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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11034/2024

ACPR/396/2025 du 23.05.2025 sur ONMMP/1328/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE DE CHOIX;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE
Normes : CPP.429.al1.leta; CPP.429.al2; CPP.429.al3; Cst.29.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11034/2024 ACPR/396/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 23 mai 2025

 

Entre

Me A______, avocat, p.a. Étude B______, ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle rendue le 12 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 mars 2025, Me A______, avocat, recourt contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle du 12 mars 2025, notifiée le lendemain, en tant qu'elle est muette sur la question de son indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance sur ce point et à ce qu'une indemnité de CHF 973.- (TVA comprise) lui soit octroyée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La FONDATION C______ a déposé plainte pénale le 30 avril 2024 contre D______ pour violation de domicile et dommages à la propriété. Ce dernier avait, sans droit, alors qu'il était élève de la fondation, dormi à plusieurs reprises sur le campus, malgré l'interdiction qui lui avait été notifiée, et écrit au marqueur "C______ is all a joke" et "Once at C______, forever at C______" sur la machine à laver du campus.

b. D______ a mandaté Me A______ en qualité d'avocat de choix le 23 mai 2024.

c. Par courrier du 5 août 2024, D______ a personnellement écrit au Ministère public afin de l'informer d'une altercation qui serait survenue le 13 avril 2024 avec des employés de la FONDATION C______, faits pour lesquels il souhaitait porter plainte.

d. Par courrier du 7 août 2024, D______ a requis du Ministère public la désignation de Me A______ en qualité de défenseur d'office.

e. Par courrier du 9 août 2024, D______ a, à nouveau personnellement, écrit au Ministère public afin de compléter sa plainte et requérir la nomination d'un avocat.

f. Lors de son audition par la police le 30 septembre 2024, qui a duré moins de deux heures, D______, assisté de son conseil, a admis avoir effectué les inscriptions litigieuses sur des machines à laver, mais contesté avoir eu l'intention de commettre un dommage à la propriété, dans la mesure où il avait utilisé un marqueur effaçable.

g. Par courrier du 24 octobre 2024, le Ministère public a invité la FONDATION C______ à démontrer son éventuel dommage durable.

h. Dans sa réponse du 8 novembre 2024, la FONDATION C______ a indiqué que les dégâts dans la salle des machines à laver, notamment sur les murs, ainsi que dans le Student Lounge, avaient engendré des coûts de réparation internes et externes d'un montant total de CHF 620.-, sans pour autant transmettre de pièces attestant desdits dommages.

i. Par ordonnance du 12 mars 2025, le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de D______, considérant que la cause était dénuée de complexité en fait ou en droit.

j. Aucun recours n'a été formé contre cette décision.

k. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré D______ coupable de violation de domicile et l'a condamné aux frais de la procédure.

l. Par courrier du 14 mars 2025, D______ a révoqué le mandat de son conseil.

m. Par plis des 17 et 21 mars 2025, D______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée et informé le Ministère public de la révocation du mandat de MA______.

n. Par courrier du 26 mars 2025, Me A______ a informé le Ministère public qu'il avait formé recours auprès de la Chambre de céans et lui a demandé de se prononcer sur son indemnisation.

C. a.  Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que, dans sa plainte pénale, la FONDATION C______ avait uniquement reproché à D______ des dommages à la propriété en raison "d'inscriptions au marqueur" sur "la machine à laver le linge" du campus, sans faire mention d'autres dommages, et que ce dernier avait été entendu uniquement pour ces faits, qu'il avait au demeurant reconnus, tout en précisant qu'il avait utilisé un marqueur effaçable. Expressément invitée à démontrer son dommage, la FONDATION C______ n'avait pas produit de description précise ou de preuves de celui-ci, ni de facture attestant d'un quelconque paiement. Ainsi, aucun dommage durable n'avait pu être établi, de sorte que les éléments constitutifs de l'infraction de dommages à la propriété n'étaient pas réalisés. Vu l'issue du litige, les frais de la procédure étaient laissés à la charge de l'État.

b.  D______ n'a pas contesté cette ordonnance.

