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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4123/2018

ATAS/939/2019 du 16.10.2019 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4123/2018 ATAS/939/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 octobre 2019

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jacques-André SCHNEIDER

 

 

recourant

 

contre

LA MOBILIÈRE SUISSE, SOCIÉTÉ D'ASSURANCES, sise Bundesgasse 35, BERN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe GRUMBACH

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé) a été engagé en 1993 par la société B______ SA en qualité de directeur, au bénéfice d'une signature collective à deux (cf. extrait du Registre du commerce). Il était à ce titre assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par l'assurance obligatoire selon la LAA souscrite par son employeur auprès de la MOBILIERE SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES SA (ci-après la MOBILIERE), police n° G-1460-1896, entrée en vigueur le 1er janvier 2018.

2.        Par courrier du 5 juillet 2017 adressé au Président du conseil d'administration de B______ SA, l'intéressé a démissionné de son poste de directeur de la société pour le 31 janvier 2018 et ses pouvoirs ont été radiés le 11 décembre 2017, selon publication dans la FOSC du 8 février 2018.

3.        Le 7 mars 2018, l'intéressé a annoncé à la MOBILIERE un accident de ski de fond survenu le 4 mars 2018. Il s'était informé le 5 mars auprès du responsable de l'administration de la société B______ SA sur une éventuelle couverture transitoire ; ce dernier lui a répondu que le délai transitoire étant d'un mois, il n'était plus couvert. N'ayant pas été informé du délai transitoire ni de la possibilité de continuer d'être assuré contre les accidents non professionnels pour une durée de 180 jours au plus, l'intéressé a demandé à la MOBILIERE de lui soumettre une proposition pour 180 jours et de lui faire parvenir les documents pour la déclaration d'accident.

4.        En parallèle, l'intéressé s'est adressé à son assurance INTRAS-CSS (ci-après la CSS) qui a mis en place une couverture accidents avec effet dès le 4 mars 2018 et enregistré le sinistre.

5.        Par courriel du 13 mars 2018, la MOBILIERE a informé l'intéressé qu'elle ne pouvait pas entrer en matière pour l'accident du 4 mars 2018. Il aurait dû faire la demande pour une assurance par convention dans le délai de 31 jours, ce qui n'a pas été fait.

6.        Interpellée par la MOBILIERE sur la manière dont elle avait répondu à son devoir d'information, B______ SA a indiqué que l'intéressé avait été directeur de la société de 1993 à janvier 2018. En cette qualité, il avait signé à plusieurs reprises et encore il y avait moins d'un an des lettres de résiliation de contrats de travail de l'un ou l'autre de leurs collaborateurs où il était clairement mentionné les droits des collaborateurs après résiliation. Il ne pouvait dès lors, de bonne foi, ignorer la possibilité de prolonger l'assurance-accidents par convention. La société a joint copie d'une lettre de résiliation du 23 mai 2017, signée par l'intéressé.

7.        Plusieurs courriers ont été échangés entre le mandataire de l'intéressé et la MOBILIERE. L'intéressé alléguait que puisqu'il n'avait pas été dûment informé individuellement en janvier par son employeur, la MOBILIERE devait entrer en matière. En cas de refus, il exigeait une décision formelle avec indication des voies de recours.

8.        Par décision du 31 août 2018, la MOBILIERE a refusé d'entrer en matière sur l'accident du 4 mars 2018 dont les suites ont été prises en charge, à juste titre, par la caisse maladie de l'intéressé. En sa qualité de directeur de la société durant 25 ans, l'intéressé avait signé à plusieurs reprises des lettres de résiliation de contrat de travail, dans lesquelles les droits du travailleur après résiliation étaient clairement mentionnés. Il ne pouvait dès lors pas ignorer la possibilité de prolonger l'assurance-accidents par convention. De plus, l'employeur a indiqué que l'intéressé avait téléphoné le 5 mars 2018 pour demander s'il était encore couvert, car il ne savait pas si le délai pour la période transitoire était de 30 jours ou de 3 mois, ce qui prouve qu'il était au courant de la possibilité de prolonger la couverture accident, mais qu'il en ignorait le délai, détail qui l'a préoccupé seulement au moment de l'accident. Enfin, il ressortait de la déclaration d'accident de la CSS qu'au moment de l'accident, l'intéressé était partiellement indépendant et partiellement rentier. Au vu du changement professionnel important et de son statut d'ancien directeur d'entreprise, l'intéressé avait certainement examiné sa situation d'assurance et de prévoyance.

