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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16672/2025

ACPR/816/2025 du 07.10.2025 sur OMP/21150/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.197; CPP.255.al1bis; LEI.115; LEI.119; LStup.19; LStup.19a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16672/2025 ACPR/816/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 octobre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 3 septembre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 15 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 septembre 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée; subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1978, est ressortissant de la Libye.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse (au 12 septembre 2025), il a été condamné :

- par ordonnance pénale rendue le 27 novembre 2018 par le Ministère public de B______ [BE], pour infractions aux art. 19a LStup, 144 al. 1 CP et 180 CP;

- par ordonnance pénale rendue le 12 mars 2020 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI et 19a LStup;

- par ordonnance pénale rendue le 23 juillet 2020 par le Ministère public de B______, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup;

- par ordonnance pénale rendue le 29 mars 2021 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b LEI, 19a LStup et 19 al. 1 let. c LStup;

- par ordonnance pénale rendue le 15 décembre 2021 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b LEI, 268 aCP et 19a LStup;

- par ordonnance pénale rendue le 12 février 2022 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux 19 al. 1 let. c et d LStup, 115 al. 1 let. a LEI et 119 al. 1 LEI;

- par ordonnance pénale rendue le 18 octobre 2022 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 19a LStup, 19 al. 1 let. c LStup et 115 al. 1 let. b LEI;

- par ordonnance pénale rendue le 17 novembre 2022 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEI;

- par ordonnance pénale rendue le 15 décembre 2022 par le Ministère public de Genève, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b, 119 LEI et 19a LStup;

- par ordonnance pénale rendue le 19 avril 2024 par le Ministère public de Genève, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI;

- par ordonnance pénale rendue le 20 juin 2025 par le Ministère public de Genève, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

c. Le 23 juillet 2025, A______ a été interpellé à la rue 1______ no. ______, dans le quartier de C______, à Genève, alors qu'il était attablé sur la terrasse du bar "D______", dans le cadre d'un contrôle d'identité. L'intéressé était dépourvu de documents d'identité valables et se trouvait en séjour illégal en Suisse, où il avait pénétré sans en respecter les conditions d'entrée.

d. Le même jour, la police a procédé à l'audition de A______. Il a déclaré se trouver en Suisse depuis 2015. Il y avait déposé une demande d'asile. Incarcéré pour séjour illégal, il était sorti de prison le 27 juin 2025, et était resté à Genève, où il était sans domicile fixe et sans moyen de subsistance.

e. L'intéressé a été mis en liberté le 23 juillet 2025 en fin de journée.

f. Par ordonnance pénale rendue le 23 juillet 2025 (P/16672/2025), le Ministère public l'a déclaré coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI et l'a condamné à une peine pécuniaire égale à zéro (les précédentes condamnations pour séjour illégal ayant atteint une peine totale correspondant à la peine-menace maximale prévue pour cette infraction).

g. Par courrier du 24 juillet 2025 de son conseil, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée.

h. Le 2 septembre 2025, A______ a, à nouveau, été interpellé sur la terrasse du bar "D______" après avoir été aperçu dans le cadre d'une transaction avec E______, lequel, arrêté quelques minutes plus tard, a affirmé avoir acheté une boulette de cocaïne à l'intéressé. Lors de la fouille, la police a trouvé une boulette de cocaïne sur A______.

i. Auditionné le même jour par la police, A______ a contesté se livrer à la vente de stupéfiants. La boulette de cocaïne trouvée sur lui était destinée à sa consommation personnelle.

j. Par ordonnance d'ouverture d'instruction rendue le 3 septembre 2025 (P/19845/2025), le Ministère public a mis A______ en prévention pour infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI, 19 al. 1 let. c LStup et 19a ch. 1 LStup.

k. Le même jour, le Ministère public a procédé à l'audition de l'intéressé, qui a confirmé ses déclarations devant la police.

l. Le 3 septembre 2025, le Ministère public a prononcé la mise en liberté de A______.

m. Par ordonnance pénale rendue le 3 septembre 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI, 19 al. 1 let. c LStup et 19a ch. 1 LStup et l'a condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, dont à déduire 2 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-.

n. Par courrier du 8 septembre 2025 de son conseil, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée.

