Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/949/2025 du 17.11.2025 sur OMP/20051/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/1754/2020 ACPR/949/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 17 novembre 2025 | ||
Entre
A______ et B______,
représentés tous deux par Me Carlo CECCARELLI, avocat, FABBRO & PARTNERS, avenue du Théâtre 14, case postale 595, 1001 Lausanne,
recourants,
contre l'ordonnance de levée partielle de séquestre rendue le 19 août 2025 par le Ministère public,
et
C______ SA, représentée par Me D______, avocat,
E______, représentée par Me F______, avocat,
G______, représenté par Me H______, avocat,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 1er septembre 2025, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 19 août 2025, notifiée le 22 suivant, par laquelle le Ministère public a levé le séquestre frappant l'œuvre "I______" de l'artiste J______.
Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, principalement, à la réforme de l'ordonnance querellée, en ce sens que le séquestre est maintenu, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
b. Par ordonnance du 3 septembre 2025 (OCPR/47/2025), la Direction de la procédure a accordé l'effet suspensif au recours et maintenu le séquestre jusqu'à droit jugé.
c. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 2'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Les 13 et 22 janvier 2020, B______ a déposé plainte pénale, au motif que trente-deux tableaux hérités par sa femme, A______, dans le cadre de la succession de feu K______, et dont elle lui avait fait donation, avaient été transférés à Genève afin d'être mis en dépôt en vue de l’obtention d’un crédit lombard, mais allaient prochainement être mis en vente, sans son accord, à la suite d’un montage fallacieusement élaboré par E______ pour spolier le couple, à travers la société L______ SA et avec la participation de G______, de la société M______ SÀRL, à N______ [France], et de O______, directeur de la banque P______, à Genève.
b. Le 6 mai 2020, le Ministère public a ordonné une perquisition des locaux de C______ SA (ci-après, C______) à Q______ [TI] où le tableau "I______" a pu être séquestré à des fins conservatoires.
c. L'œuvre porte la dédicace "per A______" en référence à A______.
d. Il ressort des rapports de police des 7 et 12 février 2020 (PP 400'001 ss. et
PP 400'500 ss.) et des pièces annexes que:
d.a. Selon une facture pro forma du 10 octobre 2019 adressée par B______ à L______ SA (PP 400'282) et un courrier de cette dernière du même jour (PP 400'286 ss.), contenant une liste de divers tableaux à envoyer à Genève en vue de leur exposition et de leur vente, le tableau "I______" avait été estimé à EUR 100'000.-.
d.b. Selon une facture du 28 octobre 2019, le tableau "I______" avait été vendu par B______ et A______ à M______ SÀRL pour un montant d'EUR 60'000.-.
d.c. Il ressort d'une facture du 1er novembre 2019 (PP 354’121), que M______ SÀRL a vendu le tableau "I______" à C______ pour EUR 82'000.-, montant payé le 2 décembre 2019.
d.d. D'après l'inventaire n° 1______ R______ du 28 janvier 2020 pour L______ SA (PP 400'170), le tableau "I______" avait été estimé à EUR 100'000.- au 17 octobre 2019.
d.e. G______ a déclaré (PP 401'113) que les œuvres, dont "I______", avaient toujours été achetées par l'intermédiaire de M______ SÀRL, puis vendues à des clients à lui.
d.f. Selon une liste des œuvres adressées à "la banque", non datée et non signée, l'œuvre "I______" avait été estimée à EUR 350'000.- (PP 400'408).
e. Entendu le 15 janvier 2020 par la police tessinoise (PP 354'144 ss.), S______, administrateur de C______, a déclaré ne pas connaître B______ ni E______, contrairement à A______, qu'il avait rencontrée en 2018, et G______ et T______, qu'il connaissait bien et avec lesquels il avait déjà traité par le passé, sans rencontrer de problèmes. En octobre 2019, T______, associé et gérant de U______, lui avait envoyé une vidéo via WhatsApp détaillant l'œuvre de J______ et ils avaient alors débuté les négociations du prix pour finalement s'accorder sur le montant de EUR 82'000.-. Il avait également contacté V______, curateur de la fondation J______ à W______ [Italie] et qui possédait le catalogue raisonné de l'artiste et était habilité à certifier l'authenticité de l'œuvre, ce que celui-ci avait fait. Faisant pleine confiance à T______, il avait payé le prix demandé le 2 décembre 2019 et, le 10 suivant, l'œuvre avait été transportée dans ses locaux.
f. Les 28 février et 14 juillet 2020, le Ministère public a prévenu E______ d'abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres et gestion déloyale, pour avoir disposé sans droit des tableaux confiés par B______ et falsifié à cette fin un document autorisant leur vente.
g. Par courriers des 3 juillet et 17 août 2020 (PP 608'000 ss.), C______ a demandé la levée du séquestre prononcé sur le tableau "I______", laquelle a été refusée par ordonnance du 9 septembre 2020 (PP 305'000 ss.), décision confirmée par la Chambre de céans le 19 janvier 2021 (ACPR/36/2021).