9.        Par courrier du 4 septembre 2018, complété par écriture du 1er octobre 2018, l'intéressé a formé opposition. Il relève en premier lieu que son contrat de travail du 1er juin 2014 ne contient aucune clause relative à la possibilité de prolonger l'assurance-accidents par convention spéciale avant la fin des rapports de travail. D'autre part, contrairement à l'argumentation de la MOBILIERE, la gestion administrative de la société, en particulier celle des ressources humaines, ne relevait pas de sa compétence ; s'il était parfois amené à contresigner des courriers de licenciement, il ne les rédigeait pas et n'était pas chargé de leur suivi, notamment en ce qui concerne les modalités relatives à la couverture accident. Il n'a jamais été confronté à une situation de non-couverture LAA durant sa carrière, à la suite de la fin de son contrat de travail. Il se réfère au courriel du 19 janvier 2018 que lui a adressé Monsieur C______, en charge des ressources humaines de la société, récapitulant diverses démarches à effectuer en vue de son départ fin janvier ; il n'est pas fait mention de la possibilité de prolonger de six mois au plus l'assurance-accidents par convention spéciale. Il conclut à l'annulation de la décision, à la conclusion d'une couverture prolongée obligatoire et complémentaire LAA à compter du 4 mars 2018 et au remboursement des prestations des frais de traitement et au versement des indemnités journalières LAA et LCA dues.

10.    Par décision du 22 octobre 2018, la MOBILIERE a rejeté l'opposition de l'intéressé, motif pris que l'accident étant survenu le 4 mars 2018, l'intéressé n'était plus couvert par la police de son employeur ; en effet, le délai de 31 jours était échu le 3 mars 2018 et il n'avait pas conclu une convention individuelle de prolongation de l'assurance contre les accidents non professionnels avant la fin du rapport d'assurance. La MOBILIERE considère en substance avoir pleinement satisfait à son obligation d'information envers B______ SA, en envoyant à la société - conjointement à la police le 21 décembre 2017 -, le mémento d'informations pour employeurs et collaborateurs. Concernant le grief de défaut d'information de la part de l'employeur, la MOBILIERE considère que l'intéressé était suffisamment informé du fait notamment de sa position dans la société, de sorte que l'on ne peut reprocher à cette dernière aucune violation de son devoir d'information. Il ne saurait se prévaloir de la protection de la bonne foi, dès lors qu'il était suffisamment informé de la possibilité de souscrire une assurance par convention. A supposer que l'on retienne une omission d'information à charge de B______ SA, se poserait alors la question du lien de causalité entre l'omission d'information et le défaut de prolongation de l'assurance par convention spéciale, ce qui suppose de déterminer comment l'intéressé se serait hypothétiquement comporté s'il avait été correctement renseigné.

