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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21785/2025

ACPR/913/2025 du 06.11.2025 sur SEQMP/2873/2025 ( MP ) , RAYEE

Descripteurs : RETRAIT(VOIE DE DROIT);RADIATION DU RÔLE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : CPP.386; Cst.29.al2; CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21785/2025 ACPR/913/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 novembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l’ordonnance de perquisition et de séquestre, d’une part, et l’ordonnance de perquisition, d’autre part, toutes deux rendues le 24 septembre 2025 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-       l’ordonnance de perquisition et de séquestre du 24 septembre 2025, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public, confirmant le mandat oral qu’il avait émis la veille, a ordonné une perquisition de l’appartement que A______ occupait sis
rue 1______ no. ______, à C______ [GE]– laquelle s’étendait à tous autres lieux où cela s’avérerait utile, soit notamment greniers, caves, dépendances et véhicules – et le séquestre de tous objets, appareils électroniques, y compris les données qu’ils contenaient ou qui étaient accessibles à distance, documents ou valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve ;

-       l’ordonnance de perquisition du 24 septembre 2025, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné une perquisition du matériel séquestré lors de la perquisition de l’appartement précité, à savoir un flyer du groupe « D______ », un ordinateur de couleur gris, trois clefs USB, un flyer « ______ palestinienne », cinq documents « SHUT E______ DOWN », une « check-list » pour les manifestations, trois téléphones portables, une tour d’ordinateur noire, un cahier jaune, ainsi qu’une liste d’instructions ;

-       le recours formé par A______, expédié le 6 octobre 2025, à la Chambre pénale de recours, contre ces deux ordonnances ;

-       les observations du Ministère public du 14 octobre 2025 ;

-       la lettre de A______ du 30 octobre 2025.

Attendu que :

-       dans son recours, A______ invoque une motivation insuffisante des ordonnances querellées, lesquelles n’indiquaient « pas le début d’un élément » permettant de justifier du caractère suffisant des soupçons de la commission d’un délit. Il ignorait tout de l’origine des prétendus soupçons et de ce qui avait conduit le Ministère public à ouvrir une instruction et ordonner des mesures de contrainte. Il était dans l’impossibilité de déterminer, d’examiner et de critiquer l’existence de soupçons suffisants, dans la mesure où les ordonnances querellées étaient muettes à cet égard et où le Ministère public lui refusait l’accès au dossier, ce qui consacrait une violation de son droit d’être entendu. Il ne pouvait ni exercer ses droits, ni laisser les ordonnances entrer en force, faute de pouvoir, ultérieurement, une fois les motifs et les soupçons connus, les déférer à l’instance supérieure. Il déciderait du maintien ou non de son recours une fois connus les éléments ayant fondé les décisions litigieuses ;

-       dans ses observations du 14 octobre 2025, le Ministère public consent à ce qu’un accès partiel au dossier soit accordé à A______, soit au rapport d’arrestation du 23 septembre 2025, ainsi qu’aux procès-verbaux des auditions du précité et de la personne dénonciatrice ayant eu lieu le même jour, lesquels fondaient les soupçons à l’égard du prévenu et justifiaient ainsi les ordonnances litigieuses ;

-       dans sa lettre du 30 octobre 2025, A______ déclare retirer son recours. Il persistait toutefois à tenir les ordonnances litigieuses pour disproportionnées et excessives et à considérer que son droit d’être entendu avait été violé, dès lors qu’il avait dû recourir pour prendre connaissance des pièces censées justifier les mesures de contrainte ordonnées contre lui et exercer ses droits. Il y avait ainsi lieu de laisser les frais à la charge de l’État.