La bonne foi de C______ dans le cadre de l'acquisition de l'œuvre litigieuse ne pouvait, en l'état, être tenue pour acquise et il appartenait au Ministère public d'établir précisément si elle avait été dans l'ignorance des faits à l'origine de la procédure, quel avait été son rôle dans la vente incriminée et quel aurait été le prix conforme au marché de l'œuvre. En effet, C______ avait acquis le tableau sans le moindre certificat d'authenticité, et ce, consciemment, puisqu'elle était une professionnelle du marché de l'art. En outre, le nouveau document douanier établi au Tessin - sur requête de C______ - mentionnait faussement la Grande-Bretagne comme lieu d'origine et de destination définitive de l'œuvre : cette indication trompeuse, ou à tout le moins erronée, constituait un indice d'une possible mauvaise foi. Par ailleurs, S______ savait, selon ses propres déclarations à la police tessinoise du 15 janvier 2020, que l'œuvre litigieuse appartenait à A______ et il était dès lors étonnant qu'il n'eût pas contacté cette dernière pour s'assurer que le tableau incriminé, proposé à la vente par M______ SÀRL, était réellement à vendre. À cela s'ajoutait un doute sérieux sur la valeur réelle de l'œuvre, de sorte que le prix d'EUR 82'000.- déboursé ne pouvait pas, en l'état, être considéré comme une contre-prestation adéquate.
h. Le 14 juin 2021, la police a entendu G______ en qualité de prévenu (PP 401'104 ss.). Celui-ci a déclaré avoir évalué à un montant compris entre EUR 7 et 9 millions la valeur de la totalité des œuvres dont souhaitait se défaire A______. À travers M______ SÀRL, il s’était porté acquéreur de certaines d'entre elles, aux prix du marché, après avoir demandé des estimations chez X______, dans le but de les revendre. Il n’avait traité qu’avec E______, mandataire du couple A______/B______. Si les œuvres avaient été vendues aux enchères par X______, les commissions prélevées auraient atteint 30% auprès de l’acheteur et 10% auprès du vendeur, lui-même s’étant contenté de moins. Il n’avait jamais participé à un crédit lombard sur des œuvres d’art, mais avait compris que B______ souhaitait nantir une maison à Y______ [Italie].
i. Par ordonnance du 21 mars 2022, le Ministère public a formellement admis A______ comme partie plaignante et nié à B______ cette qualité, au motif que la donation effectuée en faveur de ce dernier était frappée de nullité. Par arrêt du 26 septembre 2022 (ACPR/652/2022), la Chambre de céans a annulé cette ordonnance en tant qu'elle refusait la qualité de partie plaignante à B______, mais a relevé que ce dernier ne contestait pas son bien-fondé en ce qui concernait les agissements de E______ en lien avec l'appropriation des tableaux, dont il admettait qu'ils n'avaient jamais cessé d'être la propriété de son épouse.
j. Par courrier du 2 juillet 2024 (PP 608'101 ss.), C______ a à nouveau requis la levée du séquestre portant sur l'œuvre "I______". Elle avait acquis l'œuvre de bonne foi, procédant à des vérifications utiles en amont, et avait fourni une contre-prestation adéquate, ayant payé un prix correspondant à celui du marché, conformément à l'estimation effectuée par X______, produite en annexe et de laquelle il ressortait que la valeur de l’œuvre était comprise entre EUR 60'000.- et EUR 80'000.- (PP 608'160).
k. Par courrier du 22 novembre 2024 (PP 607'400 ss.), A______ et B______ se sont opposés à la levée du séquestre, la bonne foi de C______ devant être exclue. Cette dernière ne pouvait en effet ignorer que A______ – que S______ connaissait personnellement et à laquelle l'œuvre avait été dédicacée –, ne s'en serait pas dessaisie, ce d'autant moins au travers d'une multitude d'intermédiaires. L'exportation de l'œuvre de l'Italie à la Suisse n'avait de plus été autorisée qu'à titre temporaire et le prix payé était très en dessous de celui du marché. De plus, aucun certificat d'authenticité n'avait été sollicité, ce qui constituait une carence grave pour un marchand d'art expérimenté. À cet égard, ils ont produit deux estimations d'œuvres de J______, mais de dimensions plus importantes et créées en 1965, respectivement 1984, et annexé la valeur d'assurance établie par la société Z______ le 16 octobre 2019, alors estimée à
EUR 100'000.-.
l. Entendu le 2 avril 2025, T______ (PP 500'427 ss.) a indiqué avoir conclu plusieurs affaires avec G______, qu'il connaissait depuis plusieurs années, sans qu'ils n'eussent jamais rencontré de problèmes. Il avait proposé les œuvres de la collection K______ à S______ et transmis les offres de ce dernier à G______. Il avait reçu une commission d'introduction d'EUR 8'500.- probablement liée à la vente du tableau "I______". Le prix d'achat d'EUR 82'000.- pour l'œuvre litigieuse lui semblait au demeurant correct. Il n'avait pas vu les documents qui démontraient que G______ avait acquis ces œuvres, mais il s'agissait de pièces auxquelles il n'avait normalement pas accès, puisqu'en se rendant dans une galerie, il n'était pas possible de consulter la facture d'achat de l'œuvre.
