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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15620/2018

ACPR/265/2021 du 23.04.2021 sur OTDP/1970/2020 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉCISION JUDICIAIRE ULTÉRIEURE INDÉPENDANTE;RÉPARTITION DES FRAIS;INTERPRÉTATION(PROCÉDURE);DÉPENS;OMISSION;VOIE DE DROIT
Normes : CPP.83; CPP.433; CPP.363

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15620/2018 ACPR/265/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 23 avril 2021

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me E______, avocat, ______, Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 5 octobre 2020 par le Tribunal de police,

 

et

B______, domiciliée ______[GE], comparant par Me C______, avocate, ______, Genève,

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 14 octobre 2020, A______ recourt contre l'ordonnance complémentaire du 5 octobre 2020, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Tribunal de police l'a condamné à verser à B______ CHF 4'618.20 à titre de frais de défense par-devant cette juridiction.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Les 9 mai et 20 novembre 2018, B______ a déposé plainte pénale contre A______ pour injures (art. 177 CP) et utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP).

b.             Entendu par la police, A______ a, en substance, contesté ces accusations et s'est refusé à tout commentaire.

c.              Par ordonnance pénale du 27 mai 2019, le Ministère public a tenu les faits pour établis et déclaré A______ coupable d'injure (art. 177 CP) et d'utilisation abusive d'une installation de communication (art. 179septies CP), le condamnant aux peines de droit. Les frais de la procédure ont été mis à la charge de A______, et B______ a été renvoyée à agir par la voie civile pour ses éventuelles prétentions civiles.

d.             Le 6 juin 2019, A______ a formé opposition.

e.              Entendus le 28 août 2019 par le Ministère public, B______ a confirmé ses plaintes, ainsi que son intention de participer à la procédure pénale comme partie plaignante au pénal et au civil, et A______ a partiellement reconnu les faits.

f.              La cause a été transmise au Tribunal de police.

g.             À l'audience du 1er octobre 2020, A______ a retiré son opposition.

B______ a déposé des conclusions civiles tendant à la condamnation de A______ à lui verser CHF 1'000.-, avec intérêts, à titre de réparation de son tort moral et CHF 4'618.20 pour ses frais d'avocat, à augmenter de la durée de l'audience du jour.

À teneur de procès-verbal, ces conclusions ont été déposées avant l'interrogatoire du prévenu.

h.             L'état de frais se décompose comme suit, notamment :

·           Août 2019 : 23 - préparation et entretien avec Madame B______ (1.50) ; 28 - audience par-devant le Ministère public et entretien avec Madame B______ (1.60) et courriers à Monsieur A______ et à Madame B______ (0.20) ; 30 - examen de l'ordonnance pénale (sur opposition) et e-mail à Madame B______ (0.10) ;

·           Janvier 2020 : 23 - courrier à Madame B______ (0.10) ;

·           Février 2020 : 14 - rédaction des réquisitions de preuves, courriers à Madame B______, à Monsieur A______ et au Ministère public (0.50) ; 19 - courrier à Madame B______ (0.10) ; 28 - e-mail à Madame B______ (0.10) ;

·         Août 2020 : 14 - e-mail à Madame B______ (0.30) ;

·         Septembre 2020 : 3 - Courrier à Madame B______, au Tribunal pénal et au Ministère public (0.20) ; 30 - rédaction de conclusions civiles (1.0) et préparation de l'audience par-devant le Tribunal de police (3.0) ;

·         Octobre 2020 : 1 - entretien avec Madame B______ (1.0) et audience par-devant le Tribunal de police (à déterminer) ;

·         Honoraires tarif chef d'Étude à CHF 400.-/heure (7.3) : CHF 2'920.- ;

·         Honoraires tarif stagiaire à CHF 180.-/heure (7.6) : CHF 1'368.- ;

·         TVA 7.7% sur CHF 4'288.- : CHF 330.20 ;

·         D______ : CHF 4'618.20. "

i.               Par ordonnance rendue sur le siège et notifiée sur-le-champ, le Tribunal de police a pris acte du retrait de l'opposition, a dit que l'ordonnance pénale était assimilée à un jugement entré en force et a mis les frais de la procédure à la charge de A______. La question des conclusions civiles n'est pas abordée.

j.               Le même jour, B______ a sollicité du Tribunal de police une ordonnance complémentaire condamnant A______ à lui verser CHF 4'618.20 à titre d'honoraires d'avocats, relevant avoir fait valoir de telles conclusions avant le retrait de l'opposition. Ni le tort moral ni le temps passé à l'audience du matin ne sont plus réclamés.

