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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10759/2017

ACPR/309/2020 du 15.05.2020 sur OCL/111/2020 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;HÉRITIER;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;ABUS DE CONFIANCE;MANDAT;APPROPRIATION ILLÉGITIME
Normes : CPP.382; CPP.319; CPP.11; CP.303; CP.137; CP.138

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10759/2017 ACPR/309/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 15 mai 2020

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 6 février 2020 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 20 février 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 février 2020, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Ministère public a classé ses plaintes des 22 août 2018 et 2 juillet 2019 à l'encontre de C______.

Elle conclut, préalablement, à l'apport de la procédure P/1______/2015 (recte: P/2______/2015), et, principalement, à l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle a classé ses plaintes et au renvoi de la procédure au Ministère public pour reprise de l'instruction et condamnation de C______ pour dénonciations calomnieuses et abus de confiance, subsidiairement appropriation illégitime.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. D______ est décédée en ______ 2013, laissant pour seuls héritiers son époux, E______ - placé depuis lors sous curatelle - et ses deux filles, A______ et F______.

Depuis lors, un litige successoral aux ramifications pénales oppose les deux soeurs.

b. Dans ce contexte, C______, huissier de justice, est intervenu au domicile familial le 16 janvier 2015 pour procéder à un inventaire des biens de feu D______, en présence des héritiers et de leurs avocats, respectivement du curateur de E______.

En fin de matinée, C______ a dit ne pas pouvoir établir le procès-verbal d'inventaire sur place. Il a ainsi emporté des bijoux dans une mallette et des documents dans un sac.

Le 5 mai 2015, C______ - qui considère avoir été mandaté par le curateur de E______, auquel il a adressé sa facture le 5 mai 2015, quand bien même l'établissement d'un inventaire paraît résulter d'une décision commune des hoirs - a adressé copie du procès-verbal d'inventaire aux différentes parties, en leur demandant leurs instructions quant à la restitution des bijoux et documents.

c. Le 15 mai 2015, A______ a déposé plainte pénale contre C______ pour vol, appropriation illégitime, faux dans les titres et abus de confiance, alléguant avoir constaté, à réception du procès-verbal, que certaines indications étaient incomplètes ou contraires à la réalité et que plusieurs bijoux, auxquels elle attribuait la valeur pécuniaire la plus élevée, n'y figuraient pas.

Le 3 janvier 2016, elle a déposé une nouvelle plainte contre l'huissier de justice, l'accusant de ne pas lui avoir restitué les bijoux inventoriés, fait qu'elle qualifiait d'appropriation illégitime.

Une procédure a été ouverte sous la référence P/2______/2015.

d. Par ordonnance du 7 juillet 2017, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure ouverte contre C______, considérant que si une partie des bijoux et objets extraits du coffre-fort de la villa ne figurait effectivement pas au procès-verbal d'inventaire et n'avait pas pu être retrouvée, l'enquête n'avait pu établir une disparition intentionnelle imputable à l'huissier de justice ou à un tiers, pas plus qu'un établissement intentionnellement lacunaire de l'inventaire. Dans la mesure où la possession des bijoux et objets encore en mains du mis en cause s'inscrivait dans le cadre du contrat de mandat qui lui avait été confié, aucune infraction ne pouvait non plus lui être reprochée. Le manque de rigueur dont il avait fait preuve dans l'exercice de sa fonction justifiait néanmoins le refus de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense.

Cette ordonnance a été confirmé par arrêt de la Chambre de céans du 20 mars 2018 (ACPR/168/2018).

e. Entretemps, le 4 juin 2015, C______ a, à son tour, déposé plainte pénale contre A______ des chefs d'injure, calomnie, voire diffamation et dénonciation calomnieuse. Celle-ci avait en effet propagé ses accusations de vol auprès de la Chambre de surveillance des huissiers judiciaires. Dans un courriel qu'elle lui avait adressé, elle l'avait en outre traité de "malhonnête", "piètre voleur" et qualifié de "lamentable". Les propos de la mise en cause allaient bien au-delà de ce qui était nécessaire à dénoncer une situation qu'elle estimait contraire au droit. Elle avait de plus présenté comme des affirmations de simples suppositions.

Le 10 février 2016, C______ a à nouveau interpellé le Ministère public - sans toutefois formellement déposer plainte pénale -, A______ continuant d'attenter à son honneur en l'accusant de pratiques suspectes et en faisant état des diverses procédures ouvertes à son encontre sur le forum d'un quotidien genevois.

Une procédure a été ouverte sous la référence P/10759/2017.

