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Décisions | Chambre civile

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C/5437/2008

ACJC/1474/2008 (3) du 05.12.2008 sur JTPI/8238/2008 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; POURSUITE POUR DETTES ; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE ; TYPE DE PROCÉDURE ; DÉLAI DE RECOURS
Normes : LP.85a.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5437/2008 ACJC/1474/2008

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile
statuant par voie de procédure ordinaire

Audience du vendredi 5 DECEMBRE 2008

 

Entre

A______SA, sise ______ en Suisse, appelante d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 juin 2008, comparant par Me Gérard Brunner, avocat, 4, rue de l'Athénée, case postale 330, 1211 Genève 12, en l’étude duquel elle fait élection de domicile,

et

H______, domiciliée ______ à Genève, comparant par Me Claude Aberlé, avocat, 32, route de Malagnou, 1208 Genève, en l’étude duquel elle fait élection de domicile,

 

 

 

 


EN FAIT

Par jugement du 16 juin 2008, notifié une première fois aux parties le 17 juin suivant, notifié à nouveau le 2 juillet 2008 à la suite d'une rectification d'erreur matérielle, le Tribunal de première instance a admis la requête de H______ en suspension provisoire au sens de l'art 85a al. 2 LP de la poursuite no ______ diligentée à son encontre par A______SA.

Par acte déposé le 17 juillet 2008 au greffe de la Cour, A______SA appelle de ce jugement, Il conclut à son annulation, à ce que la demande déposée par H______ soit déclarée irrecevable et au déboutement de cette dernière de toutes ses conclusions.

H______ conclut à la confirmation du jugement déféré, avec suite de dépens.

EN DROIT

1. La Cour connaît en deuxième instance de tous les jugements et ordonnances rendus par le Tribunal de première instance en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, parmi lesquels figurent ceux prononcés sur la base de l'art. 85a LP (art. 19 lit. e et 23A al. 1 LALP).

Elle dispose d'un plein pouvoir d'examen, le Tribunal ayant statué en premier ressort (art. 23 LALP et art. 22 LOJ) et par voie de procédure accélérée (art. 25 ch. 1 et 85a al. 4 LP).

La recevabilité de l'appel doit être examinée d'office par le juge, alors même que la partie intimée s'abstiendrait de toute critique à ce sujet, voire conclurait à sa recevabilité (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2002, p. 261, 262, n. 2973 et 2975; Habscheid, Droit judiciaire privé suisse, 1981, p. 481, Schmidt, Le pouvoir d'examen en droit de la Cour en cas d'appel pour violation de la loi en procédure civile genevoise, in SJ 1995 p. 531).

2. 2.1. A teneur de l'art. 85a al. 1 LP, le débiteur poursuivi peut agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n’existe pas ou plus, ou qu’un sursis a été accordé.

Dans la mesure où, après avoir d’entrée de cause entendu les parties et examiné les pièces produites, le juge estime que la demande est très vraisemblablement fondée, il ordonne la suspension provisoire de la poursuite s’il s’agit d’une poursuite par voie de saisie ou en réalisation de gage, avant la réalisation ou, si celle-ci a déjà eu lieu, avant la distribution des deniers (art. 85a al. 2 ch. 1 LP) ou s’il s’agit d’une poursuite par voie de faillite, après la notification de la commination de faillite (art. 85a al. 2 ch. 2 LP).

Ainsi que la Cour a déjà eu l'occasion de statuer (ACJC/1003/2006 du 15 septembre 2006, consid. 1 et 2; ACJC/762/2006 du 23 juin 2006 consid. 1.1; ACJC/779/2005 du 16 juin 2005 consid. 1.3; ACJC/715/2005 du 10 juin 2005 consid. 3; ACJC/725/2004 du 11 juin 2004 consid. 1.3 et 1.4), les décisions rendues en application de l'art. 85a al. 2 LP, disposition qui traite de la suspension provisoire d'une poursuite intervenant dans le cadre d'une demande en annulation ou en suspension de poursuite, sont régies par les règles de la procédure accélérée à teneur de l'art. 85a al. 4 LP. Celle-ci consiste dans une procédure ordinaire, mais elle est soumise à des délais abrégés; le pouvoir de cognition du juge et les moyens de preuve ne sont en revanche pas limités (Bodmer, Commentaire bâlois, n. 27 ad art. 85a LP).

2.2. La procédure aboutissant à une suspension provisoire est de nature sommaire et elle est fondée sur une haute vraisemblance (Jaeger/Walder/Kull/-Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4e édition, n. 21 et 22 ad art. 85a LP; Bodmer, Commentaire bâlois, n. 19 ad art. 85a LP); elle donne matière à un recours selon le droit cantonal (Jaeger/Walder/Kull/-Kottmann, op. cit., n. 30 ad art. 85a LP; Bodmer, op. cit., n. 28 ad art. 85a LP). Il s'agit d'une mesure provisionnelle sur laquelle il doit être statué après audition des parties (Bodmer, op. cit., n. 20 in fine ad art. 85a LP).