D. a. Dans son recours, Me A______ reproche au Ministère public d'avoir omis d'interpeler D______ afin qu'il chiffrât et justifiât ses prétentions et d'avoir rendu sa décision de refus de nomination d'avocat d'office en même temps que l'ordonnance querellée. Or, l'assistance d'un avocat était nécessaire, dans la mesure où D______ s'exposait à une sanction pénale pour violation de domicile et dommages à la propriété et où il n'était pas de langue maternelle française. Ce n'était qu'en raison de son intervention et de la mise en place d'une stratégie de défense adéquate que le Ministère public avait rendu une ordonnance de non-entrée en matière partielle.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Lors de son audition par la police, en présence de son conseil, aucune question n'avait été posée à D______ sur les dommages commis "sur les murs de la salle des machines à laver le linge ainsi que dans le student lounge" puisque ces faits n'avaient pas été mentionnés dans la plainte pénale. L'intervention de son avocat durant l'audition avait porté uniquement sur l'infraction de violation de domicile, pour laquelle il avait finalement été condamné. L'intéressé pourrait dans tous les cas, à ce titre, faire valoir une indemnisation dans le cadre de la procédure d'opposition qu'il avait initiée, seul, ayant révoqué le mandat de son avocat.

S'agissant d'une éventuelle violation du droit d'être entendu, le recourant avait été en mesure de s'exprimer sur son indemnisation dans le cadre de son recours, de sorte qu'elle aurait été réparée.

L'assistance d'un avocat n'était au demeurant pas nécessaire à ce stade de la procédure et en l'absence de complexité de la cause. D______, qui s'était par la suite opposé seul à l'ordonnance pénale, avait en effet simplement dû se rendre à une unique audition devant la police et répondre à des questions simples.

Dans tous les cas, même à retenir que la présence d'un avocat eût été nécessaire, une éventuelle indemnisation ne pourrait porter que sur les faits de dommages à la propriété avec les tags sur le lave-linge. Or, ces éléments étaient admis et le seul fait qu'ils ne fissent pas l'objet d'une poursuite résultait du manquement de la partie plaignante à démontrer un dommage durable. D______ avait ainsi causé l'ouverture de la procédure pénale de façon illicite et fautive, justifiant, également pour ce motif, de ne pas lui octroyer d'indemnité.

c. Le recourant a renoncé à répliquer.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP).

1.2.       Reste à examiner la qualité pour recourir du recourant, avocat de choix, contre l'omission du Ministère public de statuer sur son indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP dans l'ordonnance de non-entrée en matière.

1.2.1. Conformément à l'art. 429 al. 3 CPP, lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l’indemnité prévue à l’al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client. Le défenseur peut contester la décision fixant l’indemnité en usant des voies de droit autorisées pour attaquer la décision finale.

L'art. 429 al. 3 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2024, doit être interprété comme un droit supplémentaire pour le défenseur privé de contester la décision concernant son indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 7B_654/2024 du 1er octobre 2024).

1.2.2. Conformément à la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur de ce nouvel alinéa, lorsque la décision omettait de statuer sur l'indemnité, il appartenait au prévenu au bénéfice d'une ordonnance de non-entrée en matière de recourir contre celle-ci (ATF 144 IV 207 consid. 1.7).

1.2.3. En l'espèce, l'ordonnance querellée constitue une décision finale au sens de l'art. 429 al. 3 CPP, puisqu'elle met fin à la procédure, à tout le moins sur un volet spécifique. Celle-ci omet cependant de statuer sur les prétentions en indemnité au sens de l'art. 429 CPP, de sorte que si le prévenu au bénéfice d'une ordonnance de non-entrée en matière dispose d'un droit à recourir contre l'absence de décision, il doit en aller de même, a fortiori, depuis l'introduction de l'alinéa 3, pour le défenseur de choix qui bénéficie désormais d'un droit direct et d'un intérêt juridique à contester la décision relative à l'indemnité de procédure.

La qualité pour recourir du recourant doit dès lors être retenue.

2.             Le recourant se plaint d'une violation du droit d'être entendu, dès lors que son client n'avait pas été invité à se déterminer sur ses indemnités avant le prononcé de la décision querellée.

2.2.       Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

2.3.       Conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté, totalement ou en partie, ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Bien que cette disposition ne mentionne pas expressément l'ordonnance de non-entrée en matière, cette dernière peut également donner lieu à indemnité (ATF 139 IV 241 consid. 1).