11.    Par acte du 22 novembre 2018, Monsieur A______ (ci-après : le recourant), représenté par son mandataire, a interjeté recours, concluant principalement à l'admission du recours, à l'annulation de la décision de la MOBILIERE (ci-après l'intimée), à la conclusion d'une couverture prolongée obligatoire LAA dès le 4 mars 2018 et à la condamnation de l'intimée au remboursement des prestations dues. Le recourant allègue en substance que son contrat de travail du 1er juin 2014 ne prévoyait aucune clause relative à la possibilité de prolonger l'assurance-accidents par convention spéciale avant la fin des rapports de travail. Quant à son activité au sein de la société, elle consistait à diriger et superviser les activités de gestion TIPP et de gestion obligatoire de la société, la gestion des produits à cliquets et la supervision de l'activité de recherche, la participation à la stratégie et au développement des affaires de B______ SA. La gestion administrative de la société, notamment la gestion des ressources humaines, relevait de la compétence de M. C______. De par son statut au sein de la société, il était certes amené parfois à contresigner des courriers de licenciement, soit quatre, voire cinq lettres en vingt-cinq ans de carrière ; toutefois, il ne les rédigeait pas et n'était pas chargé de leur suivi, notamment en ce qui concerne les modalités relatives à la couverture accident. Le recourant rappelle qu'il avait résilié son contrat de travail chez B______ SA pour le 31 janvier 2018 par courrier du 5 juillet 2017. Il a assisté pour la dernière fois à une réunion de direction le 25 septembre 2018. La clientèle et les employés de la société ont été informés par courriel du 16 novembre 2017 du départ du recourant et du fait qu'il allait accompagner la société comme consultant durant les prochains mois, dans le cadre d'un partenariat stratégique adopté par les actionnaires, ce qui, en définitive, n'a pas été le cas, l'offre qu'il avait émise n'ayant pas été acceptée par la société. A sa demande, une réunion s'est tenue le 16 janvier avec M. C______, afin de régler les différents points administratifs liés à son départ, points qui ont été récapitulés par un courriel du 19 janvier 2018 de M. C______. Aucune information ne lui a été cependant donnée sur la possibilité de prolonger de six mois au plus l'assurance-accident par convention spéciale. Immédiatement après son accident, le recourant a contacté M. D______, responsable de l'administration et de la comptabilité de la société, car il lui semblait qu'il demeurait couvert, de façon temporaire, à l'assurance-accidents de la société. Par courriel du 5 mars 2018, M. D______ l'a informé, après s'être renseigné auprès du conseil de la société en matière d'assurance, qu'il n'était plus couvert pour les accidents. Le recourant a alors informé la MOBILIERE de son accident. Il a subi une incapacité de travail du 4 mars au 24 avril 2018 à 100%, puis à 70% du 24 avril au 5 juin 2018 et, enfin, à 20% du 6 juin au 27 juillet 2018. Le recourant rappelle que le devoir d'information de l'employeur porte non seulement sur la possibilité de contracter une couverture d'indemnités journalières à titre individuel, mais aussi sur le délai dans lequel la demande doit être effectuée. Or, la MOBILIERE admet qu'il ignorait quel était le délai d'échéance de la période transitoire à l'issue duquel la prolongation devait être faite par convention. Au surplus, elle ne parvient pas à démontrer que l'employeur lui a bien remis le mémento d'information et la police d'assurance. Partant, il incombe à l'assureur de supporter les conséquences du défaut d'information de l'employeur.

Subsidiairement, le recourant soutient qu'il était en incapacité de travail pour cause de maladie le 21 décembre 2017, date à laquelle le mémento a été transmis à la société, qu'il n'était par ailleurs plus membre du conseil d'administration depuis le 28 octobre 2017, de sorte qu'il n'avait plus accès aux différents documents contractuels de la société, tels que la nouvelle police d'assurance. C'est à tort que la MOBILIERE a retenu qu'il devait connaître dans quel délai l'assurance LAA devait être prolongée par convention.

Pour le surplus, le recourant ne peut chiffrer de façon précise le montant total des frais médicaux à sa charge résultant de l'accident du 4 mars 2018. Concernant les indemnités journalières, compte tenu de son salaire assuré et d'une indemnité de CHF 406.- par jour, elles peuvent être estimées à CHF 27'543.04.

