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ACJC/1443/2023 du 30.10.2023 sur JTPI/9377/2023 ( SML ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1711/2023 ACJC/1443/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 30 OCTOBRE 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______ [AG], recourante contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 août 2023, représentée par Me Marc LIRONI, avocat, LIRONI AVOCATS SA, boulevard Georges-Favon 19, case postale 423, 1211 Genève 4,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé.
A. Par jugement JTPI/9377/2023 du 24 août 2023, reçu par A______ SA le 28 août 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ déposée par A______ SA (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires en 200 fr. à la charge de cette dernière (ch. 2 et 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
L'envoi recommandé contenant l'exemplaire du jugement destiné à B______ n'a pas été réclamé par ce dernier. Le jugement, revenu en retour au Tribunal, lui a été renvoyé par pli simple par celui-ci.
B. a. Le 6 septembre 2023, A______ SA a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule, et prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ au commandement de payer susmentionné, avec suite de frais et dépens.
b. B______ n'a pas répondu au recours dans le délai imparti par la Cour pour ce faire.
c. Les parties ont été informées le 27 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juge.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. Le 17 mars 2022, A______ SA a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 3'110 fr. avec intérêts en sus dès le 1er mai 2021 au titre de "Mensualités en retard du contrat de leasing n° 2______ (10 x 311 fr. du 01.05.21 au 01. 02. 22) conclu avec la maison C______ Sàrl, ex-D______ Sàrl, cédé à A______" plus 35 fr. d'intérêts de retard et frais. Opposition a été formée à ce commandement de payer.
b. Le 24 janvier 2023, A______ SA a requis du Tribunal de première instance le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition.
Elle a allégué avoir conclu avec la société E______ SARL, laquelle exploitait un restaurant, un contrat de leasing portant sur une caisse enregistreuse. Ce leasing avait été repris par B______ le 4 février 2020. Ce dernier ne s'était cependant pas acquitté de l'intégralité des mensualités dues.
Elle a notamment produit à l'appui de sa demande les documents suivants :
- Un contrat de leasing daté du 8 octobre 2018, portant sur une caisse enregistreuse, conclu avec E______ SARL et signé par le représentant de celle-ci, pour la période du 17 décembre 2018 au 17 décembre 2023, prévoyant un loyer mensuel de 311 fr. TVA comprise, ainsi qu'un procès-verbal de livraison de ladite caisse.
- Un courrier non daté adressé à A______ SA, signé par E______ SARL et B______, par lequel ce dernier demandait de reprendre le leasing, suite à sa reprise du commerce exploité par E______ SARL.
- Un formulaire "A détermination de l'ayant droit économique" signé par B______ le 4 février 2020.
c. Le 5 avril 2023, une convocation a été adressée par courrier recommandé à B______ à l'adresse no. ______ rue 3______, [code postal] F______ [GE] pour l'audience du Tribunal du 22 mai 2023.
Cet envoi n'a pas été réclamé par son destinataire et a été retourné au Tribunal après l'expiration du délai de garde. Le Tribunal a renvoyé à B______ la convocation par courrier A.
d. Lors de l'audience du Tribunal du 22 mai 2023, B______ n'était ni présent ni représenté.
A______ SA a persisté dans sa requête et la cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).![endif]>![if>
Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et
2 CPC).
En l'espèce, le recours a été déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est recevable.
2. Le Tribunal a considéré que la signature figurant sur la lettre de l'intimé par laquelle celui-ci indiquait vouloir reprendre le contrat de leasing conclu entre la recourante et E______ SARL était "suspecte", car elle différait de "celle de la carte d'identité" de l'intimé. La recourante n'avait pas établi qu'elle disposait d'un titre de mainlevée de l'opposition de sorte que sa requête devait être rejetée.
La recourante fait valoir que la signature figurant sur la lettre susmentionnée est la même que celle apposée sur le formulaire "A détermination de l'ayant droit économique" utilisé par ses soins pour identifier ses co-contractants et signé par l'intimé. Elle était en outre identique à celle apparaissant sur la carte d'identité de l'intimé, à la différence près que celle de la carte d'identité avait été apposée de manière verticale, et non horizontale. L'intimé ne s'était pas présenté à l'audience du Tribunal et n'avait jamais contesté être son débiteur, de sorte que c'était à tort que le Tribunal avait rejeté sa requête.
2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).
Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1). Une reconnaissance de dette peut résulter d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires
(ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2019 du
7 janvier 2020 consid. 4.1.2).
Le contrat de leasing vaut titre de mainlevée pour le paiement des mensualités si leur montant était déterminé ou aisément déterminable au moment de la signature (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 173 ad art. 82 LP).
2.1.2 Les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception
(art.138 al. 1 CPC).
En cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré, l'acte est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).
