Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6676/2012

ACPR/331/2012 du 16.08.2012 ( MP ) , REFUS

Descripteurs : DÉFENSE NÉCESSAIRE; AUDITION OU INTERROGATOIRE; POLICE JUDICIAIRE; MINISTÈRE PUBLIC; PEINE
Normes : CPP.130; CPP.131; CPP.61
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6676/2012 ACPR/331/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 août 2012

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Karin ETTER, avocate, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,

 

recourant,

 

contre la décision du Ministère public du 19 juin 2012 refusant d'écarter de la procédure les procès-verbaux de ses auditions des 11 et 12 mai 2012,

 

Et

LE MINISTèRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

 

intimé.

 


EN FAIT

 

A. a) Par acte expédié le 9 juillet 2012, A______, par le biais de son conseil, recourt contre la décision du Ministère public du 19 juin 2012, reçue le 26 du même mois, refusant d'écarter de la procédure les procès-verbaux de ses auditions des 11 et 12 mai 2012.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit dit que les déclarations qu'il a faites à la Police le 11 mai 2012 ainsi que devant le Ministère public le 12 mai 2012 ne sont pas exploitables et que ces documents soient écartés de la procédure.

Il conclut également à ce qu'il soit à nouveau entendu en présence de son avocat.

b) A sa réception, le recours a été gardé à juger sans échange d'écritures ni débats.

B. Il résulte de la procédure les éléments pertinents suivants :

a) En date du 3 mai 2012, B______ a déposé plainte contre inconnu, pour incendie intentionnel, le feu ayant été bouté à ______ ______, sise _______, durant la nuit du ________ 2012.

A______ a été arrêté et entendu par la gendarmerie le 11 mai 2012. A cette occasion, il a pris note qu'il était auditionné en qualité de prévenu, au sens des art. 107, 113 et 157 et ss. CPP, un formulaire contenant ses droits et obligations lui ayant été préalablement remis, document dont il a déclaré avoir pris connaissance et bien compris le contenu. Le gendarme qui l'a interrogé lui a indiqué que les faits qui lui étaient reprochés étaient en relation, notamment, avec un incendie intentionnel, que cette infraction l'autorisait à faire appel à un avocat de permanence pour l'assister et qu'en outre, il pouvait mandater un avocat de son choix.

A______ a déclaré renoncer à ces droits et être d'accord d'être entendu hors la présence d'un avocat.

A_______ a contesté avoir bouté le feu au _______ ______ susmentionnée, durant la nuit du _______ 2012. En revanche, il a reconnu qu'il était bien l'individu filmé, le _______ 2012, entre 04h00 et 04h05, par une caméra de vidéosurveillance, en train de mettre le feu au _______ _______. Il a affirmé ne plus se souvenir très bien ce qui s'était passé cette nuit-là, car il avait bu de l'alcool.

A______ a également admis consommer régulièrement de la marijuana.

b) Le Ministère public a rendu, le 12 mai 2012, à une heure non précisée, une ordonnance d'ouverture d'instruction pénale contre A______ des chefs d'incendie intentionnel et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Ce document est classé, dans le dossier remis à la Chambre de céans, avant le procès-verbal de l'audition du prévenu, telle que mentionnée ci-dessous sous lettre c).

c) Le 12 mai 2012 également, vers 10h45, A_______ a été entendu par le Ministère public en qualité de prévenu de délit manqué d'incendie intentionnel pour avoir, le 1er mai 2012, vers 04h00, mis le feu au _______ _______, sise _______, à _______.

Après avoir été rendu attentif à ses droits, au sens des art. 107 et 158 CPP, dont la teneur lui a été expliquée, le prévenu a pris note que l'infraction qui lui était reprochée ne constituant pas un cas de peu de gravité et l'affaire présentant des difficultés de faits et/ou de droit, il pouvait, pour autant qu'il ne disposait pas des moyens nécessaires, demander qu'un défenseur d'office lui soit désigné. Toutefois, A______ a accepté de s'exprimer hors la présence d'un avocat, reconnaissant les faits qui lui étaient reprochés. Il a affirmé ne plus se souvenir ce qui s'était passé cette nuit-là, ayant "passablement" bu de l'alcool.

d) Le 4 juin 2012, le Ministère public a ordonné la défense d'office en faveur de A______ en la personne de Me Karin ETTER, avocate.

