Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/383/2025 du 21.05.2025 sur SEQMP/3335/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/297/2017 ACPR/383/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 21 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 12 décembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 23 décembre 2024, A______ recourt contre la décision du 12 précédent, notifiée le jour même, à teneur de laquelle le Ministère public a ordonné, d'une part, la perquisition de son domicile et, d'autre part, le séquestre de tous les objets, appareils électroniques, documents et/ou valeurs s'y trouvant, au sens de l'art. 263 al. 1 let. a à e CPP.
Il conclut, sous suite de frais, au constat aussi bien de l'illicéité de ce prononcé que de l'inexploitabilité des preuves administrées grâce à celui-ci, et à la restitution des biens saisis dans son appartement.
b. Par ordonnance du 30 décembre 2024 (OCPR/70/2024), la Direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif assortissant le recours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, ressortissant brésilien vivant à Genève, a été :
· entre mars 2015 et octobre 2017, associé gérant de C______ SARL;
· de novembre 2015 à août 2019, titulaire de l'entreprise individuelle D______/A______.
Ces entités étaient actives dans le domaine du déménagement.
b. De 2016 à 2022, le Ministère public a ouvert six procédures contre le prénommé, qu’il a successivement jointes à la présente cause (P/297/2017).
Il soupçonne A______ d'avoir, via les deux entités précitées, régulièrement fait appel, notamment entre 2015 et mi-2017, à des travailleurs en situation administrative irrégulière, "dont il abusait" (salaires de misère, horaires de plus de douze heures par jour et/ou défaut d'annonce aux assurances sociales), actes potentiellement constitutifs d'usure (art. 157 CP), voire de traite d'êtres humains (art. 182 CP), ainsi que d'infractions à la LEI et à différentes lois en matière d'assurances sociales.
c.a. Le prévenu a été détenu provisoirement du 17 octobre au 10 novembre 2016.
c.b. L'enquête menée par la police entre octobre 2016 et février 2017 a révélé que A______ avait recruté, et continuait de recruter, des personnes au jour le jour [en appoint de celles employées licitement]. Jusqu'à son arrestation, il leur avait donné rendez-vous à un point fixe (soit à une station-service de la périphérie genevoise), où il distribuait le travail entre elles. Depuis fin 2016, le prévenu avait consenti des efforts pour régulariser la situation. Toutefois, il persistait dans certains de ses agissements illégaux; pour ce faire, il avait modifié sa méthode de recrutement, allant chercher les travailleurs à des arrêts de bus afin d'échapper à la surveillance policière (rapports de police des 17 octobre 2016 ainsi que 27 février 2017 cum OTMC/1970/2017 du 30 juin 2017).
c.c. Le prévenu a derechef été détenu, du 30 mai au 18 août 2017.
d. Le 30 mai 2017, les locaux de C______ SARL ont été perquisitionnés et les objets/valeurs s'y trouvant, séquestrés.
e. Entre 2016 et 2024, la police, puis le cas échéant le Ministère public, ont entendu de nombreuses personnes.
e.a. Plusieurs d'entre elles, toutes en situation administrative irrégulière, ont déclaré avoir :
· travaillé pour C______ SARL (E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______), respectivement pour [la raison individuelle] D______/A______ (L______);
· exercé, au sein de ces entités, une activité, pour l'essentiel ponctuelle, à des périodes, soit antérieures ou concomitantes à la première arrestation de A______, soit postérieures à celle-ci, entre janvier et juillet 2017 (pour ce second volet : L______ et K______);
· été rémunérées entre CHF 150.- et CHF 180.- par jour, parfois moins (J______ et K______), pour dix à quinze heures d'activité quotidienne (F______, H______, K______, I______ et J______), étant relevé, d'une part, que ces sommes étaient payées en espèces et, d'autre part, que les (éventuels) dégâts occasionnés lors des déménagements étaient déduits de leurs salaires (F______, G______ ainsi que K______).
e.b. M______, également en situation administrative irrégulière, a été auditionné à deux reprises.
e.b.a. Le 17 octobre 2016, il a exposé que, depuis deux ans, il travaillait pour A______ [i.e. C______ SARL], à une fréquence d'un jour par semaine. Il était rétribué CHF 170.- en espèces, pour huit ou neuf heures d'activité quotidienne. Ses frais de repas étaient payés par le prénommé, à l'instar de ses (éventuelles) heures supplémentaires.
e.b.b. Le 17 août 2022, il s'est rendu dans un poste de police pour déposer plainte contre A______.
