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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6168/2025

ACPR/882/2025 du 28.10.2025 sur ONMMP/3664/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOL(DROIT PÉNAL);DÉLAI;PERSONNE PROCHE;PLAINTE PÉNALE
Normes : CPP.310; CP.110; CP.31; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6168/2025 ACPR/882/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 28 octobre 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 5 août 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 août 2025, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 15 octobre 2024.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ se sont mariés le ______ 2007 et se sont séparés le 8 mai 2024, date à laquelle ce dernier a quitté le domicile conjugal.

b. Le 15 octobre 2024, A______ s'est présentée au poste de police afin d'y déposer plainte contre inconnu à la suite des vols d'une montre et d'un collier survenus à son domicile, précisant nourrir de sérieux soupçons à l'encontre de son époux.

En effet, en décembre 2023, lorsqu'elle avait constaté la disparition de sa montre de marque C______, survenue entre les 9 et 16 du même mois, son époux lui avait indiqué qu'elle l'avait peut-être égarée ou oubliée dans leur appartement de D______ [VS]. Elle ne l'avait toutefois jamais retrouvée.

Par ailleurs, lors de son départ du domicile conjugal, le 8 mai 2024, l'intéressé avait emporté environ cinq cents bouteilles de vin, n'en laissant qu'une douzaine, alors qu'aucune décision judiciaire n'avait encore été rendue, étant précisé qu'elle avait mandaté deux avocates pour "monter le dossier du divorce". Le 28 août 2024, elle l'avait en outre surpris dans sa cave – dont il détenait encore les clés – en train de subtiliser la boîte de sa montre E______, qu'elle portait au poignet. Enfin, au cours de l'été 2024, après le passage de son époux venu récupérer certains effets personnels, elle avait constaté la disparition d'un collier orné d'un pendentif en forme de cœur, serti de diamants, d'une valeur d'environ CHF 2'000.-.

À l'appui de sa plainte, A______ a produit des photographies des bijoux concernés ainsi qu'une attestation intitulée "Estimation valeur assurance" établie par la société F______, mentionnant le modèle de la montre C______ et son prix, estimé à CHF 18'000.-.

c. Par courrier du 14 mars 2025, le Ministère public a invité A______ à produire tout document, notamment une preuve d'achat, de nature à établir sa qualité de propriétaire de la montre visée par sa plainte.

d. Par pli du 28 suivant, l'intéressée a notamment transmis au Ministère public une photographie la représentant portant la montre litigieuse à son poignet, précisant qu'elle n'avait pas pu obtenir de quittance d'achat, la société auprès de laquelle elle l'avait acquise ayant cessé son activité. Elle sollicitait dès lors un délai supplémentaire d'un mois afin d'en obtenir une copie.

e. Le 3 avril 2025, le Ministère public lui a imparti un délai au 2 mai suivant pour produire la pièce requise, l'attestation intitulée "Estimation valeur assurance" ne permettant pas d'établir qu'elle était propriétaire de la montre en question.

Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a relevé que, indépendamment de la question de savoir si B______, dont A______ vivait séparée, avait effectivement soustrait la montre et le collier litigieux – ce qui n'était pas établi –, aucun élément du dossier ne permettait, en l'état, de démontrer que la plaignante en était la propriétaire. En effet, un litige de nature civile opposait les époux et, selon les propres déclarations de la plaignante, celle-ci constituerait un dossier de divorce. Bien qu'elle eût produit un document intitulé "Estimation valeur assurance", celui-ci ne permettait pas d'établir sa qualité de propriétaire de la montre litigieuse, aucune pièce complémentaire n'ayant été produite à cet effet. Partant, il était décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, rédigé en personne, A______ affirme que son époux aurait, le 8 mai 2024, emporté une soixantaine de bouteilles de vin qu'elle avait elle-même acquises. En outre, quelques semaines plus tard, elle avait constaté la disparition de la montre et du collier litigieux. Eu égard au comportement de son époux, tant avant qu'après son départ du domicile conjugal, elle l'avait immédiatement soupçonné d'en être l'auteur.

Selon elle, l'argumentation du Ministère public était "arbitraire et contraire à la réalité", dans la mesure où elle n'avait jamais eu l'intention d'instrumentaliser la justice pénale dans le cadre de la procédure civile l'opposant à son époux, ayant simplement évoqué cette procédure pour expliquer les motifs de ses soupçons. Par ailleurs, le Ministère public avait, à tort, nié sa qualité de propriétaire, alors qu'elle avait produit plusieurs photographies la représentant portant les bijoux litigieux. En complément, elle produisait également une attestation de son collègue confirmant l'avoir vue porter la montre concernée. Le fait qu'elle ne fût pas en mesure de produire la quittance d'achat de ce bijou, acquis près de dix ans auparavant, ne pouvait lui être reproché. Quant au collier, le mis en cause soutenait qu'elle l'avait perdu avant leur séparation, alors qu'elle l'avait encore porté durant le dernier week-end qu'ils avaient passé ensemble, le 9 juin 2024. S'agissant des bouteilles de vin, l'intéressé avait lui-même reconnu, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale les opposant, les avoir emportées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la décision querellée apparaissait prématurée. Il appartenait donc au Ministère public de transmettre le dossier à la police afin qu'une enquête soit diligentée, en vue de procéder notamment à l'audition de témoins – tels que son collègue –, à celle de son époux, ainsi qu'à la perquisition du domicile de ce dernier, susceptible de confirmer la présence des bijoux litigieux.

