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Décisions | Chambre civile

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C/8053/2021

ACJC/303/2022 du 07.03.2022 sur OTPI/82/2022 ( SCC ) , REJETE

Normes : CPC.265.al1
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8053/2021 ACJC/303/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 7 MARS 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Italie, requérant sur mesures superprovisionnelles, comparant par Me Nicolas JEANDIN, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, cité, comparant par Me Anath GUGGENHEIM, avocate, Guggenheim Morgado Avocats, route du Bout-du-Monde 1, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


Vu l'ordonnance OTPI/82/2022 rendue le 14 février 2022 par le Tribunal de première instance, lequel, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête de suspension provisoire de la poursuite n. 1______ en validation du séquestre n. 2______ formée par A______ (chiffre 1 du dispositif), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3);

Vu l'appel formé le 28 février 2022 par A______ contre cette ordonnance, lequel a sollicité le prononcé de mesures superprovisionnelles, concluant à ce qu'il soit immédiatement ordonné à l'Office des poursuites et faillites du Canton de Genève de n'entreprendre aucun acte d'exécution dans le cadre de la poursuite n. 1______ en validation du séquestre n. 2______ jusqu'à droit jugé sur l'appel; que sur le fond, il a conclu à l'annulation de l'ordonnance attaquée et, cela fait, au prononcé de la suspension provisoire de la poursuite susmentionnée, subsidiairement au prononcé de sa suspension à raison de tout montant excédant 2'725'340 fr. 05, avec suite de frais à la charge de sa partie adverse;

Que s'agissant de ses conclusions sur mesures superprovisionnelles, il a allégué que le séquestre n. 2______ avait été converti en saisie définitive, que B______ avait d'ores et déjà requis la vente des biens saisis et que ceux-ci avaient fait l'objet d'une expertise; que par conséquent, la réalisation des biens pourrait intervenir à brève échéance, soit avant que l'appel ne soit tranché, ce qui le viderait de sa substance et lui causerait un préjudice irréparable, voire irrémédiable, sans qu'aucune urgence ne le justifie;

Attendu, EN FAIT, qu'A______ et B______ s'opposent depuis 2007 dans plusieurs procédures, tant en France qu'en Suisse;

Que le 5 juin 2007, le Tribunal de commerce de Paris (France) a rendu un jugement ordonnant notamment l'exécution forcée de la promesse d'achat de 93'058 actions de la société C______, en mains de B______, par A______, la société D______, la société E______ et la société C______, les condamnant solidairement à payer le prix des actions, soit 2'468'828.74 euros, plus intérêts au taux légal dès le 18 novembre 2006;

Que par arrêt du 19 mai 2009, désormais définitif et exécutoire, la Cour d'appel de Paris a notamment confirmé le jugement du 5 juin 2007 du Tribunal de commerce, et a condamné solidairement A______, la société D______, la société E______ et la société C______ à acheter les 93'058 actions, propriété de B______, et à lui en payer le prix, soit 2'468'828.74 euros, avec intérêts dès le 7 janvier 2007 et condamnant solidairement A______, la société D______, la société E______ et la société C______ à payer la somme de 50'000 euros à titre de dommages et intérêts et 50'000 euros en application de l'art. 700 CPCfr.;

Que le 16 avril 2013, la Cour de cassation a rejeté l'ensemble des pourvois formés contre l'arrêt du 19 mai 2009, annulant uniquement la condamnation d'A______ et consorts au paiement de 50'000 euros de dommages et intérêts;

Qu'A______ se prévaut du fait que B______ avait l'obligation de remettre ses actions d'C______, objets de la promesse d'achat, à celui qui en paierait le prix, ce qu'il n'avait pas fait, faisant ainsi échec à l'exécution de la décision du Tribunal de commerce du 5 juin 2007;

Que selon B______, le dispositif du jugement du Tribunal de commerce du 5 juin 2007 ne prévoyait pas une exécution "trait pour trait" et ne faisait donc pas de la remise des actions une condition suspensive du paiement;

Qu'A______ se prévaut également d'une cession de la créance de B______ à une société F______ SA; qu'une procédure en exécution de ladite cession intentée par F______ SA a fait l'objet d'un jugement rendu le 24 janvier 2020, lequel a retenu qu'aucun accord sur la chose et le prix n'était intervenu entre les parties, de sorte que la société F______ SA ne pouvait solliciter la réalisation forcée de la prétendue cession de créance; que cette procédure a été portée devant la Cour d'appel de Paris, des plaidoiries ayant été fixées au 28 septembre 2021;

Que parallèlement, B______ a également agi devant les tribunaux français à l'encontre d'A______, C______ et E______, réclamant le versement d'une somme de 3'976'526.40 euros à titre de préjudice subi en tant qu'actionnaire de E______;