Il a expliqué ne pas avoir "dit toute la vérité" lors de sa précédente déposition, craignant alors de perdre son emploi auprès de C______ SARL, qu'il avait exercé jusqu'en 2017. En réalité, il avait travaillé à plein temps pour cette société, du lundi au samedi, voire parfois le dimanche, sans compensation, à raison de douze heures par jour au minimum. Comme ses frais de repas étaient déduits de son salaire mensuel, arrêté à CHF 2'000.-, sa rétribution s'élevait, in fine, à CHF 700.- ou CHF 800.-.
Courant 2018, A______ l'avait engagé au sein d'une nouvelle société, N______ SARL [entité créée en septembre 2018, dont l'épouse du prévenu a été associée gérante jusqu'en juin 2021]. Le prénommé l'avait informé qu'il était l'unique employé fixe de "la boîte". Lui-même y avait travaillé (pour un salaire mensuel de CHF 4'200.-) jusqu'en automne 2021, époque de son licenciement; la société restait lui devoir diverses sommes d'argent (salaires, heures supplémentaires non rémunérées, etc.). "Aujourd'hui, plus personn[e] ne travaill[ai]t pour [A______] en tant que fixe[;] il engage[ait] seulement des gens temporairement", qu'il "recrut[ait] (…) avec le bouche à oreille"; il leur donnait rendez-vous sur le parking situé derrière son domicile et les envoyait sur différents chantiers, leur fournissant un véhicule à cet effet; en fin de journée, les travailleurs ramenaient "le camion" et A______ leur remettait, en espèces, entre CHF 100.- et CHF 150.-, selon leur expérience.
e.c. Entendu sur l'ensemble de ces accusations, le prévenu a reconnu avoir employé certaines des personnes désignées ci-avant, "au noir" (procès-verbal d'audience du 14 juin 2017, page 1). Il s'agissait d'une pratique courante dans le domaine du déménagement (procès-verbal d'audience du 8 août 2017, page 2); lui-même avait d'ailleurs engagé, via C______ SARL, une quarantaine de travailleurs non déclarés au total; il ne souhaitait pas communiquer leur identité (procès-verbaux d'audiences des 10 novembre 2016, page 5, et 14 juin 2027, page 2). À la suite de sa première arrestation, il avait entrepris des démarches pour régulariser la situation de divers employés (procès-verbal d'audience du 14 juin 2017, page 2).
Il a admis avoir payé, à certaines des personnes désignées ci-avant, un salaire journalier oscillant entre CHF 150.- et CHF 180.- (procès-verbal d'audience du 10 novembre 2016, page 1 et ss), contestant toutefois les horaires de travail allégués par plusieurs d'entre elles (procès-verbal d'audience du 25 janvier 2024, page 4).
f.a. Parallèlement à ces auditions, O______, ressortissant brésilien sans papiers, a été contrôlé, en décembre 2016, à l'aéroport de Zurich, en partance pour le Brésil.
Interrogé par la police à cette occasion, il a déclaré avoir travaillé pour C______ SARL entre 2015 et 2016, à raison de septante-deux heures par semaine, soit du lundi au samedi, de six heures à minuit environ, souvent sans pause et sans manger. Son salaire s'élevait à CHF 1'200.- par mois, versé en espèces, duquel étaient déduits les en-cas fournis s'il en prenait, ce qui lui laissait un solde d’environ CHF 800.- à CHF 850.- par mois.
f.b. Entendu par le Procureur genevois sur ces accusations, A______ les a contestées. Il n'avait jamais employé O______; ce dernier cherchait à se venger, lui-même ayant refusé de l'embaucher quand il le lui avait demandé (procès-verbal d'audition du 8 août 2017, page 7).
g.a. Durant l’instruction, le prévenu a été questionné à plusieurs reprises sur l’évolution de sa situation professionnelle.