m. Entendu le 5 juin 2025, S______ (PP 500'512 ss.) a expliqué avoir connu G______ par l'intermédiaire de T______. Au travers de sa galerie, l'une des plus actives en Italie et en Suisse dans le mouvement auquel appartenait J______, il se chargeait de trouver des artistes, des clients et des œuvres d'art. Le réseau du marché de l'art reposait sur la confiance. Connaissant son domaine d'expertise, T______ avait proposé à son fils (à lui) l'acquisition de l'œuvre litigieuse. Contrairement aux œuvres de l'artiste datant des années 60, qui étaient de grande valeur, demandaient de faire preuve de diligence et d'effectuer des vérifications, celle-ci avait été créée dans les années 2000 et était issue d'une série numérotée. Le processus d'achat était plus informel dans ce cadre. Il avait proposé un montant d'EUR 80'000.-, ne souhaitant pas proposer davantage pour une œuvre "standard". Le fait qu'elle se trouvât aux Ports Francs à Genève constituait un indice de conformité aux règles de transparence et ainsi un gage de sécurité. De plus, V______ lui avait confirmé que cette œuvre était authentique et lui avait demandé d'envoyer des photographies à haute résolution une fois qu'il serait en possession de l'œuvre. En janvier 2020, il avait reçu une preuve du paiement de G______ à la société AA_____ et AB_____ SA avait été autorisée à procéder au transport. Avant cette date, il ignorait à qui avait appartenu cette œuvre et le nom de A______ n'était jamais apparu. Il n'avait pas remarqué la mention "per A______" avant de recevoir le tableau et cela ne l'avait pas alerté, J______ ayant été un ami de K______ et cette dédicace n'étant même pas mentionnée dans le catalogue raisonné de l'artiste. Il était certain de ne jamais avoir vu cette œuvre au préalable et contestait avoir proposé à A______ de la lui acheter au cours de leur collaboration passée. Il avait pour habitude, à l'époque des faits, d'établir des documents d'importation qui passaient par le Royaume-Uni, pays alors encore membre de l'Union européenne, car les impôts y étaient moins élevés. La case "GB" n'était qu'une simple démarche bureaucratique et il était possible qu'elle résultât d'une erreur de l'agent des douanes. La discrétion s'imposant dans le domaine, il n'avait pas demandé de quelle succession l'œuvre était issue, une telle provenance étant commune dans le marché secondaire. Il confirmait avoir acheté celle-ci sans certificat d'authenticité, ce qui n'était pas inhabituel dès lors qu'il connaissait le responsable de la fondation, qui était bien organisée et fiable, et que la provenance ne semblait pas douteuse. Il n'avait jamais réellement mis l'œuvre en vente, mais deux personnes étaient passées dans sa galerie en janvier 2020 et avaient insisté pour la voir alors qu'elle se trouvait dans son bureau. Étant absent, une employée avait accepté. Le prix proposé d'EUR 220'000.- faisait suite à cette visite atypique et il proposait normalement un montant équivalent à deux fois le prix d'achat.
n. Par courrier du 31 janvier 2025 (PP 608'170 ss.), C______ a persisté dans sa demande de levée de séquestre. L'exportation à titre temporaire avait été accordée avec la mention "pour tentative de vente" et les autres circonstances entourant la vente ne soulevaient aucun doute, elle-même ayant pris les précautions et ayant fait les vérifications nécessaires, notamment en sollicitant l'authentification par la fondation J______. Le prix payé rentrait de plus pleinement dans l'éventail d'estimations d'autres œuvres similaires, de sorte qu'elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait être attendue d'elle et que sa bonne foi devait être admise.
o. Dans leurs observations du 25 juillet 2025 (PP 607'566 ss.), A______ et B______ ont relevé que S______ s'était contredit dans ses déclarations, affaiblissant sa crédibilité et révélant une conduite de mauvaise foi et un comportement incompatible avec les devoirs de diligence qu'un professionnel du marché de l'art était tenu de respecter. Ils produisaient également des échanges WhatsApp entre T______ et V______ datant du 30 octobre 2019, dans lesquels le premier expliquait avoir "deux J______" qu'il était sur le point de vendre/acheter et avoir besoin de les authentifier. Il achetait des œuvres à "[s]on ami G______" appartenant à la succession K______, de sorte qu'il valait mieux "rester discret". Ces messages démontraient que T______ ne pouvait ignorer la provenance des œuvres et dont, a fortiori, C______, en sa qualité de mandante, devait également avoir connaissance. Elle ne pouvait dès lors invoquer sa bonne foi, ce d'autant plus qu'elle avait payé l'œuvre avant sa livraison, sans l'avoir vue en personne et sans que le certificat d'authenticité n'eût été délivré, puisqu'il n'avait été demandé que postérieurement. Le prix payé était de plus dérisoire, l'œuvre étant estimée entre EUR 300'000.- et EUR 350'000.- [selon l'estimation effectuée par AC_____ le 16 juillet 2025 et annexée au courrier].
