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Décisions | Tribunal pénal

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P/21278/2021

JTCO/108/2025 du 26.08.2025 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.191
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

 

Chambre 12


26 août 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

Madame A______, partie plaignante, assistée de Me B______

contre

Monsieur C______, né le ______ 2000, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me D______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à la culpabilité de C______ du chef de viol, subsidiairement de tentative d'acte d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance sous la forme du délit impossible. Il conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de 28 mois, assortie du sursis partiel, la partie ferme devant être fixée à 6 mois et le délai d'épreuve à 3 ans. Il conclut à ce qu'il soit renoncé à la révocation du sursis antérieur, à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions civiles, à ce que la requête en indemnisation du prévenu soit rejetée et à ce que le prévenu soit condamné aux frais de la procédure.

Me B______, conseil de A______, conclut à la culpabilité de C______ du chef de viol, subsidiairement de tentative d'acte d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance sous la forme du délit impossible et à l'octroi de ses conclusions civiles telles que déposées.

Me D______, conseil de C______, conclut à l'acquittement de son mandant et à l'octroi de ses prétentions en indemnisation telles que déposées. Si par impossible un verdict de culpabilité devait être rendu, elle conclut au prononcé d'une peine compatible avec le sursis complet et à ce que le sursis antérieur ne soit pas révoqué.

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 9 juillet 2025, il est reproché à C______ de s'être rendu coupable de viol selon l'art. 190 al. 1 aCP pour avoir, dans la nuit du 28 au 29 août 2021, vraisemblablement aux alentours de 2h30, contraint A______, à tout le moins psychiquement, à subir une masturbation digitale et une pénétration vaginale avec son pénis contre le gré de cette dernière, en profitant de leurs liens amicaux, alors qu’elle feignait de dormir et avait bu quelques verres d'alcool, ce qui l’a plongée dans un état de choc et, étant encore mineure au moment des faits, laissée dans une situation qu’elle a perçu comme désespérée, la rendant incapable de s'opposer aux actes d'ordre sexuel précités.

b. Il lui est également reproché, subsidiairement, de s'être rendu coupable de tentative d'acte d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance ou de discernement au sens des art. 22 et 191 aCP sous la forme du délit impossible, pour avoir, dans les circonstances susmentionnées, commis les actes d'ordre sexuel précités, ceci en croyant à tort qu'A______ était endormie et qu'elle était dès lors incapable de discernement ou de résistance.

B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:

a. Il est établi et non contesté qu'A______ et C______ étaient des amis proches, de longue date, et qu'il était convenu que cette dernière passe la soirée puis dorme chez lui la nuit du 28 au 29 août 2021 (A-2, B-11, C-12, C-29, C-50). Comme à leur habitude, les parties ont discuté et consommé quelques verres de vodka sur la terrasse de C______, avant qu'A______ n'aille se coucher vers 2h30 du matin sur le lit que C______ avait préparé pour elle dans sa chambre (A-2, B-11, C-6, C-7). Quelques minutes plus tard, ce dernier l’a rejointe dans la chambre, avant de procéder aux actes d’ordre sexuel tels que décrits dans l’acte d’accusation, dont la commission, en tant que telle, n’est pas contestée.

b. Il est également établi et non contesté qu'A______ ne dormait pas au moment des faits. En revanche, demeure litigieuse la question de savoir si C______ pensait qu'elle dormait et en a profité. Dans la mesure où ces faits se sont déroulés à huis clos et où les déclarations des parties sont essentiellement contradictoires, il appartient au Tribunal d'apprécier leur crédibilité à la lumière de l'ensemble des éléments figurant au dossier.

c. A______ a déclaré, dès sa première audition de police (A-2 et ss), puis réitéré devant le Ministère public (C-6 et ss) et à l'audience de jugement que, la nuit des faits, alors qu’elle tentait de s'endormir sur un matelas au sol dans la chambre de C______, ce dernier était entré et lui avait parlé à voix basse: "A______, tu dors ? Pssst, A______, tu dors ?", puis avait ajouté: "Ah ben crois pas, mais je vais me branler sur toi" et "rêve même pas". Elle l'avait ensuite entendu se masturber, avant qu'il ne la rejoigne sur le matelas.