C. Par l'ordonnance attaquée, le Tribunal de police a fait droit à la demande, expliquant avoir omis de statuer sur ce point par inadvertance.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Tribunal de police une violation du principe de l'unité du jugement pénal. B______ n'avait pas fait valoir de prétention au titre de l'art. 433 CPP par-devant le Ministère public, et aucun montant ne lui avait été alloué à ce titre. Elle n'avait pas non plus fait opposition à l'ordonnance pénale, alors qu'il lui eût appartenu de le faire, si elle considérait que le Ministère public lui avait refusé, à tort, totalement ou partiellement, une indemnité. Compte tenu du retrait de l'opposition, l'ordonnance pénale revêtait le caractère d'un jugement définitif et exécutoire, y compris sur la question de l'indemnisation de la partie plaignante, qui avait été renvoyée à agir par la voie civile. Ainsi, B______ était forclose à solliciter une indemnité par-devant le Tribunal de police. Elle ne pouvait pas non plus solliciter le maintien de la procédure devant le Tribunal de police uniquement sur la question de l'indemnisation, faute d'avoir fait elle-même opposition. Il ne ressortait, d'ailleurs, pas du procès-verbal d'audience qu'elle eût sollicité la continuation du procès sur cet aspect.

Si, par impossible, B______ était en droit d'émettre des prétentions civiles, le Tribunal de police avait violé le devoir de motivation et le droit d'être entendu, pour n'avoir pas donné au prévenu l'occasion de s'exprimer sur ce point ni avoir analysé si le montant réclamé, alloué tel quel, était adéquat.

En tout état, compte tenu de l'entrée en force de l'ordonnance pénale, et conformément au principe de l'unité de jugement, l'indemnité devait se limiter à la procédure devant le Tribunal de police. Vu le retrait de l'opposition, d'entrée de cause, l'indemnité de B______ se monterait ainsi à CHF 60.- (CHF 180.-/h., tarif avocat-stagiaire), correspondant aux 20 minutes qu'avait duré l'audience.

S'il fallait entrer en matière sur l'intégralité de l'activité déployée par les conseils de B______, le temps facturé était largement exagéré (notamment la part consacrée aux entretiens et à la rédaction de la plainte pénale, à la préparation de l'audience et à la rédaction des conclusions civiles), car la cause était peu complexe. Il convenait de retenir ex aequo et bono 6 heures d'activité (entretiens avec la cliente : 1h30 ; rédaction de la plainte pénale : 1h45 ; audience Ministère public : 1h ; conclusions civiles : 20 minutes ; préparation de l'audience « pénale » : 45 minutes ; courriers / divers : 40 minutes), à répartir par moitié entre l'activité de l'avocate stagiaire (CHF 180.-/h.) et celle du chef d'Étude (CHF 400.-/h.), soit CHF 1'200.-.

b. Le Tribunal de police n'a pas formulé d'observations, se référant intégralement à la décision rendue.

c. B______ conclut au rejet du recours. Le Tribunal de police était habilité, voire obligé, à compléter le jugement rendu, dans la mesure où celui-ci était manifestement incomplet, au sens de l'art. 83 al. 1 CPP.

En outre, elle était en droit de formuler des prétentions civiles, conformément à l'art. 433 al. 1 CPP, applicable par-devant le Tribunal de police, ce d'autant qu'elle avait sollicité son indemnisation en début d'audience. Le retrait, ultérieur, de l'opposition signifiait que A______ avait succombé. C'était donc à juste titre que le Tribunal l'avait condamné à lui verser l'indemnité sollicitée, puisque les frais de la procédure avaient été mis à sa charge.

A______ n'avait pas critiqué les montants réclamés, autrement dit les avait acceptés. En tout état, son droit d'être entendu avait été réparé dans le cadre de la présente instance.