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que les mesures d'instruction réalisées avaient permis de démontrer que les motifs qui justifiaient le séquestre n'existaient plus, C______ s'étant fondée, pour acquérir l'œuvre, sur les rapports de confiance qu'elle entretenait avec T______ et les informations qu'il avait transmises pour la mise en vente de l'œuvre, sur le condition report effectué par AB_____ SA, ainsi que sur les échanges de messages entre T______ et V______. Il convenait au demeurant d'apprécier avec une grande retenue les avis exprimés par les experts ou maisons de vente aux enchères s'agissant du prix de vente de l'œuvre, notamment l'estimation effectuée par AC_____ qui se fondait sur des dimensions différentes de l'œuvre litigieuse. Le montant d'EUR 220'000.- articulé le 14 janvier 2020 ne pouvait également être retenu, puisqu'il avait été évoqué dans le cadre d'une négociation à la suite d'une visite de deux personnes qui avaient insisté pour voir cette œuvre alors qu'elle n'avait pas même été mise en vente. Cela étant, les parties s'étaient toutes fondées sur l'estimation effectuée par Z______ dans leurs écritures (PP 607'413 cum 607'444-607'446) de EUR 100'000.-, de sorte qu'il convenait de s'y référer. Une telle somme ne pouvait être considérée comme sensiblement supérieure au montant payé par C______, de sorte que cette dernière avait fourni une contre-prestation adéquate, justifiant la levée du séquestre.
D. a. Dans leur recours, A______ et B______ reprochent au Ministère public d'avoir retenu la bonne foi de C______. En octobre 2018, T______, dans le cadre de ses activités de marchand d'art, avait contacté V______, président de la Fondation J______, afin d'obtenir l'authentification de deux œuvres. Les messages échangés révélaient que ces derniers étaient conscients des circonstances suspectes entourant l'origine de l'œuvre et que le tableau "I______" appartenait à A______, de sorte que G______ ne pouvait pas en disposer et T______ avait dû en faire part à sa mandante, C______, qui aurait dès lors dû suspecter l'irrégularité de la situation. Malgré cela, ils avaient fait preuve d’un manque de diligence, vraisemblablement pour servir leurs propres intérêts. T______ était dès lors pleinement conscient de l'illicéité de la transaction et avait choisi de s'en accommoder. Même à supposer une simple incompréhension de ce dernier, il lui incombait, ainsi qu'à C______, de mener des recherches, de sorte qu'ils avaient fait preuve, à tout le moins, d'une négligence grave, qui ne saurait être protégée, n'ayant pas même requis de certificat d'authenticité. S______ s'était de plus contredit, indiquant, lors de sa dernière audition, n'avoir découvert la dédicace qu'à réception de l'œuvre, alors qu'il avait précédemment admis que T______ avait mentionné que l'œuvre était dédicacée. De plus, l'examen du dos du tableau, où se trouvait la dédicace, était indispensable pour authentifier un J______. S______ avait de plus fait part à A______, en 2018, de sa volonté de lui acheter cette œuvre, ce que cette dernière avait fermement refusé. Ainsi, le processus de vente était entaché de nombreuses problématiques, le prix de vente étant notamment très inférieur à celui du marché et les documents douaniers n'étant pas réguliers – celui rempli par C______ mentionnant faussement que l'œuvre avait transité par la Grande-Bretagne –, excluant toute bonne foi.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut à l’irrecevabilité du recours, en tant qu’il a été interjeté par B______, et à son rejet sur le fond. Contrairement à ce que soutenaient les recourants, de nombreux actes d’instruction avaient eu lieu postérieurement au 23 janvier 2020, lesquels avaient justifié la décision querellée. On ne pouvait conclure des messages échangés entre V______ et T______ que ce dernier avait eu connaissance d’un problème en lien avec les ventes du côté de G______. Au contraire, V______, qui était pourtant un ami proche de A______, n’avait pas communiqué directement avec elle au sujet desdits messages. Le respect de cette demande de discrétion venait par ailleurs confirmer que la confidentialité et la discrétion étaient de rigueur dans le milieu, ce que T______ et S______ avaient d’ailleurs confirmé lors de leurs auditions respectives. Ces échanges démontraient également qu’il n’était pas inusuel dans ce milieu qu’un tiers, amené à négocier pour le compte d’un client, écrivît au conservateur d’une fondation d’un artiste afin de s’assurer préalablement de l’authenticité d’œuvres dont la vente était planifiée. Les recourants avaient une lecture biaisée de l’audition de S______. En effet, ce dernier avait indiqué avoir été informé de la dédicace par T______, sans toutefois que les détails y relatifs ne lui eussent été communiqués.
c. G______ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, et à la confirmation de l’ordonnance entreprise. Il conteste fermement l’état de fait présenté par les recourants. Il s’étonnait que ces derniers persistassent à prétendre que V______ se serait douté, en décembre 2019, que l’œuvre d’art avait été mise en vente à l’insu de A______ et qu’il l’en aurait ainsi avertie. Si V______ avait nourri le moindre soupçon à cet égard, il n’aurait pas attendu deux mois pour l’alerter, ce d’autant qu’elle était une de ses amies très chères. Bien au contraire, le précité savait, dès le mois d’octobre, que cette œuvre était en vente et que les conditions et circonstances de celle-ci étaient tout à fait conformes au marché.