Couchée sur le côté gauche, elle était restée immobile, les yeux fermés. Si physiquement elle aurait pu se lever, elle se trouvait dans un tel état de sidération face à la situation qu’elle était "comme paralysée" (C-72). Elle n'avait pas pu bouger. C______ avait alors soulevé légèrement la couverture, caressé ses chevilles puis ses cuisses, avant de remonter vers sa zone génitale. Il avait écarté son sous-vêtement et introduit un doigt, puis un second, dans son vagin, durant deux à trois minutes. Il s’était ensuite repositionné derrière elle, avait effectué un va-et-vient sur son pénis, puis l’avait pénétrée vaginalement depuis l’arrière. L’acte avait duré environ trois minutes ; elle ignorait s’il avait éjaculé.

Après avoir terminé, il était sorti fumer une cigarette. A______ s’était levée, s’était rendue aux toilettes où elle avait uriné en pleurant. De retour dans la chambre, comme si de rien n'était, elle lui avait envoyé un message pour savoir où il se trouvait. Il lui avait proposé de le rejoindre, ce qu’elle avait décliné.

Elle avait quitté les lieux aux alentours de 4h00 du matin puis s’était rendue à Versoix. Le lendemain matin, elle lui avait finalement avoué par message, après avoir été relancée par celui-ci ("tu étais vraiment pressée de partir toi haha"), qu’elle n’avait jamais dormi, se souvenait de tout et qu’elle ne voulait plus avoir de contact avec lui. C______ avait répondu qu’il ne se souvenait de rien car il avait trop bu, puis avait écrit : "explique-moi car je commence vraiment à bader là", "et d'accord…si tu me dis ça c'est que j'ai dû faire un truc grave, mais je respecte ton choix totalement" avant de finalement lui demander si tout ce qui s'était passé la veille pouvait "rester entre [eux]". Elle ne lui avait pas répondu et l'avait directement bloqué (A-37).


 

Les déclarations d'A______ sont corroborées par les éléments suivants:

Tout d’abord, le récit d'A______ à son amie E______ le lendemain des faits, en pleurs, selon lequel elle avait été victime d'un "viol" par un ami (C-42 et ss), est sans équivoque. A______ a également relaté les évènements en ces termes et dans le même état émotionnel auprès de son demi-frère, F______ (C-27 et ss).

A cela s'ajoute les récits livrés par la plaignante le 30 août 2021, à la Dre G______ (B-21 et B-22), ainsi que le 31 août 2021 à H______, doyenne du Collège et École de culture générale L______, et I______, directrice du même établissement (A-101 et A-102), lesquels correspondent en tous points à ceux figurant dans sa plainte pénale.

Le témoignage de J______ (C-46 et ss), ancienne compagne du prévenu, est également significatif. Émue lors de son audition devant le Ministère public, expliquant qu’il s’agissait d’un moment "très compliqué" pour elle, J______ a relaté qu’un soir, alors que C______ dormait chez elle, elle s’était réveillée, allongée dos à lui, en le sentant la toucher et tenter de lui retirer son training, tout en se masturbant – ce que C______ a en substance confirmé (C-56). Elle s’était alors levée pour se rendre aux toilettes, avant de mettre un terme à leur relation une semaine plus tard.

d. C______ a, pour sa part, constamment varié dans ses déclarations.

Dans un premier temps, lors de son audition par la police (B-11 et ss), il a catégoriquement contesté les faits qui lui étaient reprochés, affirmant ne garder aucun souvenir de la nuit en question en raison d’un état d’alcoolisation avancé, tout en se disant "quasi certain de n’avoir rien fait". Les comportements reprochés lui paraissaient exclus, même sous l’emprise de l’alcool. Il n’avait aucune attirance pour la plaignante, ce qui était selon lui réciproque, et il n'avait pas compris pourquoi celle-ci lui avait écrit, le lendemain, qu’elle savait ce qu’il avait fait et qu’ils ne se parleraient plus.

Devant le Ministère public (C-3 et ss), il a changé de position, admettant les faits et présentant spontanément ses excuses. Il se souvenait d’une pénétration digitale, suivie d’une pénétration vaginale, tout en niant l’absence de consentement, soutenant qu’A______ n’avait eu aucune réaction ni geste de rejet, ne l’avait pas repoussé, ni dit "non". Elle n'avait pas non plus tenté de se dégager ou de murmurer quoi que ce soit. Pendant l’acte, rien ne lui permettait de dire qu’elle dormait, ni, inversement, qu’elle ne dormait pas, tout en précisant qu’il ne pensait pas qu’elle dormait. Il a tour à tour indiqué qu’il s’attendait à ce qu’il se passe quelque chose entre eux, avant de dire qu’il n’avait pas imaginé cela ce soir-là. Elle ne l’avait jamais attiré sexuellement et, s’il avait pu faire des allusions dans ce sens par le passé, c’était sur le ton de l’humour. Il ne considérait pas avoir commis un viol, dès lors qu’elle n’avait, selon lui, montré aucun signe de non-consentement (C-6 et C-76).