e) Cette dernière, par courrier du 15 juin 2012, a sollicité du Ministère public le retrait de la procédure des procès-verbaux d'audition de A______ des 11 et 12 mai 2012 et à ce qu'il soit procédé à un nouvel interrogatoire de son client, en sa présence. Le conseil du prévenu faisait valoir que l'incendie intentionnel, infraction grave constituant un cas de défense obligatoire, ne laissait pas le choix au prévenu de faire des déclarations hors la présence d'un avocat. A_______ avait ainsi le droit d'être assisté d'un défenseur lors de ses auditions des 11 et 12 mai 2012 et ne pouvait pas y renoncer. Les déclarations qu'il avait faites à ces occasions ne pouvaient pas être retenues, de sorte qu'il y avait lieu de procéder à une nouvelle audition de son client. Par ailleurs, l'incendie intentionnel était une infraction mentionnée sur la liste établie par la commission du barreau le 21 décembre 2010 permettant de définir les cas graves, au sens de l'art. 8A LPAv.

f) Le Ministère public a motivé sa décision de refus querellé du 19 juin 2012 par le fait qu'aucun des cas énumérés en matière de défense obligatoire exclusivement prévus à l'art. 130 CPP n'avait été réalisé lors de l'audition de A______ par la Police ou par le Ministère public, de sorte que l'absence d'un défenseur aux côtés du prévenu n'invalidait pas ses déclarations. Par ailleurs, l'art. 8A LPAv traitait de "l'avocat de la première heure", à savoir des cas dans lesquels il pouvait être fait appel à la permanence des avocats à la demande du prévenu, soit une disposition qui ne fondait aucunement une défense obligatoire en cas de commission d'une infraction figurant dans la liste des infractions graves émises par la Commission du barreau.

g) A l'appui de son recours contre la décision susmentionnée, A______, par le truchement de son avocate, reprend l'argumentation figurant dans le courrier que celle-ci a adressé au Ministère public le 15 juin 2012, précisant que la question qui se posait en l'occurrence était de savoir s'il était reconnaissable, dès son audition à la Police, qu'il s'agissait d'un cas de défense obligatoire, question à laquelle il devait être clairement répondu par l'affirmative. Il ne pouvait, dès lors, pas renoncer à la présence d'un avocat, aussi bien lors de son audition par la Police que par le Ministère public.

h) Le casier judicaire du recourant est vierge.

 

 

EN DROIT

 

1. Le recours est recevable pour avoir été interjeté dans les délai, forme et motifs prévus par la loi (art. 385 al.1, 390 al. 1 et 396 al. 1CPP; art. 393 al. 2 lit. a CPP), contre une décision du Ministère public sujette à recours (art. 393 al. 1 lit. a CPP), devant l'autorité compétente en la matière, soit à la Chambre de céans (art. 20 et 393 CPP; 128 al. 1 lit. a LOJ/GE) et émaner d'un prévenu, qui a qualité de partie à la procédure (art. 104 al. 1 lit. a CPP) et qui, en cette qualité, a un intérêt juridique à l'annulation de l'ordonnance entreprise (art. 104 al. 1 lit. a, 382 al. 1 et 222 CPP).

2. La Chambre de céans peut décider de rejeter les recours manifestement mal fondés, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase, a contrario, CPP).

Tel est le cas du présent recours pour les raisons exposées ci-dessous.

3. C'est en vain que le recourant se plaint de n'avoir pas été assisté par un avocat lors de sa première audition devant la Police ou le Ministère public.

3.1. En effet, la défense obligatoire, telle que prévue par l'art. 130 CPP, n'a pas à être mise en œuvre lors de l'audition d'un prévenu par la police (ACPR 156/2012 du 19 avril 2012 consid. 3; ACPR/314/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3. 1).

L'art. 131 al. 1 CPP indique que c'est à la "direction de la procédure" qu'incombe l'obligation de pourvoir à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur en cas de défense obligatoire. Or, la police ne figure pas au nombre des autorités, limitativement énumérées à l'art. 61 CPP, autorisées à exercer la direction de la procédure, soit le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation (lit. a), l'autorité pénale compétente en matière de contravention, s'agissant d'une procédure de répression des contraventions (lit. b), le président du tribunal, s'agissant d'une procédure devant un tribunal collégial (lit. c) et le juge, s'agissant d'une procédure devant un juge unique (lit. d).

En outre, l'art. 131 al. 2 CPP prévoit que, si les conditions requises pour la défense obligatoire sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, la défense doit être mise en œuvre après la première audition par le ministère public, et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction. C'est donc seulement à l'issue de la première audition par le ministère public ou si un certain temps s'écoule après l'audition du prévenu par le ministère public et que les conditions de la défense obligatoire sont remplies que ledit ministère public devra ordonner une défense obligatoire avant de rendre son ordonnance d'ouverture d'instruction (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n 7 ad art. 131).

Enfin, il sera rappelé que la proposition qui avait été faite au Conseil national de prévoir, au cas où les conditions en seraient remplies, une défense obligatoire avant la première audition par le ministère public, avait été rejetée (cf. N. SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich/St-Gall, 2009, N 737 n. 200), tout comme n'avait trouvé aucun écho, lors de la procédure de consultation du CPP, la proposition de certains cantons de prévoir une défense obligatoire au stade des auditions par la police déjà (ACPR 156/2012 précité, se référant à : Office fédéral de la justice, Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative aux avant-projets de code de procédure pénale suisse et de la loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs, Berne, février 2003 p. 41).

