ du 13 avril 2023 par 1'307 fr. 90. Les factures précitées se rapportent respectivement aux rapports nos 21______ (visé sous pièce 20 de la page de garde du bordereau de pièces de A______ SA mais manquant dans ce chargé), 22______, 23______ et 24______, soit des fiches comportant le total des heures du travailleur concerné (42,30 heures, 38,30 heures et 33 heures), ainsi que la mention manuscrite "D______ P. O. E______" apposée dans la rubrique "cachet & signature du client", la rubrique "signature de l'intérimaire" étant dépourvue de signature.

Le cinquième des contrats susmentionnés a donné lieu à l'émission de cinq factures, soit facture n° 25______ du 27 mars 2023 pour 1'525 fr. 90, n° 26______ pour 1'684 fr. 45, n° 27______ du 3 avril 2023 pour 1'585 fr. 35, n° 28______ du 3 avril 2023 pour 391 fr. 40, et n° 29______ du 13 avril 2023 pour 1'307 fr. 90. Les factures précitées se rapportent respectivement aux rapports nos 30______, 31______, 32______, 33______ (visé sous pièce 45 de la page de garde du bordereau de pièces de A______ SA mais manquant dans ce chargé), et 34______, soit des fiches comportant le total des heures du travailleur concerné (38,30 heures, 42,30 heures, 40 heures, 33 heures), ainsi que la mention manuscrite "D______ P. O. E______" apposée dans la rubrique "cachet & signature du client", la rubrique "signature de l'intérimaire" étant dépourvue de signature.

Le sixième des contrats susmentionnés a donné lieu à l'émission d'une facture n° 35______ du 27 mars 2023 pour 1'010 fr. 65. Celle-ci se rapporte à un "rapport" n° 36______, soit une fiche comportant les heures du travailleur concerné (4 heures, 8,5 heures, 8,5 heures et 4,5 heures), ainsi qu'une signature illisible dans la rubrique intitulée "cachet & signature du client", la rubrique "signature de l'intérimaire" étant dépourvue de signature.

c. Le 4 août 2023, à la requête de A______ SA, l'Office cantonal des poursuites a notifié à C______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 3'230 fr. 10 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 mars 2023 (poste 1), 3'368 fr. 90 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 3 avril 2023 (poste 2), 3'210 fr. 35 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 23 avril 2023 (poste 3), 5'925 fr. 25 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 28 avril 2023 (poste 4), 2'927 fr. 95 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 4 mai 2023 (poste 5), 3'249 fr. 95 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 14 mai 2023 (poste 6), et 2'600 fr. (poste 7). La rubrique "titre de la créance ou cause de l'obligation" était libellée respectivement ainsi: "factures n° 2______, 3______, 4______ du 20.02.2023", "factures n° 5______ et 6______ du 02.03.2023", "factures n° 17______ et 18______ du 22.03.2023", "factures n° 25______, 35______, 19______, 26______, 15______ du 27.03.2023", "factures n° 27______, 28______ et 37______ du 03.04.2023", "factures n° 20______, 12______ et 29______ du 13.04.2023" et "indemnité 103 CO".

La poursuivie a formé opposition.

d. Le 18 mars 2024, A______ SA a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité, s'agissant des six premiers postes de celui-ci, dirigée contre C______ SA.

Elle a allégué que les factures qu'elle avait émises étaient demeurées impayées.

A l'audience du Tribunal du 19 août 2024, aucune des parties n'était présente ou représentée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b ch. 1 et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Interjeté dans le délai de 10 jours prescrit et selon la forme requise par la loi (art. 142 al. 3, 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). Le principe de disposition est applicable (art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante fait grief au premier juge d'avoir écarté huit des créances en poursuite, motif pris de ce que les factures produites pour celles-ci n'étaient pas assorties des relevés d'heures correspondant ou ne se rapportaient pas à des relevés d'heures signés.

2.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1).

Pour que la reconnaissance de dette constitue un titre de mainlevée provisoire, il doit notamment y avoir identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre. Cette question est examinée d'office par le juge de la mainlevée (ATF
142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1; GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP; ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 129 ad art. 82 LP).