12.    Par réponse du 17 janvier 2019, la MOBILIERE (ci-après l'intimée) a conclu au rejet du recours, motif pris que le recourant était informé de son doit de prolonger l'assurance-accidents. En effet, en sa qualité de membre fondateur de la société, de directeur et de membre du conseil d'administration jusqu'à fin janvier 2018, il avait tout le loisir de consulter la police d'assurance ainsi que le mémento d'information y relatif, documents envoyés à la société le 21 décembre 2017, ce qu'il n'a pas fait. L'intimée relève que le recourant a signé plusieurs fois, en sa qualité de directeur, des lettres de résiliation, de sorte qu'il ne peut, de bonne foi, ignorer la possibilité de prolonger l'assurance-accidents par convention. Il avait démissionné le 5 juillet 2017, démission qu'il a confirmée par simple courriel le 16 janvier 2018, de sorte qu'il n'a pas reçu de courrier de licenciement de la société, cette dernière étant partie du principe qu'il disposait des informations utiles. Les conditions d'une omission d'information à charge de l'employeur ne peuvent être retenues, de même que les conditions en lien avec la protection de la bonne foi. Si, par impossible, une omission d'information devait être retenue, il convient alors de constater que le lien de causalité entre ladite omission et le défaut de prolongation de l'assurance par convention spéciale fait défaut. Le recourant a réorganisé sa vie professionnelle pour devenir un rentier et un indépendant, ainsi qu'il ressort de sa déclaration d'accident. De par ses très nombreuses activités, il n'aura pas manqué de s'informer de sa situation sous l'angle des assurances. Il savait pertinemment que sa couverture d'assurance-accidents allait prendre fin, mais il n'a entrepris aucune démarche pour prévoir une nouvelle couverture ou une prolongation de la couverture existante. Selon l'intimée, le recourant a fait le choix de se passer d'une couverture d'assurance.

13.    Par réplique du 14 mars 2019, le recourant persiste dans l'intégralité de ses conclusions. Il sollicite préalablement l'appel en cause de son assureur maladie et la production de toutes les factures réglées suite à son accident et demande à l'intimée de produire son calcul du montant des indemnités LAA dues pour sa période d'incapacité de travail résultant de l'accident du 4 mars 2018. Il précise que le mémento d'assurance ainsi que le mémento n'ont pas été adressés à la société, mais à E______ Prévoyance SA, sa conseillère en matière d'assurance. Quant à ses pouvoirs d'administrateur, ils ont été radiés le 4 décembre 2017. L'intimée n'apporte pas la preuve d'avoir transmis à la direction de la société dans son ensemble sa nouvelle police d'assurance LAA. L'employeur n'ayant pas informé le recourant, l'intimée doit en supporter les conséquences.

14.    Dans sa duplique du 25 avril 2019, l'intimée persiste dans son argumentation. Le recourant n'était pas un employé ordinaire, mais matériellement son propre employeur et il connaissait la possibilité de souscrire une assurance par convention. Les conditions d'une omission d'information à charge de l'employeur ne sont pas remplies, ni celles relatives à la protection de la bonne foi.

15.    Par écriture spontanée du 13 juin 2019, le recourant rappelle qu'il n'a jamais été informé de l'envoi de la MOBILIERE du 27 décembre 2017 qui a été adressé à E______ Prévoyance SA. En arrêt-maladie du 11 au 31 décembre 2017, il est retourné au travail le lundi 8 janvier 2018 seulement. N'étant plus administrateur et directeur démissionnaire, il a consacré son temps au transfert des activités dont il avait la responsabilité, ce qui n'incluait pas les ressources humaines. La dernière séance de direction à laquelle il a participé était celle du 25 septembre 2017. Il était actionnaire minoritaire de la société (24,75% avant l'augmentation du capital décidée le 28 septembre 2017 et 16,3% après) ; en tant que co-fondateur de la société, dès sa démission il n'exerçait plus de pouvoirs effectifs. Pour le surplus, les rapports de travail et d'assurance sont juridiquement totalement distincts de la qualité d'administrateur d'une société anonyme, de sorte que l'allégation de l'intimée selon laquelle il était son propre employeur tombe à faux. Le recourant persiste dans ses conclusions.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans le délai légal de trente jours dès la notification de la décision sur opposition, le présent recours est recevable (cf. art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA).

