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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3750/2014

ATAS/606/2015 du 13.08.2015 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3750/2014 ATAS/606/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 août 2015

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à ONEX représentée par le SERVICE DE PRÉVENTION SOCIALE ET PROMOTION DE LA SANTÉ DE LA VILLE D’ONEX

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l’assurée), née en 1964, mariée à Monsieur  A______, né en 1972, d’origine bulgare, est au bénéfice d’une rente d’invalidité et bénéficie de prestations servies par le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC).

2.        Par courrier du 28 août 2012, l’assurée, représentée par son assistante sociale, a fait part au SPC de changements intervenus dans sa situation : son époux, en incapacité de travail, avait été licencié le 16 mai 2012 et ne bénéficiait plus d’indemnités journalières en cas de maladie ; à compter du 17 mai 2012, il avait bénéficié des prestations de l’assurance-chômage, limitées à 30 jours en raison de son incapacité de travail ; les causes de cette incapacité étant antérieures à l’inscription au chômage, aucune prestation cantonale pour maladie ne lui serait versée ; il attendait une réponse de l’office d’assurance-invalidité (OAI), lequel avait mis sur pied une expertise ; il avait débuté un stage à 50% le 6 août 2012.

L’assurée produisait notamment les décomptes d’indemnité de chômage de son mari et la décision de l’office cantonal de l’emploi confirmant ses dires, un certificat établi le 26 août 2012 par la doctoresse B______ attestant, s’agissant de l’époux de l’assurée, d’une incapacité de travail de 50% depuis le 1er août 2012 -, ainsi qu’un certificat du 22 juin 2012 du docteur C______ - faisant état d’une totale incapacité de travail en juillet 2012 et précisant que M. A______ ne pouvait porter de charges.

3.        Le 23 mai 2014, l’assurée a informé le SPC que son époux avait épuisé son droit aux indemnités de chômage le 17 avril 2014 et qu’il avait au surplus subi une intervention qui avait entraîné une incapacité de travail du 1er décembre 2013 au 29 mars 2014, sans bénéficier de prestations cantonales pour maladie durant cette période.

4.        Par décision du 29 août 2014, le SPC a recalculé le droit de l’assurée aux prestations complémentaires dès le 1er mai 2014 et l’a fixé à CHF 534.- du 1er mai au 31 juillet 2014 et à CHF 178.- dès le 1er août 2014. Compte tenu du montant de CHF 4’840.- déjà versé pour cette période, le solde à restituer par l’assurée s’élevait à CHF 4'128.-.

Dans ses calculs, le SPC retenait notamment un montant de CHF 37'326.10 correspondant à un gain potentiel de CHF 57'488.90 pour l’époux de l’assurée. Il précisait s’être basé sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS).

5.        L’assurée s’est opposée à cette décision en faisant valoir que son époux n’avait pu rependre d’activité, même à temps partiel, en raison de ses problèmes de santé. Son état n’étant pas stabilisé, l’OAI n’avait pas encore statué sur son droit à des prestations d’invalidité.

Elle joignait à l’appui de ses dires les documents suivants concernant son époux :

a.    un rapport du 28 octobre 2013 du docteur D______, médecin au service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), posant le diagnostic de lombocruralgie L4 à droite, avec léger déficit moteur sur double discopathie L3-L4 et L4-L5 et proposant une intervention chirurgicale ;

b.    une lettre de sortie du 9 janvier 2014 du Dr D______, attestant de l’hospitalisation de l’intéressé du 13 au 19 décembre 2013 pour une fusion intervertébrale lombaire par voie transforaminale (TLIF) ;

c.    un rapport du 24 février 2014 du Dr D______, diagnostiquant une lombosciatalgie intermittente S1 à droite, un status post-TLIF et proposant un traitement médicamenteux ;

d.    un certificat établi le 27 mars 2014 par le docteur E______, médecin au service de médecine de premier recours des HUG, attestant d’une tentative de reprise du travail le 29 mars 2014, à adapter en fonction de la décision de l’assurance-invalidité ;

e.    un certificat rédigé le 25 septembre 2014 par le Dr E______, attestant d’une totale incapacité de travail du 25 septembre au 4 novembre 2014.

6.        Par décision du 6 novembre 2014, le SPC a partiellement admis l’opposition.

Il s’est référé aux conclusions d’une expertise mise sur pied par l’OAI et confiée au docteur , spécialiste FMH en rhumatologie : l’expert avait conclu à une totale incapacité de travail de l’époux de l’assurée dans le domaine du bâtiment mais à une capacité de travail de 100%, avec baisse de rendement de 20%, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

Le SPC a considéré qu’il convenait de s’en tenir à ce document, ceux produits par l’assurée par ailleurs n’étant pas suffisamment détaillés pour admettre une incapacité de travail.