Une reconnaissance de dette peut résulter d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires. Cela signifie que le document signé, ou l'acte authentique, doit clairement et directement faire référence ou renvoyer aux documents qui mentionnent le montant de la dette ou permettent de le chiffrer. Cela implique que le montant de la dette doit être fixé ou aisément déterminable dans les pièces auxquelles renvoie le document signé, et ce au moment de la signature de ce dernier (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 7 ad art. 82 LP).

2.2 En l'espèce, la recourante a produit des contrats la liant à l'intimée, ainsi que des factures, pour partie assorties de documents, dont tous portent des mentions attribuées à l'intimée dans la rubrique destinée à cet effet, que ce soit sous forme de signature ou de mention pouvant, selon examen, être ou non qualifiée de signature. Ces pièces, en tant qu'elles sont produites, permettent par leur rapprochement d'établir une intention de payer une dette déterminable. Dans cette mesure, sur le principe, elles constituent des titres de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 LP, comme l'a retenu à raison le premier juge.

En ce qui concerne les postes du commandement de payer, qui ont été écartés pour partie par le Tribunal, il convient d'emblée de relever qu'on discerne que la motivation du premier juge liée à l'absence de production de relevés d'heures se rapporte aux factures 17______ et 28______. Celles-ci sont en lien avec des rapports qui, bien que visés dans la page de garde du bordereau de pièces de la recourante, ne figurent pas dans le chargé.

En application de l'art. 56 CPC, le Tribunal aurait dû ainsi attirer l'attention de la recourante sur cette informalité, et lui fixer un délai pour rectifier ce vice (cf. art. 132 al. 1 CPC), avant de statuer.

Ensuite, faute de motivation suffisamment précise, il n'est pas possible de déterminer si le Tribunal a écarté les autres factures parce qu'elles ne portaient pas la signature du travailleur intérimaire, ou parce qu'il a considéré que la mention manuscrite "D______ P.O E______" ne constituait pas une signature valable. Le résultat auquel il est parvenu n'éclaire pas davantage. En effet, le Tribunal a retenu comme représentant des titres de mainlevée provisoire les factures 5______ et 6______, ainsi que 15______, 18______ et 35______, lesquelles ne portent pas de signature du travailleur intérimaire, mais non les factures 19______ et 20______, ainsi que 25______, 26______, 27______ et 29______, qui offrent la même particularité. Il a retenu comme représentant un titre de mainlevée provisoire la facture 18______ qui porte la mention manuscrite "D______ P.O E______", mais non les factures 19______, 20______, 25______, 26______, 27______, et 29______ qui offrent pourtant la même particularité.

Dans ces conditions, la Cour n'est pas en mesure de contrôler l'application du droit à laquelle le premier juge s'est livré.

Il s'impose dès lors d'annuler le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, en tant qu'il porte sur les postes 3 à 6 du commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi que les chiffres 3 et 4 dudit dispositif, et de renvoyer la cause au Tribunal (art. 327 al. 3 let. a CPC). Celui-ci s'attachera, après avoir donné l'occasion à la recourante de produire les pièces, visées en page de garde de son bordereau de titres mais ne figurant pas dans celui-ci, à procéder à un examen minutieux, en fait et en droit, des documents invoqués en qualité de titres au sens de l'art. 82 LP, et à motiver sa décision de façon complète.

3. Les frais du recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 48, 61 OELP), et seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC). L'avance du même montant opérée par la recourante lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 9 septembre 2024 par A______ SA contre les chiffres 1, en tant qu'il porte sur les postes 3 à 6 du commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi que 3 et 4 du dispositif du jugement JTPI/9862/2024 rendu le 19 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6429/2024–1 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 1, en tant qu'il porte sur les postes 3 à 6 du commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi que les chiffres 3 et 4 du dispositif de ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision sur ces points.

Déboute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 600 fr. , et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 600 fr. à A______ SA.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.