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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2570/2021

ATAS/178/2022 du 17.02.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2570/2021 ATAS/178/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 février 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, B______ Sàrl, à CORSIER

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise 12, rue des Gares, Genève

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. La société à responsabilité limitée B______ (ci-après la société), inscrite au registre du commerce depuis 2010, a notamment pour but l’exploitation de commerces dans les domaines du bien-être et de l'esthétique. Madame A______ (ci-après l’intéressée) en est l’associée gérante avec signature individuelle.

b. La taxation définitive pour les impôts cantonaux et communaux de la société pour 2019 a retenu un bénéfice net de CHF 12'378.- pour cette année-là et des pertes fiscales totales de CHF 9'355.- pour les sept exercices précédents.

c. Selon l’attestation de salaires 2019 adressée à la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après la CCGC), la société n’avait pas eu de personnel cette année-là.

B. a. La CAISSE DE CHÔMAGE SYNA a versé à la société, pour l'intéressée, des indemnités pour réduction de l'horaire de travail (RHT; secteur d’exploitation C______ et D______) en mars, avril et mai 2020.

b. Le 16 novembre 2020, la société a sollicité de la CCGC des allocations en cas de perte de gain (APG) en lien avec le COVID-19 pour son secteur d’exploitation C______ et D______, eu égard à la fermeture ordonnée dans le cadre de l’état de nécessité déclaré le 1er novembre 2020 par le Conseil d’Etat. Elle précisait que sa demande ne concernait qu’une compensation du chiffre d’affaires estimé. En effet, si le volume d'affaires n’avait pas permis le versement d'un salaire les années précédentes, les perspectives pour 2020 étaient bonnes, vu l'agenda chargé et le bénéfice net réalisé lors de l’exercice précédent. Le versement d’un salaire était prévu pour 2020, qui devait être déterminé en fonction du résultat du premier trimestre et versé avec effet rétroactif. Les événements liés à la crise sanitaire avaient cependant changé la donne. Le revenu de l'activité lucrative indiqué ne correspondait donc pas à un salaire versé, mais aux revenus retenus par les autorités fiscales pour 2019.

c. Par décision du 2 mars 2021, la CCGC a rejeté la demande de l’intéressée, dès lors que le revenu moyen déterminant pour le calcul des APG en lien avec le COVID-19 se fondait sur le revenu de l'activité lucrative déclaré à l'AVS en 2019, s’agissant des personnes dont la position était assimilable à celle d'un employeur. Or, dans le cas d’espèce, l’intéressée ne subissait ni perte de gain, ni baisse de revenus.

d. L’intéressée s’est opposée à cette décision en soulignant que sa demande tendait à compenser le chiffre d'affaires estimé de l’institut et qu’elle avait déjà obtenu des indemnités pour RHT. Les éléments fournis révélaient une perte totale du chiffre d’affaires, qui avait une répercussion sur le revenu prévu, sans même compter les charges liées à l'exploitation, qui restaient dues et grevaient le résultat de l’exercice comptable. On ne pouvait dès lors, selon elle, nier la perte subie. A titre d'argument supplémentaire, elle alléguait avoir soumis la décision de la CCGC à l'examen de Monsieur E______, qui lui avait dit ne pas la comprendre et ne pas s’y rallier.

e. Par décision du 6 juillet 2021, la CCGC a rejeté l’opposition en rappelant que, depuis son affiliation en 2014, la société n’avait déclaré aucun salaire et avait indiqué ne pas avoir d’employé en 2020 (recte 2019). L'APG COVID-19 avait pour but de compenser la perte de salaire, non la baisse du chiffre d'affaires. L’intéressée n’étant pas salariée, elle n'avait pas qualité d'ayant droit à cette allocation.

C. a. L’intéressée a interjeté recours contre cette décision le 2 août 2021, en concluant à sa « reconsidération » et en reprenant l’argumentation déjà développée dans son opposition.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle répète que l’intéressée n’est pas légitimée à obtenir des APG COVID-19, dès lors qu’elle n’a ni la qualité de salariée, ni celle d'indépendante et qu'il n'y a aucune perte de salaire soumis à l’assurance-vieillesse et survivants. De plus, l’intéressée n’exerçant pas une activité lucrative déclarée, elle n'est pas assurée obligatoirement à l’AVS.

c. La recourante a encore produit plusieurs pièces, dont les formulaires de demande de RHT au nom de la société et les décomptes de versement de ces indemnités.

d. L’intimée a fait remarquer que ces pièces attestent que l'intéressée a bien le statut d’employeur ayant obtenu des indemnités de RHT sur la base d’un salaire déclaré par formulaire. Ce statut n'est pas contesté. En revanche, celui de salariée l'est.

 

EN DROIT

 

1.             Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations en cas de perte de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 al. 1 LPGA).

Selon la jurisprudence, les décisions prises par une caisse cantonale de compensation en matière d’allocations en cas de perte de gain COVID-19 peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du canton où la caisse de compensation a son siège (arrêt du Tribunal fédéral 9C_738/2020 du 7 juin 2021 consid. 3.3).

La Chambre de céans est ainsi compétente à raison du lieu et de la matière pour connaître du recours.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant à la recourante le droit aux APG dès novembre 2020.