Les heures facturées étaient justifiées. Il n'y avait pas de raison de se limiter aux seuls honoraires de la procédure « d'appel », car le jugement était prévu « pour toute la procédure ». En outre, il avait fallu calculer les conclusions civiles et établir une note d'honoraires détaillée, afin de se conformer à l'art. 433 al. 2 CPP. La préparation de l'audience de jugement comprenait également une plaidoirie en lien avec les conclusions civiles.

d. Dans sa réplique, A______ expose que B______ ne s'était pas prononcée sur la fiction entraînée par le retrait de l'opposition (art. 356 al. 3 CPP), à savoir que celle-ci n'avait jamais eu lieu. Peu importait que les prétentions civiles fussent déposées avant ou après le retrait de l'opposition, sauf à entraîner une cacophonie en audience (sic).

En violation de son droit d'être entendu, il n'avait jamais eu connaissance de la demande formée par B______ après l'audience. Si tel avait été le cas, il aurait pu faire valoir auprès du Tribunal de police les arguments exposés dans le recours. En tous les cas, il n'était pas possible de considérer que son droit d'être entendu était réparé par-devant la Chambre de céans, dans la mesure où il avait été privé d'une instance judiciaire.

Les frais de procédure inutilement créés devaient être supportés par la partie qui les avait occasionnés. Ainsi, même si son droit d'être entendu devait être considéré comme respecté, il convenait de condamner l'État de Genève aux frais de la procédure (art. 436 al. 3 CPP).

e. Le Ministère public propose d'admettre le recours et d'annuler la décision attaquée. A______ n'avait pas eu l'occasion de se déterminer avant ce prononcé. Le CPP ne connaissait pas l'institution de l'ordonnance complémentaire. Si le tribunal omettait les conclusions de la partie plaignante, celle-ci devait agir par la voie du recours.

f. B______ persiste dans ses observations et rejette la position du Ministère public.

g. A______ a dupliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 18 ad art. 433) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             L'intimée réclame, non pas l'allocation de « conclusions civiles », au sens de l'art. 122 al. 1 CPP, i.e. de prétentions déduites de l'infraction, mais l'indemnisation de ses frais de défense au sens de l'art. 433 CPP, i.e. une juste indemnité - autrement dit, des dépens - pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2e éd. Bâle 2016, n. 6 ad art. 433 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 433).

3.             Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal de police explique avoir omis de se prononcer « par inadvertance » sur l'indemnité réclamée par l'intimée. Le recourant et le Ministère public lui reprochent de s'être prononcé à tort sur cette question. Le premier fait valoir l'unité du jugement pénal, et le second l'impossibilité de compléter ultérieurement une décision lacunaire.

3.1.       Dès lors qu'elle avait gain de cause sur la culpabilité du recourant par le fait même du retrait de l'opposition et qu'elle avait respecté ce qui lui incombait pour obtenir l'indemnisation de ses frais de défense en déposant une note d'honoraires de son conseil (cf. art. 433 al. 2, 1ère phrase, CPP), l'intimée pouvait légitimement penser que la question de l'indemnisation de ses frais de défense serait traitée dans l'ordonnance du 1er octobre 2020.

L'omission de statuer sur ce point ne saurait, toutefois, avoir transformé la décision postérieure du Tribunal de police, présentement querellée, en un prononcé rectificatif, au sens de l'art. 83 CPP, comme le croit l'intimée.

Le dispositif rendu le 1er octobre 2020 est clair, exempt de contradiction et complet sur les questions traitées dans les considérants, à savoir le retrait de l'opposition, l'entrée en force de l'ordonnance pénale et le sort des frais de la procédure, mis à la charge de l'opposant, comme ils devaient l'être (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. .cit., n. 14 ad art. 356). Un dispositif n'est incomplet que si, par suite d'une inadvertance, les considérants de la décision rendue n'y trouvent pas leur expression ou leur écho (cf. ATF 143 III 420 consid. 2.2 p. 423 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_15/2019 du 15 mai 2019 consid. 4). Tel n'était pas le cas, en l'espèce. Du reste, l'intimée, dans son pli du 1er octobre 2020, n'a pas demandé au tribunal de rectifier ou d'interpréter le dispositif, mais d'y ajouter une condamnation aux dépens. Elle avait parfaitement compris qu'aucune indemnité ne lui était accordée.