o. Par ordonnance rendue le 12 septembre 2025, les procédures P/19845/2025 et P/16672/2025 ont été jointes sous ce dernier numéro de procédure.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ a déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit à l'art. 19 al. 1 LStup.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que l'établissement de son profil d'ADN était disproportionné, inutile et coûteux, dès lors qu'il avait déjà été soumis à une telle mesure et que le délai d'effacement du profil d'ADN, qui ne se modifiait pas au cours d'une vie, était de dix ans au minimum. De plus, l'ordonnance entreprise ne mentionnait pas le délai d'effacement de son profil d'ADN, en violation de l'art. 353 al. 1 let. f bis CPP. Toute personne avait le droit d'être protégée contre l'emploi abusif de ses données (art. 8 CEDH). Des frais de CHF 20.- seraient mis à sa charge et à celle du contribuable genevois en relation avec ces actes inutiles.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1.       L'établissement d'un profil d'ADN est de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données privées (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH).

Cette mesure doit, en conséquence, se fonder sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (ATF 147 I 372 consid. 2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_631/2022 du 14 février 2023 consid. 2).

3.2.       Selon l'art. 255 al. 1bis CPP, le prélèvement et l'établissement d'un profil d'ADN peuvent être ordonnés sur le prévenu si des indices concrets laissent présumer qu'il pourrait avoir commis d'autres crimes ou délits que celui ou ceux pour lesquels l'instruction est en cours. Une telle mesure peut être ordonnée par le ministère public durant l'instruction (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.2).

3.3.       L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions. Celles-ci doivent revêtir une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2). L'on prendra en considération, dans la pesée des intérêts à réaliser, les éventuels antécédents de l'intéressé (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

3.4.       L'art. 255 CPP ne permet pas le prélèvement routinier d'échantillons d'ADN et leur analyse, ce que concrétise l'art. 197 al. 1 CPP. Selon cette disposition, des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les antécédents doivent également être pris en compte. Cependant, l'absence d'antécédents n'exclut pas en soi l'établissement d'un profil d'ADN (ATF 147 I 372 précité consid. 2.1; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

3.5.       Selon l'art. 353 al. 1 let. f bis CPP, l’ordonnance pénale contient le délai d’effacement d’un profil d’ADN éventuellement existant.

3.6.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors que le recourant a déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

Depuis 2020, il a en effet été condamné à huit reprises pour des infractions à la LStup, dont quatre fois en lien avec des agissements qui dépassent le stade de la simple consommation personnelle, en sus de la procédure en cours pour des faits similaires (P/19845/2025).

Ces condamnations à la LStup vont de pair avec des condamnations répétées pour séjours illégaux (art. 115 LEI) et ruptures de ban (art. 119 LEI). Ces nombreux antécédents en un laps de temps relativement court laissent craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants. De telles circonstances permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission, étant précisé que le recourant a, dans la présente procédure, été interpellé dans le quartier de C______, lieu réputé pour le trafic de stupéfiants à Genève.

En outre, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel permet l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Le recourant ne saurait par ailleurs tirer argument du fait que son profil d'ADN aurait d'ores et déjà été établi dans le cadre d'une précédente procédure. Les profils d'ADN sont en effet soumis à effacement après un certain délai (cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), de sorte qu'il existe un intérêt, pour autant que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas ici, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, laquelle n'est pas disproportionnée.

Le recourant invoque que l'établissement de ce nouveau profil d'ADN entraînera des frais inutiles. Or, que le coût de cette mesure soit éventuellement mis à sa charge ultérieurement – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné définitivement – n'est pas pertinent à ce stade.

Enfin, le délai d'effacement du profil d'ADN n'a pas à être mentionné expressément dans l'ordonnance d'établissement d'un tel profil, mais dans l'ordonnance pénale (ou le jugement) faisant suite à cette mesure (cf. art. 353 al. 1 let. f bis CPP). En effet, selon l'issue de la procédure, l'intérêt public à disposer du profil d'ADN de l'intéressé ne sera pas le même, de sorte qu'il appartient au juge du fond de trancher cette question.

Partant, la mesure, qui repose sur une base légale et dictée par un intérêt public, est justifiée.

4.             Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16672/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00