À l'appui de son recours, A______ produit diverses pièces, parmi lesquelles une photographie datée du 9 juin 2024 la représentant portant le collier litigieux; une attestation établie le 20 août 2025 par le Dr G______, son collègue, confirmant qu'il l'avait vue porter la montre C______ jusqu'en 2023, année au cours de laquelle elle en avait constaté la disparition; ainsi qu'une copie de la page 15 d'une écriture déposée par B______ dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale les opposant. Il en ressort que l'intéressé reconnaissait avoir emporté soixante bouteilles de vin lors de son départ du domicile conjugal – alléguant en être le propriétaire exclusif – tout en niant avoir soustrait les bijoux litigieux, qu'il affirmait avoir été égarés avant sa séparation d'avec la recourante.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante estime qu'il existe une prévention suffisante, contre B______, d'infraction à l'art. 139 CP.

3.1.  À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1).

3.2.  Une non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

3.3.  Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. La détermination du dies a quo se fait en tenant compte des circonstances du cas d'espèce. Le délai pour porter plainte ne commence à courir que lorsque le lésé a connu l'infraction et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2).

3.4.1. L'art. 139 ch. 1 CP punit, du chef de vol, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier. Si l'acte est commis au préjudice des proches ou des familiers, l'infraction n'est poursuivie que sur plainte (art. 139 al. 4 CP).

3.4.2.  Les proches d'une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et sœurs et enfants adoptifs (art. 110 al. 1 CP). Les conjoints séparés, mais pas encore divorcés, demeurent des proches au sens de cette norme
(L. MOREILLON/ A. MACALUSO/ N. QUELOZ/ N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 2 ad art. 110).

3.5.  En l'espèce, l'infraction de vol que la recourante reproche au mis en cause n'est punissable que sur plainte, les parties devant être considérées comme des proches, dès lors qu'elles étaient encore mariées au moment des faits litigieux.

Or, dans son recours, la recourante allègue que son époux aurait emporté une soixantaine de bouteilles de vin – évoquant environ cinq cents bouteilles dans sa plainte – lors de son départ du domicile conjugal, le 8 mai 2024, sans prétendre avoir pris connaissance de cet acte à une date ultérieure. Dans ces circonstances, sa plainte, déposée le 15 octobre 2024, soit plus de trois mois après les faits, apparaît tardive sur ce point. S'agissant de la montre C______, la recourante, dans son écriture de recours, soutient avoir constaté son absence quelques semaines après le départ de son époux du domicile conjugal. Il ressort toutefois de sa plainte qu'elle aurait relevé sa disparition en décembre 2023, précisant que le bijou aurait été dérobé entre les 9 et 16 du même mois. Cette version est corroborée par l'attestation établie le 20 août 2025 par le Dr G______, collègue de la recourante, qui indique l'avoir vue porter ladite montre jusqu'en 2023, année au cours de laquelle elle en aurait constaté la disparition. Dans ces conditions, et dans la mesure où la recourante allègue avoir immédiatement soupçonné son époux d'en être l'auteur, sa plainte apparaît également tardive sur ce volet. Il existe dès lors un empêchement de procéder, au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP, justifiant de ne pas entrer en matière sur ces faits.

S'agissant du collier litigieux, la recourante n'a fourni aucune indication précise relative à la date des faits allégués. Dans sa plainte, elle indique que le bijou aurait été soustrait lors d'un passage du mis en cause venu récupérer certains effets personnels durant l'été 2024, tandis que, dans son recours, elle affirme en avoir constaté l'absence quelques semaines après le départ de l'intéressé du domicile conjugal. Elle a en outre précisé l'avoir encore porté au cours d'un week-end en compagnie du mis en cause, le 9 juin 2024. Il n'est donc pas possible de déterminer avec certitude le point de départ du délai de trois mois. Quoi qu'il en soit, la question de l'éventuelle tardiveté de la plainte sur ce volet peut demeurer indécise au regard des considérations qui suivent.

Les allégations de la recourante, selon lesquelles le mis en cause aurait soustrait le collier litigieux lors d'un passage à son domicile, ne reposent sur aucun élément concret, mais sur de simples conjectures. De plus, il ressort des pièces versées au dossier que, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale opposant les époux, le mis en cause a contesté avoir dérobé le bijou en question, affirmant qu'il aurait été égaré par la recourante avant leur séparation.

Les déclarations des protagonistes sont ainsi contradictoires et aucune mesure d'instruction, en particulier l'audition du mis en cause, ne permettrait d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre ce dernier. En effet, l'intéressé nierait vraisemblablement toute implication, à l'instar de ce qu'il a fait dans le cadre de la procédure civile l'opposant à la recourante. De même, on ne voit pas quel élément pertinent pourrait être obtenu de l'audition du collègue de la recourante, celui-ci n'ayant pas assisté aux faits dénoncés. Enfin, en l'absence de prévention pénale suffisante, la mise en œuvre d'une perquisition, telle que sollicitée par la recourante, s'apparenterait à une recherche indéterminée de preuve ("fishing expedition"), prohibée.

Partant, la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, elle sera donc confirmée, en partie par substitution de motifs.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03) et prélevés sur les sûretés versées.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6168/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00