Il a successivement exposé : le 6 juin 2018, avoir vendu C______ SARL [en octobre 2017]; le 26 février 2019, donner actuellement "des conseils et (…) du travail à des grosses sociétés comme P______ AG, Q______ SA, etc.", via [la raison individuelle] D______/A______, entité qui n'avait pas d'employé [étant relevé que cette entreprise individuelle a été radiée du Registre du commerce en août 2019]; le 25 janvier 2024, ne plus travailler depuis mi-mai 2023, émarger à l'Hospice général et être dans l'attente d'une rente d'invalidité (en raison de "problèmes psychiatriques").
g.b. Le 30 juin 2022, le Ministère public a requis de la police qu'elle vérifie si le prévenu poursuivait ses activités dans le déménagement et, le cas échéant, avec quel personnel.
Aucun rapport de renseignements n'a, semble-t-il, été rendu à cette suite.
h.a. Le 9 décembre 2024, la police genevoise a contacté O______, ayant appris par d'"anciens collègues déménageurs (…) indignés de [s]on sort" qu'il était de retour en Suisse (déposition du prénommé du 11 décembre 2024, page 2).
L'intéressé a alors fait part aux agents de sa volonté de déposer plainte contre A______.
h.b. Le 11 décembre 2024, O______ s'est présenté dans un poste de police à cet effet, où il a été entendu hors la présence du prévenu, respectivement de son défenseur d'office.
Il a exposé avoir travaillé pour "A______" [prénom] dès 2005, via des sociétés détenues par des membres de la famille de ce dernier. Il avait perçu, durant toute son activité, soit jusque dans le courant de l'année 2016, une rétribution journalière de CHF 100.-. Ses horaires de travail et les déductions effectuées sur son salaire [correspondaient à ceux qu'il avait préalablement décrits, en décembre 2016] (pages 2 et 4 de sa déposition).
Il avait entendu dire, "dans le milieu", que le prévenu "g[é]r[ait] toujours le déménagement mais [était] caché derrière des représentants".
A______ l'avait menacé de mort, à deux reprises, au Brésil, la première fois en août 2017 et la seconde en octobre 2024.
C. Le 12 décembre suivant, le Ministère public a ordonné la perquisition de l'appartement du prévenu et le séquestre de tous les objets, appareils électroniques, documents et/ou valeurs s'y trouvant, au sens de l'art. 263 al. 1 let. a à e CPP.
Il a considéré, à l’appui de cette décision, qu’il se justifiait de rechercher, puis le cas échéant de mettre en sûretés, les éventuels moyens de preuve et/ou gains illicites, liés aux actes suivants reprochés à l’intéressé : (1) la poursuite, via des prête-noms, de la gestion d'"une entreprise de déménagement"; (2) les menaces proférées à l'encontre de O______; (3) les conditions de travail imposées à ce dernier au sein de C______ SARL.
D. a. Chargée de la fouille du logement, la police y a découvert de nombreux documents se rapportant, pour l'essentiel, aux entités "R______/S______" [raison individuelle] et T______ SARL, actives [dès avril 2024 pour la première, respectivement entre juin 2018 et novembre 2023 pour la seconde] dans le domaine du déménagement. Cette documentation a été saisie ainsi que deux téléphones et un ordinateur portables; d'autres objets/valeurs ont également été collectés. Ces biens ont été portés à plusieurs inventaires, signés par le prévenu.
La police a ensuite entendu A______ et S______ au sujet des entités/documents sus-évoqués.
b. Le 13 décembre 2024, A______ a été auditionné par le Ministère public, qui l'a prévenu, à titre complémentaire, des faits décrits aux points (1) et (2) ci-dessus (cf. lettre C.).
