Décisions | Sommaires
ACJC/1367/2024 du 28.10.2024 sur JTPI/5809/2024 ( SFC ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/6067/2024 ACJC/1367/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 28 OCTOBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 mai 2024,
et
B______, sise ______, intimée,
C______, sise ______, intimée.
A. a. Par jugement JTPI/5809/2024 du 13 mai 2024, dans la cause C/6067/2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a déclaré A______ en état de faillite dès le 13 mai 2024 à 14:15 heures (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 150 fr., compensés avec l'avance effectuée par [l'assurance maladie] B______ (ch. 2) et mis à la charge de A______, condamnée à verser ce montant à B______, qui en avait fait l'avance (ch. 3).
b. Par acte déposé le 30 mai 2024 à la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a requis l'annulation. Elle a conclu au rejet de la requête de faillite formée par B______, en alléguant qu'elle était solvable et en établissant par une quittance du 12 juin 2024 de l'Office des poursuites qu'elle avait soldé en capital, frais et intérêts la poursuite n° 1______, intentée à son encontre par la société précitée.
c. Par décision du 5 juin 2024, la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ en suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué et en suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
d. Le même jour, la Cour a imparti à A______ un délai pour déposer les pièces justifiant de sa solvabilité (comptes de l'année courante et des deux exercices précédents, contrats en cours, etc.) et pour se prononcer sur la liste des poursuites en cours et actes de défaut de biens qui lui était remise.
Celle-ci révèle l'existence de vingt poursuites inscrites depuis 2019, dont onze ont été payées, deux sont au stade de la notification du commandement de payer (pour un total de 631 fr. arrondis) et deux à celui de l'ouverture de la poursuite (pour un total de 1'266 fr. arrondis). La liste mentionne deux actes de défaut de biens délivrés en 2023 à la [caisse de compensation] D______ pour un total de 1'205 fr. Trois poursuites en sont au stade de la commination de faillite, dont deux ont conduit au prononcé de la faillite, décisions qui font l'objet des recours traités dans le présent arrêt.
e. Avec un courrier du 12 juin 2024 à la Cour, A______ a notamment produit son compte de pertes et profits au 31 décembre 2022, dont ressort un bénéfice de 17'594 fr. 90, et son bilan à la même date laissant apparaître des pertes de 2'315 fr. 75. En 2024, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 2'894 fr. en janvier, de 2'960 fr. en février, de 4'270 fr. en mars et de 2'670 fr. en avril.
Elle a exposé qu'elle avait traversé une période difficile dont elle se sortait, et que son activité se développait.
f. B______ n'a pas fait usage de son droit de répondre au recours.
g. Les parties ont été informées le 6 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. a. Par jugement JTPI/7401/2024 du 13 juin 2024 dans la cause C/9681/2024, le Tribunal a déclaré A______ en état de faillite dès le 13 juin 2024 à 08:30 heures (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 120 fr., compensés avec l'avance effectuée par [l'assurance maladie] C______ (ch. 2) et mis à la charge de A______, condamnée à verser ce montant à C______, qui en avait fait l'avance (ch. 3).
b. Par acte déposé le 25 juin 2024 à la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a requis l'annulation. Elle a conclu au rejet de la requête de faillite formée par C______, en alléguant qu'elle était solvable et en établissant par une quittance du même jour de l'Office des poursuites qu'elle avait soldé en capital, frais et intérêts la poursuite n° 2______, intentée à son encontre par la société précitée.
c. Par décision du 1er juillet 2024, la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ en suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué et en suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
d. Le même jour, la Cour a imparti à A______ un délai (prolongé par courrier du 6 août 2024) pour déposer les pièces justifiant de sa solvabilité (comptes de l'année courante et des deux exercices précédents, contrats en cours, etc.) et pour se prononcer sur la liste des poursuites en cours et actes de défaut de biens qui lui était remise.
Celle-ci révèle l'existence de vingt poursuites inscrites depuis 2019, dont onze ont été payées, et quatre sont au stade de la notification du commandement de payer (pour un total de 1'897 fr. arrondis). La liste mentionne deux actes de défaut de biens délivrés en 2023 à [la caisse de compensation] D______ pour un total de 1'205 fr. Trois poursuites en sont au stade de la commination de faillite, dont deux ont conduit au prononcé de la faillite, décisions qui font l'objet des recours traités dans le présent arrêt.