Tenant compte d’un taux d’activité réduit à 80%, il a ramené le gain potentiel de l’époux de l’assurée à CHF 45'991.10, « selon les normes de la Convention collective de travail ». Le droit aux prestations ainsi recalculé pour la période du 1er mai au 31 août 2014 s’élevait ainsi à CHF 817.- par mois dès mai 2014 et permettrait de réduire la demande de restitution à CHF 1'572.-.

Etait reconnu à l’assurée un solde en sa faveur de CHF 1'917.-, correspondant à la différence entre les prestations effectivement versées et celles dues pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2014.

7.        Le 4 décembre 2014, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre de céans.

Elle relève que l’expertise sur laquelle s’est fondé l’intimé mentionne des limitations contraignantes, qui ont pour conséquences que l’OAI doit encore évaluer les domaines d’activité possibles et planifier un stage.

Elle ajoute que l’état de santé de son mari s’est aggravé depuis lors.

Elle explique qu’il a insisté pour reprendre une activité professionnelle mais que cette tentative n’a pas abouti, les douleurs étant réapparues. Son état de santé n’est pas stable.

Elle précise que l’OAI n’est pas encore en mesure de statuer mais estime qu’il ne serait pas réaliste d’attendre sa décision. Dans ces conditions, elle suggère qu’il soit renoncé à tout gain potentiel jusqu’à droit jugé en matière d’assurance-invalidité.

La recourante produit un certificat d’un médecin des HUG du 4 novembre 2014, attestant d’une totale incapacité de travail du 5 novembre au 5 décembre 2014.

8.        Dans sa réponse du 15 janvier 2015, l’intimé a conclu au rejet du recours.

9.        Le 4 février 2015, la recourante a encore produit les documents suivants concernant son conjoint :

a.    un rapport d’imagerie de la colonne du 2 octobre 2014, concluant à un status post opératoire sans complication et sans conflit disco-radiculaire visible ;

b.    un scanner de la colonne du 19 décembre 2014, concluant à un status post-TILF L3-L4-L5 sans déplacement du matériel chirurgical et sans signe de consolidation osseuse ;

c.    une radiographie de la colonne du 19 décembre 2014, révélant un status post-ostéosynthèse de L3 à L5 avec cage intersomatique en L4-L5 et un matériel intègre et en place ;

d.    un rapport du 12 janvier 2015 du Dr D______, proposant une consultation au centre de la douleur des HUG et prolongeant l’arrêt de travail du 6 janvier au 6 mars 2015 ;

e.    le second rapport d’expertise rendu le 7 janvier 2015 par le Dr F______ ; l’expert y rappelle avoir conclu, à l’issue de sa première expertise, à une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée, c'est-à-dire sans port de charges de plus de 5 kg, permettant d’alterner les positions assise et debout et de limiter les mouvements de flexion et d’extension du rachis ; il relate que, depuis lors, l’époux de la recourante s’est plaint d’une exacerbation des douleurs qui a conduit à une intervention chirurgicale ; l’expert dit persister à penser que l’intéressé pourrait reprendre une activité professionnelle adaptée aux limitations fonctionnelles déjà énumérées, mais admet un rendement diminué à 50% depuis décembre 2013, en raison de l’intensité des douleurs et de la nécessité de changer de position pour effectuer toute tâche, même légère.

10.    La chambre de céans a entendu les parties en date du 5 mars 2015.

L’intimé a déclaré pouvoir se ranger à l’avis du Dr F______, concluant à une capacité de travail de 50% depuis décembre 2013, voire suspendre la procédure jusqu’à la décision de l’OAI, dont il a rappelé qu’elle constituerait de toute façon un motif de révision.

La recourante a précisé que le service médical régional de l’AI ne s’était pas encore déterminé sur l’expertise du Dr F______. Elle ne conteste pas la prise en compte d’un gain potentiel à 50% mais soutient que le montant retenu sur la base de l’ESS est trop élevé par rapport à celui que son mari pourrait concrètement obtenir au vu de ses limitations. Elle rappelle que le gain assuré de son époux ne s’est élevé qu’à CHF 25'000.- durant sa période de chômage. Enfin, elle souligne la précarité de leur situation financière.