3.        L'objet du litige porte sur la question de savoir si le recourant peut se prévaloir d'une omission de l'obligation d'informer de son employeur quant à la possibilité de conclure une assurance par convention, opposable à l'intimée et, partant, de l'obligation de prester de cette dernière.

4.        A teneur de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

L'art. 3 al. 2 LAA, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2017 applicable au cas d'espèce, dispose que l'assurance cesse de produire ses effets à la fin du 31ème jour qui suit le jour où prend fin le droit au semi-salaire au moins. L'assureur doit offrir à l'assuré la possibilité de prolonger de six mois au plus l'assurance par convention spéciale (art. 3 al. 3 LAA).

L'art. 8 OLAA précise que les conventions individuelles ou collectives sur la prolongation de l'assurance contre les accidents non professionnels doivent être conclues avant l'expiration du rapport d'assurance.

5.        En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a démissionné avec effet au 31 janvier 2018 et qu'il n'a pas conclu de prolongation d'assurance par convention spéciale avant l'expiration du rapport d'assurance le 3 mars 2018. Il s'ensuit que la couverture accidents du recourant a cessé de produire ses effets au plus tard le 3 mars 2018, soit le 31ème jour après la cessation des rapports de service conformément à l'art. 3 al. 2 LAA.

Le recourant invoque cependant n'avoir pas été informé par son employeur de la possibilité de prolonger l'assurance par convention spéciale, ni dans quel délai il devait le faire.

6.        L'art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l'égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2).

L'alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais par exemple de brochures d'informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l'alinéa 2 prévoit l'obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu'il peut conduire à l'obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi (voir à ce propos la Journée AIM, « Premiers problèmes d'application de la LPGA », intervention de Monsieur le Juge fédéral Ulrich MEYER, le 7 mai 2004 à Lausanne).

Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3).

Il s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration.

7.        En matière d'assurance accidents, l'art. 72 de l'Ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA, RS 832.202), en sa nouvelle teneur selon le ch. I de l'O du 9 novembre 2016, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, dispose que les assureurs veillent à ce que les employeurs et les services compétents de l'assurance-chômage soient suffisamment informés de la pratique de l'assurance-accidents (al. 1). Les employeurs et les services compétents de l'assurance-chômage sont tenus de transmettre les informations à leur personnel, en particulier celle relative à la possibilité de conclure une assurance par convention (al. 2).

Dans le domaine particulier de l'assurance en faveur du personnel au sens des art. 331 ss CO, qui comprend la conclusion d'une assurance-accidents, l'art. 331 al. 4 CO prescrit à l'employeur de donner au travailleur les renseignements nécessaires sur ses droits. Cette disposition ne définit pas la forme que doit revêtir cette information. Elle peut intervenir oralement pour autant que l'information soit suffisamment précise et compréhensible (JAR 1997, p. 142 c. 2.4). Selon la doctrine et la jurisprudence, elle doit comprendre le droit de passer dans l'assurance individuelle (BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, 3ème éd., 2004, n.8 ad art. 331 CO, p. 192; cf. ég. Ullin STREIFF/Adrian VON KAENEL, in Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, no 10 ad art. 331 CO ; arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève du 27 octobre 2005, JAR 2006, p. 461, c. 24-26 et les références). A cet égard, l'information doit également porter sur le délai dans lequel l'employé doit accomplir les démarches pour ne pas prétériter ses droits (ATF 143 V 341 consid. 5.3.1 ; arrêt 4A_186/2010 du 10 juin 2010, consid. 3).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l'autorité (en l'espèce l'assureur) à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 480). D'après la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s. et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 481). 

Par conséquent, en cas de violation de l'obligation d'informer de l'employeur, la protection de la bonne foi de l'assuré impose que l'assureur prenne en charge les accidents non professionnels survenus durant la période de prolongation de la couverture d'assurance (ATF 121 V 34 consid. 2c).