À l’audience de jugement, le prévenu a encore fait évoluer sa version, parlant pour la première fois d'une "étincelle" entre eux. Il a finalement soutenu qu'A______ avait participé au rapport sexuel, tout en restant silencieux lorsqu’il a été interrogé sur la manière dont cette participation se serait concrétisée. Il existait un petit jeu de séduction entre eux, affirmant avoir ressenti une attirance réciproque ce soir-là, avec un "petit truc en plus" par rapport à d’autres soirs. Elle ne dormait pas car elle n'avait pas eu le temps de s'endormir comme il était rentré 5 ou 10 minutes après elle dans la chambre. Pour la première fois également, il a indiqué qu’elle avait bougé la jambe gauche au moment de la pénétration, sans pouvoir expliquer pourquoi il n’avait jamais mentionné cet élément auparavant. Les souvenirs lui étaient revenus progressivement, et il avait affirmé le contraire à la police car il avait été choqué par les accusations portées contre lui.

e. Les faits sont globalement établis, et il n’est pas sérieusement contesté qu’ils se sont déroulés dans les grandes lignes telles que décrits dans l’acte d’accusation. Les déclarations d'A______ sont constantes, mesurées et parfaitement crédibles. Elle a rapporté de manière détaillée et spontanée le déroulement des faits, le comportement de C______ ainsi que ses ressentis et émotions. Ses déclarations ne sont d’ailleurs pas véritablement contredites par le prévenu.

Le prévenu, pour sa part, a passablement varié dans ses déclarations quant à ses souvenirs, sans contester de manière cohérente le déroulement des faits.

Il résulte également de la procédure que le prévenu a cherché à s’assurer que la plaignante dormait, en l’interpellant expressément à voix basse. Il a d’ailleurs reconnu que rien ne lui permettait de penser qu’elle ne dormait pas. Ses déclarations à l’audience, selon lesquelles elle n’aurait pas eu le temps de s’endormir, apparaissent contradictoires et ne seront dès lors pas retenues.

Par ailleurs, ses explications selon lesquelles ses souvenirs ne lui seraient revenus que bien plus tard ne convainquent pas. Les messages qu’il a adressés à A______ dès le lendemain matin le contredisent, en particulier sa demande que cela reste entre eux, preuve qu’il avait parfaitement conscience des actes commis. Il n’a exprimé qu’un étonnement très limité face aux reproches de la plaignante, se contentant d’un bref "de quoi ?" suivi de "explique-moi", avant de conclure aussitôt par: "d’accord, j’ai dû faire quelque chose de grave mais je respecte ton choix". Une telle attitude, particulièrement réservée face aux accusations d’une amie proche, est difficilement conciliable avec celle d’une personne réellement dans l’ignorance des faits, et trahit, au contraire, une pleine conscience des actes accomplis.

Il ne fait dès lors aucun doute que la plaignante n’a jamais consenti à un rapport sexuel, ce que le prévenu savait pertinemment. Aucun consentement ne pouvait être présumé, d’autant que les parties n’étaient pas en couple et ont toutes deux nié toute attirance réciproque.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal retient que les faits se sont déroulés tels que décrits par A______. Il est ainsi établi que le prévenu s’est adonné à un acte sexuel sur la plaignante alors que celle-ci cherchait à s’endormir, puis n’a pas réagi, feignant de dormir. Le Tribunal retient que le prévenu pensait qu’elle dormait et a sciemment profité de cette circonstance pour la pénétrer vaginalement, d’abord à l’aide de ses doigts, puis avec son pénis.

C. C______, de nationalité suisse, est né le ______ 2000, à Genève. Il est célibataire et sans enfant. Ses parents sont décédés en 2007 et 2009, de sorte qu'il a été placé en foyer en 2005 et vit chez ses grands-parents depuis 2013. Il ne travaille pas et perçoit de l'Hospice général un montant de CHF 1'800.- qui comprend son loyer et son assurance-maladie. Il a des dettes à hauteur de CHF 17'000.- correspondant à des arriérés d'assurance-maladie et des TPG.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse au 11 juillet 2025, C______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève le 20 avril 2020 à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- avec sursis ainsi qu'à une amende de CHF 500.- pour infraction à la LArm.