Que par arrêt du 24 septembre 2019, la Cour d'appel de Paris a retenu que le préjudice de B______ s'élevait à 159'552 euros;

Qu'A______ s'est pourvu en cassation, la procédure étant toujours pendante;

Que le 6 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre d'C______ et de E______;

Que B______ a produit sa créance résultant de l'arrêt du 19 mai 2009 au passif des deux sociétés;

Que des protocoles transactionnels ont été établis par le liquidateur en vue de solder les droits des créanciers et un versement a été opéré au titre de garantie, dont 1'517'596 euros reviendraient à B______;

Que toutefois, le parquet s'est opposé auxdites transactions présentées par le liquidateur judiciaire des deux sociétés;

Que le 2 mars 2021, la Cour d'appel de Paris a annulé la requête et l'ordonnance du juge commissaire autorisant le liquidateur à signer ces protocoles transactionnels;

Que le 16 septembre 2010, B______ a par ailleurs obtenu un séquestre au préjudice de la société G______ pour un montant de 15'179'894.85 euros, ramené à 1'700'000 euros par une seconde ordonnance du 8 octobre 2010, confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 8 décembre 2010;

Que par arrêt du 7 juillet 2020, la Cour d'appel de Paris a dit que les sociétés G______ et H______ étaient redevables à l'égard de B______, pris en sa qualité de créancier de la société E______, de la somme de 15'575'589.76 euros à titre de dommages-intérêts et les a condamnées à lui payer cette somme au titre de dommages et intérêts;

Qu'A______ soutient que ladite indemnité devrait remplacer la créance initiale que B______ détenait à son encontre, ainsi qu'à l'encontre des sociétés D______, C______ et E______, ce qui est contesté par B______, selon lequel le préjudice retenu par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 juillet 2020 relève d'une perte de chance de recouvrer ses créances, de sorte qu'il s'agit d'un préjudice distinct de sa créance à l'encontre d'A______ et consorts;

Que B______ a assigné la société G______ en redressement judiciaire et a produit la somme de 1'575'590 euros dans la liquidation judiciaire;

Que le 13 mars 2015, A______ a assigné B______ par-devant le Tribunal de commerce de Paris, en déchéance de sa créance et de tout droit à des intérêts;

Que par jugement du 22 janvier 2016, le Tribunal de commerce de Paris a sursis à statuer à la fois sur la compétence et sur le fond, dans l'attente du jugement en cours entre la société F______ et B______;

Que le 30 septembre 2020, A______ a assigné B______ en exécution par-devant le Tribunal judiciaire de Grasse, cette procédure étant toujours en cours;

Que le 28 octobre 2014, B______ a saisi le Tribunal de district de I______ [VS] (Valais) et, se prévalant de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 mai 2009, il a sollicité le séquestre des avoirs d'A______; Que cette requête a été admise, l'ordonnance de séquestre ayant été exécutée par les Offices des poursuites de I______ [VS] et de Genève;

Que le 12 novembre 2014, l'Office des poursuites de I______ [VS] a établi un procès-verbal de séquestre portant sur un appartement en PPE sis à J______ [VS] et du mobilier (procès-verbal de séquestre n. 3______);

Que le 2 janvier 2015, l'Office des poursuites de Genève a établi un procès-verbal de séquestre portant sur des avoirs bancaires, un appartement en PPE et des biens mobiliers le garnissant (procès-verbal de séquestre n. 2______);

Qu'afin de faire valider lesdits séquestres, B______ a fait notifier à A______, le 1er décembre 2014, un commandement de payer, poursuite n. 4______, par l'Office des poursuites de I______ [VS], ainsi qu'un commandement de payer, poursuite n. 1______, par l'Office des poursuites de Genève le 10 août 2015, lesquels ont été frappés d'opposition totale;

Que le 2 mai 2019, le juge de district de I______ [VS] a notamment prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées par A______ aux commandements de payer n. 4______ de l'Office des poursuites de I______ [VS] et n. 1______ de l'Office des poursuites de Genève, à concurrence de 4'532'019 fr. 45;

Que cette décision a été confirmée par jugement du 12 mars 2020 de la Chambre civile du Tribunal cantonal du Valais, puis par arrêt du Tribunal fédéral 5A_276/2020 du 19 août 2020;

Qu'à la suite du prononcé de cet arrêt, les séquestres ont été convertis en saisies définitives;

Que par action déposée au greffe du Tribunal de première instance le 29 avril 2021, A______ a conclu à l'annulation de la poursuite n. 1______ en validation du séquestre n. 2______, assortie d'une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles;