2.3. La loi de procédure civile genevoise ne contient aucune disposition expresse quant à la procédure de recours à suivre dans l'hypothèse du prononcé ou du refus d'une suspension provisoire de poursuite dans le cadre de l'art. 85a LP. Cela étant, le recours à la procédure sommaire peut découler implicitement du droit fédéral lorsque celui-ci prévoit des mesures provisionnelles à l'exemple de l'art. 85a al. 2 LP. Celles-ci, de par leur nature, ne peuvent être ordonnées qu'après une instruction sommaire. Dans cette perspective, ce sont les normes cantonales d'application qui prescrivent, le cas échéant, le recours à la procédure sommaire (ATF 125 III 440 consid. 2b = JdT 1999 II 173; Bertossa/Gaillard/Guyet/-Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 2 lettre b ad art. 347 LPC). Conformément à l'art. 324 al. 1 LPC, le juge peut ordonner les mesures conservatoires ou provisionnelles prévues par les lois fédérales et cantonales; en matière de mesures provisionnelles, le délai de recours, comme en procédure sommaire (art. 354 al. 1 LPC), est de dix jours en vertu de l'art. 331 al. 2 LPC et le recours est instruit en procédure sommaire selon l'art. 331 al. 3 LPC.

Par conséquent, ainsi que l'a déjà tranché la Cour (ACJC/1003/2006 du 15 septembre 2006, consid. 1 et 2; ACJC/762/2006 du 23 juin 2006 consid. 1.1; ACJC/779/2005 du 16 juin 2005 consid. 1.3, ACJC/715/2005 du 10 juin 2005 consid. 3; ACJC/725/2004 du 11 juin 2004 consid. 1.3), il faut considérer qu'en matière de suspension provisoire d'une poursuite selon l'art. 85a al. 2 LP, les dispositions des art. 320 à 336 LPC relatifs aux mesures provisionnelles sont applicables et que le délai de recours est de dix jours, l'art. 331 al. 2 LPC étant donc à prendre en considération, solution que la Cour avait déjà laissé entrevoir dans l'arrêt qu'elle a rendu le 5 juin 2003 dans la cause C/28588/2002 (ACJC/622/2003 du 5 juin 2003). Une autre approche se justifie d'autant moins que l'art. 25 ch. 1 LP prévoit que les actions soumises à la procédure accélérée doivent être jugées dans les six mois dès leur introduction en justice (Engler, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 25 LP), et qu'un délai de recours supérieur à dix jours sur suspension provisoire ne respecterait pas cet impératif.

A teneur de l'art. 320 al. 2 LPC, une demande de mesures provisionnelles se rapportant à une instance déjà introduite, ce que requiert justement l'art. 85a al. 2 LP, est soumise au juge devant lequel la cause est pendante, en l'occurrence le Tribunal de première instance, et qui statue indépendamment du fond (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 19 ad art. 320 LPC). Il en découle, ainsi que l'a jugé précédemment la Cour (ACJC/1003/2006 du 15 septembre 2006, consid. 1 et 2; ACJC/779/2005 du 16 juin 2005, consid. 1.4, ACJC/725/2004 du 11 juin 2004, consid. 1.3 et 1.4, ACJC/725/2004 du 11 juin 2004, consid. 1.4), qu'il s'agit bien d'une procédure distincte de celle pendante au fond et que le délai de recours sur suspension provisoire de la poursuite ne peut être celui de trente jours prévu par l'art. 344 al. 1 LPC et concernant la procédure accélérée.

2.4. Le droit d'être entendu confère aux parties le droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision soit prise. Cette règle s'applique sans restriction pour les questions de fait. En revanche, pour ce qui est de l'application du droit, le juge n'est, en principe, pas lié par les moyens développés par les parties. Il peut ainsi appliquer le droit d'office, sans avoir à attirer préalablement l'attention des parties sur l'existence de tel ou tel problème de droit. La jurisprudence aménage cependant une exception à ce principe lorsque le juge a l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et dont celles-ci ne pouvaient pas raisonnablement prévoir la prise en compte, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (ATF 130 III 35 consid. 5 = SJ 2004 I 217 consid. 5; ATF 129 II 497 consid. 2.2; 124 I 49 consid. 3c).

En l'espèce, les hypothèses susmentionnées ne sont pas réalisées car la présente décision, relative à un délai d'appel, ne fait que se référer à des principes généraux censés être connus des praticiens.

En conséquence, il n'y a pas lieu de remettre la cause à plaider sur la recevabilité de l'appel.

2.5. Le délai pour recourir en matière de suspension provisoire de la poursuite est donc de dix jours dès la notification de la décision. Le délai fixé par jours ne comprend pas celui à partir duquel il court et lorsque le délai vient à échéance un samedi, il expire le premier jour utile (art. 29 al. 1 et 2 LPC).

En l'espèce, le jugement entrepris a été notifié pour la dernière fois à l'appelante le 2 juillet 2008. Ainsi, le délai de recours échoit le samedi 12 juillet 2008, de sorte qu'il expire le lundi 14 juillet 2008.

Déposé le 17 juillet 2008, le recours est manifestement tardif et, partant, sera déclaré irrecevable.

3. L'appelante, qui succombe, sera condamnée en tous les dépens de deuxième instance, qui comprennent une indemnité de procédure valant participation aux honoraires d'avocat de l'intimée (art. 176 al. 1 et 181 LPC).

4. La valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Déclare irrecevable le recours interjeté par A______SA contre le jugement JTPI/8238/2008 rendu le 16 juin 2008 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5437/2008-4.

Condamne A______SA en tous les dépens de recours qui comprennent une indemnité de procédure de 300 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de H______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Louis PEILA, président; Monsieur Christian MURBACH, Madame Florence KRAUSKOPF, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

Le président :

Louis PEILA

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.