E. a. À l'appui de ses recours et écritures complémentaires, A______ invoque les principaux griefs suivants :
i. La déposition de O______ du 11 décembre 2024, sur laquelle reposait essentiellement l'ordonnance déférée, était inexploitable (art. 141 CPP), aux motifs qu'elle était intervenue sur initiative de la police, sans délégation du Ministère public, et qu'elle avait été menée hors sa présence, respectivement celle de son avocat, en violation de l'art. 147 CPP.
ii. Le mandat de perquisition du 12 décembre 2024 violait l'art. 197 al. 1 CPP, cela pour chacun des trois points qui y étaient listés.
Singulièrement, aucun élément du dossier n'étayait le soupçon selon lequel il poursuivrait une activité dans le domaine du déménagement sous le couvert de prête-noms. Les déclarations de M______ du 17 août 2022 étant antérieures de deux ans au mandat litigieux, elles ne pouvaient avoir motivé ce prononcé; la décision querellée n'en faisait d'ailleurs point mention. En tout état, ces déclarations n'étaient pas crédibles, d'une part, parce qu'elles contredisaient celles initialement faites par l'intéressé le 17 octobre 2016 et, d'autre part, car elles étaient intervenues après que ce dernier avait été licencié, soit alors qu'il avait des prétentions salariales "contre lui" [i.e. le recourant]. Ledit soupçon reposait donc exclusivement sur les affirmations, non exploitables à sa charge, de O______, lesquelles consistaient, du reste, en de simples ouï-dire.
iii. Le séquestre ordonné le 12 décembre 2024 était également illicite.
En effet, le Ministère public avait statué uno actu, c'est-à-dire au moyen d'une seule décision, combinant perquisition et séquestre; or, un tel procédé n’était pas admissible selon la jurisprudence [sans citation à cet appui]. Subsidiairement, les conditions de l’art. 263 CPP n'étaient pas réalisées, faute de soupçon laissant présumer les agissements énoncés dans le prononcé déféré.
iv. À cette aune, les preuves recueillies grâce à la perquisition et au séquestre litigieux, tous deux illicites, étaient inexploitables (art. 141 CPP), ce qu'il y avait lieu de constater.
Pour les mêmes raisons, les biens saisis dans son logement devaient lui être restitués.
b. À l'appui de ses observations et duplique, le Ministère public conclut au rejet du recours.
Les réquisits de l'art. 197 al. 1 CPP étaient réunis pour chacun des points listés dans son ordonnance. En particulier, les déclarations faites par M______ le 17 août 2022 permettaient d'inférer la poursuite, par le prévenu, d'une activité analogue à celle qui lui était déjà reprochée, mais à domicile et plus discrète encore. Les propos similaires tenus par O______ le 11 décembre 2024, qui étaient pleinement exploitables, avaient renforcé et actualisé ce soupçon.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 90 al. 2 cum 396 al. 1 CPP), par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).
1.2.1. Les conclusions formulées dans cet acte tendant au constat de l'illicéité des perquisition et séquestre ordonnés le 12 décembre 2024, respectivement à la restitution des biens saisis à cette date, sont dirigées contre la décision prononçant ces mesures de contrainte, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).
Le recourant, qui a subi lesdites mesures, a un intérêt juridiquement protégé à ce que leur caractère (in)fondé soit examiné (art. 382 CPP).
L'acte est donc recevable sur ces aspects.
1.2.2. Tel n'est en revanche pas le cas des griefs tirés de l'inexploitabilité de certaines pièces du dossier, au sens de l'art. 141 CPP.
En effet, les actes d’enquête consignés dans ces pièces ont été administrés, soit antérieurement à l'ordonnance déférée (O______ ayant été entendu par la police genevoise le 11 décembre 2024), soit postérieurement à l'exécution des perquisition et séquestre litigieux (le recourant visant précisément l'ensemble des preuves recueillies grâce à ceux-ci).
Il s'ensuit que ces actes ne se confondent pas avec l'ordonnance attaquée. Ils sont donc exorbitants à celle-ci.
À cette aune, lesdits griefs sont irrecevables, faute de décision préalable du Procureur rendue à leur sujet (art. 393 al. 1 let. a CPP).