Qu'il a conclu à ce que le Tribunal prononce la suspension provisoire de la poursuite n. 1______ de l'Office des poursuites de Genève en validation du séquestre n. 2______; que sur le fond, il a conclu à ce que le Tribunal constate que la créance objet de la poursuite et du séquestre précités n'existait pas, qu'il annule la poursuite et ordonne la levée du séquestre;

Qu'A______ a notamment fait valoir le fait que la créance de B______ à son encontre n'existait plus, car celui-ci avait été indemnisé pour la perte de chance de recouvrer cette créance par arrêt du 7 juillet 2020 de la Cour d'appel de Paris; qu'il n'avait en outre pas droit à des intérêts car, comme l'avait retenu la Cour d'appel, il s'était volontairement abstenu de tout acte d'exécution sur le patrimoine de la société E______; que de surcroît B______ n'était plus titulaire de la créance litigieuse, car il l'avait cédée à F______ SA; que la créance n'était pas exigible, puisque B______ n'avait jamais offert de lui remettre les actions en échange du paiement de leur prix; qu'enfin, des garanties suffisantes avaient été constituées en France, à supposer que la créance litigieuse existe encore et qu'il se justifiait d'attendre l'issue de plusieurs procédure encore en cours en France; qu'A______ a également allégué que les biens saisis appartenaient aussi à son épouse, le couple étant soumis au régime matrimonial italien de la communauté de biens;

Que la requête de mesures superprovisionnelles a été rejetée par ordonnance du 14 juin 2021;

Que le Tribunal a ensuite rendu l'ordonnance sur mesures provisionnelles attaquée;

Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel contre une ordonnance rendue sur mesures provisionnelles;

Que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Que par ailleurs et dans la mesure où l'ordonnance rendue a rejeté la requête de suspension provisoire, l'effet suspensif n'aurait aucun effet;

Que seul entre par conséquent en considération le prononcé de mesures superprovisionnelles;

Que le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire remplit les conditions suivantes: elle est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 al. 1 CPC);

Que l'action fondée sur l'art. 85a LP a une double nature; d'une part, en tant qu'action de droit matériel, elle tend à faire constater soit l'inexistence de la dette, soit l'octroi d'un sursis; d'autre part, elle produit des effets en droit des poursuites, étant donné qu'elle tend à faire annuler ou suspendre la poursuite, ce qui constitue son but principal, raison pour laquelle elle n'est ouverte que si la poursuite est pendante, à savoir jusqu'à la distribution des deniers ou l'ouverture de la faillite (ATF 132 III 89 consid. 1.1; 127 III 41 consid. 4a; 125 III 149 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5P.337/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4, publié in Pra 2007 (59) p. 393; 5C.11/2001 du 30 mai 2001 consid. 2a);

Que pour que la suspension provisoire puisse être ordonnée, il faut dès lors que le fondement de la demande apparaisse comme très vraisemblable; littéralement, cela signifie que le degré de preuve requis dépasse la simple vraisemblance, sans pour autant que la certitude ne soit requise (Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, 1999, n. 71 ad art. 85a LP); la demande est très vraisemblablement fondée dès que les chances de gagner le procès sont plus élevées pour le poursuivi que pour le poursuivant; une preuve stricte n'est pas exigée (Schmidt, Commentaire romand, Poursuite et faillite, n. 9 ad art. 85a LP);

Qu'en l'espèce, l'appelant a soutenu que la réalisation des biens saisis pouvait intervenir à brève échéance;

Qu'il n'a toutefois pas rendu vraisemblable cette allégation, qu'aucune pièce n'est venue soutenir, en particulier aucun document attestant du fait que la date de la vente des biens saisis aurait été fixée;

Qu'en l'état, rien ne permet par conséquent de retenir que l'appelant risquerait de subir un dommage difficilement réparable si les mesures superprovisionnelles requises n'étaient pas prononcées;

Que la nécessité de prononcer des mesures superprovisionnelles avant audition de la partie intimée n'est dès lors pas établie;

Que par ailleurs, le créancier séquestrant se fonde sur l'arrêt du 19 mai 2009 de la Cour d'appel de Paris, désormais définitif et exécutoire;

Que certes, des procédures postérieures à cet arrêt opposent encore les parties et certaines sociétés dans lesquelles elles avaient des intérêts;

Qu'au stade des mesures superprovisionnelles, il ne saurait toutefois être retenu que le fondement de la demande apparaît comme très vraisemblable;

Qu'au vu de ce qui précède, la requête de mesures superprovisionnelles sera rejetée;

Qu'il sera statué sur les frais relatifs à la présente décision dans le cadre de l'arrêt au fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles:

Rejette la requête de mesures superprovisionnelles formée par A______ le 28 février 2022.

Renvoie la question des frais judiciaires à l'arrêt au fond.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2013 du 1er février 2013 consid. 1.2).