Considérant en droit que :

-       le retrait n'est pas tardif, au sens de l'art. 386 al. 2 let. b CPP, la cause n'ayant pas encore été gardée à juger ;

-       sous l'angle des frais, la loi met sur le même pied recours retiré et recours rejeté (art. 428 al. 1 CPP), de sorte que la partie qui retire son recours est réputée avoir succombé (art. 428 al. 1, 2e phrase, CPP) ;

-       en l’espèce, bien que le recourant déclare retirer son recours, il estime que les frais devraient être laissés à la charge de l’État, dans la mesure où son droit d’être entendu avait été violé et qu’il avait dû interjeter un recours pour que les motifs ayant conduit aux prononcés litigieux lui fussent communiqués ;

-       la garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2) ;

-       pour être licite, le séquestre doit respecter certaines règles de forme prescrites à l'art. 263 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, notamment, le prononcé du séquestre doit être ordonné par écrit et sommairement motivé. La motivation doit être suffisante pour respecter le droit d'être entendu des personnes touchées par la mesure, leur permettre de comprendre le lien entre les faits reprochés et les objets saisis et permettre à l'autorité de recours d'exercer son contrôle (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 34 ad art. 263) ;

-       une violation du droit d’être entendu peut être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s’exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire ; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine). Cela vaut y compris en présence d'un vice grave, lorsqu’un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable
(ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1) ;

-       en l’espèce, bien que les ordonnances querellées n’indiquent pas les soupçons sur lesquels le Ministère public s’est fondé pour les prononcer, elles relèvent toutefois que les perquisitions et séquestres litigieux – fondés sur les art. 241 ss et 263 ss CPP – intervenaient dans le cadre d'une instruction menée contre le recourant en lien avec des faits, au demeurant clairement explicités, et qui étaient susceptibles d’être constitutifs de menaces alarmant la population (art. 258 CP). Dans ses observations, le Ministère public a indiqué que les soupçons pesant contre le précité étaient fondés sur le rapport d’arrestation du 23 septembre 2025, ainsi que sur les procès-verbaux des auditions du précité et de la personne dénonciatrice. Quand bien même les éléments portés à la connaissance du recourant dans le cadre des ordonnances litigieuses sont pour le moins sommaires et se situent à la limite de ce qui est admissible en termes de motivation pour des ordonnances de perquisition et de séquestre, même rendues en début d'enquête, l'argumentation développée par celui-ci dans son écriture démontre qu'il a pu comprendre le sens des ordonnances querellées. En tout état de cause, même à admettre une violation du droit d'être entendu, le vice serait guéri dans la procédure de recours. En effet, le Ministère public a fourni, dans ses observations, des indications supplémentaires, singulièrement quant aux soupçons pesant contre le recourant. Ce dernier a pu y faire valoir ses objections devant la Chambre de céans, qui dispose d'une pleine cognition, en fait et en droit ;

-       au vu de ces considérations, dans la mesure où le recourant a dû interjeter un recours pour que les motifs ayant conduit aux prononcés litigieux lui fussent communiqués, d’une part, et où le retrait est intervenu à un stade précoce de la procédure, d’autre part, il sera statué sans frais ;

-       corrélativement, le recourant peut prétendre à l'octroi de dépens (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2), lesquels seront toutefois limités à l’activité nécessaire pour faire valoir la violation de son droit d’être entendu ;

-       en l’occurrence, il conclut à l’octroi d’une indemnité en CHF 1'513.40, correspondant à 2h20 d’activité d’avocat associé au tarif horaire de CHF 450.- (1h00 pour la rédaction du recours et 1h20 pour l’entretien avec le client) et 1h00 d’activité de collaborateur au tarif horaire de CHF 350.- (0h45 pour la consultation du dossier et 0h15 pour la réplique), TVA en sus. Compte tenu du fait que seule l’activité nécessaire à la reconnaissance de la violation de son droit d’être entendu doit être prise en compte, l'indemnité réclamée paraît excessive. Partant, celle-ci sera réduite et une indemnité correspondant à 1h00 d'activité d'avocat associé (au tarif horaire de CHF 450.-) sera allouée à l’avocat, soit CHF 450.-, plus TVA, soit un total de CHF 486.45 TTC (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Prend acte du retrait du recours et raye la cause du rôle.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 486.45, TVA
(8.1% incluse) (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).