 

EN DROIT

Culpabilité

1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant pas être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (arrêt du Tribunal fédéral 7B_26/2023 du 28 août 2024 consid. 2.1.3 et les références citées).

2.1.1. Selon l'art. 190 al. 1 aCP dans sa teneur antérieure au 1er juillet 2024, le nouveau droit n'étant pas plus favorable (art. 2 CP), se rend coupable de viol celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.

Le viol suppose ainsi l'emploi d'un moyen de contrainte. Il peut s'agir de l'usage de la violence, mais aussi de l'exercice de "pressions psychiques" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_781/2024 du 25 mars 2025 consid. 2.1.2).

La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder. Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie. Selon le degré de résistance de la victime ou encore en raison de la surprise ou de l'effroi qu'elle ressent, un effort simplement inhabituel de l'auteur peut la contraindre à se soumettre contre son gré. Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà être suffisant le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_625/2024 du 12 décembre 2024 consid. 1.1.2 et les références citées).

En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence. Les pressions d'ordre psychique concernent les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets d'ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder. Ainsi, l'infériorité cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent – en particulier chez les enfants et les adolescents – induire une pression psychique extraordinaire et, partant, une soumission comparable à la contrainte physique, les rendant incapables de s'opposer à des atteintes sexuelles. La jurisprudence parle de "violence structurelle" pour désigner cette forme de contrainte d'ordre psychique commise par l'instrumentalisation de liens sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_449/2024 du 15 avril 2025 consid. 5.1 et les références citées).

Sur le plan subjectif, l'art. 190 aCP est une infraction intentionnelle, étant précisé que le dol éventuel suffit. Agit intentionnellement celui qui sait ou accepte l'éventualité que la victime ne soit pas consentante, qu'il exerce ou emploie un moyen de contrainte sur elle et qu'elle se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de cette contrainte. L'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur. S'agissant du viol, l'élément subjectif est réalisé lorsque la victime donne des signes évidents et déchiffrables de son opposition, reconnaissables pour l'auteur, tels des pleurs, des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre, de refuser des tentatives d'amadouement ou d'essayer de fuir (arrêt 6B_625/2024 précité consid. 1.1.2 et les références citées).

2.1.2. Aux termes de l'art. 191 aCP dans sa teneur antérieure au 1er juillet 2024, le nouveau droit n'étant pas plus favorable (art. 2 CP), celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Est incapable de résistance la personne qui n'est pas apte à s'opposer à des contacts sexuels non désirés. Cette disposition protège les personnes qui ne sont pas en mesure de former, exprimer ou exercer efficacement une volonté de s'opposer à des atteintes sexuelles. L'incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. La cause de cet état n'a pas d'importance. L'origine de l'incapacité peut être physique (victime impotente ou attachée) ou psychique (victime sous médicaments, drogues, hypnose, etc.). Il faut cependant que la victime soit totalement incapable de se défendre (arrêt du Tribunal fédéral 6B_543/2024 du 22 mai 2025 consid. 4.1 et les références citées). Une personne endormie est sans résistance au sens de la norme pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2023 du 10 juin 2024 consid. 2.1.3 et les références citées).

Sur le plan subjectif, l'art. 191 aCP requiert l'intention, étant précisé que le dol éventuel suffit. Agit intentionnellement celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel (arrêt 6B_543/2024 précité consid. 4.1 et les références citées).

2.1.3. A teneur de l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut. La tentative suppose toujours un comportement intentionnel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1101/2023 du 18 mars 2024 consid. 1.1.1 et les références citées)

Le délit impossible est une forme de tentative. Il y a délit impossible, lorsque l'auteur tente de commettre un crime ou un délit par un moyen ou contre un objet de nature telle que la perpétration de cette infraction est absolument impossible. Le délit impossible se caractérise par une erreur sur les faits en défaveur de l'auteur. Selon la représentation que se fait l'auteur, il réalise un élément constitutif. En réalité, son comportement est inoffensif. Est déterminant pour le caractère punissable de l'acte le fait que l'auteur agisse en pensant pouvoir réaliser l'infraction même si la perpétration de cette infraction était objectivement absolument impossible (arrêt 6B_1101/2023 précité consid. 1.1.1 et les références citées).