Dans cette mesure, la responsabilité de l'intimée pourrait être engagée, pour autant que l'employeur du recourant ait effectivement failli à son devoir d'information.

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d).

9.        En l'espèce, le recourant soutient dans un premier argument que son employeur ne lui a donné aucun renseignement quant à la couverture d'assurance-accidents - il ne connaissait même pas le nom du nouvel assureur - ni quant à la possibilité de conclure une convention spéciale pour prolonger l'assurance, pas plus que le délai dans lequel il devait agir.

La Chambre de céans constate que l'art. 8 du contrat de travail du 1er juin 2014 liant le recourant à son ancien employeur prévoit que l'employé est assuré contre les risques d'accidents professionnels et non professionnels ainsi que contre la perte de gain en cas de maladie et accidents. Il n'est toutefois pas précisé auprès de quel assureur le recourant est assuré. Le contrat est également muet quant à la possibilité et aux modalités de prolonger l'assurance après la résiliation des rapports de travail.

Le recourant avait manifesté son souhait de démissionner de son poste de directeur le 2 juin 2017 déjà puis, par courrier recommandé du 5 juillet 2017, il a confirmé sa démission de son poste de directeur avec effet au 31 janvier 2018, et indiqué qu'il ne souhaitait pas renouveler son mandat d'administrateur. Par courriel du 14 janvier 2018, le recourant a sollicité une réunion afin de régler les différents aspects administratifs liés à la fin des relations de travail, notamment la question du solde de ses vacances. Il appert qu'hormis les questions relatives à la transmission des fichiers, de la restitution du véhicule de fonction ainsi que des clés du véhicule et du bureau, il n'a pas été évoqué la question de la prolongation de la couverture d'assurance, ni a fortiori du délai dans lequel il devait accomplir la démarche (cf. courriel de l'employeur du 19 janvier 2018, pièce n° 14 chargé recourant). L'employeur ne le prétend d'ailleurs pas. Le responsable des ressources humaines de la société ne savait pas non plus dans quel délai il fallait conclure une convention spéciale ; en effet, il n'a pas été en mesure de répondre immédiatement aux questions du recourant et a dû s'informer auprès du courtier en assurances de la société (cf. pièce n° 16 chargé recourant).

Par conséquent, force est de constater que l'employeur n'a pas informé explicitement le recourant de la possibilité de prolonger la couverture d'assurance par convention spéciale, ni du délai dans lequel il devait le faire, violant ainsi les articles 3 al. 3 LAA et 72 al. 2 OLAA.

10.    L'intimée soutient cependant que nonobstant le défaut d'information de l'employeur, le recourant était parfaitement au courant, dès lors qu'elle avait communiqué à l'employeur, par courrier du 21 décembre 2017, la police d'assurance ainsi qu'un mémento d'informations pour employeurs et collaborateurs. Par conséquent, en sa qualité de directeur et membre du conseil d'administration de la société, le recourant était l'un des destinataires de son courrier et il avait donc tout loisir de consulter la police d'assurance et le mémento y relatif, ce qu'il n'a pas fait, contrairement à la diligence que l'on est en droit d'attendre d'un directeur et/ou membre du conseil d'administration.

La Chambre de céans relève en premier lieu que l'intimée a adressé la police d'assurance et le mémento non pas à l'employeur directement, mais à la société E______ Prévoyance SA, à Gland, conseiller en assurances de l'employeur. Interpellé par l'intimée quant à la façon dont il a donné des informations, l'employeur n'a pas contesté n'avoir pas communiqué au recourant les renseignements et modalités relatifs à la prolongation de la couverture d'assurance. Il appert par ailleurs que l'employeur lui-même ne semblait pas au fait des choses ; en effet, la personne en charge des ressources humaines ne connaissait pas le délai pour prolonger la couverture d'assurance par convention spéciale et elle a dû se renseigner auprès de son conseiller en assurances. Enfin, contrairement aux allégués de l'intimée, le recourant n'était plus administrateur de la société et ses pouvoirs ont été radiés le 28 octobre 2017 (cf. publication FOSC, pièce n° 34 chargé recourant). Quant à son poste de directeur, il convient de relever que le recourant n'était pas en charge de la gestion des ressources humaines de l'entreprise.

