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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10246/2025

ACPR/714/2025 du 08.09.2025 sur OMP/18660/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10246/2025 ACPR/714/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 8 septembre 2025

 

Entre

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 5 août 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 18 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 août 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. À teneur du rapport d'arrestation du 8 mai 2025, A______, ressortissant gambien né le ______ 1993, a été interpellé le jour même par une patrouille de police à la rue de la Cloche, à Genève, après avoir pris la fuite en dépit des injonctions "stop police".

Les vérifications effectuées ont révélé qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, valable pour une durée de douze mois à compter du 28 octobre 2024.

a.b. L'intéressé a refusé de s'exprimer lors de son audition par la police, puis a contesté les faits devant le Ministère public.

b. Par ordonnance pénale du même jour, A______ a été reconnu coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

c. Le 16 mai suivant, sous la plume de son conseil, il a formé opposition à cette ordonnance pénale et a demandé à être mis au bénéfice d'une défense d'office, requête rejetée par ordonnance du Ministère public du 5 août 2025.

d. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 1er septembre 2025, A______ a été condamné le 6 mai 2025 par le Tribunal de police (P/1______/2024) à une peine privative de liberté de 8 mois et à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.-, toutes deux assorties du sursis pendant 3 ans, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires (art. 285 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al.1 CP). Son expulsion de Suisse a en outre été ordonnée pour une durée de 3 ans.

e. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, le précité est, à teneur du dossier, marié, sans domicile fixe, sans emploi, ni revenu. Il n'a aucune attache avec la Suisse.

C. Dans son ordonnance querellée, fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, le Ministère public considère qu'il y a lieu d'établir le profil d'ADN de A______, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, référence étant faite à la procédure P/1______/2024 (cf. let. B. d. supra). Aucun frais en lien avec l'établissement du profil d'ADN n'a été mis à la charge du prévenu dans le cadre de cette ordonnance.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que l'établissement de son profil d'ADN avait déjà été ordonné le 3 janvier 2025, dans le cadre de la procédure précitée, au terme de laquelle il avait été remis en liberté à l'issue de l'audience de jugement du 6 mai 2025.

Même si les procureurs invoquaient la nécessité d'appliquer, lors de chaque interpellation, la directive A.5 du Procureur général, rien ne justifiait d'ordonner à nouveau une telle mesure. Celle-ci était en effet inutile, arbitraire et disproportionnée, portait atteinte à son droit d'être protégé contre l'emploi abusif des données le concernant (art. 8 CEDH et art. 13 al. 2 Cst.) et entraînait en outre des frais à sa charge, ainsi qu'à celle du contribuable genevois. Conformément aux art. 16 et 17 de la loi sur les profils d'ADN, l'ordonnance antérieure permettait déjà de conserver son profil d'ADN jusqu'au 3 janvier 2045, de sorte qu'il était superflu et disproportionné d'en prolonger la conservation jusqu'au 5 août 2045, ce d'autant plus qu'un profil d'ADN n'était "sujet à aucun changement au cours de la vie d'un être humain".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.


 

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1).

Le Tribunal fédéral a indiqué que l'art. 255 CPP ne permettait toutefois pas le prélèvement de routine (invasif) d'échantillons d'ADN lors de chaque soupçon suffisant, et encore moins leur analyse générale (ATF 147 I 372 consid 2.1 et les références citées).

3.4. En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'existence d'indices sérieux et concrets qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions que celles pour lesquelles il est poursuivi, mêmes futures, ni que celles-ci seraient d'une certaine gravité. Les faits pour lesquels il a été condamné le 6 mai 2025 – notamment pour infractions à l'art. 19 LStup – ainsi que sa situation personnelle, en particulier l'absence de revenus légaux avérés, confirment l'existence de tels indices. L'intéressé est, en outre, à nouveau poursuivi, dans le cadre de la présente procédure, pour infractions à la LEI et à l'art 286 CP, étant précisé qu'il a été interpellé dans le quartier des Pâquis – lieu notoirement connu pour le trafic de stupéfiants – deux jours seulement après sa remise en liberté à l'issue de l'audience de jugement du 6 mai 2025, et après avoir pris la fuite à la vue des forces de l'ordre.

Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir tenu compte du fait que son profil d'ADN avait déjà été établi le 3 janvier 2025 et d'appliquer la Directive A.5 du Procureur général de telle sorte à prélever et analyser les échantillons d'ADN de manière systématique, soit de manière illégale.

La Chambre de céans a toutefois régulièrement retenu [cf. notamment, ACPR/400/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.3] que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai [cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363], il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Dans la mesure où il s'agit d'une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1bis CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire.

Le recourant invoque également le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données le concernant (art. 8 CEDH et art. 13 al. 2 Cst. féd.). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1bis CPP, dont les conditions sont remplies, comme il a été retenu ci-dessus.

Ainsi, le fait pour le Ministère public d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger de plusieurs mois le délai de conservation, n'apparaît nullement disproportionné, quand bien-même l'échéance dudit délai n'interviendra que dans dix ou vingt ans.

Le recourant soutient encore que les frais relatifs à ce nouvel établissement seraient mis à sa charge et à celle du contribuable genevois. Il n'a toutefois pas été condamné à en supporter le coût, ces frais ne lui ayant pas été imputés dans le cadre de l'ordonnance querellée. Que ce coût soit éventuellement mis à sa charge – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est donc pas pertinent. Pour le surplus, il ne dispose pas d'un intérêt juridiquement protégé à critiquer le fait que ces frais seraient, cas échéant, supportés par le contribuable.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.


 

4.             Justifiée, cette ordonnance sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

6.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2)

* * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

 

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00