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Décisions | Sommaires

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C/584/2024

ACJC/709/2024 du 30.05.2024 sur JTPI/2646/2024 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/584/2024 ACJC/709/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 30 MAI 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 février 2024,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2646/2024 du 26 février 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la faillite de A______ SA le même jour à 15h00 (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance fournie, mis à la charge de la précitée, condamnée à verser à B______ SA la somme de 300 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 2), ainsi que 500 fr. à titre de dépens (ch. 3), les parties ayant été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 7 mars 2024 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, cela fait, à ce que la Cour rejette la requête de faillite. Elle a exposé être solvable et avoir soldé la poursuite, en capital, frais et intérêts. Elle a produit une confirmation de paiement de la poursuite à l'Office des poursuites et une quittance délivrée par l'Office des poursuites attestant du règlement des frais dudit Office.

Elle a exposé avoir été affectée dans ses activités par la pandémie de Covid-19, ses services étant principalement rendus à des voyageurs souhaitant se rendre en Europe de l'est. Afin d'assainir sa situation financière, elle avait pris un certain nombre de mesures. S'agissant des poursuites en cours à son encontre, elle avait pris contact avec certains créanciers, en vue de convenir d'échéanciers de paiements. Elle a produit des courriels adressés à plusieurs d'entre eux.

b. Par décision du 13 mars 2024, la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ SA en suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué et en suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Par courrier du 9 avril 2024, A______ SA a transmis à la Cour un extrait du registre des poursuites muni de ses commentaires, ainsi que des courriels adressés à divers créanciers. Elle a allégué qu'à la suite de paiement d'une partie des dettes et des contacts avec ces derniers, le montant total des poursuites, de 135'000 fr., s'était réduit à 75'000 fr. Elle mettait tout en œuvre afin de trouver des arrangements.

d. Dans sa réponse du 15 avril 2024, B______ SA s'est rapportée à justice, sous suite de frais et dépens.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 15 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par courrier du 16 mai 2024, B______ SA a informé la Cour de ce que les arriérés de loyer relatifs au contrat de stockage ayant lié les parties avaient été réglés et les locaux libérés par A______ SA. Les frais judiciaires de première instance de même que les dépens de 500 fr. demeuraient impayés.

g. Le 17 mai 2024, la Cour a transmis à A______ SA le courrier précité.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA, inscrite au Registre du commerce genevois depuis le ______ 2015, a notamment pour but les conseils et services dans les domaines du commerce.

b. B______ SA, également inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but les transports et déménagements internationaux.

c. A la requête de B______ SA, l'Office cantonal des poursuites a notifié à A______ SA le 22 avril 2021 un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 3'120 fr.

A______ SA y a formé opposition.

d. Par jugement JTPI/2437/2021 du 22 février 2021, définitif et exécutoire, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée à la poursuite précitée.

e. Une commination de faillite a été notifiée le 22 avril 2021 à A______ SA.

f. Le 11 avril 2023, B______ SA a fait notifier à A______ SA un nouveau commandement de payer, poursuite n° 2______, pour la somme de 5'460 fr.

A______ SA y a formé opposition.

g. Par requête du 15 janvier 2024, B______ SA a saisi le Tribunal d'une requête de faillite sans poursuite préalable à l'encontre de A______ SA.

h. A l'audience de Tribunal du 15 février 2024, B______ SA a persisté dans ses conclusions. A______ SA a conclu au rejet de la requête.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

D. La liste des poursuites en cours et actes de défaut de biens du 11 mars 2024 révèle l'existence de 83 poursuites inscrites depuis 2019, dont 22 sont en cours, pour un montant total de l'ordre de 75'000 fr. Quatre comminations de faillite ont été notifiées à A______ SA (portant sur une somme totale de plus de 12'000 fr.). Dix-huit poursuites ont été réglées à l'Office et deux aux créanciers. A______ SA a formé quatorze oppositions aux commandements de payer notifiés. Au cours des vingt dernières années, 29 actes de défaut de biens suite à une saisie ont été délivrés, pour un montant total de 135'452 fr. 19.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta,
op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours et durant la procédure de recours, et servent à établir que la dette a été payée ainsi que sa solvabilité.

2. La recourante sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite. Elle fait valoir être solvable.

2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

Le poursuivi doit rendre vraisemblable sa solvabilité, en produisant des titres immédiatement disponibles.

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, il est établi que la dette faisant l'objet de la poursuite intentée par l'intimée a été acquittée, en capital, intérêts et frais. Les frais judiciaires et les dépens de première instance, tels que fixés dans le jugement attaqué mais non remis en cause dans le recours, assorti de l'effet suspensif, n'ont pas été réglés. Il s'ensuit que la première condition posée par l'art. 174 LP n'est ainsi pas réalisée.

Quant à sa solvabilité, il y a lieu de relever que la recourante fait l'objet de 83 poursuites inscrites depuis 2019, dont 22 sont en cours, pour un montant total de l'ordre de 75'000 fr. La recourante a formé quatorze oppositions aux commandements de payer notifiés. Au cours des vingt dernières années, 29 actes de défaut de biens suite à une saisie ont été délivrés, pour un montant total de 135'452 fr. 19.

La recourante n'allègue pas qu'elle aurait les moyens de payer les dettes précitées et rien ne permet de penser que la situation à cet égard serait susceptible de s'améliorer à court terme.

La recourante n'a pas produit ses comptes, ni ses contrats en cours. Elle n'a par ailleurs fourni aucune indication concernant ses éventuelles liquidités.

2.3 En définitive, au vu de ce qui précède, la recourante n'a pas rendu vraisemblable sa solvabilité. Le recours, infondé, sera dès lors rejeté.

3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

La faillite de la recourante sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

4. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires
(art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 220 fr. (art. 52 et 61 OELP) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui n'a répondu au recours que par un simple et bref courrier.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2024 par A______ SA contre le jugement JTPI/2646/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/584/2024–5 SFC.

Au fond :

Le rejette.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SA prenant effet le 30 mai 2024 à 12h.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______ SA.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).