Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/14796/2024

ACPR/829/2024 du 08.11.2024 sur OTDP/2286/2024 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;CAS BÉNIN;AMENDE;DÉTENTION PROVISOIRE;MALADIE MENTALE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14796/2024 ACPR/829/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 8 novembre 2024

 

Entre

 

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 9 octobre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 11 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 octobre précédent, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance susvisée, à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la désignation de son conseil comme défenseur d'office. Elle sollicite également l'assistance judiciaire pour le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______ a été interpellée le 9 décembre 2023 et placée en détention provisoire le surlendemain dans le cadre de la procédure P/1______/2023.

Elle y est prévenue de  vol (art. 139 CP), vol d'importance mineure commis à réitérées reprises (art. 139 cum 172ter CP), appropriation illégitime (art. 137 CP), violations de domicile commises à réitérées reprises (art. 186 CP), dommages à la propriété commis à réitérées reprises (art. 144 CP), injures (art. 177 CP), violence ou menace à l'encontre des autorités et des fonctionnaires (art. 285 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et infractions aux art. 11C al. 1 et 11D LPG (excès de bruit et souillure du domaine public), pour des faits perpétrés entre juillet et décembre 2023.

b. Elle bénéficie dans celle-ci d'une défense d'office, en la personne de Me B______ (cf. ordonnance de nomination d'avocat d'office du Ministère public du 16 novembre 2023).

c. L'expertise psychiatrique du 10 juin 2024 rendue dans ladite procédure conclut qu'elle présente un trouble modéré de la personnalité, une dépendance à l'alcool et une consommation nocive épisodique de cocaïne, nécessitant une prise en charge addictologique et psychiatrique sur le long terme.

d. Le 28 juin 2024, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la mise en liberté de A______ avec effet au moment de son accueil en institution adéquate.

e. Par ordonnance du 13 septembre 2024, le Ministère public a ordonné l'exécution anticipée d'une mesure de traitement institutionnel.

f. Le 8 octobre 2024, le Service de l'application des peines et mesures a ordonné le placement de l'intéressée à la Fondation C______, dès qu'une place serait disponible.

g. A______ fait également l'objet de onze ordonnances pénales, rendues à son encontre par le Service des contraventions les 4, 27, 30 octobre et 11 décembre 2023, la condamnant à des amendes pour infractions aux art. 11C al. 1, 11D et 11F LPG (excès de bruit, souillure du domaine public et refus d'obtempérer) ainsi qu'à l'art. 120 LEI (non renouvellement autorisation de séjour), commises entre août et octobre 2023.

h.a. Par pli du 6 mars 2024, le Service des contraventions a adressé à l'intéressée, à la prison de D______, une ordonnance pénale de conversion pour ces amendes impayées, d'un total de CHF 4'860.-, converties en 49 jours de peine privative de liberté de substitution.

h.b. À la suite du courrier de son conseil du 15 avril 2024, le Service des contraventions a, le 23 mai 2024, annulé cette ordonnance pénale, admis formellement l'opposition de la prévenue aux ordonnances pénales concernées, les a maintenues et a transmis la procédure au Tribunal de police.

h.c. Une audience a été fixée par le Tribunal de police le 20 novembre 2024 (P/14796/2024).

i. Par pli du 7 octobre 2024, Me B______ a sollicité sa nomination d'office pour la défense des intérêts de la prévenue, celle-ci étant sans ressources financières et détenue à D______, étant précisé qu'elle devrait prochainement intégrer la Fondation C______ sous l'égide d'une exécution anticipée de mesure [ce sera le cas à compter du 16 octobre 2024].

C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police relève que la prévenue était certes détenue, mais dans une autre cause. Elle ne se trouvait pas dans une configuration de défense obligatoire selon l'art. 130 CPP. La cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait justifiant le concours d'un avocat. Elle était de peu de gravité, la prévenue n'étant passible que d'une amende.

D. a. Dans son recours, A______ allègue la violation de l'art. 132 CPP. Les faits qui lui étaient reprochés dans la présente procédure s'inscrivaient dans le même contexte que ceux de la procédure en mains du Ministère public. Qu'il s'agisse de contraventions ne rendait pas sa défense plus aisée que dans la P/1______/2023, vu leur nombre. Elle se demandait par ailleurs pourquoi ces faits n'avaient pas été inclus dans la P/1______/2023, les infractions reprochées ayant été commises durant la même période et le même contexte, ce qui posait des questions de quotité de peine, de concours et de responsabilité pénale. Elle n'était pas en mesure de préparer efficacement seule sa défense et de comprendre quels étaient les faits reprochés dans le cadre de la présente procédure, cette situation entraînant une certaine confusion chez elle, au regard de ses troubles de santé et du fait qu'elle avait subi près de 10 mois de détention. Le Tribunal de police n'avait pas tenu compte de ce contexte particulier.

b. Dans ses observations, le Tribunal de police s'est référé à son ordonnance sans autres observations.

c. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Selon l'art. 132 CPP, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (al. 2). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3). 

Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention (arrêt 1B_494/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5). 

2.2. En l'espèce, la peine concrètement encourue par la recourante est une amende, de sorte que la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP, et peut être qualifiée de bagatelle.

En outre, l'examen des circonstances permet de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que la recourante ne serait pas en mesure de résoudre seule, s'agissant d'amendes infligées principalement pour excès de bruit et souillure du domaine public. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application pour l'intéressée. Quant à l'acte d'opposition, il n'avait pas besoin d'être motivé, de sorte qu'il ne nécessitait pas le concours d'un avocat.

Reste à examiner s'il existe d'autres motifs que ceux prévus à l'art. 132 al. 2 CPP qui justifieraient une défense d'office.

Ladite cause place la recourante dans une situation délicate. Cette dernière, qui a été détenue depuis près d'une année à D______, est poursuivie dans une autre procédure dans laquelle des infractions similaires à celles faisant l'objet de la présente cause lui sont également reprochées, de surcroît pour la même période pénale. Cette situation est effectivement de nature à semer la confusion dans son esprit, ce d'autant qu'à teneur de l'expertise psychiatrique rendue dans la procédure parallèle, elle souffre d'un trouble modéré de la personnalité, d'une dépendance à l'alcool et d'une consommation nocive épisodique de cocaïne, nécessitant une prise en charge addictologique et psychiatrique sur le long terme. Si l'absence de jonction des deux procédures n'est pas l'objet du présent recours, force est cependant de constater que la question de la responsabilité pénale de l'intéressée se pose également ici.

Au vu de ces circonstances particulières, il se justifie ainsi de mettre la prévenue au bénéfice d'une défense d'office, au jour du dépôt de sa demande.

La question de l'indigence, dans la mesure où elle n'est pas remise en cause par le Tribunal de police, n'a pas besoin d'être examinée, d'autant plus que la recourante bénéficie déjà d'une défense d'office dans la P/1______/2023.

3. Le recours est admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée. La défense d'office de la recourante sera admise à compter du 7 octobre 2024 et Me B______ sera désigné à cet effet.

4. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

5. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance du Tribunal de police du 9 octobre 2024.

Désigne Me B______ à la défense d'office de A______, avec effet au 7 octobre 2024.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Tribunal de police.

Communique le présent arrêt pour information au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).