Le prononcé relatif aux frais et indemnités est une décision de nature matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2012 du 11 décembre 2012 consid. 5.3.1, non publié in ATF 139 IV 102). L'autorité compétente pour la rendre est liée par celle-ci après sa notification orale, respectivement écrite. Ainsi, contrairement à ce qu'avance l'intimée, le Tribunal de police ne pouvait la modifier matériellement lui-même, après avoir, comme en l'espèce, donné connaissance du dispositif sur le siège. Une modification matérielle postérieure, sous la forme d'une réévaluation ou d'un complètement, n'est pas possible. Même sous la forme d'une explication ou rectification des prononcés, au sens de l'art. 83 CPP, une décision qui repose sur une erreur de nature factuelle ou juridique lors de la prise de décision ne peut pas être corrigée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_362/2016 du 24 août 2016 consid. 2.6 ; 6B_633/2015 du 12 janvier 2016 consid. 5.3 et les références citées). La rectification d'une inadvertance n'est possible que sur des erreurs d'expression (« Fehler im Ausdruck »), mais non pas sur des points tenant à un défaut dans la formation de la volonté du tribunal (« Willensbildung ») ou dans le raisonnement de l'autorité judiciaire (ATF 142 IV 281 consid. 1.3 p. 284 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 3a ad art. 83).

3.2.       Le Tribunal de police ne pouvait pas non plus statuer sur l'indemnisation de l'intimée par le biais de la procédure des art. 363 ss. CPP. Selon la jurisprudence la plus récente, cette voie n'est pas prévue pour statuer a posteriori sur les indemnités réclamées par une partie qui ont été omises dans la décision finale (ATF 144 IV 207 consid. 1.7 p. 211 ; cf. aussi ATF 146 IV 332 consid. 1.4 p. 337).

La décision finale qui n'a pas traité de l'indemnisation d'une partie doit, au contraire, être attaquée par la voie de droit qui est ouverte contre cette décision (ATF 144 IV 207 1.7 p. 211).

En l'occurrence, cette voie était le recours, au sens de l'art. 393 al. 1 let. b CPP, de la même façon que si, après le retrait d'opposition, l'indemnité a été refusée à la partie plaignante ou si celle-ci a été (erronément) « renvoyée » à la voie civile (ACPR/492/2015 du 14 septembre 2015).

En d'autres termes, l'intimée, en constatant que le Tribunal de police, dans l'ordonnance du 1er octobre 2020, avait omis de statuer sur son indemnisation, aurait dû saisir la Chambre de céans (ATF 144 précité, consid. 1.9 p. 211), mais non se tourner vers le premier juge, à qui elle avait de toute façon déjà soumis la note de frais et honoraires de son conseil. C'est d'autant plus vrai que l'ordonnance susmentionnée indiquait correctement la voie de droit ouverte ; que les jurisprudences topiques, précitées, sont antérieures à la date de l'audience, publiées et accessibles ; et que l'intimée était assistée par avocat.

Dès lors, le Tribunal de police aurait dû considérer la lettre du 1er octobre 2020 comme un recours et la transmettre comme telle à la Chambre de céans (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1331/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.2.).

Peu importe que, dans une situation identique - mais jugée avant publication des deux arrêts susmentionnés du Tribunal fédéral -, à savoir un retrait d'opposition avec omission d'indemniser la partie plaignante, la Chambre de céans ait considéré qu'une décision complémentaire était la seule solution pour réparer une omission dans le jugement final (ACPR/94/2018 du 19 février 2018), à l'instar de ce que préconisait - alors - le Tribunal fédéral (arrêt 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.4. in fine).

4.             Le recourant se plaint de n'avoir pas eu l'occasion de s'exprimer avant que l'ordonnance querellée ne soit rendue.

4.1.       Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 170 s. ; 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 ss ; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les arrêts cités). Le droit d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (arrêt 4A_364/2015 du 13 avril 2016 consid. 2.2, non publié in ATF 142 III 355; ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a p. 51, 241 consid. 2 p. 242 et les arrêts cités).