d. E______ conclut à l’irrecevabilité du recours formé par B______, à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant des circonstances de la revente des tableaux et à la mise à la charge des recourants d’une indemnité en CHF 432.40 TTC pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours, correspondant à 1h00 heure d’activité d’avocat associé, au taux horaire de
CHF 400.-, TVA en sus, pour l’étude du recours, la communication à la cliente et la rédaction de ses observations. Elle conteste intégralement le résumé « unilatéral et inexact » des faits proposé par les recourants, tout en apportant des précisions. Elle n’avait pas participé aux reventes des tableaux et en ignorait les modalités.
e. C______ conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés en CHF 3'427.85, (correspondant à 3h00 d’activité au tarif horaire de CHF 120.- et à 7h00 d’activité au tarif horaire de CHF 380.-, TVA en sus, pour les dépenses liées à la procédure de recours), au rejet du recours et à la levée partielle du séquestre. Elle contestait les faits tels qu’exposés par les recourants, lacunaires et trompeurs, et considérait sa bonne foi comme dûment établie. En effet, l’offre de vente émanait de T______, marchant d’art qu’elle connaissait et avec lequel elle avait déjà travaillé à plusieurs reprises. Elle avait suivi la procédure standard pour l’achat de ce type d’œuvres d’art. Les messages échangés entre V______ et T______, auxquels elle n’avait pas pris part, ne permettaient pas de mettre en doute sa bonne foi. Aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu’elle aurait eu ou dû avoir connaissance d’un potentiel litige relatif à la propriété de l’œuvre. Aucun reproche ne pouvait lui être fait quant à l’absence de vérification de la provenance et de la chaîne des propriétaires antérieurs, le fait que l’œuvre ne figurât pas dans le catalogue n’y changeant rien, ni quant à l’absence de prise de contact avec A______, laquelle n’était déjà plus propriétaire de l’œuvre au moment de l’achat litigieux. Elle ignorait l’existence d’une dédicace personnalisée au dos de l’œuvre, laquelle était de toute façon dénuée de pertinence dans l’appréciation de sa bonne foi. Elle s’était acquittée du paiement du prix sur la base de la facture du 1er novembre 2019, de sorte que tout ce qui concernait celle émise le 1er décembre 2019 était hors de propos, quand bien même elle aurait été falsifiée. Elle avait fourni une contre-prestation adéquate et les exemples fournis par les recourants quant au prétendu prix de l’œuvre n’étaient pas pertinents. L’importation sous régime temporaire, à laquelle elle avait recouru, était tout à fait courante en cas d’introduction d’une œuvre avec intention de la revendre à brève échéance. La question de l’authenticité du tableau – qui n’avait d’ailleurs jamais été mise en doute – n’était nullement pertinente pour l’évaluation de sa bonne foi.
f. Dans leur réplique du 20 octobre 2025, A______ et B______ persistent, contestant les arguments invoqués par C______. La vente illicite de l’œuvre était manifeste, eu égard aux messages WhatsApp échangés et aux photographies transmises à l’appui de la demande de certificat d’authenticité. Au vu des soupçons d’irrégularité, la précitée aurait à tout le moins dû procéder à un contrôle du pouvoir de disposition du vendeur, ce qu’elle n’avait pas fait et qui, partant, la privait de la possibilité d’invoquer sa bonne foi. Les échanges WhatsApp, en tant qu’ils exhortaient au secret, devaient être interprétés comme une volonté délibérée d’empêcher la légitime propriétaire [A______] d’être informée de l’aliénation illicite d’un bien qui lui était dédié, ce dont attestait la dédicace apposée sur l’œuvre et dont C______ ne pouvait ignorer la présence. Cette dernière n’avait jamais fourni la moindre preuve attestant du fait que ses collaborations passées avec M______ SÀRL se seraient toujours bien déroulées. La communication WhatsApp du 30 octobre 2019 – produite par C______ et dans laquelle V______ indiquait connaitre l’œuvre, précisant qu’elle n’était cependant pas archivée –, était de nature à dissuader tout professionnel de procéder à l’achat. S______ avait pleinement accepté le risque d’acquérir une œuvre dont la situation juridique et documentaire était manifestement irrégulière et s’était abstenu de contacter sa propriétaire afin d’obtenir des précisions, quand bien même il la connaissait. La galerie avait acquis le tableau sans certificat d’authenticité, sans documentation claire sur sa provenance et sans mandat de vente écrit, violant de manière manifeste son devoir de diligence. Les importantes différences quant aux diverses estimations du prix de l’œuvre et les explications peu convaincantes de S______ sur la différence entre le prix versé pour l’acquisition de l’œuvre et celui proposé à la vente ne pouvaient que confirmer la mauvaise foi de la galerie. À cela s’ajoutait que, le 4 décembre 2019, M______ SÀRL avait effectué un virement d’EUR 60'000.-, à titre de paiement apparent du prix de l’œuvre, E______ ayant émis une facture du même montant avec la mention « PAYEE » et sa signature pour quittance au nom de B______ et A______, le même jour. Il était toutefois étonnant de constater que, selon la facture produite par C______, M______ SÀRL aurait vendu l’œuvre le 1er novembre 2019, avant même sa prétendue acquisition auprès de B______. C______ avait par ailleurs payé le tableau avant sa livraison physique. Même à supposer que C______ n’aurait pas agi de mauvaise foi d’un point de vue pénal, l’absence de bonne foi au sens du droit civil permettant la restitution de l’œuvre à C______ était manifeste, cette dernière pouvant tout au plus obtenir une compensation équivalente au montant de EUR 60'000.- séquestré sur le compte de AA_____ LTD.