Quoi qu'il en soit, contrairement à ce que l'intimée soutient, il n'est pas établi que le recourant ait pris connaissance des documents précités, que ce soit par le biais de l'intimée, de l'employeur ou du conseiller en assurances.

11.    Dans un autre argument, l'intimée, se référant à la réponse de l'employeur, allègue que le recourant avait signé des courriers de licenciement, notamment le 23 mai 2017, dans lequel il est expressément indiqué à l'attention de l'employée la possibilité de prolonger la couverture du risque accidents dans les 30 jours après la fin du contrat de travail.

Le recourant a, certes, co-signé ce courrier. Il allègue toutefois qu'il ne l'avait cependant pas rédigé, ce qui paraît plausible, dès lors qu'il n'était pas en charge des ressources humaines. De plus, de tels courriers n'étaient pas fréquents. On ne saurait par ailleurs lui reprocher un manque d'attention quant au délai de prolongation, dès lors que l'employeur lui-même, singulièrement le responsable des ressources humaines, ne se rappelait pas non plus quel était ce délai et qu'il a dû se tourner vers le conseiller en assurances pour le connaître et répondre à la question du recourant.

L'argument avancé encore par l'intimée selon lequel le recourant était son propre employeur tombe à faux. Outre le fait que le recourant n'était pas actionnaire unique, ni même majoritaire, il était incontestablement employé salarié de la société anonyme, au bénéfice d'un contrat de travail. Le fait qu'il était directeur n'y change rien. Comme tout salarié de l'entreprise, suite à sa démission, il devait être correctement informé par l'employeur aussi bien de la possibilité que du délai dans lequel il pouvait prolonger la couverture d'assurance par convention spéciale.

Or, il résulte des pièces du dossier que tel n'a pas été le cas.

12.    En dernier lieu, l'intimée soutient que le lien de causalité entre l'omission d'informations et le défaut de prolongation de l'assurance par convention spéciale fait défaut. Le recourant a fait le choix en 2017 de quitter son emploi et son statut de salarié. Selon la déclaration d'accident, il a réorganisé sa vie professionnelle pour devenir un rentier et un indépendant ; ainsi, il n'aura pas manqué de s'informer de sa situation sous l'angle des assurances. Après avoir fait le choix de ne pas conclure de prolongation d'assurance, le recourant a voulu faire machine arrière lorsqu'il a subi un accident.

Les allégués de l'intimée ne sont que pure conjecture. En effet, selon l'expérience générale de la vie, il convient d'admettre que s'il est correctement informé de la possibilité de conclure une convention spéciale et du délai dans lequel il doit effectuer la démarche, l'assuré en fera usage plus probablement qu'il s'en abstiendra. Il en résulte une présomption de fait en faveur de la conclusion d'une convention spéciale en cas d'information aboutie.

En l'espèce, il convient d'admettre que le recourant avait un intérêt au maintien de la couverture d'assurance, dès lors qu'il a entrepris une activité indépendante à temps partiel (voir ATF 8C_784/2008 du 11 septembre 2009 consid. 5.4, non publié in ATF 136 V 412).

13.    Au vu de ce qui précède, la Chambre de céans considère que l'employeur a failli à son obligation de renseigner et que cette omission est opposable à l'intimée, conformément au principe de la bonne foi. Partant, celle-ci est tenue de donner suite à la demande de prolongation de la couverture d'assurance du recourant et de verser les prestations dues.

14.    Le recours, bien fondé, est admis et la décision du 22 octobre 2018 annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 22 octobre 2018 et renvoie la cause à l'intimée pour calcul des prestations dues au sens des considérants.

4.        Condamne l'intimée à payer au recourant la somme de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le