L’auteur n’est pas punissable si, par grave défaut d’intelligence, il ne s’est pas rendu compte que la consommation de l’infraction était absolument impossible en raison de la nature de l’objet visé ou du moyen utilisé (art. 22 al. 2 CP).

2.2. En l’espèce, le principe de légalité impose de rejeter l’accusation de viol au sens de l’art. 190 aCP, faute de démonstration d’un usage de violence physique, psychique, ou d’une mise hors d’état de résister. La violence ou la mise hors d'état de résister n'étant d'ailleurs pas visées par l'acte d'accusation, il reste à déterminer si le prévenu a fait usage de pressions d'ordre psychiques, comme cela lui est reproché. Il convient toutefois d'écarter cette hypothèse, dès lors que le prévenu est en effet directement passé à l’acte, sans exercer préalablement des pressions, proférer des menaces ou recourir à l'intimidation. On ne se trouve pas non plus dans une situation de violence structurelle. Quant à l’état de sidération allégué par la plaignante, celui-ci, bien qu’éventuellement avéré, n’était pas appréhendé par le droit en vigueur lors des faits, comme l’atteste la réforme législative intervenue postérieurement.

En revanche, entre en considération l’infraction d’acte d’ordre sexuel commis sur une personne que l’auteur croit incapable de résistance, sous l’angle du délit impossible au sens des art. 191 aCP et 22 al. 1 CP.

La plaignante n’était en effet pas réellement incapable de résister, mais le prévenu le pensait, et a agi intentionnellement en se fondant sur cette croyance, dans l’intention de tirer profit de l’absence supposée de réaction.

Ce type de configuration, punissable, sauf grave défaut d'intelligence, constitue une erreur sur les faits en défaveur de l’auteur, dite "erreur à l’envers", qui doit être appréciée selon la perception subjective du prévenu, soit sur ce qu'il savait et voulait.

Dès lors que le prévenu croyait la plaignante endormie et a décidé de se livrer sur elle à des actes sexuels dans cette situation précisément, il s'est ainsi intentionnellement rendu coupable d'infraction à l'art. 191 aCP, sous la forme du délit impossible.

Peine

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.2. La durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours; elle peut être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d'une peine pécuniaire ou d'une amende non payées. La durée de la peine privative de liberté est de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie (art. 40 CP).

3.1.3. L'art. 42 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1).

3.1.4. Le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (art. 43 CP).

3.1.5. Selon l'art. 44 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (al. 1).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu est grave. Il s'en est pris à l'intégrité sexuelle de sa victime.

Ses mobiles sont purement égoïstes, ayant agi dans le seul but de satisfaire ses envies sexuelles, sans le moindre égard pour l’autodétermination de sa victime.

Aucun élément de sa situation personnelle ne permet d’expliquer ou de relativiser son passage à l’acte ; les difficultés qu’il a rencontrées dans sa vie n’entretiennent aucun lien avec les faits.

Il sera toutefois tenu compte de son jeune âge au moment des faits.

Sa responsabilité pénale est pleine et entière, ce qui va de soi en l’absence d’élément permettant de remettre en cause cette présomption.

Il s'agit d'un évènement unique.

L'infraction est inachevée, dès lors qu'il s'agit d'un délit impossible, ce qui conduit à une atténuation de la peine.

La collaboration du prévenu peut être qualifiée de moyenne, dans la mesure où il a initialement nié les faits en alléguant une amnésie due à l’alcool, avant de finir par en reconnaître le déroulement général.

Une prise de conscience ne peut pas être retenue, dès lors qu'il continue de nier tout comportement fautif.

Le prévenu présente un antécédent non spécifique datant de plus de 5 ans, sans influence effective sur la peine.

Compte tenu de ce qui précède, seule une peine privative de liberté peut être prononcée. Le Tribunal fixera la quotité de la peine à 2 ans, quotité compatible avec le sursis complet, lequel sera octroyé au prévenu qui en réalise les conditions. La durée du délai d'épreuve sera fixée à 3 ans.

Le sursis antérieur ne sera pas révoqué.

Conclusions civiles

4.1.1. L'art. 126 al. 1 let. a CPP prévoit que le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

4.1.2. Aux termes de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. La plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41 ss CO. La partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_836/2023 du 18 mars 2024 consid. 4.2 et les références citées).