4.2.       Le droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision soit prise s'applique sans restriction pour les questions de fait. Sa violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 p. 17; 137 I 195 consid. 2.2 p. 197). Elle peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4 p. 174 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226 et les arrêts cités). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée qui n'est pas particulièrement grave (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226). La réparation consiste donc, en principe, à renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision après avoir donné à la personne intéressée l'occasion de s'exprimer (arrêt du Tribunal fédéral 1B_85/2010 du 19 avril 2010 consid. 4.2).

4.3.       Selon le procès-verbal d'audience du 1er octobre 2020, l'intimée a déposé sa demande d'indemnisation à l'ouverture des débats par-devant le Tribunal de police.

Il ne ressort pas de ce procès-verbal que les parties présentes auraient été amenées à s'exprimer à ce sujet.

On ne saurait reprocher au recourant de n'avoir pas cherché à le faire, dès lors que c'était au tribunal, en possession des « conclusions civiles » déposées par l'intimée, de l'interpeller à ce sujet, d'autant plus qu'il est profane et comparaissait alors sans le concours d'un avocat, à la différence de l'intimée.

Que le Tribunal de police ait estimé devoir réparer par la suite l'« inadvertance » qu'il avait commise sur le siège ne le dispensait pas de recueillir préalablement l'avis du recourant avant de statuer, puisque le prononcé « complémentaire » qu'il s'apprêtait à rendre, présentement attaqué, lésait la situation juridique du recourant, rendu débiteur, en sus des frais de l'instance sur opposition, des honoraires d'avocat (des dépens) de sa partie adverse.

On ne voit pas ce que l'intimée veut tirer de l'invocation de l'art. 83 CPP dans ce contexte. Même un prononcé rectificatif, au sens de cette disposition, ne pourrait être rendu sans que les parties ne se soient préalablement exprimées (art. 83 al. 3 CPP).

La violation du droit d'être entendu est donc établie.

Le recours doit par conséquent être admis, et l'ordonnance attaquée, annulée.

5.             Cela étant, et dès lors qu'un renvoi de la cause au Tribunal de police reviendrait à susciter une nouvelle ordonnance complémentaire, i. e. à perpétuer une pratique prohibée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, la Chambre de céans statuera elle-même, en rendant une nouvelle décision sur le fond (art. 397 al. 2 CPP).

6.             À cet égard, l'intimée n'a pas formé opposition à l'ordonnance pénale du Ministère public qui ne lui accordait aucune indemnité. Or, cette voie de droit était la seule qui lui était ouverte pour faire réparer cette omission (ATF 139 IV 102 consid. 5.2 p. 109 s.). Par conséquent, seul doit être examiné si et le cas échéant à quelles conditions elle à droit à une indemnisation pour la période commençant avec le traitement de l'opposition formée par le prévenu (recourant) et se terminant par le retrait de celle-ci à l'audience tenue par le Tribunal de police le 1er octobre 2020, soit la partie de l'activité de son conseil exposée ci-dessus (let. B.h.). Comme on l'a vu (consid. 3.1. Supra), le retrait de l'opposition signifiait que l'intimée avait gain de cause.

6.1.       L'art. 433 al. 1 let. a CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause. Tel est le cas si ses prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le mis en cause est condamné. Dans cette dernière hypothèse, la partie plaignante peut être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre ainsi les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue du plaignant (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_90/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.5).

6.2.       Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 LPAv, les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client (ACPR/520/2017 du 28 juillet 2017). Sur cette base, la Cour de justice retient, en principe, un tarif horaire de CHF 400.- pour un chef d'étude, voire de CHF 450.- si le conseil calcule sa prétention à ce taux, de CHF 350.- pour un collaborateur et CHF 150.- pour un avocat stagiaire (ACPR253/2018 du 4 mai 2018 et ACPR/320/2018 du 6 juin 2018 ainsi que les références citées dans ces arrêts).