À l’appui, ils produisent la copie d’un courriel adressé le 14 janvier 2020 par AD_____ à « AE_____@hotmail.it » faisant état d’une valeur de EUR 220'000.- pour l'œuvre "I______".
g. Dans sa duplique du 24 octobre 2025, C______ conteste les arguments exposés par les recourants. S’opposant à l’argumentation subsidiaire développée par ceux-ci, elle considérait devoir être maintenue dans son acquisition, conformément à
l’art. 933 CC.
h. Dans sa duplique du 28 octobre 2025, E______ conteste les arguments développés par les recourants. Elle conclut désormais à l’octroi d’une indemnité en CHF 756.70 pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours, correspondant à l’activité exposée dans ses premières observations, à laquelle il convenait d’ajouter 0h45 pour l’étude de la duplique des recourants et la rédaction de sa duplique, au tarif horaire de CHF 400.-, TVA en sus.
EN DROIT :
1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et
396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, 4 ad art. 267).
En tant que le recours émane de A______, partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP), reconnue comme telle par le Ministère public au motif qu’elle était restée propriétaire des tableaux, pour cause de nullité de la donation qu’elle en avait fait à B______ (pièce PP 300'008 ; cf. ACPR/652/2022 du 26 septembre 2022), celle-ci doit se voire reconnaître la qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
Il en va cependant différemment s'agissant de B______. En effet, bien que l'ordonnance du Ministère public refusant de lui accorder la qualité de partie plaignante ait été partiellement annulée par la Chambre de céans (ACPR/652/2022 précité), la donation en sa faveur étant frappée de nullité, il ne bénéficie d'aucun intérêt juridiquement protégé à s'opposer à la levée du séquestre, puisqu'il ne peut, à aucun titre, revendiquer la propriété ou la restitution des œuvres. La qualité pour recourir doit dès lors lui être niée.
2. La recourante conteste la levée du séquestre sur l'œuvre "I______".
2.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP), qu'ils devront être restitués au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP), qu'ils devront être confisqués (art. 263 al. 1 let. d CPP) ou qu'ils pourraient être utilisés pour couvrir des créances compensatrices (art. 263 al. 1 let. e CPP).
Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa) ; comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire
(art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2).
Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2). Le séquestre ne peut donc être levé
(art. 267 CPP) que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (arrêts du Tribunal fédéral 1B_311/2009 du 17 février 2010 consid. 3 in fine et 1S.8/2006 du 12 décembre 2006 consid. 6.1). La confiscation n’est, ainsi, exclue que si la bonne foi du tiers est clairement et définitivement établie (arrêt du Tribunal fédéral 1B_22/21017 du 24 mars 2017 consid. 3.1.). La notion de bonne foi pénale du tiers porte sur l'ignorance des faits qui justifieraient la confiscation, soit de son caractère de récompense ou de produit d'une infraction. Selon la jurisprudence, elle ne se rapporte pas à la notion civile consacrée à l'art. 3 CC. La confiscation ne peut ainsi pas être prononcée si le tiers sait simplement qu'une procédure pénale a été ouverte contre son partenaire commercial, mais ne dispose pas d'informations particulières. Il faut que le tiers ait une connaissance certaine des faits qui auraient justifié la confiscation ou, à tout le moins, considère leur existence comme sérieusement possible, soit qu'il connaisse les infractions d'où provenaient les valeurs ou, du moins, ait eu des indices sérieux que les valeurs provenaient d'une infraction. En d'autres termes, la confiscation à l'égard d'un tiers ne sera possible que si celui-ci a une connaissance – correspondant au dol éventuel – des faits justifiant la confiscation. La violation d'un devoir de diligence ou d'un devoir de se renseigner ne suffit pas pour exclure la bonne foi du tiers (arrêt du Tribunal fédéral 1B_222/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.1. et 2.4). Les probabilités d'une confiscation doivent de plus se renforcer au cours de l'instruction et doivent être régulièrement vérifiées par l'autorité compétente, avec une plus grande rigueur à mesure que l'enquête progresse (ATF 122 IV 91 consid. 4).
2.2. À teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal a l'obligation de lever la mesure et de restituer les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. Pour que l'objet ou la valeur patrimoniale puisse être restitué en vertu de cette disposition, il faut que l'ayant droit puisse être retrouvé et que l'objet ou la valeur patrimoniale séquestré ne soit pas revendiqué par plusieurs personnes (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1228).