Il en découle qu'en l'occurrence, le recourant, qui avait renoncé, en toute connaissance de cause, à être assisté par un avocat, n'avait pas à être pourvu d'un défenseur lors de son audition par la Police.

3.2. Pour ce qui est de l'audition du prévenu par le Ministère public, il ne résulte pas clairement du dossier si l'autorité a entendu le recourant pour la première fois, en tant que prévenu de délit manqué d'incendie intentionnel, avant ou après avoir rendu une ordonnance d'ouverture d'instruction pénale à son encontre. Dans le premier cas, l'art. 131 al. 2 CPP - qui permet audit Ministère public de ne pas mettre en œuvre la défense obligatoire, même lorsque les conditions requises à cet égard sont réalisées, lorsqu'il procède à la première audition du prévenu avant l'ouverture de l'instruction - était applicable en l'espèce. Dans la second cas, cette disposition était inapplicable et le Ministère public devait entendre le prévenu en présence d'un avocat. Cette question peut toutefois être laissée indécise, le recours devant être rejeté sur ce point pour d'autres motifs.

En effet, l'art. 130 CPP, relatif à la défense obligatoire, prévoit qu'un prévenu "doit avoir un défenseur" si l'un des cinq cas, exhaustivement énumérés sous lettres a) à e), est réalisé. En l'occurrence, le recourant se prévaut à cet égard de la lettre b) de cet article, laquelle rend la défense obligatoire lorsque le prévenu "encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté".

Contrairement à ce que semble soutenir le recourant, ce n'est pas la peine théorique maximale applicable à l'infraction reprochée au prévenu qui doit être prise en considération pour déterminer si la lettre b) de l'art. 130 CPP est ou non applicable, mais, comme dans le cadre de la défense d'office (cf. à ce sujet : art. 132 CPP; ATF 129 I 281 consid. 3.1; ATF 120 Ia 43 consid 2b; arrêt 1P.627/2002 du 4 mars 2003 consid. 3.1, in Pra 2004 n° 1 p. 4; arrêt 1B_346/2009), celle qui pourrait raisonnablement être prononcée en fonction des circonstances concrètes de la procédure. Admettre le contraire reviendrait à mettre en œuvre la défense obligatoire pour la quasi-totalité des infractions prévues par le Code pénal, en particulier les plus courantes - notamment les infractions contre la vie et l'intégrité corporelles, y compris par négligence, le patrimoine, la liberté, l'intégrité sexuelle ainsi que les crimes et délits contre la famille - de même que les infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants -, toutes passibles d'une peine privative de liberté de plus d'un an, ce qui n'était certainement pas l'intention du législateur.

Or, en l'occurrence, lorsqu'il a été interrogé par le Ministère public, le recourant, qui n'a aucun antécédent judiciaire, n'était, selon toute vraisemblance, au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, pas exposé à une peine privative de liberté de plus d'un an pour la seule tentative d'incendie intentionnel dont il avait été prévenu.

3.3. L'invocation par le recourant de l'art. 8A LPAv ne lui est d'aucun secours, cette disposition traitant du service de permanence effectué par les avocats inscrits au Barreau, destiné à offrir aux personnes prévenues d’une infraction grave, arrêtées provisoirement par la police et qui en font la demande, la possibilité d'être assistées d'un défenseur. Or, en l'espèce, ce qui est en cause c'est l'audition du recourant par le Ministère public et non par la Police, recourant, qui plus est, a renoncé expressément à être assisté d'un avocat devant ces deux autorités.

Le Ministère public pouvait, dès lors, procéder à l'audition du recourant sans le pourvoir d'un avocat au titre de sa défense obligatoire.

4. Le recours s'avère, dès lors, infondé.

En tant qu'il succombe, A______ supportera les frais du recours (art. 428 al. 1 CPP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit le recours interjeté par A_______ contre la décision du Ministère public du 19 juin 2012 refusant d'écarter de la procédure les procès-verbaux de ses auditions des 11 et 12 mai 2012,

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui s'élèvent à 695 fr., y compris un émolument de 600 fr.

 

Siégeant :

Messieurs Christian COQUOZ, président ; Louis PEILA et Christian MURBACH, juges ; Julien CASEYS, greffier.

 

 

Le Greffier :

Julien CASEYS

 

Le Président :

Christian COQUOZ

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

éTAT DE FRAIS

P/6676/2012

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (litt. a)

CHF

     

- délivrance de copies (litt. b)

CHF

     

- état de frais (litt. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision indépendante (litt. c)

CHF

600.00

-

CHF

     

Total

CHF

695.00