6.3.       En l'espèce, l'activité du 23 août 2019 (1 heure et demie) en vue de préparer l'audience sur opposition, du 28 août 2019, peut être admise. L'audience elle-même a duré 57 minutes (arrondies à 1 heure). La facturation ce jour-là de « 1.60 » - comprendre : 1 heure et 36 minutes - englobe l'audience elle-même et un entretien avec l'intimée ; elle n'est pas excessive. En revanche, on n'a aucune explication sur les plis envoyés le jour de l'audience au recourant et à l'intimée : la durée facturée à ce titre sera retranchée. Il en va de même de l'activité facturée le 23 janvier 2020. La rédaction « des » réquisitions de preuve du 14 (recte : 17) février 2020 sera indemnisée. Les autres correspondances du mois de février 2020 n'ont reçu aucune justification ; leur facturation sera écartée. La préparation de l'audience du 1er octobre 2020 a commencé avec le courriel du 14 août 2020 (18 minutes, admises), puisque ce message fait manifestement suite aux mandat de comparution et avis d'audience expédiés la veille par le greffe du Tribunal de police. La rédaction des demandes d'indemnité (« conclusions civiles ») sera ramenée de 1 heure à 30 minutes, pour ne comporter que les montants réclamés, sans justification factuelle ni développement juridique. La préparation de l'audience sera ramenée à 1 heure, ce qui paraît suffisant pour préparer la plaidoirie, y compris sur la question de l'indemnisation : le dossier n'est pas complexe, n'a pas évolué depuis l'ordonnance pénale et était suffisamment connu du conseil de l'intimée. Pour les mêmes raisons, l'entretien de préparation d'audience avec la cliente sera également ramené à 30 minutes. En revanche, la durée de l'audience par-devant le Tribunal de police doit être ajoutée : elle fut de 25 minutes, à teneur de procès-verbal. Il y aurait formalisme excessif à retrancher ce poste au motif qu'il n'a pas été repris dans la lettre de l'intimée au tribunal. Du reste, dans l'acte de recours, le recourant lui-même ne disconvient pas, fût-ce à titre subsidiaire, que ce poste doit être indemnisé.

Ainsi, 6 heures et 20 minutes (résultat arrondi) seront admises.

Il ressort de la note d'honoraires, du 30 septembre 2020, que le travail d'avocat s'est partagé à parts quasiment égales entre la cheffe d'étude et l'avocate stagiaire. Cela conduit à une indemnité totale de CHF 1'742.-, TVA en sus, soit 3 heures 10 minutes à CHF 400.-/h. et 3 heures 10 minutes à CHF 150.-/h.

7.             De ce qui précède, il suit que le recourant, qui voit baisser d'environ deux tiers l'indemnité mise à sa charge par le Tribunal de police, a largement gain de cause.

En revanche, l'intimée, partie plaignante, qui conclut au rejet des conclusions prises par le recourant, succombe intégralement. Elle assumera par conséquent les frais judiciaires. Ceux-ci seront fixés à CHF 1'000.-, y compris l'émolument (art. 13 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

8.             Le recourant, prévenu, demande une indemnité de CHF 1'938.60 (TVA comprise) pour la rédaction du recours, correspondant à quatre heures d'activité.

8.1. L'art. 436 al. 2 CPP stipule que, si ni un acquittement total ou partiel ni un classement de la procédure ne sont prononcés, mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, celui-ci a droit à une juste indemnité pour ses dépenses. Le dédommagement est donc alloué dans la mesure du gain dans la cause ; ainsi en va-t-il lorsque le prévenu obtient la suppression de tout ou partie des indemnités à payer (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 6 ad art. 436).

8.2. En l'espèce, le recourant réclame pour l'instance de recours l'indemnisation de quatre heures d'activité d'avocat au tarif horaire, admis par la Cour pénale, de CHF 450.-/h. Ce montant n'est pas excessif en considération des questions de procédure en jeu. Il se le verra par conséquent allouer, à la charge de l'État.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, annule l'ordonnance attaquée et fixe à CHF 1'742.- (plus TVA, 7,7%) l'indemnité due par A______ à B______ pour les frais de défense de celle-ci.

Condamne B______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 1'000.-.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'938.60 TTC, pour ses frais de défense en procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), à l'intimée (soit, pour elle, son conseil), au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/15620/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1000.00