Selon l'art. 267 al. 2 CPP, la restitution anticipée à l'ayant droit de valeurs patrimoniales saisies est possible s'il n'est pas contesté qu'elles proviennent d'une infraction. Cette disposition instaure une exception au principe selon lequel le sort des séquestres pénaux se règle avec la décision sur le fond de l'action publique (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3e éd. Bâle 2023, n. 6 ad art. 267). En effet, s'il est incontesté que des valeurs patrimoniales ont été directement soustraites à une personne déterminée du fait de l'infraction, elles sont restituées à l'ayant droit avant la clôture de la procédure. Si les droits sur l'objet sont contestés, la procédure des art. 267 al. 3 à 5 CPP s'applique (Message précité,
FF 2006 1229).
Lorsqu'un objet ou valeur patrimoniale est revendiqué par plusieurs personnes, le ministère public ne peut procéder que par le biais de la procédure prévue à
l'art. 267 al. 5 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_298/2014 du 21 novembre 2014 consid. 3.2 = SJ 2015 I 277), soit, notamment, s'il existe un doute sur l'identité du véritable ayant droit. En revanche, si le ministère public estime que le titulaire des objets/valeurs patrimoniales à restituer est clairement identifié – notamment en application de règles légales –, il doit pouvoir rendre une décision de restitution en application de l'art. 267 al. 1 CPP. Cette solution se justifie d'autant plus lorsque les autres prétentions émises sont manifestement infondées. Les droits des parties ne sont pas péjorés par cette procédure puisque la voie du recours au sens de l'art. 393 al. 1
let. a CPP est ouverte contre cette décision (arrêt du Tribunal fédéral 1B_288/2017 du 26 octobre 2017 consid. 3.).
Selon l'art. 267 al. 5 CPP, l'autorité pénale peut attribuer les objets ou les valeurs patrimoniales à une personne et fixer aux autres réclamants un délai pour intenter une action civile. Lorsque la situation est suffisamment claire, le ministère public peut ordonner une restitution en se fondant sur l'art. 267 al. 1 CPP. Lorsque tel n'est pas le cas, il doit procéder selon l'art. 267 al. 5 CPP en s'inspirant des solutions du droit civil. Les objets sont donc attribués provisoirement au possesseur (art. 930 CC), lequel est, en outre, présumé de bonne foi (art. 3 al. 1 CC). En présence d'indications claires sur l'inexistence de ce droit réel, l'attribution doit être ordonnée en faveur de la personne qui apparaît la mieux légitimée. L'autorité pénale procède à un examen prima facie, sur la base de l'examen du dossier. Elle répartit ainsi de façon provisoire le rôle des parties dans la procédure civile à venir, sans préjudice de la décision éventuelle au civil (arrêt du Tribunal fédéral 1B_573/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.1.).
2.3. En l'espèce, la recourante se fonde, pour exclure la bonne foi de C______, sur les messages échangés entre T______ et V______, dans lesquels le premier indique être sur le point de vendre/acheter "deux J______" qu'il devait faire authentifier, appartenant à la succession K______, de sorte qu'il valait mieux "rester discret". Ces messages, s'ils démontrent que T______ souhaitait faire preuve d'une certaine prudence dans le cadre de l'achat et la revente de tableaux appartenant à cette succession, ne contiennent aucun élément permettant d'affirmer que C______ connaissait leur provenance, cette dernière n'ayant au demeurant pas pris part à la discussion. De plus, les messages ne précisent pas à quels tableaux de l'artiste ils font référence. Ainsi, même à supposer que T______ ait eu connaissance de la provenance du tableau, rien n'indique qu'il aurait transmis cette information à C______ et aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que celle-ci aurait eu des échanges avec G______. Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, l'échange de messages produit ne permet pas d'exclure la bonne foi de C______.
Au contraire, ces messages viennent appuyer le fait que, dans le cadre de l'achat d'une œuvre d'art, il est usuel d'écrire au conservateur d'une fondation pour s'assurer de manière préalable de son authenticité. C______, qui a indiqué avoir contacté V______, conservateur de la fondation J______, pour s'assurer de l'authenticité de l'œuvre, a ainsi agi en adéquation avec les normes applicables dans le milieu de l'art. Le fait que C______ se soit adressée à V______, ami proche de A______, constitue de plus un indice de sa bonne foi et du fait qu'elle ignorait à qui le tableau appartenait. En effet, si S______ avait su que la dédicace mentionnait "Per A______" et que l'œuvre était celle de A______, il se serait, de toute vraisemblance, abstenu d'entreprendre des démarches permettant à cette dernière d'avoir connaissance de la vente litigieuse. S______ a en outre fermement contesté avoir souhaité acheter ce tableau par le passé et aucun élément au dossier ne permet d'étayer cette affirmation de la recourante. En effet, si les parties s'accordent sur le fait qu'elles ont été mises en relation en 2018 pour préparer une exposition et que celle-ci portait sur des œuvres d'un autre artiste, aucune pièce ne permet de retenir qu'elles auraient parlé du tableau litigieux.