2. Le recourant tient pour illicite le mandat de perquisition émis le 12 décembre 2024.
2.1. La perquisition (art. 244 CPP) se définit comme la recherche, en tout lieu clos, de moyens de preuve pouvant aider à la manifestation de la vérité (ACPR/155/2025 du 25 février 2025, consid. 2.4.1; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd. Bâle 2019 n. 8 ad art. 241).
Elle vise notamment à découvrir, dans le but de les mettre en sûreté (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1218), des objets susceptibles d'être séquestrés (cf. art. 244 al. 2 let. b CPP).
2.2. Cette mesure de contrainte ne peut être ordonnée qu'aux conditions posées par l'art. 197 al. 1 CPP, à savoir que : des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b); elle apparaît justifiée au regard de la gravité de cette infraction (let. d); les buts qu'elle poursuit ne peuvent être atteints par d'autres actes moins sévères (let. c).
L'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions se rapportant à des faits non encore établis (arrêt du Tribunal fédéral 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.1 [rendu en matière de séquestre]).
2.2.1. Le soupçon est suffisant (cf. art. 197 al. 1 let. b CPP) quand il existe, à teneur du dossier, des indices importants et concrets de la commission d’un acte pénalement répréhensible (ATF 150 IV 239 consid. 3.2 et 3.4).
2.2.2. Le principe de la proportionnalité (cf. art. 197 al. 1 let. c CPP) exige que la mesure soit susceptible de produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être obtenus par un moyen moins incisif (critère de la nécessité; arrêt du Tribunal fédéral 7B_253/2023 du 31 août 2023 consid. 4.2.1).
2.3. In casu, la perquisition du logement du prévenu tendait à recueillir des moyens de preuve relatifs à trois (potentiels) agissements imputés à ce dernier, parmi lesquels la poursuite d’une activité illicite dans le domaine du déménagement, via des prête-noms.
2.3.1. Il sied de déterminer s’il existait, le 12 décembre 2024, des soupçons suffisants laissant présumer un tel comportement (art. 197 al. 1 let. b CPP).
i. Le recourant s’est vu reprocher, dans ses mises en prévention initiales – au sujet desquelles il ne revient pas –, l'exercice d'une activité qui s'est inscrite dans la durée (soit l'engagement répété de travailleurs en situation administrative irrégulière, à des conditions abusives, notamment entre 2015 et mi-2017).
ii.a. Il a poursuivi une partie de cette activité après sa première libération, intervenue le 10 novembre 2016. Le fait de se savoir l'objet d'une procédure pénale n'a donc pas eu d’effet dissuasif sur lui.
ii.b. D’après l’enquête menée par la police, l’intéressé a, pour continuer cette même activité, changé de méthode de recrutement afin de déjouer la surveillance des agents. Il a ainsi démontré qu'il pouvait se comporter de manière occulte lorsque la situation l'imposait.
iii.a. Le plaignant M______ a fourni, lors de sa seconde audition, intervenue le 17 août 2022, des explications sur sa collaboration professionnelle avec le recourant.
Il en ressort que ce dernier pourrait avoir, postérieurement à l’année 2017, fin de la période pénale visée par ses mises en prévention initiales, persisté à exercer une activité délictueuse dans le domaine du déménagement, sous le couvert de prête-noms.
En effet, M______ a déclaré que le prévenu l’avait engagé, en 2018, au sein de N______ SARL – société qui était (officiellement) gérée par un tiers [i.e. l’épouse du recourant] –. Il a précisé avoir été l’unique employé fixe de "la boîte" jusqu’en octobre 2021, époque de son licenciement. Depuis lors, le prévenu "engage[ait] seulement des gens temporairement", qu’il "recrut[ait] (…) avec le bouche à oreille"; il leur donnait rendez-vous sur le parking situé derrière son domicile et les envoyait sur différents chantiers; il les rémunérait entre CHF 100.- et CHF 150.- par jour, en espèces.
iii.b. Ces déclarations sont, en l'état, crédibles, sous l’angle de la vraisemblance.