4.1.3. L'art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte mais dépend aussi du degré de la faute de l'auteur ainsi que de l'éventuelle faute concomitante de la victime. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (arrêt 6B_836/2023 précité consid. 4.3 et les références citées).

4.2. En l'espèce, la partie plaignante a conclu à l’allocation d’une indemnité pour tort moral d’un montant de CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 28 août 2021.

Le principe de cette indemnisation doit être pleinement admis, dès lors que les actes commis par le prévenu sont objectivement graves et ont provoqué chez la plaignante des souffrances physiques et psychiques importantes. Il ressort en effet du dossier, notamment de l'attestation de la Dre K______ du 12 mai 2022, que la plaignante a présenté les signes d’un trouble de stress post-traumatique (PTSD), incluant une grande irritabilité, des flashbacks, une méfiance généralisée, une anxiété accrue, des pensées envahissantes, un repli sur soi ainsi qu’une perte d’intérêt généralisée.

Ces éléments sont également corroborés par les propres déclarations de la plaignante qui a indiqué souffrir de crises d’angoisse, de troubles de la concentration, de moments intenses de tristesse, ainsi que de troubles alimentaires l’ayant conduite à une prise de poids d’environ 30 kg. Ces symptômes ont par ailleurs été objectivement constatés par son entourage, notamment par les témoins E______ et F______, qui ont décrit le repli de la plaignante sur elle-même.

Néanmoins, afin de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de la jurisprudence restrictive en la matière, le montant requis sera revu à la baisse.

C______ sera par conséquent condamné à verser à A______ la somme de CHF 7’000.- avec intérêts à 5% l’an dès le 29 août 2021, à titre de réparation du tort moral.

Indemnités et frais

5. Le défenseur d'office du prévenu sera indemnisé selon le détail figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).

6. Les conclusions en indemnisation du prévenu sur la base de l'art. 429 CPP seront en revanche rejetées, compte tenu de l'issue de la procédure.

7. Au vu du verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, lesquels s'élèvent à CHF 10'446.35, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare C______ coupable de délit impossible d'acte d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 22 cum 191 aCP).

Condamne C______ à une peine privative de liberté de 2 ans (art. 40 CP).

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 20 avril 2020 par le Ministère public du canton de Genève (art. 46 al. 2 CP).

Condamne C______ à payer à A______ un montant de CHF 7'000.‑, avec intérêts à 5% dès le 29 août 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).

Déboute A______ de ses conclusions civiles pour le surplus.

Rejette les conclusions en indemnisation de C______ (art. 429 CPP).

Condamne C______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 10'446.35, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 14'793.20 l'indemnité de procédure due à Me D______, défenseur d'office de C______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).


 

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 10 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Séverine CLAUDET

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

Vu le jugement du 26 août 2025 ;

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu le 29 août 2025 entraînant la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP) ;

Considérant que selon l'art. 10 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale prévoyant, dans un tel cas, que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé ;

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge du prévenu un émolument complémentaire;

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 3'000.-.

Condamne C______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 3'000.-.

La Greffière

Séverine CLAUDET

 

Le Président

Antoine HAMDAN

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

8'674.35

Convocations devant le Tribunal

CHF

180.00

Frais postaux (convocation)

CHF

42.00

Emolument de jugement

CHF

1500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

10'446.35

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

3'000.00

==========

Total des frais

CHF

13'446.35

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

C______

Avocate :  

D______

Etat de frais reçu le :  

18 août 2025

 

Indemnité :

CHF

12'025.00

Forfait 10 % :

CHF

1'202.50

Déplacements :

CHF

475.00

Sous-total :

CHF

13'702.50

TVA :

CHF

1'090.70

Débours :

CHF

Total :

CHF

14'793.20

Observations :

- 26h50 à CHF 150.00/h = CHF 4'025.–.
- 2h à CHF 150.00/h = CHF 300.–.
- 11h20 à CHF 200.00/h = CHF 2'266.65.
- 21h40 à CHF 200.00/h = CHF 4'333.35.
- 5h30 Audience jugement à CHF 200.00/h = CHF 1'100.–.

- Total : CHF 12'025.– + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art. 16 al. 2 RAJ) = CHF 13'227.50

- 1 déplacement A/R à CHF 100.– = CHF 100.–
- 5 déplacements A/R à CHF 75.– = CHF 375.–

- TVA 7.7 % CHF 369.80

- TVA 8.1 % CHF 720.90