L’intimé a précisé s’être fondé sur l’ESS et sur une activité de niveau 4 et a rappelé que le gain potentiel n’est pris en compte qu’à raison des deux tiers. Il estime injustifié de se référer au gain assuré au niveau du chômage, puisque celui-ci se rapporte à une activité qui n’est plus exigible.

11.    A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        a) En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 7 10]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

b) S’agissant des prestations complémentaire cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

c) En l’espèce, le recours a été interjeté dans les forme et délai légaux de sorte qu'il est recevable (art. 56ss LPGA).

3.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

4.        Le litige porte sur le gain potentiel de l’époux de la recourante retenu par l’intimé dans le calcul des prestations complémentaires.

5.        a) En vertu de l'art. 4 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles ont droit, notamment, à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (al. 1 let. c). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Les revenus déterminants au sens de l'art. 11 LPC comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (art. 11 al. 1 let. b et d LPC). S'y ajoute un quinzième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de l'assurance-invalidité, dans la mesure où elle dépasse 60'000 fr. pour les couples (art. 11 al. 1 let. c LPC). Sont également comprises dans les revenus déterminants les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

b) S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 4 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable. L'art. 5 al. 1 LPCC prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant les dérogations suivantes: les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et la part de fortune nette prise en compte est de un huitième après déduction des franchises prévues à l'art. 11 al. 1 let. c LPC. Le montant de la prestation complémentaire correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

6.        Conformément à l’art. 159 al. 3 du Code civil (CC - RS 210), les époux se doivent l’un à l’autre fidélité et assistance. Ainsi, lorsque l’époux a besoin de soins et de surveillance, ces tâches font incontestablement partie des obligations conjugales de l’épouse. Cependant, le devoir de contribuer à l’entretien de la famille au sens de l’art. 163 CC fait également partie des obligations des époux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 18/99 du 22 septembre 2000 consid. 2b). Selon la jurisprudence rendue sur l'art. 163 CC, le principe de solidarité entre les conjoints implique qu'ils sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances 5C.42/2002 du 26 septembre 2002 consid. 2.1).

Sous l'angle du droit à des prestations complémentaires, une telle obligation s'impose en particulier lorsque l'un des conjoints n'est pas en mesure de travailler à raison par exemple de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Au regard de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, cela signifie que lorsque le conjoint qui serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou partie) l'entretien du couple en vertu de l'art. 163 CC y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1).

Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références).

7.        En ce qui concerne le critère ayant trait à l'état de santé d’un assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité, lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301) (ATF 117 V 202 consid. 2b).

Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3).

La jurisprudence a toutefois précisé que l'obligation de diminuer le dommage impose à un assuré de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle quand bien même une procédure est pendante contre le prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 43/05 du 25 octobre 2006 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2008 du 8 juin 2009 consid. 5.4).

8.        En l’occurrence, il convient en premier lieu d’examiner la proposition de l’intimé tendant à la suspension de la procédure dans l’attente d’une décision de l’OAI sur le droit de l’époux de la recourante à une rente d’invalidité.

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler qu'une suspension est indiquée lorsqu'il existe une connexité étroite entre les objets des procédures qui commande un examen global. Tel n'est cependant pas le cas lorsqu'un recours est interjeté contre une décision en matière de prestations complémentaires qui porte sur la question du gain hypothétique alors qu'une décision de l'assurance-invalidité portant sur la capacité de gain est pendante, puisque les objets de la procédure sont distincts (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2008 du 8 juin 2009 consid. 4.2). En application de cette jurisprudence, la chambre de céans peut statuer dans la présente cause sans attendre l’issue de la procédure opposant l’époux de la recourante à l’OAI.

On rappellera par ailleurs que, si l’OAI devait reconnaître à l’époux de la recourante le droit à une rente, il conviendrait alors d’appliquer l’art. 22 al. 1 OPC-AVS/AI. Celui-ci prévoit que si la demande d'une prestation complémentaire annuelle est faite dans les six mois à compter de la notification d'une décision de rente de l'AVS ou de l'AI, le droit prend naissance le mois au cours duquel la formule de demande de rente a été déposée, mais au plus tôt dès le début du droit à la rente. En vertu de cette disposition et à ces conditions, le calcul des prestations complémentaires éventuellement dues au mari de la recourante pourrait donc être repris et ce, dès la date d’octroi éventuel d’une rente d’invalidité.

9.        Le Dr F______ a retenu que l’époux de la recourante dispose d’une capacité de travail de 50% depuis le 1er décembre 2013.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c).