Le 14 juin 2018, C______ a complété sa plainte du 4 juin 2015, après avoir reçu, à la suite d'une erreur de l'Office des poursuites, copie d'une réquisition de poursuite déposée par A______ contre lui le 12 avril 2018, portant sur CHF 100'000.-, avec les mentions "bijoux subtilisés C______", "la poursuite est à dater impérativement du 10 avril 2018 pour préserver un délai de non prescription" et la référence à une réparation du préjudice résultant d'un acte illicite, respectivement d'une mauvaise exécution du mandat.

f. Ayant pris connaissance de cette plainte, A______ a, à nouveau, déposé plainte pénale contre C______, le 22 août 2018, pour dénonciation calomnieuse et appropriation illégitime.

L'huissier judiciaire ne pouvait ignorer qu'elle avait agi en toute bonne foi pour interrompre la prescription, dans la mesure où la renonciation qu'il avait signée le
11 avril 2017 était peu claire, puisqu'elle mentionnait tant une validité d'un an "à compter de ce jour" que la date du 30 avril 2018. Elle avait d'ailleurs signé un contrordre le 17 avril 2018, dès réception de la nouvelle déclaration de renonciation à la prescription signée par l'intéressé le 11 avril 2018. Ce dernier détenait en outre depuis plus de trois ans les biens inventoriés et refusait de les restituer sans motif aucun.

Une procédure a été ouverte sous le numéro de référence P/3______/2018.

g. Entendue par le Ministère public le 24 janvier 2019 dans le cadre des plaintes déposées contre elle par C______, A______ a confirmé avoir déposé une réquisition de poursuite, en avril 2018, pour interrompre la prescription, bien qu'elle eut alors connaissance du courrier adressé le 10 avril 2018 par son avocat à l'huissier judiciaire l'invitant à renoncer à celle-ci. La valeur de CHF 100'000.- correspondait à celle tant des bijoux dérobés que de ceux qui n'avaient pas été restitués. Sa mère ne possédait pas de pacotille et lorsqu'ils estimaient qu'ils avaient peu de valeur, sa soeur et l'huissier judiciaire "étaient à côté de la plaque".

C______ a précisé que, selon une expertise qu'il avait fait établir en septembre 2016 sur la base de photographies, les bijoux disparus avaient une valeur vénale maximale de CHF 2'680.-. Ceux en sa possession ne faisaient pas l'objet d'un séquestre pénal mais la police lui avait interdit d'en disposer. Personne ne lui avait jamais demandé de les restituer.

h. Par ordonnance du 25 mars 2019, les procédures P/3______/2018 et P/10759/2017 ont été jointes sous ce dernier numéro.

i. Le 18 avril 2019, C______ a déposé une nouvelle plainte pénale contre A______, qui venait de lui faire notifier, le 11 avril précédent, un commandement de payer portant les mêmes mentions que celles incriminées dans sa plainte du 14 juin 2018.

Une procédure a été ouverte sous le numéro de référence P/4______/2019, laquelle a été jointe à la P/10759/2017, sous ce dernier numéro, par ordonnance du 6 novembre 2019.

j. Entendue le 2 juillet 2019 à la police en qualité de prévenue en lien avec cette nouvelle plainte, A______ a reconnu avoir déposé une réquisition de poursuite le
5 avril 2019, "pour être sûre qu'elle soit notifiée avant l'échéance du délai de prescription" et ainsi préserver ses droits et ceux de l'hoirie. Cette démarche lui évitait en effet de rémunérer un avocat pour obtenir une renonciation à la prescription. Elle était certaine que les bijoux valaient CHF 100'000.- car sa mère était à l'aise financièrement et que comme toute Egyptienne d'un certain âge, elle aimait beaucoup les bijoux, qui étaient considérés comme une épargne. Toutes les factures se trouvaient dans le coffre-fort de la villa conjugale, mais ne figuraient pas au procès-verbal dressé par l'huissier.

k. Le même jour, A______ a déposé plainte contre C______ pour dénonciation calomnieuse. Elle a précisé qu'elle contestait la valeur attribuée aux bijoux disparus par l'expert mandaté par l'huissier de justice, valeur qui lui semblait "très douteuse", et s'est déclarée persuadée que le mis en cause était aussi impliqué dans une affaire similaire, ce qui justifiait qu'une enquête de police soit effectuée, que son casier judiciaire soit produit et qu'une "vraie recherche" soit entreprise pour retrouver les bijoux disparus.

Elle a précisé par courrier du lendemain qu'à son meilleur souvenir, les demandes de restitution adressées à C______ avaient été formulées oralement.

l. Entendu par la police le 4 septembre 2019, C______ a confirmé sa plainte du
18 avril 2019, précisant qu'aucune demande de payement ou de mainlevée ne lui était parvenue depuis lors. Il contestait la valeur prêtée par A______ aux bijoux disparus. Ces poursuites lui causaient un préjudice considérable, vu sa profession.

m. Par avis du 7 novembre 2019, le Ministère public a informé les parties de son intention de classer la procédure.