Ainsi, leur auteur a expliqué la raison, plausible, pour laquelle il avait modifié ses dires – entre sa première (17 octobre 2016) et sa deuxième (17 août 2022) auditions – quant à ses conditions de travail au sein de C______ SARL, à savoir qu’il était, en 2016, toujours employé par cette société et qu’il craignait de perdre sa place s’il disait "toute la vérité". Que l’intéressé ait pu être créancier de N______ SARL – et non du recourant – en été 2022 paraît, en l'état, impropre à remettre en cause cette justification.
À cela s’ajoute que la méthode de recrutement décrite par M______ s'apparente à celles préalablement mises en œuvre par le prévenu (cf. à cet égard lettre B.c.b ci-dessus). Quant à la quotité de la rémunération journalière allouée aux "gens temporairement" engagés, elle correspond, approximativement, au salaire que plusieurs travailleurs embauchés jusqu’à mi-2017 ont allégué avoir reçu (cf. lettre B.e.a supra).
iv. À cette aune, les déclarations de M______, conjuguées à l'attitude passée du prévenu (cf. à cet égard les points i. et ii. ci-avant), permettent de retenir l'existence d'indices suffisants de la poursuite, par ce dernier, d’une activité analogue à celle objet de ses mises en prévention initiales.
Ces soupçons étaient toujours d’actualité au début du mois de décembre 2024, aucun acte d'enquête n'étant venu les infirmer. L’on peut donc se dispenser d’examiner si la déposition de O______ effectuée le 11 du même mois renforçait, ou non, ceux-là.
Que le Ministère public ait fait référence, dans son mandat querellé, aux dires de O______ plutôt que de M______ n’est pas déterminant, seule l’existence de charges suffisantes à teneur du dossier étant relevante.
2.3.2. Les faits soupçonnés sont susceptibles de violer, à tout le moins, l’art. 157 CP, respectivement les dispositions pénales de la LEI et/ou de différentes lois en matière d'assurances sociales, soit des infractions suffisamment graves pour justifier la perquisition querellée (art. 197 al. 1 let. d CPP).
2.3.3. Cette dernière mesure était apte à obtenir des informations utiles quant auxdits faits, ceux-ci ayant été (possiblement) commis dans des lieux privés (i.e. le domicile du prévenu, voire le parking situé derrière son immeuble), non librement accessibles. Elle apparaissait, de plus, nécessaire à la manifestation de la vérité, la police semblant ne pas être parvenue à renseigner le Procureur sur le point (objet du mandat d’acte d’enquête du 30 juin 2022) de savoir si le recourant poursuivait ses activités dans le déménagement et, le cas échéant, avec quel personnel (art. 197 al. 1 let. c CPP).
2.3.4. Il s’ensuit que le Ministère public était fondé à ordonner la perquisition du logement du prévenu pour y recueillir de potentiels moyens de preuve relatifs au premier des trois agissements listés dans le mandat.
2.4. Dans ces circonstances, l'on peut se dispenser de statuer sur le caractère (in)admissible de cette mesure au regard des deux autres comportements retenus dans la décision querellée.
2.5. En conclusion, le recours doit être rejeté en tant qu'il porte sur ce premier aspect.
3. Le recourant conteste la licéité de l'ordonnance de séquestre du 12 décembre 2024.
3.1. L’art. 263 al. 1 CPP permet à l'autorité pénale de saisir provisoirement des biens/valeurs lorsqu'il est probable, soit qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (let. a) ou pour garantir le paiement de diverses sommes (frais de la procédure/peines pécuniaires/amendes/indemnités [let. b], respectivement créances compensatrices de l'État [let. e]), soit qu'ils devront être restitués au lésé (let. c) ou confisqués (let. d).
3.2.1. Le mandat de perquisition et la décision de séquestre doivent être différenciés (arrêt du Tribunal fédéral 1B_65/2014 du 22 août 2014 consid. 2.4).