En l’espèce, force est de constater que les conclusions du Dr F______ ont été prises en parfaite connaissance du dossier et de l’anamnèse du conjoint de la recourante, qu’elles tiennent compte de ses plaintes et reposent sur un examen médical détaillé. Il n’y a ainsi pas lieu de s’en écarter, ce que l’intimé ne conteste d’ailleurs pas. Partant, seul un gain potentiel correspondant à une activité exercée à 50% peut être pris en compte pour l’époux de la recourante.

Pour calculer ce gain potentiel, l’intimé s’est fondé, dans sa décision du 29 août 2014 sur l’ESS, puis, dans sa décision sur opposition, sur une convention collective de travail, sans préciser laquelle. La vérification des montants retenus dans les décisions de l’intimé démontrent toutefois que le gain potentiel retenu dans la décision sur opposition correspond également au salaire statistique tiré de l’ESS, puisqu’il est équivalent à 80% du montant pris en considération dans la décision sujette à opposition.

Le Tribunal fédéral a admis la fixation du gain potentiel sur la base des statistiques salariales dans le cadre du calcul des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 38/05 du 25 août 2006 consid. 4.2). De plus, les limitations fonctionnelles de l’époux de la recourante ne sont pas telles qu’elles sont incompatibles avec une activité légère. Or, le marché du travail comprend un large éventail de telles activités (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 95/05 du 24 juin 2005 consid. 4). Les critiques de la recourante sur ce montant tombent donc à faux.

Quant à la date à partir de laquelle le revenu hypothétique correspondant à une activité exercée à 50% doit être prise en compte, on rappellera que la décision confirmée sur opposition recalculait le droit aux prestations dès le 1er mai 2014.

L’art. 25 OPC-AVS/AI vise l’adaptation des prestations complémentaires afin de tenir compte des modifications économiques ou de fait du bénéficiaire des prestations complémentaires. Les modifications dans la situation personnelle sont traitées à sa lettre a, tandis que l’adaptation des prestations complémentaires en raison de changements dans la situation économique sont réglés aux lettres b à d de l’art. 25 OPC-AVS/AI (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/00 du 2 mai 2001 consid. 3b).

Selon l’alinéa premier de cette disposition, la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée :

-       lors de chaque changement survenant au sein d'une communauté de personnes comprises dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle (let. a);

-       lors de chaque modification de la rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (let. b);

-       lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue; sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient; on peut renoncer à adapter la prestation complémentaire annuelle, lorsque la modification est inférieure à 120 francs par an (let. c);

-       lors d'un contrôle périodique, si l'on constate un changement des dépenses reconnues, des revenus déterminants et de la fortune; on pourra renoncer à rectifier la prestation complémentaire annuelle, lorsque la modification est inférieure à 120 francs par an (let. d).

En vertu du second alinéa de cette disposition, la nouvelle décision doit porter effet :

-       dans les cas prévus par l'al. 1, let. a et b, en cas de changement au sein d'une communauté de personnes, sans effet sur la rente, dès le début du mois qui suit celui au cours duquel le changement est survenu;

-       lors d'une modification de la rente, dès le début du mois au cours duquel la nouvelle rente a pris naissance ou au cours duquel le droit à la rente s'éteint (let. a);

-       dans les cas prévus par l'al. 1, let. c, lors d'une augmentation de l'excédent des dépenses, dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu (let. b);

-       dans les cas prévus par l'al. 1, let. c, lors d'une diminution de l'excédent des dépenses, au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue; la créance en restitution est réservée lorsque l'obligation de renseigner a été violée (let. c);

-       dans les cas prévus par l'al. 1, let. d, dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu et au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue.

La créance en restitution est réservée lorsque l'obligation de renseigner a été violée (let. d).

En vertu de cette disposition, c’est dès le début du mois de mai 2014, date à laquelle la diminution des revenus de l’époux de la recourante a été annoncée, que prend effet le nouveau calcul auquel l’intimé devra procéder.

10.    Eu égard à ce qui précède, le recours est partiellement admis et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveau calcul des prestations complémentaires en tenant compte, pour l’époux de sa bénéficiaire, d’un gain potentiel correspondant à une activité exercée à 50% seulement.

La recourante est représentée par une assistante sociale de sa commune, soit d’une entité de droit public. Partant, elle n’a pas droit à des dépens (ATF 126 V 11 consid. 5 ; art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul des prestations complémentaires dès le 1er mai 2014, conformément aux considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le