Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/896/2024 du 04.12.2024 sur OPMP/2549/2024 ( MP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6534/2024 ACPR/896/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 4 décembre 2024 |
Entre
A______ SA, ayant son siège ______ [GE], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière rendue le 12 mars 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 25 mars 2024, la société A______ SA recourt contre l'ordonnance du 12 précédent, notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte (chiffre 1 du dispositif) et déclaré B______ coupable d'infraction à la LEI (ch. 2) et l'a condamné à une amende de CHF 0.- pour tenir compte d'un jour de détention avant jugement.
La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du chiffre 1 de l'ordonnance querellée et à l'ouverture d'une instruction contre B______ pour violation de domicile.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 12 mars 2024, la police a interpellé B______, lequel se trouvait dans l'enceinte de la galerie C______.
b. Le même jour, A______ SA, représentée par D______, a déposé plainte pour violation de domicile, B______ faisant l'objet d'une interdiction de périmètre.
c. À teneur des pièces au dossier, B______ a reçu et signé, les 3 novembre 2023 et 10 janvier 2024, des notifications de défense d'entrer, lui interdisant "l'accès à tous les parkings listés au verso pour une durée de deux ans". Le parking de A______ fait partie de la liste, ainsi que la galerie C______.
d. Entendu par la police le 12 mars 2024, B______ a admis être en situation illégale en Suisse. Selon les documents, seul l'accès des parkings lui était interdit. Or, au moment de son interpellation, il se trouvait à l'entrée de la galerie, mais pas dans le parking.
e. Selon son casier judiciaire, B______ a été reconnu, les 3 novembre 2023 et 11 janvier 2024, coupable de violation de domicile notamment, pour avoir pénétré dans la galerie C______.
Le 29 mars 2024, il a également fait l'objet d'une ordonnance pénale, entrée en force, pour des faits identiques survenus le jour-même.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les interdictions notifiées à B______ concernaient uniquement l'accès aux parkings listés au verso du document. Or, le précité se trouvait non pas dans le parking de A______ mais dans la galerie.
D. a. Dans son recours, A______ SA confirme que les précédentes condamnations de B______ pour violation de domicile concernaient déjà la présence de l'intéressé dans la galerie C______.
b. Dans ses observations, le Ministère public soutient que le périmètre concerné par l'interdiction prononcée contre B______ n'était pas "clairement défini" et la liste au verso du document pouvait "prêter à confusion".
c. A______ SA n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Les faits nouveaux et les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. 2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
2.2. L'art. 186 CP, punit, sur plainte, quiconque, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.
2.3.1. L'auteur pénètre dans le domicile dès qu'il s'introduit dans l'espace protégé contre la volonté de l'ayant droit (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 31 ad art. 186).
2.3.2. La violation de domicile n'est punissable que si elle est commise intentionnellement. L'intention comprend la conscience du fait que l'on pénètre contre la volonté de l'ayant droit (ATF 90 IV 74 consid. 3). Le dol éventuel suffit (ATF 108 IV 33 consid. 5c) JdT 1983 IV 74 et A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 44 ad art. 186).
2.4. En l'espèce, le raisonnement du Ministère public ne résiste pas à l'examen.
Au moment de son interpellation, le mis en cause faisait l'objet de deux interdictions d'accès, valablement notifiées, qui mentionnaient distinctivement le parking de A______ et la galerie de C______. En outre, ses précédentes condamnations portaient également sur sa présence dans ladite galerie et non dans le parking.
Le périmètre prohibé était ainsi suffisamment précis et, surtout, bien connu du mis en cause. Il ne pouvait dès lors ignorer que sa présence sur les lieux lui était interdite. En outre, quelques jours après son arrestation, il a réitéré ses agissements, sans contester cette fois l'ordonnance pénale le déclarant coupable de violation de domicile pour des faits identiques.
Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que les éléments constitutifs de l'infraction visée à l'art. 186 CP sont réalisés.
3. Fondé, le recours sera dès lors admis.
Le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance querellée sera annulé et la cause retournée au Ministère public pour qu'il rende une ordonnance pénale contre le mis en cause ou le renvoie en jugement par-devant le Tribunal pénal (art. 397 al. 3 CPP).
4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).
5. Bien qu'obtenant en partie gain de cause, la recourante, qui agit en personne et ne chiffre ni ne justifie ses dépenses liées à la procédure, ne peut prétendre à des dépens (art. 433 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière du 12 mars 2024 et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède au sens des considérants.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES TOP |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).