La notification fictive d'un pli recommandé ne s'applique à l'échéance du délai de garde de sept jours que dans l'hypothèse où le destinataire devait, vraisemblablement, s'attendre à recevoir une communication d'une autorité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_454/2012 du 22 août 2012 consid. 4.2.1). Ce devoir existe dès que le destinataire est partie à une procédure ayant cours (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87). Ainsi, c'est seulement à partir de la litispendance que naît une relation procédurale contraignant les parties à se comporter selon les règles de la bonne foi, c'est-à-dire, notamment, à veiller à ce que les actes officiels concernant la procédure puissent leur être notifiés (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457).
En matière de droit des poursuites, le Tribunal fédéral a jugé que l'instance de mainlevée consécutive à l'interruption de la procédure de poursuite par l'effet d'une opposition constitue une nouvelle procédure. Le débiteur ne doit pas s'attendre, en raison de la seule notification d'un commandement de payer et de l'opposition qu'il a formée à cet égard, à une procédure de mainlevée ni à la notification de décisions dans ce contexte. C'est pourquoi la fiction de notification ne joue pas de rôle pour le premier envoi notifié au débiteur en relation avec la mainlevée (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457; 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87; arrêts du Tribunal fédéral 5A_710/2010 du 28 janvier 2011 consid. 3.1; 5A_552/2011 du 10 octobre 2011 consid. 2.1).
Les règles de la citation, permettant aux parties d'assister à l'audience, visent à garantir au débiteur son droit d'être entendu, institué par les art. 29 al. 2 Cst. et
53 CPC (ATF 131 I 185 consid. 2.1 et la jurisprudence citée; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2010 du 21 avril 2010 consid. 3.1; BOHNET, in Code de procédure civile commenté, 2019, n. 34 ad art. 133 CPC).
Le droit d'être entendu accorde aux parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 129 II 497 consid. 2.2).
L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours; si cette atteinte est réalisée, la cause doit être renvoyée à l'autorité de première instance
(ATF 138 III 225 consid. 3.3 et les références).
La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêt du Tribunal fédéral 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652).
2.1.3 La procédure de mainlevée est soumise à la maxime des débats. Cela implique que chaque partie doit contester les faits allégués par sa partie adverse. La maxime est toutefois atténuée en ce sens que l'absence de contestation par l'intimé des allégués du requérant quant à l'existence d'un titre exécutoire ne permet pas de suppléer à l'absence d'un tel titre : le juge doit examiner d'office l'existence et le caractère exécutoire de ce titre (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 103 et 103a ad art. 84 LP).
2.2 En l'espèce, l'intimé n'a comparu ni devant le Tribunal, ni devant la Cour, et n'a par conséquent pas contesté avoir signé la lettre de reprise du leasing litigieux.
Aucune conclusion ne peut cependant être tirée de cette absence de contestation, puisque l'intimé n'a pas été valablement convoqué à l'audience du Tribunal du
22 mai 2023.
Il n'a en effet pas retiré le pli recommandé contenant la citation à comparaître à ladite audience et il n'est pas établi qu'il en a eu connaissance d'une autre manière. Il ne peut être considéré qu'il devait s'attendre à recevoir des communications de la part du Tribunal à la suite de l'opposition qu'il avait formée, puisque la procédure de mainlevée d'opposition constitue une nouvelle procédure. La fiction de notification de l'art. 138 al. 3 let. a CPC n'était dès lors pas applicable.
Il résulte de ce qui précède que le droit d'être entendu de l'intimé a été violé puisqu'il a été privé de la possibilité de faire valoir ses arguments devant le Tribunal.
A supposer que l'argumentation de la recourante sur la question de la signature de l'intimé soit entérinée par la Cour, celle-ci ne serait ainsi pas en mesure d'admettre sans autre le recours, en raison de la violation du droit d'être entendu de l'intimé.
Cette violation ne peut pas être réparée dans le cadre du présent recours, la Cour ne disposant pas d'un pouvoir d'examen complet. L'intimé n'a en tout état de cause pas déposé de réponse au recours.
Il convient dès lors d'annuler le jugement querellé et de renvoyer la cause au Tribunal pour qu'il cite les parties à une nouvelle audience, en veillant à ce que la convocation adressée à l'intimé lui soit notifiée conformément à la loi, et rende une nouvelle décision.
3. 3.1 Selon l'art. 104 al. 1 CPC, le Tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale.
Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC).
3.2 En l'espèce, compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final.
Au vu de l'annulation du jugement entrepris, il se justifie de mettre les frais du recours, arrêtés à 500 fr., à la charge de l'Etat de Genève (art. 48 et 61 OELP).
Il ne sera pas alloué de dépens de recours, l'art. 107 al. 2 CPC ne permettant pas de mettre des dépens à la charge de l'Etat.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/9377/2023 rendu le 24 août 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1711/2023.
Au fond :
Annule ce jugement.
Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 500 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA l'avance de frais de 500 fr. versée par ses soins.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.