Le prix payé par C______ (EUR 82'000.-) ne constitue également pas un indice d'absence de bonne foi, puisqu'il se situe dans la fourchette, certes basse, du prix du marché. En effet, les estimations produites par la recourante mentionnant des montants particulièrement élevés ne sont pas probantes, puisqu'elles se réfèrent à des œuvres de dimensions différentes et créées antérieurement. Le montant articulé d'EUR 220'000.- ne peut également pas être retenu, puisqu'il ne s'agit pas du prix officiel auquel cette œuvre aurait été mise en vente. Cela étant, comme l'a à juste titre retenu le Ministère public, tant la recourante que C______ se fondent, pour déterminer le prix du tableau, sur une estimation effectuée par Z______ d'EUR 100'000.-, de sorte qu'il y a lieu de retenir qu'elle correspond au prix du marché. Ainsi, le montant payé par C______, bien que plus faible, est proche d'EUR 100'000.-, de sorte qu'il y a lieu de retenir une contre-prestation adéquate. Le fait que cette dernière ait par la suite souhaité revendre le tableau afin d'effectuer un bénéfice, se trouve au demeurant en adéquation avec son activité professionnelle et ne peut dès lors lui être reproché.
Il ressort de ce qui précède que la procédure, malgré les actes d'instruction intervenus depuis le précédent arrêt de la Chambre de céans, n'a pas permis de retenir que C______ aurait pu ou dû avoir connaissance de faits justifiant le séquestre, aucun élément n'étant de nature à soulever des soupçons que l'œuvre proviendrait des infractions dénoncées, les circonstances entourant la transaction n'étant pas insolites. Ainsi, aucun élément ne permet d'exclure sa bonne foi, étant rappelé que la violation d'un devoir de diligence ou d'un devoir de se renseigner ne suffit pas. C'est donc à juste titre que le Ministère public a levé le séquestre.
3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
4. Selon l'art. 428 al. 1 CCP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé.
Les recourants, qui succombent tous deux, supporteront, conjointement et solidairement, les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 2'000.-
(art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). Ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Corrélativement, aucun dépens ne leur sera octroyé.
5. 5.1. E______, prévenue, qui concluait à l’irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet, obtient gain de cause, de sorte qu'il y a lieu de lui octroyer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, comme le prévoit l'art. 429 al. 1 let. a CPP, par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP.
L'ampleur de l'activité alléguée et le montant articulé apparaissent à cet égard adéquats et conformes aux principes légaux et jurisprudentiels en la matière, de sorte que l'indemnité de CHF 756.70 TTC réclamée lui sera allouée.
5.2. G______, prévenu, qui concluait au rejet du recours, obtient gain de cause, de sorte qu'il y a lieu de lui octroyer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, comme le prévoit l'art. 429 al. 1 let. a CPP, par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP.
Quand bien même il n’a pas chiffré ses prétentions, il lui sera alloué, à ce titre, ex aequo et bono, une somme de CHF 400.-, hors TVA, vu son domicile à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1), l'autorité pénale devant examiner d'office cette question (art. 429 al. 2 CPP).
5.3. C______, tiers participant à la procédure, a également conclu au rejet du recours et obtient ainsi gain de cause. Elle sollicite l’octroi d’une indemnité en CHF 3'427.85, correspondant à 3h00 d’activité au tarif horaire de CHF 120.- et à 7h00 d’activité au tarif horaire de CHF 380.-, TVA en sus, pour les dépenses liées à la procédure de recours (art. 434 al. 1 CPP, applicable à la procédure de recours par renvoi de
l'art. 436 al. 1 CPP).
Ce montant apparaît toutefois excessif et sera ramené à CHF 2'053.90 correspondant à 5h00 d'activité, au tarif horaire de CHF 380.-, lequel apparaît adéquat au vu des arguments développés à l’appui des écritures, TVA à 8.1% comprise.
5.4. Ces indemnités seront mises à la charge des recourants, conjointement et solidairement, cette solution étant conforme au système élaboré par le législateur et rejoignant l'approche prévue en matière de frais de recours, lesquels sont à la charge de la partie qui succombe (ATF 139 IV 45 consid. 1.2; art. 436 al. 1 CPP).
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevable le recours de B______.
Rejette le recours de A______.
Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à E______ une indemnité de CHF 756.70 (TVA à 8.1% comprise) à titre de participation à ses frais d'avocat pour la procédure de recours.
Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à G______ une indemnité de CHF 400.- à titre de participation à ses frais d'avocat pour la procédure de recours.
Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à C______ SA une indemnité de CHF 2'053.90 (TVA à 8.1% comprise) à titre de participation à ses frais d'avocat pour la procédure de recours.
Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants (soit pour eux, leur conseil), à C______ SA (soit pour elle, son avocat), à G______, (soit pour lui, son conseil), à E______ (soit pour elle, son conseil) et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
| La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
| P/1754/2020 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 40.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 1'885.00 |
| Total | CHF | 2'000.00 |