2.4.       Conformément à la systématique du code de procédure pénale suisse, la règle générale est que l'autorité pénale doit se prononcer sur l'indemnisation du prévenu dans sa décision finale. Si elle ne le fait pas, le prévenu doit s'y opposer par voie de recours (ATF 144 IV 207 consid. 1.7). Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral avait constaté que le Ministère public avait violé cette obligation en omettant d'interpeler le prévenu sur sa possibilité de faire valoir des prétentions au sens de l'art. 429 CPP et en ne statuant pas sur celles-ci. Cela étant, cette violation pouvait être réparée par une procédure judiciaire ultérieure indépendante au sens des art. 363ss CPP, notamment par un recours.

2.5.       En l'espèce, la question de savoir si l'avocat recourant peut lui-même invoquer une violation ou non du droit d'être entendu – dans la mesure où le Ministère public a omis, contrairement à son obligation, d'interpeller son client sur ses prétentions en indemnisation, le privent ainsi de la possibilité faire valoir ses honoraires chiffrés et justifiés devant cette instance –, alors que l'art. 429 al. 1 et 2 CPP se réfère au prévenu, peut rester ouverte, puisque l'avocat de choix bénéficie d'une voie de recours conformément à l'art. 429 al. 3 CPP, dont le recourant a pu bénéficier pour faire valoir ses prétentions, et que son recours doit de toute façon être rejeté pour les motifs qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir alloué d'indemnité au prévenu, son client, malgré l'ordonnance de non-entrée en matière rendue en faveur de celui-ci.

3.1.       L'indemnité prévue à l'art. 429 al. 1 let. a CPP couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la gravité de l'infraction, de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_12/2021 du 11 septembre 2023 consid. 3.1.1).

Le seul fait qu'un crime ou un délit soit reproché au prévenu n'entraîne pas automatiquement le droit à une indemnité. La jurisprudence admet en particulier que l'assistance d'un avocat ne procède pas nécessairement d'un exercice raisonnable des droits de la défense lorsque l'enquête pénale est close après une première audition par la police (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 2.5.1).

3.2.       En l'espèce, l'ordonnance querellée a refusé d'entrer en matière sur une partie des faits reprochés au mis en cause, soit un dommage à la propriété (art. 144 CP), pour avoir inscrit sur une machine à laver le linge "C______ is all a joke" et "Once at C______, forever at C______". L'intéressé a au demeurant immédiatement admis les faits, tout en précisant avoir utilisé un feutre effaçable, de sorte qu'il n'existait aucun dommage à la propriété durable.

Invitée par le Ministère public à se prononcer sur les faits, notamment à démontrer que son dommage était durable, la plaignante n'a pas fourni les pièces requises.

Cela étant, on ne voit pas en quoi l'assistance d'un avocat était nécessaire au mis en cause pour les actes qui précèdent et le recourant n'en fait pas la démonstration, se contentant d'invoquer que "le prévenu était entendu par la police et s'exposait à une sanction pénale" et n'était pas de langue maternelle française. L'affaire ne présentait en effet pas de complexité particulière, s'agissant d'une plainte pour avoir effectué une inscription sur une machine à laver le linge, et la procédure pénale n'a pas dépassé le stade d'une audition à la police. Le mis en cause n'a été entendu qu'à une seule reprise, sur des faits clairement circonscrits, son rôle se limitant à répondre aux questions qui lui étaient posées, ce qui ne présupposait aucune connaissance juridique particulière. L'intervention de son conseil s'est d'ailleurs limitée à une question et concernait un autre complexe de faits, pour lequel l'intéressé a été condamné. Enfin, le prévenu, qui s'était déjà adressé, seul et en français, au Ministère public, par courriers des 5 et 9 août 2024, s'est finalement opposé seul à l'ordonnance pénale, en français, indiquant révoquer le mandat de son conseil, de sorte que le fait qu'il ne parle pas français ne constituait pas un obstacle à sa défense.

Dans ce contexte, l'intervention d'un avocat n'était pas nécessaire, de sorte que l'absence d'indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'est pas critiquable.

4.             Infondé, le recours doit être rejeté et, partant, l'ordonnance querellée confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne Me A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

 

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11034/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00