Généralement, la perquisition précède le séquestre et ne peut être ordonnée dans le même acte; en effet, au moment où le ministère public ordonne celle-là, il ne sait la plupart du temps, ni exactement quels documents il trouvera, ni leur degré de pertinence pour son enquête (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2014.81 du 23 décembre 2014 consid. 3.2).
3.2.2. La Chambre de céans a été amenée à statuer, dans la présente affaire, sur un recours interjeté par C______ SARL contre une décision combinant la perquisition de ses locaux et le séquestre des objets/valeurs s'y trouvant (cf. lettre B.d supra). Elle a estimé que cette décision, malgré son libellé, ne constituait pas un séquestre (faute de remplir les conditions de l'art. 263 CPP, en particulier d'énoncer les biens/avoirs, respectivement le type de saisie, concernés), de sorte qu'elle a déclaré le recours irrecevable sur cet aspect (ACPR/62/2018 du 1er février 2018).
Saisi d'un recours contre cet arrêt, le Tribunal fédéral a jugé ce raisonnement critiquable (1B_132/2018), au motif que l'intitulé de la décision du Ministère public ("[o]rdonnance de perquisition et de séquestre [art. 263 ss, 241 ss CPP]"), associé à son contenu (dite ordonnance énumérant les motifs de saisie énoncés à l'art. 263 CPP), contredisaient l'appréciation effectuée par la cour cantonale. À cela s'ajoutait que le seul fait qu'un prononcé comportait des vices formels/matériels ne suffisait pas pour considérer qu'il ne serait pas sujet à recours (consid. 1.3). Il a relevé que si l'acte interjeté par la société précitée devant lui n'était pas devenu entretemps sans objet, cette société (qui querellait l'irrecevabilité constatée par la Chambre de céans) aurait vraisemblablement obtenu gain de cause (consid. 1.2 et 1.4), ce qui sous-entendait bien l'existence (valable) d'une décision de séquestre.
3.3.1. En l'espèce, l’autorité intimée a ordonné concomitamment, le 12 décembre 2024, la perquisition du domicile du prévenu et le séquestre de divers biens/valeurs s'y trouvant.
Il eût, certes, été préférable qu'elle rende deux prononcés distincts et successifs.
Cela étant, elle a énoncé, dans sa décision, les actes dont elle soupçonnait le prévenu, les éléments qu'il y avait lieu de rechercher et saisir au domicile concerné ainsi que les motifs fondant le séquestre, soit ceux énumérés à l'art. 263 al. 1 let. a à e CPP. Des inventaires de ce qui avait été collecté ont ensuite été dressés et signés par le prévenu.
Dans ces circonstances, l'on ne voit pas quelles dispositions du CPP elle aurait enfreintes : aucune d'elles n'interdit de faire figurer dans le même acte, pour autant d'en justifier les conditions, une décision de perquisition et une autre de séquestre.
Cette solution, pragmatique, n'affecte pas les droits du recourant, qui peut, en tout temps, solliciter la levée partielle/totale de la mesure. C'est du reste ce qu'il a fait en saisissant la Chambre de céans.
Il s’ensuit que le prononcé querellé ne saurait être qualifié d'illicite.
3.3.2. Le prévenu conteste la réalisation des réquisits de l'art. 263 CPP, se prévalant de l'absence de soupçon(s) laissant présumer une infraction.
Il a toutefois été jugé au considérant 2.3. ci-avant qu'il existait de tels soupçons (en lien avec le premier des trois agissements listés dans l'ordonnance entreprise).
Ce constat scelle le sort du grief.
3.3.3. Comme la mesure attaquée est justifiée, il n'y a pas lieu de restituer au prévenu l'ensemble des biens/valeurs séquestrés.
3.4. En conclusion, le recours se révèle infondé sur ce second aspect.
4. 4.1. À cette aune, le recourant, prévenu, succombe (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).
Il sera, en conséquence, condamné aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), étant rappelé que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_517/2022 du 22 novembre 2022 consid. 1.3.2).
4.2. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office du recourant, qui ne l’a du reste pas demandé.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juge; Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/297/2017 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'115.00 |
Total | CHF | 1'200.00 |