C______ s'en est étonné, dans la mesure où A______ avait laissé entendre à de nombreux tiers - la Chambre de surveillance des huissiers, puis le forum de discussion d'un quotidien genevois, et enfin par le biais de ses réquisitions de poursuite - qu'il s'était rendu coupable d'actes illicites à son préjudice, voire de vol.

A______ a pour sa part réitéré que le fait de ne pas avoir restitué les biens en sa possession était constitutif d'infraction contre le patrimoine. Sa partie adverse ne pouvait par ailleurs ignorer que les termes qu'elle avait utilisés, en particulier la mention d'un acte illicite, découlaient de l'ordonnance de classement susmentionnée, de sorte que ses dénonciations ne pouvaient être que calomnieuses.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que la poursuite des propos - clairement attentatoires à l'honneur - reprochés à A______ par C______ dans sa plainte du 4 juin 2015 était prescrite sous l'angle des art. 173, 174 et 177 CP. Dans la mesure où la plainte de la mise en cause du 15 mai 2015 avait été déposée après que l'huissier judiciaire a dû admettre que certains bijoux se trouvant sous sa garde avaient disparu et en l'absence de réponse satisfaisante de la Chambre de surveillance des huissiers judiciaires, l'on ne pouvait retenir qu'elle savait l'intéressé innocent, ce qui excluait l'infraction de dénonciation calomnieuse. Les éléments à la procédure permettaient par ailleurs de considérer qu'en déposant des réquisitions de poursuite, A______ n'avait pas agi dans un but chicanier mais pour interrompre la prescription, aucun élément ne permettant de retenir que le montant réclamé soit sans rapport avec la valeur des bijoux. Plusieurs sens pouvant être prêtés à l'annotation "bijoux subtilisés C______", celle-ci ne pouvait être considérée comme excédant ce qui était nécessaire à la description des prétentions de la créancière.

En dépit du classement de ses plaintes, rien ne permettait néanmoins de retenir que C______ savait A______ innocente des infractions dénoncées. L'ordonnance de classement du 7 juillet 2017 avait quant à elle déjà tranché la question d'éventuels soupçons d'infractions contre le patrimoine commises en lien avec la disparition, respectivement la non-restitution, des bijoux, ce qui constituait un empêchement de procéder, aucun élément nouveau ne justifiant la reprise de la procédure.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que le mandat de C______ avait désormais pris fin - ce dont on pouvait encore douter lorsque l'ordonnance de classement avait été rendue en 2017 - et que même si la demande ne lui avait pas été adressée directement, il ne pouvait ignorer qu'elle voulait que les objets en sa possession soient restitués à l'hoirie, puisqu'une telle conclusion figurait dans les plaintes des
15 mai 2015 et 22 août 2018. Le mis en cause ne pouvait par ailleurs ignorer qu'en déposant des réquisitions de poursuite, elle entendait uniquement interrompre la prescription ; il savait par ailleurs que les bijoux manquant n'avaient pas été perdus, et donc qu'ils n'avaient pu qu'être subtilisés ; elle ne l'avait d'ailleurs jamais accusé de vol, mais d'acte illicite, ce qu'avait retenu le Ministère public dans son ordonnance du 7 juillet 2017. Ses prétentions n'étaient pas dépourvues de fondement juridique, ce que l'huissier judiciaire savait également.

b. La cause a été gardée à juger à réception, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), puisqu'elle se prévaut d'un préjudice commis à son détriment, respectivement à celui d'une communauté héréditaire dont elle est membre (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 let. a et b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2
al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86
consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en règle générale, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

3.2. Le ministère public doit également ordonner le classement lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Le principe ne bis in idem ancré à l'art. 11 al. 1 CPP, qui prévoit que celui qui
a été condamné ou acquitté en Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivi une nouvelle fois pour la même infraction, constitue un empêchement de procéder (ACPR/529/2014 du 13 novembre 2014 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung - Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 13 ad art. 11), sous réserve que les conditions d'une reprise de la procédure soient réalisées (art. 11 al. 2 et 323 CPP).

Une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4 CPP) et acquiert donc l'autorité de la force jugée, ce qui exclut que son bénéficiaire puisse faire l'objet d'une nouvelle poursuite à raison des mêmes faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2018 du 17 octobre 2018 consid. 4.1).

3.3. L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'elle savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur.

Sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, le juge appelé à statuer sur l'infraction de dénonciation calomnieuse est lié par l'ordonnance de non-lieu rendue au bénéfice de la personne dénoncée (ATF 72 IV 74 consid. 1). Une dénonciation pénale n'est cependant pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il s'agit d'une connaissance au sens strict. Le dol éventuel ne suffit pas (ATF
136 IV 170 consid. 2.1 et les références citées).

3.4. L'art. 138 ch. 1 CP punit du chef d'abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée.

L'art. 137 ch. 1 CP, qui lui est subsidiaire, vise celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 CP ne sont pas réalisées.