4.             L’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 a été adoptée le 20 mars 2020 dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la pandémie liée au coronavirus.

Son art. 2 al. 3 prévoit qu’ont droit à l’allocation en cas de perte de gain notamment les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31 al. 3 let. b et c de la loi du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage (LACI – RS 837.0), pour autant qu’elles remplissent la condition prévue à l’al. 1bis let. c si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), et si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b). L’art. 2 al. 1bis let. c pose notamment comme condition du droit à l’allocation le fait d’être assuré obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS – RS 831.10).

L’art. 31 al. 3 let. c LACI vise notamment les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise.

5.             L’art. 5 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 prévoit que l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG – RS 834.1) s’applique par analogie.

Selon l’art. 11 al. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l’Office fédéral des assurances sociales des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.

La Circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (CCPG) dans sa version valable dès septembre 2020 indique à son chiffre 1058 que pour le calcul de l’indemnité journalière, le revenu mensuel soumis à cotisation dans l’AVS est divisé par 30, par analogie avec les prescriptions régissant l’allocation en cas de perte de gain en cas de service ou de maternité. Pour les personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur et pour les conjoints ou les partenaires enregistrés de personnes indépendantes ou de personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur, l’allocation se monte à 80 % de la perte de salaire subie au cours du mois correspondant. Selon le chiffre 1067, si le revenu est réalisé sur une période inférieure à un an, la conversion en revenu journalier moyen se fait sur la
base de la période d’activité effective.

Le Tribunal fédéral a confirmé que la perte de salaire est une condition du droit à l’allocation en cas de perte de gain pour les assurés définis à l’art. 31 al. 3 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.5). Dans le bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des prestations complémentaires n° 448 du 21 janvier 2022, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a également souligné que l’existence d’une perte de salaire est une condition de base pour l’allocation en cas de perte de gain COVID-19.

6.             En l’espèce, la recourante est associée gérante de la société qui exploite l’institut dans lequel elle déploie son activité d’esthéticienne. Elle tombe ainsi dans le champ d’application de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, de sorte que le droit à l’APG COVID-19 est en principe ouvert, conformément aux dispositions réglementaires exposées ci-dessus, sous réserve de la réalisation des autres conditions régissant son octroi.

Or, selon la lettre claire de l’art. 2 al. 3 COVID-19 et la jurisprudence, dans le cas d’un intéressé ayant une position assimilable à celle d’un employeur, telle la recourante, une perte de salaire, et non une perte de gain, est une condition nécessaire à l’octroi d’une telle allocation. Le salaire est déterminé, par analogie avec le système d’indemnisation prévu par la législation en cas de perte de gain, par le revenu soumis à cotisation selon la LAVS. La recourante n’a cependant pas réalisé un tel revenu en 2019, de sorte qu’on ne saurait par définition pas retenir de perte de salaire par rapport à cette année.

La recourante ne conteste pas l’absence de salaire en 2019, mais affirme qu’elle en escomptait un en 2020 et qu’elle subit en outre une perte en raison des mesures ordonnées en lien avec la pandémie, dès lors qu’elle a dû s’acquitter des charges incompressibles de la société, malgré l’absence de revenus.

Ces arguments ne sont cependant pas pertinents. En effet, il convient de rappeler que le droit des assurances sociales est régi par le principe de la légalité, ce qui signifie que les assurés ne peuvent se voir octroyer des prestations qui ne reposent pas sur une base légale et que les assureurs sociaux ne peuvent en principe accorder des avantages à bien plaire (Thomas GÄCHTER / Thomas LOCHER, Grundriss des Sozialversicherungs-rechts, 4ème éd., Berne 2014, p. 46 nn. 19 et 20). En application de ce principe, il n’est pas conforme au droit d’octroyer une allocation lorsqu’une des conditions de son versement – soit la perte d’un salaire dans le cas d’espèce – fait défaut. En particulier, la règlementation topique ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités, qui leur permettrait de déroger au cadre légal strict en tenant compte, en l’absence de salaire réalisé au sens de la LAVS, du revenu espéré.

Quant aux pertes alléguées en lien avec les frais dont la recourante a dû continuer à s’acquitter malgré la fermeture de l’institut, leur éventuelle indemnisation n’est pas régie par l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Elles peuvent cas échéant donner droit à d’autres aides dans le cadre du train de mesures adoptées par les autorités en lien avec la pandémie, mais ce point ne fait pas l’objet du présent litige.

Pour ce qui est de l'argument selon lequel M. E______ aurait eu une appréciation divergente de celle de l’intimée, il n'est pas non plus recevable. A supposer que cela soit établi – ce qui n'est pas le cas -, il ne s’agirait-là que de l’avis d’un simple citoyen n'ayant aucune autorité en la matière et ne liant à l’évidence ni l’intimée, ni la Chambre de céans.

Enfin, le fait que la recourante ait obtenu des indemnités en cas de RHT est sans pertinence sur l’issue du présent litige, dès lors qu’il s’agit de prestations distinctes, dont l’octroi est subordonné à des conditions différentes.

Compte tenu de ce qui précède, la décision de l’intimée s’avère conforme au droit, et doit ainsi être confirmée.

7.             Le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le