e. Avec un courrier du 16 août 2024 à la Cour, A______ a notamment produit son compte de pertes et profits au 31 décembre 2022, dont ressort un bénéfice de 17'594 fr. 90, et son bilan à la même date laissant apparaître des pertes de 2'315 fr. 75. En 2024, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 2'670 fr. en avril, de 3'030 fr. en mai, de 2'960 fr. en juin et juillet et de 2'320 fr. supplémentaires du 15 au 27 juillet.
f. C______ n'a pas fait usage de son droit de répondre au recours.
g. Les parties ont été informées le 26 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
D. Les faits pertinents suivants résultent des procédures:
a. Selon le Registre du commerce de Genève, A______ exploite, depuis le ______ 2022, une raison individuelle dont le but est "services de consulting, coaching et formation".
b. Par arrêt du 13 octobre 2023, la Cour a annulé un jugement déclaratif de faillite rendu le 2 octobre 2023.
c. Par arrêt du 30 janvier 2024, la Cour a annulé un autre jugement déclaratif de faillite rendu le 23 novembre 2023.
d. Sur réquisition de B______, l'Office cantonal des poursuites a notifié à A______ le 5 octobre 2023 un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur un montant en capital de 2'250 fr., non frappé d'opposition.
Une commination de faillite a été notifié le 14 février 2024 à A______ dans le cadre de la poursuite précitée.
Par requête du 12 mars 2024, B______ a requis la faillite de A______.
A l'audience du Tribunal du 22 avril 2024, à laquelle B______ n'était ni présente ni représentée, A______ a sollicité un délai pour solder la poursuite.
Le Tribunal lui a fixé un délai au 2 mai 2024 pour déposer une quittance pour solde de l'Office, attestant du paiement de la dette en capital, intérêts et frais, y compris les frais judiciaires ou pour déposer une pièce attestant d'un arrangement de paiement avec la créancière.
Le montant n'ayant pas été versé, le Tribunal a prononcé la faillite de A______ (C/6067/2024).
e. Sur réquisition de C______, l'Office cantonal des poursuites a notifié à A______ le 5 octobre 2023 un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur un montant en capital de 542 fr., non frappé d'opposition.
Une commination de faillite a été notifié le 14 février 2024 à A______ dans le cadre de la poursuite précitée.
Par requête du 25 avril 2024, C______ a requis la faillite de A______.
A l'audience du Tribunal du 13 juin 2024, aucune des parties n'était présente ni représentée. Le Tribunal a prononcé la faillite de A______ (C/9681/2024).
1. Par simplification, les procédures C/6067/2024 et C/9681/2024 seront jointes sous C/6067/2024 (art. 125 al. 1 CPC).
2. 2.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).
Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
1.2 Formés selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), les recours sont recevables.
1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).
En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui avait été imparti par la Cour, en vue d'établir que la dette avait été payée ainsi que sa solvabilité.
3. La recourante sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite. Elle fait valoir qu'elle serait solvable.
3.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).
Le poursuivi doit rendre vraisemblable sa solvabilité, en produisant des titres immédiatement disponibles.
En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).
3.2 En l'espèce, les montants en poursuite ont été payés, intérêts et frais compris, de sorte que la première condition est réalisée.
Il ressort des pièces produites par la recourante et des explications fournies que celle-ci a rencontré des difficultés financières qui semblent aujourd'hui dépassées. En effet, toutes les poursuites ont été soldées et la recourante n'a pas fait l'objet de nouvelles poursuites depuis le prononcé de sa faillite le 13 mai 2024, soit plusieurs mois. Il est vraisemblable que son activité se développe, au vu du chiffre d'affaires réalisé depuis le début de l'année 2024. Sa solvabilité est donc plus probable que son insolvabilité.
Les recours seront en conséquence admis et le chiffre 1 des dispositifs des jugement entrepris annulés.
4. Les frais des recours arrêtés à 440 fr au total (art. 48,61 OELP) seront laissés à la charge de la recourante, qui ne s'est acquittée des montants en poursuite que postérieurement aux jugements entrepris. Ils seront compensés avec les avances opérées, acquises à l'Etat de Genève (art 111 al. 1 CPC).
Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, la recourante n'en ayant pas sollicités.
* * * * *
La Chambre civile :
Préalablement:
Ordonne la jonction des causes C/6067/2024 et C/9681/2024 sous C/6067/2024.
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2024 par A______ contre le jugement JTPI/5809/2024 rendu le 13 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6067/2024–19 SFC.
Déclare recevable le recours interjeté le 25 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI7401/2024 rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9681/2024-S1 SFC.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de ces jugements.
Confirme ces jugements pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais des deux recours à 440 fr. au total, les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec les avances opérées par celle-ci, lesquelles sont acquises à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.