L'acte d'appropriation désigne le comportement par lequel l'auteur incorpore économiquement la chose à son propre patrimoine, soit pour la conserver ou la consommer, soit pour l'aliéner. L'auteur doit avoir la volonté de priver durablement le propriétaire de sa chose et de se l'approprier pour une certaine durée au moins. L'appropriation est illégitime dès lors qu'elle dénote un comportement contraire à la volonté du propriétaire (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 7 et 8 ad art. 137).

3.5. En l'occurrence, l'ordonnance de classement du 7 juillet 2017 portait déjà sur la non-restitution, par le mis en cause, des bijoux en sa possession. Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne fait nul doute qu'à cette date, sa mission, consistant à dresser un inventaire de certains biens dépendant de la succession de feu D______, avait pris fin, ce dont témoigne l'envoi de sa facture et le fait qu'il n'a, depuis lors, accompli aucun acte particulier en faveur de l'hoirie. Il n'existe ainsi aucun élément nouveau, ne ressortant pas du dossier antérieur, qui pourrait justifier une reprise de la procédure en application de l'art. 323 al. 1 CP.

À cela s'ajoute le fait que, si, en qualité d'héritière, la recourante dispose de la qualité pour déposer plainte (cf. ATF 141 IV 380 précité, consid. 2.3.3), elle ne démontre pas pour autant être habilité à agir seule en restitution des biens confiés à l'huissier de justice. Elle ne prétend pas non plus disposer d'un droit propre sur les bijoux en vertu d'un partage de la succession, ni agir au nom des héritiers, dont rien n'indique que le conflit aigu de succession qui les opposait serait réglé. Compte tenu de ces incertitudes, de l'injonction de la police - non remise en cause - de ne pas s'en séparer et de l'absence de requête formelle émanant d'une personne dûment autorisée, l'on ne saurait donc critiquer le fait que le mis en cause n'ait, à ce jour, pas restitué les bijoux en sa possession, dont rien n'indique pour le surplus qu'il aurait, à un quelconque moment, eu l'intention de les intégrer à son patrimoine.

Le classement de la plainte de la recourante, en ce qui concerne les infractions contre le patrimoine qu'elle reproche au mis en cause, est donc fondé.

3.6. La recourante critique également l'ordonnance querellée en ce qu'elle concerne le classement de ses plaintes pour dénonciation calomnieuse.

Le seul fait que les plaintes du mis en cause contre elle aient été classées ne suffit toutefois pas à retenir qu'elle était innocente des infractions qu'il lui reprochait. Les comportements prêtés à la recourante - soit le dépôt de plaintes pénales, la dénonciation auprès de la Commission de surveillance des huissiers judiciaires, le caractère attentatoire des propos utilisés à diverses occasions et le dépôt de réquisition de poursuites mentionnant en particulier la commission d'actes illicites et l'existence de "bijoux subtilisés C______" - sont en effet établis. Que le Ministère public ait invoqué la prescription pour ne pas poursuivre certains d'entre eux, ou n'ait pas partagé l'appréciation juridique du mis en cause - notamment s'agissant de l'infraction de contrainte liée à la notification des commandements de payer - ne signifie pas pour autant que ce dernier connaissait l'innocence de la recourante. Ce constat vaut d'autant plus que cette dernière s'est montrée particulièrement virulente à son endroit, en multipliant les démarches et les plaintes et en privilégiant les voies conflictuelles plutôt qu'amiables, ainsi qu'en témoigne son choix de recourir à la procédure de la poursuite pour dette en vue d'une éventuelle interruption de la prescription, sans avoir cherché au préalable et en temps utile à obtenir du mis en cause une renonciation à s'en prévaloir.

Faute de soupçons suffisants de la réalisation de l'infraction de dénonciation calomnieuse, un classement était, ici également, fondé.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Me B______, conseil de la recourante, a déposé un état de frais correspondant à
6 heures 30 d'activité pour la procédure de recours.

La défense d'office ordonnée en date du 7 novembre 2018 était toutefois fondée sur l'art. 132 al. 1 let. b et al. 2 et 3 CPP et a été octroyée à la recourante dans la procédure P/10759/2017 en sa qualité de prévenue. Elle ne s'étend dès lors pas à la prise en charge de ses frais d'avocat comme partie plaignante.

Dans la mesure où elle succombe, la recourante ne peut pas non plus prétendre à une indemnisation sur la base de l'art. 433 CPP.

Ses prétentions à ce titre, de même que celles de son conseil, seront dès lors rejetées.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Refuse d'indemniser Me B______, avocat d'office de A______, pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

 

Le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office et du conseil juridique gratuit contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 135 al. 3 let. a cum 138 al. 1 CPP et 37 al. 1 LOAP).

 

Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.

P/10759/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00